Séance du 22 vendémiaire an III (lundi 13 octobre 1794) Présidence de CAMBACÉRÈS 1 La séance s’ouvre, à onze heures du matin, par la lecture du procès-verbal de la séance du 13. La rédaction en est adoptée (1). 2 Un membre du comité des Dépêches donne lecture de la correspondance. Les représentans du peuple détenus à Port-Libre [ci-devant Port-Royal] écrivent à la Convention nationale, en date du 19 vendémiaire. Ils demandent que le rapport qui doit être fait sur leur compte ne soit pas plus long temps différé. Rendez-nous justice, disent-ils ; faites briller l’éclat de notre innocence. Renvoi aux comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation (2). Un secrétaire lit la lettre suivante : Les représentants du peuple détenus à Port-Libre à la Convention nationale (3). A la maison d’arrêt de Port-Libre, ce 19 vendémiaire, l’an 3e de la république française. Citoyens collègues, lorsque, du haut de cette tribune où le désir d’être encore utiles à nos concitoyens nous appelle, Cambon a proclamé les inquiétudes du premier comité de Salut public sur la journée du 31 mai, cet aveu, en retentissant jusque dans notre prison, a porté (1) P.V., XLVII, 127. (2) P.-V., XLVII, 127. Ann. Patr., n° 651; Ann. R.F., n° 22, 23 ; C. Eg. , n° 786 ; F. de la Républ. , n° 23 ; Gazette Fr. , n° 1016 ; J. Fr., n" 748; J. Mont., n° 3; J. Paris, n“ 23; Mess. Soir, n° 785, 786; M.U. XLIV, 352; Rép., n" 23. (3) Moniteur, XXII, 228. tout-à-coup la consolation dans nos coeurs. Nous n’étions donc pas les seuls, nous sommes-nous écriés, à qui les intrigues d’Hébert et de ses suppôts, les projets de Robespierre et de ses satellites, eussent inspiré des méfiances ; le comité de gouvernement les partageait avec nous. Cette protestation, qu’il assure aujourd’hui avoir déposée dans un registre, n’est pas bien différente de la déclaration que nous avons signée, puisque, dictées par le même esprit, elles ont été toutes deux ensevelies dans le plus profond secret ; et cependant quelle différence dans le sort de leurs auteurs! Plongés dans le fond des cachots, nous n’avons plus compté nos jours que par des outrages, nos nuits que par des terreurs; soumis à une municipalité conspiratrice, nous avons vu se renouveler tout ce que le régime des anciennes bastilles avait d’amer et de rebutant; et peut-être rien n’eût été capable de contenir l’indignation que nous inspiraient et la scélératesse des chefs et la bassesse de leurs agents, si nous n’avions été soutenus par le témoignage de notre conscience et par l’espoir que la vérité serait enfin connue de nos concitoyens. Et lorsque le voile qui la couvrait se déchire de toutes parts, pourrait-on essayer d’en ressaisir les lambeaux pour l’en envelopper encore ; et lorsque nos souffrances n’ont eu évidemment d’autre prétexte qu’une prévoyance justifiée par l’événement, pourrait-on être tenté de les prolonger? Et lorsque, dans l’écrit qu’on nous a reproché, nous avons, pour ainsi dire, eu pour complices la majorité du comité de Salut public, pourrait-on être tenté de nous en faire un crime? Nous ne pouvons le penser. Il est donc temps que le soupçon cesse de planer sur nos têtes, et que le rapport si longtemps attendu soit fait. Nous vous demandons justice, et nous vous la demandons pour nous qui avons besoin que notre innocence brille de tout son éclat; pour vous qui ne pouvez pas désirer qu’elle soit plus longtemps opprimée. Toujours zélés pour les intérêts de la patrie, si nous n’avons pas concouru à ses succès, nous