618 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] La communauté de Saint-Laurent en Franche-Comté consulte l’Assemblée sur des difficultés relatives à la libre circulation des subsistances. La ville de Nogent -sur-Seine demande un tribunal de district. Celle de Guines fait plusieurs demandes relatives à ses octrois. La ville de Perriers fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés* et demande que la ville de Caen soit le siège d’un tribunal supérieur. Don patriotique de 600 livres, déposé sur le bureau, présenté par un député de Dijon, au nom et de la part de la communauté de Soissons, près de Pontailier-sur-Saône. Don patriotique de MM. Constantin frères, négociants à Angers ; ils offrent un contrat constitué sur l’Etat, au principal de cinq cents livres, et d’une année d’arrérages. Offrande de 6,000 livres pour don patriotique, faite par la municipalité et communauté de Som-mevoire en Champagne, quoique le quart des revenus de cette communauté ne monte qu’à la somme de mille livres, suivant les déclarations. Adresse de félicitations et d’adhésion de la ville de Gray en Franche-Comté ; don patriotique du produit de la contribution des privilégiés, soumission à la contribution du quart des revenus, et demande d’un tribunal de justice, à l’exclusion de la ville de Ghamplite. Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Saint-Quentin. Adresse du marquis de Beauveau, qui déclare renoncer à tous les droits qu’il peut avoir à la propriété des biens de la maison des Augustin s d’Angers et les transporter en entier à la nation. L’Assemblée, sür la motion d’un honorable membre, ordonne qu’il sera fait mention particulière de ce don patriotique dans le procès-verbal. MM. Bezançon de la Percerie, Moreau Descombes et Joubleau de la Motte, députés particuliers de la ville de Villeneuve-le-Roi sur Yonne, sont admis à la barre; porteurs d’un don patriotique, ils le déposent sur le bureau, après avoir exprimé les sentiments patriotiques qui animent tous les habitants de cette ville, et leur résolution de sacrifier tous leurs fortunes au maintien de la constitution. L’Assemblée leur permet d’assister à sa séance. M. Nusse, curé, maire de Ghavignon en Sois-sonnais, député de sa paroisse, admis à la barre, fait l’offre du don patriotique du produit de l’imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, sans aucun retour, et sans préjudice de sa contribution et de celle de ses paroissiens, qui, n’ayant pas 400 livres de revenus, se proposent de faire un don à la nation, selon leurs facultés. 11 fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé: Y Ecclésiastique citoyen, sur la nécessité et les moyens de rendre les établissements, les personnes, et les biens ecclésiastiques plus utiles à l’Etat et à la religion. Il prononce le discours suivant: Messieurs, les premières villes du royaume se sont empressées de rendre leurs hommages à l’Assemblée nationale. Les habitants des campagnes, qui partagent leur zèle, espèrent que vous leur permettrez le même acte de patriotisme. Oui, Messieurs, le peuple auquel vous aurez rendu la liberté, et qui vous devra bientôt l’abondance, tressaille de joie à la vue de l’heureuse révolution que vos lumières et votre courage lui préparent, de concert avec le meilleur des rois. Permettez-moi de vous offrir mon hommage particulier en vous présentant YEcclésiastique citoyen, ouvrage qui a précédé de cinq ans le nouvel ordre des choses, l’admiration et l’exemple de l’Europe. Qu’il est doux pour moi d’en voir adopter les principes par le sénat de la France; de voir la société et la religion, trouver également leur avantage dans la réforme des abus qui déshonoraient un état dévoué à l'édification et au bonheur public! L’Assemblée applaudit au zèle et au patriotisme de M. l’abbé Nusse, l’admet à prêter le serment civique et lui permet d’assister à sa séance. M. Gois, sculpteur du Roi, professeur de son Académie de peinture et de sculpture, est admis à la barre, et fait hommage à l’Assemblée d’un projet de monument à élever à la gloire du Roi et de la nation, avec le projet d’une fête patriotique; l’Assemblée témoigne par ses applaudissements toute sa satisfaction sur cette offre patriotique, et permet à M. Gois d’assister à sa séance. M. Hébrard. La ville de Peyrehorade perçoit un octroi qui forme son unique revenu. Le parlement de Bordeaux, pour se conformer à vos décrets, n’a pas voulu cette année enregistrer cet impôt. Sur la demande de la ville de Peyrehorade, le comité des rapports, quoiqu’il s’agisse d’un objet de finance, propose d’autoriser cette perception. Voici le projet de décret que nous vous posons : « Sur la demande faite par la ville de Peyrehorade, en la généralité d’Auch et de Bordeaux, qu’il plût à l’Assemblée l’autoriser à continuer la perception des octrois établis par arrêt du conseil de 1769, jusqu’à ce qu’on ait décrété un mode d’imposition général et uniforme pour la subsistance des villes du royaume; l’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a, conformément à son précédent décret, qui maintient provisoirement les villes dans la perception de leurs octrois, autorisé ladite ville de Peyrehorade à percevoir celui qui a été établi en sa faveur par le susdit arrêt du conseil, et renouvelé par un autre du 4 octobre 1788. » M. Canjulnais. Il existe un décret qui autorise en général la perception des octrois des villes: il n’y a pas lieu à délibérer. L’Assemblée décide que les décrets qu’elle a précédemment rendus sur cette matière étant suffisants, il n’y a pas lieu à en faire un nouveau, et que ses décrets précédents sur cet objet seront envoyés à la ville de Peyrehorade. M. PIson du Galand. Le comité des domaines s’est occupé des travaux qui lui sont confiés. Il a notamment youIu examiner les détails de l’échange du comté de Sancerre; mais il n’a pu obtenir encore, malgré les ordres donnés par les ministres, les pièces qui lui sont nécessaires. Il demande que cet obstacle soit levé par un décret qui pourrait être ainsi conçu : « Les minutes des procès-verbaux d’évaluation des échanges, et tous autres renseignements, seront remis au secrétariat du comité des domaines, qui donnera un récépissé. » M. Camus. Il faut que ce décret soit général. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] 019 Le comité des pensions a éprouvé et éprouve encore les mêmes difficultés. M. Bouche. Le comité des domaines doit s’occuper aussi du comté de Clermont, que M. de Calonne a fait acheter 36,000,000 par le Roi, quoiqu’il ûe rapportât que 68,000 livres annuellement. M. l’abbé Maury. Le grand Condé étant devenu prince du sang, Louis XIV lui donna en apanage le comté de Clermont avec tous les droits régaliens. La France se trouvant très gênée par 1 exercice de ces droits, le roi acheta 12,000,000 ce comté, qui rapportait réellement 600,000 livres. Il est malheureux de se tromper des deux tiers en sus. Mais le roi n’a acheté que les droits indirects attachés à ce comté; le prince de Condé est resté propriétaire des droits directs. Ainsi il n’est point exact de dire qu’un revenu de 600,000 livres a été cédé au roi. M. Pison du Galand. Un rapporteur est chargé de faire connaître tous ces détails à l’Assemblée, d’après les pièces authentiques; il ne s’agit en ce moment que de pourvoir à ce que ces pièces soient communiquées au comité. M. le Président consulte l’Assemblée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les différents comités établis par elle seront autorisés à demander dans les dépôts des départements, ceux des cours et autres dépôts publics, toutes les pièces qu’ils jugeront nécessaires à leurs travaux, desquelles pièces il leur sera délivré des copies certifiées sur papier non timbré et sans frais, même que dans le cas où lesdits comités jugeraient nécessaire de voir les minutes, elles seront représentées aux commissaires qu’ils nommeront à cet effet, et remises en leur pouvoir s’ils le jugent convenable, sur le récépissé des secrétaires desdits comités, à la charge d’être rétablies dans les dépôts dont elles auront été tirées, après qu’il en aura été rendu compte à l’Assemblée. » M. Camus. J’ai à proposer quelques Observations relatives au régime intérieur de l’AsSem-blée. Toutes les expéditions qui sont remises aux archives sont scellées d’un sceau qui porte pour légende: Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, au lieu de Roi des Français , 11 faut demander la réforme de cet usage, contraire à l’intitulé de la loi. M. l’abbé Manry. Une raison a empêché de faire jusqu’à présent de nouveaux sceaux ; c’est la cherté de cette opération. Je n’ose assurer quelle serait cette dépense, mais je sais qu’on l’estime R, 000, 000. M. Camus. Je n’entends pas les sceaux de chancelleries et des tribunaux judiciaires : ces changements se feront successivement, lorsque le nouvel ordre de choses sera établi. M. du Lubersac, évêque de Chartres. Il ÿ a huit jours que j’ai vu deux nouveaux sceaux chez M. l’archevêque de Bordeaux. On demande la question préalable. M. Camus. Un décret est toujours nécessaire: M. le garde des sceaux ne peut changer les sceaux sans un décret positif qui l’autorise à ce changement. M. le Président met aux voix la question préalable. Elle est rejetée. Le décret suivant est ensuite adopté : « L’Assemblée nationale décrète que son Président se retirera par devers le Roi, à l’effet de lui demander que la forme du sceau actuellement en usage soit réformée, et la légende rendue conforme à l’intitulé des lettres émanées du Roi. » M. Camus propose dénommer quatre commissaires pour surveiller les dépenses en bougies, bois et papiers dans les bureaux et comités. On observe que MM. Ansôn et Salomon sont déjà chargés de ces fonctions. — L’Assemblée ordonne qu’il leur sera donné deux adjoints, Sur la proposition de M. rabbé Golaud de la Salcette, elle supprime les feux des bureaux. M. le marquis d’Csson, député de Pamiers, demande la parole pour faire une motion sur un projet de caisse patriotique et militaire. M. le Président lui accorde la parole après avoir consulté l’Assemblée. M. la marquis d’Çssoh (1). Messieurs, c’est l’amour du bien général qui vous a engagés à décréter que la Caisse d’escompte servirait, en quelque sorte, de caisse nationale. Pénétré des mêmes sentiments qui vous animent, je ne crains pas de vous proposer le projet d’une caisse patriotique et militaire. 11 ne reste aujourd’hui à tout citoyen animé d’un vrai zèle pour le bonheur de sa patrie qu’un seul moyen d’en offrir des preuves honorables; celui de tourner ses vues sur des objets utiles ; d’offrir des causes capables de déraciner les abus, et dé faire renaître insensiblement les sources du bonheur dont le peuple est privé depuis si longtemps. Lé plan dont j’ai à vous entretenir a pour objet principal la destruction de l’usure et de l’agiotage : c’est assez vous dire qu’il peut influer sur les moeurs, sur les fortunes, par conséquent sur la félicité publique. II ne faut pas à tous les individus ce qu’on appelle de la fortune : un partage à peu près égal de richesses serait absolument impossible; mais il faut à tout le monde une existence proportionnée à son état, à ses habitudes, à ses besoins. Les moyens manquent souvent à ceux qui voudraient s’en procurer une; et quand l’indigence se fait sentir, il est rare que celui qui en souffre n’oublie pas ses principes, et ne se laisse aller, du plus au moins, à des opérations qui achèvent de le ruiner, ou à des actions qui le conduisent à l’opprobre. Dans une constitution comme celle que vous avez commencé d’établir, Messieurs, il me paraît essentiel de prévoir tout ce qui peut contribuer au bonheur des citoyens, dans toutes les classes de la société. Les établissements qui préparent des secours à l’infortune sont bien plus sages, bien plus dignes d’admiration que les ordonnances qui la punissent d’être devenue criminelle. Jusqu’ici on a beaucoup parlé du pauvre, mais on s’en est (1) La motion do M. le marquis d’Usspn n’a pas été insérée au Moniteur.