[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1790.] 4�1 La seconde question est mise aux voix par appel nominal , elle est ainsi conçue : « Les électeurs présenteront-ils au roi plusieurs sujets, pour qu'il choisisse entre les sujets présentés? » L’Assemblée décrète, à la majorité de 503 voix contre 450 : « Que lesélecteurs ne présenteront au roi qu’un seul sujet. » La séance est levée à trois heures et demie, au milieu des applaudissements réitérés d’une partie de l’Assemblée et de tous les spectateurs. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY, EX-PRÉSIDENT. Séance du vendredi 7 mai 1790, au soir. La séance est ouverte à six heures du soir. M. Muguet de H'anthou, secrétaire , donne lecture cfu procès-verbal de la séance du jeudi au soir, 6 mai. 11 ne se produit pas de réclamation. Un de MM. les secrétaires lit l’extrait des adresses suivantes : Adresse des bas-officiers et soldats du régiment de La Fère, artillerie, en garnison à Auxonne, qui prêtent entre les mains de l’Assemblée nationale le serment civique. « Nous emploierons., disent-ils, tous nos efforts pour faire respecter vos augustes décrets, et nous ne négligerons rien pour la gloire du plus cher des monarques, et pour les intérêts d’une nation dont il est tendrement adoré. » Adresse des officiers municipaux et habitants de la communauté de Montaigu-le-Blain, district de Gusset, département de l’Ailier, contenant l’expression d’une adhésion absolue aux décrets •de l’Assemblée nationale, et d’un dévouement sans bornes pour leur exécution; ils ont tous prêté, avec la plus grande solennité, le serment civique. Adresses des nouvelles municipalités de la communauté de Villebichot, du bourg de Cor-beng; De la communauté de Roland-Pont1 près Lan-gres ; elle demande des armes pour sa garde nationale; De la communauté de Lezat en Bourbonnais. Quoiqu’elle soit plongée dans la misère, puis-qu’aucun habitant ne jouit de 100 livres de revenu, elle fait le don patriotique de la somme de 114 livres, résultant du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés; De la ville de Montfaucon ; elle fait le don patriotique de la finance qu’elle paya au roi, en 1591, pour l’acquisition de sa justice qu’elle a toujours exercée depuis par le ministère de ses consuls; finance qui se porte à 7,000 livres; et, en outre, du produit de la taxe sur les ci-devant privilégiés; elle supplie l’Assemblée de lui permettre d’aliéner un petit fonds communal, jusqu’à la somme de 600 livres, pour armer et équiper sa milice; De la communauté de Saint-Cernin-de-Ville-Franche en Périgord; indépendamment de sa contribution patriotique, qui s’élève à 583 livres, elle fait hommage à la nation du produit du moins imposé en faveur des anciens taillables ; Des communautés de Gambes et de Perreux; cette dernière, en sus de sa contribution patriotique, qui s’élève à 4,663 livres, renonce, en faveur de la nation, au produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Délibération du conseil général delà commune de Corlay, en Bretagne. Il supplie l’Assemblée nationale de s’occuper de l’organisation du pouvoir judiciaire. Il demande sa réunion au district de Saint-Brieuc, dont il est plus voisin que de celui deLoudéac, et avec lequel il a des relations journalières; il réclame enfin que quelques paroisses qui l’avoisinent soient jointes à son canton. Adresse des citoyens d’Arcis-sur-Aube, en Champagne, ‘par laquelle ils annoncent leurs vœux et l’adhésion la plus formelle à tous les décrets de l’Assemblée nationale ; prêtent le serment inviolable d’en maintenir l’exécution de tout leur pouvoir, aux dépens de leurs biens et de leur vie. Ils déposent sur l’autel de la patrie l’offrande de quelques effets d’or et d’argent. Ge faible témoignage de leur dévouement, indépendant du quart de leur revenu dont ils ont fait l’exacte et scrupuleuse déclaration, et plus relative à leur pouvoir qu’à leur générosité, consiste en huit marcs cinq onces et demie d’argent, et un gros dix-sept grains d’or. M. MaroIIes, député de Saint-Quentin , fait lecture d’une délibération de la commune de Saint-Sulpice en Picardie, du ci-devant bailliage de Saint-Quentin, par laquelle elle adhère à tous les décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, la prie d’agréer son offrande de la somme de 669 liv. 10 s. 6 d., montant des impositions des six derniers mois de 1789, sur les ci-devant privilégiés ; atteste que leur contribution patriotique excède de beaucoup le quart de leur revenu, et supplie enfin l’Assemblée de supprimer le régime des aides, qui, réuni aux différents droits auxquels cette commune a été assujettie par l’ancien régime, a-ruiné plusieurs commerçants, à la charge d’en payer le remplacement en argent. M. Dupont (de Nemours ), membre adjoint au comité de Constitution , rend compte d’une difficulté qui s’est élevée pour la ville de Rozay, au sujet du nombre de citoyens actifs que renferme cette ville et dans laquelle les commissaires royaux ont rendu une décision qui n’a pas paru conforme aux instructions de l’Assemblée nationale. Il propose un projet de décret. M. Fréteau dit que deux intentions de l’Assemblée sont manifestes : la principale est d’établir une proportion exacte et de ne donner aucun avantage aux villes sur les campagnes. 11 conclut en déclarant que la décision des commissaires doit subsister. M. Démeunier pense qu’il est clair, d’après les instructions, que les villes ont le droit de former des assemblées primaires. C’est l’avantage des campagnes, même sans donner aucune influence en plus aux villes, puisque les députés sont envoyés en proportion de chaque centaine de citoyens actifs. Il dit qu’il n’y a pas lieu à délibérer et que, si on délibère, il faut rendre un décret conforme aux instructions. M. Target rappelle que l’on a donné aux m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. villes une assemblée particulière, afin de s’assurer que les campagnes en auraient une ; il conclut en disant que la ville deRozay doit avoir son assemblée particulière et il présente un projet de décret. Ce projet de décret obtient la priorité. Il est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que l’article 14 du décret concernant les assemblées administratives, ensemble l’article des instructions sur les assemblées particulières des villes, seront exécutés selon leur forme et teneur ; en conséquence, que la ville de Rozay aura particulièrement son assemblée primaire, composée des seuls citoyens actifs de cette ville. » M. de Latude est introduit à la barre, et fait à l’Assemblée nationale l'hommage de ses mémoires. M. Thierry lit, au nom de M. de Latude, un discours que l’Assemblée nationale ordonne d’insérer dans son procès-verbal. « Messieurs, le sieur de Latude, dont je suis le défenseur, m’a laissé le soin de prendre la parole, que l’affaiblisement de ses organes et l’émotion qu’il éprouve en votre présence, ne lui permettent pas de vous adresser. « Cette malheureuse et trop célèbre victime du despotisme, a passé trente-cinq ans dans des prisons d’Etat : le sieur de Latude a usé trente-cinq années de sa vie dans les larmes et le désespoir ; et il était innocent ! ou, si l’on veut, son crime était d’avoir déplu à une favorite et à deux ministres. Il rend publique aujourd’hui l’histoire de tant d’infortunes : c’est à vous, Messieurs, qu’il en devait le premier hommage ; il vient vous l’offrir, et il ose croire qu’il est digne d’être placé sur l'autel de la patrie. « Une trop funeste expérience lui a appris de quoi cet ancien despotisme était capable. 11 l’a dévoilé, il a dit tout, et il l’a dit peut-être avec quelque énergie. « Qu’il est doux pour lui de pouvoir élever jusqu’à vous, Messieurs, des regards flétris si longtemps dans la solitude du cachot ! qu’il est consolant pour lui de pouvoir dire à ce moment qu’il a servi aussi sa patrie dans les fers, et de penser que les larmes qu’il y a versées ne sont plus stériles ! Oui, Messieurs, "en considérant cette triste victime de la haine de deux hommes puissants, en voyant la trace des chaînes dont ils l’ont accablé, vous trouverez des forces nouvelles; et, au récit de ce que l’on pouvait oser, et de ce que l’on osait impunément, nos citoyens, plus fiers de votre ouvrage, jouiront plus vivement de la tranquillité que vous nous avez assurée ; ils connaîtront mieux le prix de vos bienfaits. » M. le Président répond : t Monsieur, vous avez acquis depuis longtemps la triste célébrité du malheur. Il n'est aucun de nous qui n’ait été instruit de votre long supplice, de votre inébranlable constance, et du zèle infatigable de cette femme héroïque, qui, journellement auprès de vous, venge les torts des hommes, et remplace les soins de la providence. Ce sont vos mains qui, les premières, ont osé saper les fondements de ces cachots terribles auxquels vous avez eu le bonheur d’échapper et de survivre, et c’est le souvenir de vos outrages qui a redoublé le zèle que d’autres mains ont mis à les renverser. L’Assemblée nationale détourne un moment sa pensée de la pitié qu’excitent vos infortunes, pour s’applaudir de ce que leur J [7 mai 1 790.] époque éloignée ne permet pas d’en accuser le monarque bon et humain qui nous gouverne. Elles vous accablaient à son insu: il les a réparées dès qu’il a pu les connaitre, et vous savez qu’il n’est point de cœurs français qui en aient été plus vivement touchés que le sien. Puisse la nature prolonger vos jours, et puisse la plus célèbre victime du despotisme être le témoin le plus durable et le plus heureux de la liberté ! « L’Assemblée nationale vous permet et permet à votre ange tutélaire d’assister à sa séance. » M. d’André, député de Provence , prévient l’Assemblée qu’on débite un imprimé ayant pour titre : Marseille sauvée. Tous les détails en sont faux ; on n’a pas braqué et tiré sur le peuple des canons chargés à mitraille et aucune personne du peuple n’a été tuée. La vérité, c’est que la garde nationale a surpris le fort Saint-Jean et que l’officier qui commandait, M. de Galvet, a été massacré. M. le Président dit que l’ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de règlement pour la municipalité de Paris. Le titre I ayant été décrété dans les séances précédentes, la délibération va porter sur le titre II. M. Démeunier, rapporteur , développe l’esprit des articles . proposés. M. l’abbé Manry propose à l’article 2 un amendement qui consiste à ajouter après le mot jugera celui de définitivement. M. Démeunier, rapporteur , repousse l’amendement, mais il modifie la rédaction de l’article. Les articles 1 à 8 sont ensuite mis aux voix successivement et adoptés ainsi qu’il suit : TITRE II. Art. Ier. « L’Assemblée de chacune des quarante-huit sections commencera par l’appel nominal des citoyens actifs, d’après les titres qu’ils auront présentés en entrant. Art. 2. «S’ils’élèvedes difficultés sur l'admission d’un citoyen, sa section en jugera : le citoyen exclu par le jugement de sa section sera tenu de s’éloigner, sauf à faire reconnaître ses titres pour les élections suivantes, par l’administration du département, à qui la connaissance définitive en demeure attribuée. Art. 3. « Les citoyens actifs désigneront les personnes dans leurs bulletins, de manière à éviter toute équivoque; et un bulletin sera rejeté, si, faute de désignation suffisante entre le père et le fils, entre les frères et autres personnes de même nom, l’assemblée juge qu’il y a incertitude sur les personnes désignées. Art. 4. « Le recensement général à l’Hôtel-de-Ville, des scrutins des quarante-huit sections, sera fait par huit citoyens tirés au sort, dont quatre seront pris parmi les membres du corps municipal, et quatre parmi les commissaires des diverses sections. Art. 5. « Après l’élection du maire et du procureur de la commune, dont la forme est déterminée au premier titre, les deux substituts adjoints seront élus par les quarante-huit sections au scrutin de liste simple, mais ensemble et à la pluralité relative, laquelle sera au moins du quart des votants.