SÉANCE DU 29 MESSIDOR AN II (17 JUILLET 1794) Nos 58-61 249 58 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [d’OUDOT, au nom] de son comité de législation sur la pétition de Julien-Toussaint Tieugout, considérant qu’il ne s’agit que d’un réglement de juge, et qu’aux termes des lois c’est au tribunal de cassation à prononcer, renvoie le pétitionnaire à se pourvoir au tribunal de cassation » (l). 59 Le comité de législation a fait [un] ...rapport... relatif à deux pétitions de la citoyenne Jolivet, dont le mari a été condamné à douze années de fers pour avoir vendu à son profit les battans et autres ferrures des cloches de la ci-devant église connue sous le nom de Saint-Jean-de-Latran. La pétitionnaire a observé que son mari n’a vendu les objets dénoncés que dans la persuasion, qu’ils lui appartenoient comme on le lui avoit assuré ; que, gardien de choses infiniment plus précieuses, il les a fidèlement remises; que, d’ailleurs, depuis qu’il est détenu à Bicê-tre, il a découvert et dénoncé une conspiration contre la sûreté de la République; qu’il a été entendu à cet effet au comité de sûreté générale, et qu’un grand nombre de conspirateurs ont, d’après les éclaircissemens par lui donnés, porté leurs têtes criminelles sur l’échaffaud. La citoyenne Jolivet demande un allégement à la peine décernée contre son mari (2). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Oudot, au nom de] son comité de législation, renvoie les deux pétitions de la femme Jolivet au comité de sûreté générale, pour examiner l’importance des dénonciations faites par Jean-Paul Jolivet sur les complots tramés dans les maisons de Bicêtre et de la Force, et pour en faire incessamment son rapport » (3) 60 [Ruelle, organe du comité de liquidation, fait un rapport sur la liquidation des offices des notaires de la Vallée de Barcelonnette, faisant jadis partie des états où domine le tyran sarde, et aujourd’hui réunis à la république française. Le rapporteur propose de les liquider d’après les sommes versées par eux dans le trésor du despote sarde, quoiqu’ils n’ayent point rempli les conditions de la loi de 1771, et n’ayent pas payé le vingtième. Mallarmé, Cambon et Bourdon de l’Oise combattent ce projet, et demandent l’ordre du jour, motivé (l) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Oudot. Décret n°9982. Reproduit dans Mon., XXI, 247. Débats, n°665. (2) C. Univ., n° 929 ; Mess, soir, n° 697 ; J. Sablier, n° 1444. (3) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Oudot. Décret n°9985. Reproduit dans Mon., XXI, 247. sur le décret du 7 pluviôse, en faveur des titulaires peu fortunés. Thuriot et plusieurs autres appuyent le projet du comité; il est décrété en ces termes : {l )]. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Ruelle au nom de] ses comités de liquidation et des finances, sur la question proposée par le directeur -général de la liquidation, de savoir si les notaires de la vallée de Barcelonnette, dépendante autrefois de la Savoie, et réunie au territoire français par le traité de paix d’Utrecht, doivent être admis à la liquidation, dans la circonstance où ils n’ont ni évalué leurs offices ni payé de finances au trésor public de la France; « Considérant que ces offices ont été créés perpétuels, héréditaires et transmissibles, et que, lors de leur création en 1679, les premiers pourvus ont versé une finance dans les coffres du tyran sarde; Considérant que les déclarations données par le tyran des Français, en exécution du traité d’Utrecht, les 30 décembre 1714 et 28 février 1716, ont conservé les habitans de la vallée de Barcelonnette dans les privilèges dont ils jouissoient précédemment, et qui consis-toient, à l’égard des titulaires d’offices, dans l’affranchissement des droits de casualité et frais de provisions; « Considérant que les notaires de la vallée de Barcelonnette ont été, au moins tacitement, exemptés de l’évaluation prescrite par l’édit de 1771, puisque plusieurs d’entr’eux ont été pourvus postérieurement, soit comme acquéreurs, soit comme héritiers des derniers titulaires, sans payer de centième denier, et sans que l’obligation leur en ait été imposée; « Considérant enfin que les finances originairement versées par les notaires de la vallée de Barcelonnette, dans le trésor piémontais, doivent produire en liquidation le même effet que s’il en eussent fait le versement dans les trésors de la France, puisque leurs offices ont été supprimés par les lois du gouvernement français ; « Décrète que les notaires de la vallée de Barcelonnette qui ont produit leurs titres dans les formes et délais prescrits par les précédentes lois sur la liquidation de la dette publique, seront liquidés sur le pied de la finance qu’ils justifieront avoir versée dans le trésor du tyran sarde, avant leur réunion à la France » (2). 61 Barère entre dans la salle. (On applaudit). BarèRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, hier nous n’avions que peu de détails à vous (l) -J. Sablier, n° 1444; J. Fr., n°661; Ann. R.F., n° 229. (2) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Ruelle. Décret n° 9987. Reproduit dans Mon., XXI, 247; Débats, n°665; J. Paris, n° 564 ; C. Univ., n°929; J.S. Culottes, n°519; J. Perlet, n° 664 ; M.U., XLI, 474; -J. Fr., n° 661 ; J. Mont., n° 82. SÉANCE DU 29 MESSIDOR AN II (17 JUILLET 1794) Nos 58-61 249 58 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [d’OUDOT, au nom] de son comité de législation sur la pétition de Julien-Toussaint Tieugout, considérant qu’il ne s’agit que d’un réglement de juge, et qu’aux termes des lois c’est au tribunal de cassation à prononcer, renvoie le pétitionnaire à se pourvoir au tribunal de cassation » (l). 59 Le comité de législation a fait [un] ...rapport... relatif à deux pétitions de la citoyenne Jolivet, dont le mari a été condamné à douze années de fers pour avoir vendu à son profit les battans et autres ferrures des cloches de la ci-devant église connue sous le nom de Saint-Jean-de-Latran. La pétitionnaire a observé que son mari n’a vendu les objets dénoncés que dans la persuasion, qu’ils lui appartenoient comme on le lui avoit assuré ; que, gardien de choses infiniment plus précieuses, il les a fidèlement remises; que, d’ailleurs, depuis qu’il est détenu à Bicê-tre, il a découvert et dénoncé une conspiration contre la sûreté de la République; qu’il a été entendu à cet effet au comité de sûreté générale, et qu’un grand nombre de conspirateurs ont, d’après les éclaircissemens par lui donnés, porté leurs têtes criminelles sur l’échaffaud. La citoyenne Jolivet demande un allégement à la peine décernée contre son mari (2). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Oudot, au nom de] son comité de législation, renvoie les deux pétitions de la femme Jolivet au comité de sûreté générale, pour examiner l’importance des dénonciations faites par Jean-Paul Jolivet sur les complots tramés dans les maisons de Bicêtre et de la Force, et pour en faire incessamment son rapport » (3) 60 [Ruelle, organe du comité de liquidation, fait un rapport sur la liquidation des offices des notaires de la Vallée de Barcelonnette, faisant jadis partie des états où domine le tyran sarde, et aujourd’hui réunis à la république française. Le rapporteur propose de les liquider d’après les sommes versées par eux dans le trésor du despote sarde, quoiqu’ils n’ayent point rempli les conditions de la loi de 1771, et n’ayent pas payé le vingtième. Mallarmé, Cambon et Bourdon de l’Oise combattent ce projet, et demandent l’ordre du jour, motivé (l) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Oudot. Décret n°9982. Reproduit dans Mon., XXI, 247. Débats, n°665. (2) C. Univ., n° 929 ; Mess, soir, n° 697 ; J. Sablier, n° 1444. (3) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Oudot. Décret n°9985. Reproduit dans Mon., XXI, 247. sur le décret du 7 pluviôse, en faveur des titulaires peu fortunés. Thuriot et plusieurs autres appuyent le projet du comité; il est décrété en ces termes : {l )]. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Ruelle au nom de] ses comités de liquidation et des finances, sur la question proposée par le directeur -général de la liquidation, de savoir si les notaires de la vallée de Barcelonnette, dépendante autrefois de la Savoie, et réunie au territoire français par le traité de paix d’Utrecht, doivent être admis à la liquidation, dans la circonstance où ils n’ont ni évalué leurs offices ni payé de finances au trésor public de la France; « Considérant que ces offices ont été créés perpétuels, héréditaires et transmissibles, et que, lors de leur création en 1679, les premiers pourvus ont versé une finance dans les coffres du tyran sarde; Considérant que les déclarations données par le tyran des Français, en exécution du traité d’Utrecht, les 30 décembre 1714 et 28 février 1716, ont conservé les habitans de la vallée de Barcelonnette dans les privilèges dont ils jouissoient précédemment, et qui consis-toient, à l’égard des titulaires d’offices, dans l’affranchissement des droits de casualité et frais de provisions; « Considérant que les notaires de la vallée de Barcelonnette ont été, au moins tacitement, exemptés de l’évaluation prescrite par l’édit de 1771, puisque plusieurs d’entr’eux ont été pourvus postérieurement, soit comme acquéreurs, soit comme héritiers des derniers titulaires, sans payer de centième denier, et sans que l’obligation leur en ait été imposée; « Considérant enfin que les finances originairement versées par les notaires de la vallée de Barcelonnette, dans le trésor piémontais, doivent produire en liquidation le même effet que s’il en eussent fait le versement dans les trésors de la France, puisque leurs offices ont été supprimés par les lois du gouvernement français ; « Décrète que les notaires de la vallée de Barcelonnette qui ont produit leurs titres dans les formes et délais prescrits par les précédentes lois sur la liquidation de la dette publique, seront liquidés sur le pied de la finance qu’ils justifieront avoir versée dans le trésor du tyran sarde, avant leur réunion à la France » (2). 61 Barère entre dans la salle. (On applaudit). BarèRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, hier nous n’avions que peu de détails à vous (l) -J. Sablier, n° 1444; J. Fr., n°661; Ann. R.F., n° 229. (2) P.V., XLI, 316. Minute de la main de Ruelle. Décret n° 9987. Reproduit dans Mon., XXI, 247; Débats, n°665; J. Paris, n° 564 ; C. Univ., n°929; J.S. Culottes, n°519; J. Perlet, n° 664 ; M.U., XLI, 474; -J. Fr., n° 661 ; J. Mont., n° 82. 250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE donner des succès de l’armée du Rhin, et ces succès ont été à peine aperçus; mais nous trahirions la victoire, nous jetterions un voile sur la gloire de l’armée du Rhin, si nous ne vous rapportions aujourd’hui le trait remarquable du courage de ces braves républicains. Un fort était hérissé de canons et rempli de soldats prussiens; il paraissait un moyen invincible en faveur de ces esclaves qui avaient déjà résisté à un combat de trois heures. Les troupes de la république comptent pour rien d’avoir lutté contre les obstacles du sol, d’avoir gravi des montagnes, d’avoir repoussé cinq fois la cavalerie du tyran Guillaume. Les Français n’ont à opposer à la cavalerie et aux troupes à pied, au fort redoutable qui vomit la mort, et à toute cette artillerie, que des fusils et des baïonnettes; mais les baïonnettes suffisent. Ils jurent d’emporter le fort, de s’emparer des canons, et d’exterminer les canonniers. Ils marchent, ou plutôt ils volent vers ce fort, et leur serment est rempli. (Vifs applaudissements). Les canonniers sont hachés sur leurs pièces, le fort est occupé par nos braves frères d’armes et l’artillerie est en leur pouvoir. (Nouveaux applaudissements). Citoyens, ce trait nous a paru mériter d’être cité; c’est rendre justice aux soldats, c’est honorer les armées, c’est effrayer les tyrans. Que ne devons-nous pas attendre de pareils hommes ? ils réalisent pour le salut de la république ce que la Fable inventa pour étonner la postérité sur les actions de quelques hommes vulgaires. Nouveaux Prométhées, ils n’affrontent pas seulement la foudre, ils savent la dérober. [Applaudissements]. Voilà les tableaux énergiques et les actions vertueuses que nous nous plaisons à opposer à ces parades prétendues civiques, à ces associations hypocrites d’aristocrates, à ces orgies publiques, à ces banquets lascifs, qui, sans votre prévoyance, allaient devenir le scandale de la révolution et le piège honteux de la vénalité anglaise ; car vous n’apprendrez pas sans indignation qu 'avant-hier au soir, dans ces repas fraternels, des traîtres, des émissaires anglais ou autrichiens, masqués en sans-culottes, distribuaient des cartes imprimées avec ces mots : Constitution de 1789, 1790 et 1791. (il s’élève dans l’Assemblée un mouvement de surprise et d’horreur). C’est ainsi que faisaient les marchands de Toulon. Oisifs des grandes communes, corrupteurs de toutes les institutions fraternelles et patriotiques, allez étudier vos devoirs à côté des batteries enlevées par le courage républicain; ou plutôt, que n’êtes-vous tous enterrés avec les Prussiens dans cette redoute détruite ! Aujourd’hui c’est l’armée de la Moselle qui se place à l’ordre du jour par une autre victoire. Elle s’est emparée de Trippstadt; c’est en vain que l’ennemi s’était entouré d’artillerie et de bois abattus : c’est en vain qu’il est soutenu par une immense cavalerie; le pas de charge et la baïonnette ont triomphé, selon l’usage. (On applaudit). Les Prussiens avaient fait aussi le serment de vaincre, mais ils ne l’avaient promis qu’à la tyrannie. Leur serment n’a pas été écrit dans les cieux, comme ceux que nos républicains font à la liberté. (Nouveaux applaudissements). C’est à la nuit que les ennemis doivent de n’avoir pas subi le joug d’une victoire plus importante. Nos troupes se sont emparées de huit pièces de position, dont deux obusiers. La république a acquis dans cette journée des boulets, des obus, un magasin de fer, de fourrages. La lettre que je vais lire vous présentera des généraux prussiens tués ou blessés, avec un grand nombre de soldats. (On applaudit). Quant aux traits d’intrépité et d’héroïsme républicain, dont le nombre est incalculable dans cette action, les généraux annoncent qu’ils en feront le rapport à la Convention, et déjà nous avons préparé, avec le comité de la guerre, un projet de décret sur les récompenses et l’avancement à donner aux soldats qui se distinguent tous les jours en combattant les tyrans. Si la Convention punit d’une main, elle doit récompenser de l’autre. (On applaudit). Voici la lettre du représentant du peuple. [Goujon, repr. près les A. du Rhin et de la Moselle, au C. de S. P. ; Tripstat, 26 mess. II]. « Citoyens collègues, la victoire vient aussi de se déclarer pour nous dans cette armée. L’armée de la Moselle est maintenant à Trippstadt. L’ennemi s’y était entouré de redoutes, d’abattis, de canons; il était soutenu par une nombreuse cavalerie : tout a cédé au pas de charge et aux baïonnettes. (Vifs applaudissements). Nos tirailleurs chargés par la cavalerie se sont réunis aux cris de Vive la république ! et, formés en bataillon carré, ils l’ont chassée cinq fois de suite. (Nouveaux applaudissements). Les Prussiens avaient fait jurer à leurs esclaves de défendre leurs redoutes jusqu’à la mort. Les redoutes ont été enlevées, les canons pris, et les canonniers hachés sur leurs pièces. La nuit a suspendu l’action; l’ennemi en a profité pour faire sa retraite; il a perdu huit pièces de position, dont deux obusiers; il nous laisse avec cela des boulets, des obus, un magasin de fer et quelque quantité de fourrage. Il a eu un de ses généraux tué, un blessé, et a perdu beaucoup de monde. « Mon collègue Hentz, qui est à l’armée du Rhin, m’annonce qu’elle a de semblables succès. Cette armée a déjà pris six pièces de canon et un général, et tué beaucoup d’hommes. Les traits d’intrépidité et d’héroïsme républicain ont été tellement multipliés que je ne puis en particulariser aucun. Je vous adresserai les rapports des généraux dès que je les aurai. Goujon [Vifs applaudissements] BarÈRE : Je ne terminerai point ce court rapport sans vous annoncer l’exécution commencée de votre terrible décret sur les places livrées par la trahison au grand maréchal Cobourg et au duc d’York, ce fameux jockey de la cour de Georges. (On rit et on applaudit). La première place qui a frappé les regards d’une petite division de l’armée de Sambre-et-Meuse a été cernée ; c’est Landrecies, si célèbre par le courage de ses fidèles habitants, et si infâme par la lâcheté vénale de sa garnison. Landrecies, cernée dans une partie, a vu accourir sous ses murs les gardes nationales des communes d’Avesnes, de Maubeuge, et du district d’Avesnes. Les citoyens des environs ont augmenté cette affluence de guerriers qui allaient 250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE donner des succès de l’armée du Rhin, et ces succès ont été à peine aperçus; mais nous trahirions la victoire, nous jetterions un voile sur la gloire de l’armée du Rhin, si nous ne vous rapportions aujourd’hui le trait remarquable du courage de ces braves républicains. Un fort était hérissé de canons et rempli de soldats prussiens; il paraissait un moyen invincible en faveur de ces esclaves qui avaient déjà résisté à un combat de trois heures. Les troupes de la république comptent pour rien d’avoir lutté contre les obstacles du sol, d’avoir gravi des montagnes, d’avoir repoussé cinq fois la cavalerie du tyran Guillaume. Les Français n’ont à opposer à la cavalerie et aux troupes à pied, au fort redoutable qui vomit la mort, et à toute cette artillerie, que des fusils et des baïonnettes; mais les baïonnettes suffisent. Ils jurent d’emporter le fort, de s’emparer des canons, et d’exterminer les canonniers. Ils marchent, ou plutôt ils volent vers ce fort, et leur serment est rempli. (Vifs applaudissements). Les canonniers sont hachés sur leurs pièces, le fort est occupé par nos braves frères d’armes et l’artillerie est en leur pouvoir. (Nouveaux applaudissements). Citoyens, ce trait nous a paru mériter d’être cité; c’est rendre justice aux soldats, c’est honorer les armées, c’est effrayer les tyrans. Que ne devons-nous pas attendre de pareils hommes ? ils réalisent pour le salut de la république ce que la Fable inventa pour étonner la postérité sur les actions de quelques hommes vulgaires. Nouveaux Prométhées, ils n’affrontent pas seulement la foudre, ils savent la dérober. [Applaudissements]. Voilà les tableaux énergiques et les actions vertueuses que nous nous plaisons à opposer à ces parades prétendues civiques, à ces associations hypocrites d’aristocrates, à ces orgies publiques, à ces banquets lascifs, qui, sans votre prévoyance, allaient devenir le scandale de la révolution et le piège honteux de la vénalité anglaise ; car vous n’apprendrez pas sans indignation qu 'avant-hier au soir, dans ces repas fraternels, des traîtres, des émissaires anglais ou autrichiens, masqués en sans-culottes, distribuaient des cartes imprimées avec ces mots : Constitution de 1789, 1790 et 1791. (il s’élève dans l’Assemblée un mouvement de surprise et d’horreur). C’est ainsi que faisaient les marchands de Toulon. Oisifs des grandes communes, corrupteurs de toutes les institutions fraternelles et patriotiques, allez étudier vos devoirs à côté des batteries enlevées par le courage républicain; ou plutôt, que n’êtes-vous tous enterrés avec les Prussiens dans cette redoute détruite ! Aujourd’hui c’est l’armée de la Moselle qui se place à l’ordre du jour par une autre victoire. Elle s’est emparée de Trippstadt; c’est en vain que l’ennemi s’était entouré d’artillerie et de bois abattus : c’est en vain qu’il est soutenu par une immense cavalerie; le pas de charge et la baïonnette ont triomphé, selon l’usage. (On applaudit). Les Prussiens avaient fait aussi le serment de vaincre, mais ils ne l’avaient promis qu’à la tyrannie. Leur serment n’a pas été écrit dans les cieux, comme ceux que nos républicains font à la liberté. (Nouveaux applaudissements). C’est à la nuit que les ennemis doivent de n’avoir pas subi le joug d’une victoire plus importante. Nos troupes se sont emparées de huit pièces de position, dont deux obusiers. La république a acquis dans cette journée des boulets, des obus, un magasin de fer, de fourrages. La lettre que je vais lire vous présentera des généraux prussiens tués ou blessés, avec un grand nombre de soldats. (On applaudit). Quant aux traits d’intrépité et d’héroïsme républicain, dont le nombre est incalculable dans cette action, les généraux annoncent qu’ils en feront le rapport à la Convention, et déjà nous avons préparé, avec le comité de la guerre, un projet de décret sur les récompenses et l’avancement à donner aux soldats qui se distinguent tous les jours en combattant les tyrans. Si la Convention punit d’une main, elle doit récompenser de l’autre. (On applaudit). Voici la lettre du représentant du peuple. [Goujon, repr. près les A. du Rhin et de la Moselle, au C. de S. P. ; Tripstat, 26 mess. II]. « Citoyens collègues, la victoire vient aussi de se déclarer pour nous dans cette armée. L’armée de la Moselle est maintenant à Trippstadt. L’ennemi s’y était entouré de redoutes, d’abattis, de canons; il était soutenu par une nombreuse cavalerie : tout a cédé au pas de charge et aux baïonnettes. (Vifs applaudissements). Nos tirailleurs chargés par la cavalerie se sont réunis aux cris de Vive la république ! et, formés en bataillon carré, ils l’ont chassée cinq fois de suite. (Nouveaux applaudissements). Les Prussiens avaient fait jurer à leurs esclaves de défendre leurs redoutes jusqu’à la mort. Les redoutes ont été enlevées, les canons pris, et les canonniers hachés sur leurs pièces. La nuit a suspendu l’action; l’ennemi en a profité pour faire sa retraite; il a perdu huit pièces de position, dont deux obusiers; il nous laisse avec cela des boulets, des obus, un magasin de fer et quelque quantité de fourrage. Il a eu un de ses généraux tué, un blessé, et a perdu beaucoup de monde. « Mon collègue Hentz, qui est à l’armée du Rhin, m’annonce qu’elle a de semblables succès. Cette armée a déjà pris six pièces de canon et un général, et tué beaucoup d’hommes. Les traits d’intrépidité et d’héroïsme républicain ont été tellement multipliés que je ne puis en particulariser aucun. Je vous adresserai les rapports des généraux dès que je les aurai. Goujon [Vifs applaudissements] BarÈRE : Je ne terminerai point ce court rapport sans vous annoncer l’exécution commencée de votre terrible décret sur les places livrées par la trahison au grand maréchal Cobourg et au duc d’York, ce fameux jockey de la cour de Georges. (On rit et on applaudit). La première place qui a frappé les regards d’une petite division de l’armée de Sambre-et-Meuse a été cernée ; c’est Landrecies, si célèbre par le courage de ses fidèles habitants, et si infâme par la lâcheté vénale de sa garnison. Landrecies, cernée dans une partie, a vu accourir sous ses murs les gardes nationales des communes d’Avesnes, de Maubeuge, et du district d’Avesnes. Les citoyens des environs ont augmenté cette affluence de guerriers qui allaient SÉANCE DU 29 MESSIDOR AN II (17 JUILLET 1794) N°61 251 venger la patrie. Nous devons une mention honorable du zèle civique de tous les républicains qui environnent Landrecies. (On applaudit). Voici la lettre de l’agent national du district d’Avesnes. [L’agent nat. du distr. d’Avesnes au C. de S. P.; Avesnes, 25 mess. II] « Je dois vous instruire du dévouement unanime que viennent de montrer la garde nationale d’Avesnes et celle de Maubeuge. Une simple invitation leur a suffi pour voler au poste qui leur a été assigné sous les murs de Landrecies. Un membre de chaque autorité constituée marche à la tête, et donne, en partageant les dangers et la gloire de ses concitoyens, l’exemple du courage et de la bonne discipline. Une nation capable d’une pareille résolution anéantit les satellites des despotes, et vous en fournira incessamment une nouvelle preuve par la restitution de Landrecies, que la trahison avait livrée à l’ennemi. « Je vous prie, citoyens représentants, de faire connaitre à la Convention nationale la conduite républicaine des habitants d’Avesnes et de Maubeuge. S. et F. » Groslevin. BARÈRE poursuit : Un fait particulier, et dont le bruit retentira sous les tentes de l’Ecole de Mars, ne peut être oublié. On nous écrit que les enfants d’Avesnes s’étant formés en compagnies s’empressaient de voler à l’ennemi, et demandaient à grands cris de marcher à la tranchée avec la garde nationale. Un instant ces enfants ont été, non pas repoussés, mais éloignés des dangers trop grands pour leur âge. Cependant leur constance et les larmes de quelques-uns ont forcé tous les obstacles, et ils ont eu leur part dans les travaux militaires. (On applaudit.) Quittez donc vos brillantes cours, tyrans de l’Europe : envoyez-nous l’élite de vos machines à fusil ; faites jurer à vos esclaves de vaincre ou de mourir dans les forts et sur les batteries, et menacez la France libre du partage équitable de la Pologne, ou des guinées de Londres, ou des poignards de Vienne, et voyez quelle espèce d’hommes défend cette république si fort enviée et si fortement bloquée par des armées en déroute et par des généraux aussi habiles en retraite que les Brunswick, les Clairfayt, les Cobourg. (On rit et on applaudit.) « Landrecies, investi par les troupes de la république, a recours à la routine des capitulations; aucune ne devait être reçue; les troupes françaises répondent par le décret de la Convention, et aussitôt les soldats formidables des rois se courbent devant la volonté du peuple français. (On rit et on applaudit.) Deux mille esclaves se rendent à discrétion : la garnison est prisonnière de guerre, et Landrecies est restitué à la république. (La salle retentit des cris de vive la république ! Tous les membres se lèvent et agitent leurx chapeaux en signe d’allégresse.) Tous les bataillons se sont distingués par un travail infatigable dans les travaux de la tranchée. Nous n’avons pas à pleurer la perte d’un seul homme libre, et cette reprise d’une place livrée n’a pas coûté une seule amorce, pas un seul coup de canon. Ainsi, avec du courage, il ne faut pas même du salpêtre pour purger le sol de la république. [Gillet, repr. près VA. de Sambre-et-Meuse, au C. de S. P. ; Au quartier gal de Landrecies, 28 mess. Il] « Je vous annonçais hier, chers collègues, mon départ de l’armée pour me rendre au camp devant Landrecies. J’ai été assez heureux pour être témoin, à mon arrivée, de la reddition de la place. Le décret de la Convention nationale est exécuté; on a rejeté toute capitulation ; la garnison s’est rendue à discrétion; elle sera prisonnière de guerre; sa force est d’environ deux mille hommes. Cette importante conquête ne nous coûte pas un seul coup de canon; les travaux du siège ont été poussés avec audace. « La première parallèle était à cent cinquante toises de la place, et cette audace nous a sauvé beaucoup de monde; car l’ennemi, ne pouvant nous croire si près de lui, lors de l’ouverture de la tranchée, dirigeait tout son feu à cent toises au delà des travailleurs. Les fortifications de la place sont intactes. On s’occupe en ce moment à dresser l’état de l’artillerie, des munitions et des magasins. Je vous les adresserai demain avec la capitulation. « Le général Scherer, qui commandait en chef cette expédition, se loue beaucoup du zèle et du courage de ses frères d’armes. Les bataillons ont montré une constance infatigable dans les travaux de la tranchée. Le chef de bataillon du génie Mares-cot a déployé dans ces circonstances l’activité et les talents que vous lui connaissez, et qui seuls, assurent les succès dans les grandes entreprises. S. et F. » Gillet. BARÈRE ; Le comité a réuni les diverses pièces nécessaires pour faire un rapport sur la garnison et les citoyens de landrecies. Il est nécessaire de connaître et de punir les traîtres et les lâches qui ont livré cette place, comme il est juste de récompenser et d’honorer le zèle et le courage des habitants fidèles à la république. En attendant, le comité vous propose de donner un témoignage civique et honorable aux citoyens d’Avesnes, Maubeuge et des environs de Landrecies, qui ont secondé les mouvements de l’armée de Sambre-et-Meuse; les jeunes citoyens d’Avesnes ne seront pas oubliés dans le décret que je vais vous proposer. Barère lit un projet de décret qui est adopté en ces termes, au milieu des applaudissements (l) ; « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom] du comité de salut public, « Décrète que les gardes nationales, les en-fans d’Avesnes, et tous les citoyens, tant des communes de Maubeuge, d’Avesnes, que ceux du district d’Avesnes et des communes environnant Landrecies, qui, dans leur dévouement à la patrie, se sont présentés pour concourir aux travaux de la reprise de Landrecies, ont bien mérité de la patrie. « Le présent décret sera envoyé sur-le-champ aux communes environnant Landrecies et à toutes celles qui composent le district d’Avesnes. (l) Mon., XXI, 243-244. SÉANCE DU 29 MESSIDOR AN II (17 JUILLET 1794) N°61 251 venger la patrie. Nous devons une mention honorable du zèle civique de tous les républicains qui environnent Landrecies. (On applaudit). Voici la lettre de l’agent national du district d’Avesnes. [L’agent nat. du distr. d’Avesnes au C. de S. P.; Avesnes, 25 mess. II] « Je dois vous instruire du dévouement unanime que viennent de montrer la garde nationale d’Avesnes et celle de Maubeuge. Une simple invitation leur a suffi pour voler au poste qui leur a été assigné sous les murs de Landrecies. Un membre de chaque autorité constituée marche à la tête, et donne, en partageant les dangers et la gloire de ses concitoyens, l’exemple du courage et de la bonne discipline. Une nation capable d’une pareille résolution anéantit les satellites des despotes, et vous en fournira incessamment une nouvelle preuve par la restitution de Landrecies, que la trahison avait livrée à l’ennemi. « Je vous prie, citoyens représentants, de faire connaitre à la Convention nationale la conduite républicaine des habitants d’Avesnes et de Maubeuge. S. et F. » Groslevin. BARÈRE poursuit : Un fait particulier, et dont le bruit retentira sous les tentes de l’Ecole de Mars, ne peut être oublié. On nous écrit que les enfants d’Avesnes s’étant formés en compagnies s’empressaient de voler à l’ennemi, et demandaient à grands cris de marcher à la tranchée avec la garde nationale. Un instant ces enfants ont été, non pas repoussés, mais éloignés des dangers trop grands pour leur âge. Cependant leur constance et les larmes de quelques-uns ont forcé tous les obstacles, et ils ont eu leur part dans les travaux militaires. (On applaudit.) Quittez donc vos brillantes cours, tyrans de l’Europe : envoyez-nous l’élite de vos machines à fusil ; faites jurer à vos esclaves de vaincre ou de mourir dans les forts et sur les batteries, et menacez la France libre du partage équitable de la Pologne, ou des guinées de Londres, ou des poignards de Vienne, et voyez quelle espèce d’hommes défend cette république si fort enviée et si fortement bloquée par des armées en déroute et par des généraux aussi habiles en retraite que les Brunswick, les Clairfayt, les Cobourg. (On rit et on applaudit.) « Landrecies, investi par les troupes de la république, a recours à la routine des capitulations; aucune ne devait être reçue; les troupes françaises répondent par le décret de la Convention, et aussitôt les soldats formidables des rois se courbent devant la volonté du peuple français. (On rit et on applaudit.) Deux mille esclaves se rendent à discrétion : la garnison est prisonnière de guerre, et Landrecies est restitué à la république. (La salle retentit des cris de vive la république ! Tous les membres se lèvent et agitent leurx chapeaux en signe d’allégresse.) Tous les bataillons se sont distingués par un travail infatigable dans les travaux de la tranchée. Nous n’avons pas à pleurer la perte d’un seul homme libre, et cette reprise d’une place livrée n’a pas coûté une seule amorce, pas un seul coup de canon. Ainsi, avec du courage, il ne faut pas même du salpêtre pour purger le sol de la république. [Gillet, repr. près VA. de Sambre-et-Meuse, au C. de S. P. ; Au quartier gal de Landrecies, 28 mess. Il] « Je vous annonçais hier, chers collègues, mon départ de l’armée pour me rendre au camp devant Landrecies. J’ai été assez heureux pour être témoin, à mon arrivée, de la reddition de la place. Le décret de la Convention nationale est exécuté; on a rejeté toute capitulation ; la garnison s’est rendue à discrétion; elle sera prisonnière de guerre; sa force est d’environ deux mille hommes. Cette importante conquête ne nous coûte pas un seul coup de canon; les travaux du siège ont été poussés avec audace. « La première parallèle était à cent cinquante toises de la place, et cette audace nous a sauvé beaucoup de monde; car l’ennemi, ne pouvant nous croire si près de lui, lors de l’ouverture de la tranchée, dirigeait tout son feu à cent toises au delà des travailleurs. Les fortifications de la place sont intactes. On s’occupe en ce moment à dresser l’état de l’artillerie, des munitions et des magasins. Je vous les adresserai demain avec la capitulation. « Le général Scherer, qui commandait en chef cette expédition, se loue beaucoup du zèle et du courage de ses frères d’armes. Les bataillons ont montré une constance infatigable dans les travaux de la tranchée. Le chef de bataillon du génie Mares-cot a déployé dans ces circonstances l’activité et les talents que vous lui connaissez, et qui seuls, assurent les succès dans les grandes entreprises. S. et F. » Gillet. BARÈRE ; Le comité a réuni les diverses pièces nécessaires pour faire un rapport sur la garnison et les citoyens de landrecies. Il est nécessaire de connaître et de punir les traîtres et les lâches qui ont livré cette place, comme il est juste de récompenser et d’honorer le zèle et le courage des habitants fidèles à la république. En attendant, le comité vous propose de donner un témoignage civique et honorable aux citoyens d’Avesnes, Maubeuge et des environs de Landrecies, qui ont secondé les mouvements de l’armée de Sambre-et-Meuse; les jeunes citoyens d’Avesnes ne seront pas oubliés dans le décret que je vais vous proposer. Barère lit un projet de décret qui est adopté en ces termes, au milieu des applaudissements (l) ; « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom] du comité de salut public, « Décrète que les gardes nationales, les en-fans d’Avesnes, et tous les citoyens, tant des communes de Maubeuge, d’Avesnes, que ceux du district d’Avesnes et des communes environnant Landrecies, qui, dans leur dévouement à la patrie, se sont présentés pour concourir aux travaux de la reprise de Landrecies, ont bien mérité de la patrie. « Le présent décret sera envoyé sur-le-champ aux communes environnant Landrecies et à toutes celles qui composent le district d’Avesnes. (l) Mon., XXI, 243-244.