58 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE PRÉSIDENCE DE M. DAUCI1Y. Séa,7ice du mercredi 8 juin 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du malin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de lundi au matin, qui est adopté. M. Chrislin. Je demande que le comité de révision soit chargé de rendre compte lundi prochain de l’état où se trouve son travail. (Cette motion est décrétée.) M. Treilhard. Je demande que le comité de Constitution soit tenu de présenter incessamment, à l’Assemblée, un projet de décret sur V incompatibilité qu’il peut y avoir entre plusieurs fonctions pub'iques; il est urgent que l’Assemblée prononce à cet égard. (L’Assemblée, consultée, décrète que le comité de Constitution lui présentera ses vues sur cet objet lundi prochain.) M. Treilliard. J’observe, à cette occasion, que les électeurs du département de Paris s’assemblent aujourd’hui pour nommer des juges de district et le president du tribunal criminel. Or, il y a incompatibilité palpable entre les places de président du tribunal criminel et de juge de district. Je propose donc à l’Assemblée de décréter à l’instant même, et sans attendre le travail du comité de Constitution, qu’il y a incompatibilité entre ces deux fonctions. M. Pison du Galand. Je demande que la même incompatibilité soit décrétée entre les fonctions de greffiers des tribunaux criminel et de district. (L’Assemblée, consultée, décrète l’incompatibilité entre les fonctions de président du tribunal criminel et de juge de district et entre celles de greffier de ces deux tribunaux.) M. Bouche. Il est une question relative à la matière que vous traitez dans ce moment et qui est très urgente aussi : c’est de savoir si les juges, les commissaires du roi, les évêques, les curés nouvellement élus peuvent, assister dans les assemblées primaires pour voter quoiqu’ils n’aient pas l’année de domicile que vous avez décrétée. Il est urgent d’aplanir toutes les difficultés qui pourraient retarder les travaux auxquels les assemblées primaires vont se livrer, et de lever des doutes qui pourraient faire errer leurs choix. Elles pourraient en effet douter si elles doivent regarder comme citoyens actifs, si elles peuvent admettre au nombre "des électeurs ou même regarder comme éligibles à la prochaine législature, les citoyens estimable? qui où été appelés récemment à exercer des places d’administrateurs, ou à posséder des cures ou des évêchés hors le lieu de leur ancienne résidence. Il faut lever les doutes à cet égard, et ne pas laisser faim sur les administrateurs et sur les [8 juin 1791. J fonctionnaires publics ecclésiastiques, l’application strh te du décret qui exige, pour l’exercice des droits de citoyen actif, le domicile de fait pendant une année. Userait ridicule de prétendre que l’estime publique qui a transféré ces bons citoyens d’un lieu dans un autre fût cause qu’on ne les choisit nulle part. Je demande donc que tout fonctionnaire public jouisse des d roi ts de citoyen actif dans le lieu où il exerce ses fonctions, encore qu’il n’y ait pas l’année de domicile exigée par la loi. M. de Folleville. Qu’il me soit permis d’opposer la froide et paisible lenteur des pays froids, à la trop impétueuse activiié des pays méridionaux. (Murmures.) A gauche : Vous êtes un mauvais persifleur! M. de Folleville. La question qui vous est soumise est constitutionnelle et peut être délibérée ex abrupto ; il faut au moins que le comité de Constitution soit entendu. Je demande que la motion de M. Bouche lui soit renvoyée. M. d’André. Parmi les habitants des provinces septentrionales, il en est qui ont la réputation d’être aussi vifs que ceux des pays méridionaux et peut-être le préopinant est-il de ces pays-là; mais nous venons au fait. Les fonctionnaires publics doivent-ils avoir, pour être élus, le domicile d’un an qui est le domicile de fait que vous exigez? Je maintiens qu’il faut décider cette question, parce que vous avez indiqué les assemblées primaires pour le 12 de ce mois-ci, et que si vous renvoyez à samedi qui sera le 10, il est absolument impossible que votre décret parvienne, et même en rendant un décret aujourd’hui, il est impossible qu’il parvienne partout. Il faut commencer par savoir si nous po avons discuter aujourd’hui avec le même sang-froid que nous discuterons samedi. S’il est convenu que nous pouvons délibérer aujourd’hui aussi froidement que samedi, il s’ensuit que nous devons décider aujourd’hui, parce que le bien public exige que nous décidions aujourd’hui. Quant aux principes, vous avez voulu qu’un seul individu ne pût être éligible, ou électeur ou citoyen actif, qu’après avoir un domicile suffisamment abe-lé pur un an d’habitation dans le pays ; mais ce principe ne peut nullement s’appliquer à l’hypothèse dont parle M. B-mche, puisque, en effet, un homme qui est fonctionnaire public n’est pas toujours domicilié dans le district. Ainsi, la difficulté se réduit à savoir si un homme qui n’était pas domicilié précisément dans un canton, ne pourra pas assister aux assemblées primaires de ce canton. Tous les Français ne faisant plus qu’une seule famille, tous les Français étant tous citoyens du même Émpire, il s’ensuit que pourvu qu’on prouve qu’on est citoyen Français, qu’on est bien domicilié e > France, qu’on en paye les impôts, et qu’on a toutes les qualités requises par les décrets, on doit être citoyen actif et éligible dans l’endroit où l’on se trouve. D’après cela, je conclus à ce que tous les fonctionnaires publics soient toujours actifs dans le lieu du domicile où leurs fondions les appellent. Il) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. de Folleville. J’insiste davantage sur le [8 juin 1791.] 59 archives parlementaires. [Assemblée nationale.] renvoi, d’après ce que M. d’André vous a dit. IL a dit que tout Français avait uu domicile partout. Voix diverses : Ali ! Ah ! Il n’a pas dit cela ! M. d’André. On donne beaucoup de latitude à une expression. J’ai dit qu’un homme qui avait été élu, ou administrateur, ou fonctionnaire public, avait son domicile dans l’endroit où son droit d habitant tt de citoyen avait été reconnu par les électeurs qui l'ont nommé. M. de Folleville. Si M. d’André fait une dérogation seulement pour les fonciioonaires publics, comme c’est une translation de domicile autorisée par la loi, je ne m’y oppose plus. M. Bouche. Voici ma motion : « L’Assemblée nationale décrète que tous fonctionnaires publics jouiront des droits de citoyen actif dans les lieux où ils exercent leurs fonctions, encore qu’ils n’y eussent pas l’année de domicile exigée par la loi. » (Ce décret "est adopté.) M. l’abbé Papia, au nom des commissaires des assignats. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que Mme La Garde nous a envoyé hier 52 rames de pa ier qui ont été livrées à l’imprimeur des assignats de 5 livres. Il faut que ce papier reste à l’eau au moins pendant un jour, parce qu’ l est extrêmement fort : on travaillera à deux presses après-demain-, chaque presse fera 10,000 feuilles par jour, en sorte qu’il y a tout lieu d’espérer que d’ici à la Fête-Dieu, il pourra être mis en circulation environ 500,000 assignats de 5 livres, ce qui égalé 2,500,000 livres. M. Le Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, j’ai l’honneur de vous rappeler que le ministre de la justice a écrit une lettre à l’As-embiée et que cette lettre portait sur les difiicultés qui surviennent à raison du choix des commissaires du roi près les tribunaux de district , et de la validité de leur nomination. Voici les articles que nous vous proposons pour lever les difiicultés : « Art. 1er. Les décisions qui seront portées ou qui auraient déjà pu l’être par les tribunaux de district, sur la validité de la nomination des Commissaires du roi, pourront être attaquées au tribunal de cassation, soit par eux, s’ils se prétendent injustement exclus, soit par le commissaire du rot auprès du tribunal de cassation, s’il pense qu’ils ont été mal à propos admis. « Ait. 2. En cas de partage des voix dans les tribunaux de district tsur l’admission ou rejet des commissaires du roi, le premier, ou à son défaut le second des suppléants, sera appelé pour faire cesser le partage, sauf le recours au tribunal de cassation con'ie la décision qui sera portée. « Art. 3. Les jugements du tribunal de cassation porteront dans ce cas sur la forme et sur le fond; ils seront en dernier ressort sur la validité ou invalidité de la nomination d s commissaires du roi, et les tribunaux seront tenus de les exécuter. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. de Folleville. Il me semble qu’en adoptant l’article 1er du décret qui vous est présenté, il faut déclarer qu’il est dérogatoire à des dispositions précédentes ; car je me rappelle que, quand vous for liâtes l’ordre judiciaire, on voulait que les débats qui surviendraient entre les commissaires du roi et les tribunaux auxquels ils sont attachés, fussent portés à la Cour de cassation; il en a été décrété autrement. M. Fe Chapelier, rapporteur. On proposait alors de soumettre ia prisé à partie du commissaire du roi au jug ment du tribunal de cassation, et l’on a dit que la prise à partie semât jugée comme la prise à partie d’un simple juge ; vous voyez bien que cela est séparé de la question de savoir si le commissaire du roi est bien ou mal choisi. 11 s’agit ici de son incapacité ou de sa capacité. M. Fanjuinais. Je demande que le ministre de la justice puisse charger, dans l’arro -dis-e-ment du district où le commis-aire du roi a été attaqué, tel autre commissaire qui lui plaira pour requérir la peine de la sentence ou du jugement rendu. M. Fermier. La proposition de M. Lanjuinais tend à former des tribunaux d’exception. Je vote pour la disposition du comité. M. Moreau. A peine la Gourde cassation est-elle formée que je vois déjà germer en elle cet esprit d’ambition, ce désir d’accroissement de pouvoir qui est la perte de toute institution. On ne vous propose pas de porter l’appel du jugement qui a jugé capable te commissaire du roi devant les tribunaux d’arrondissement, mais on vou-propose de porter ces appels directement à la cour de cassation. On vous propose donc de faire de cette cour une cour d’appel directe, de lui donner à juger, quant au fond, une matière infiniment intéressante, la capacité des citoyens. G’est là un premier vice. Le décret a encore un autre vice non moins essentiel. Un minisire a succédé à un autre, et il veut substituer