[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790. J 93 Vos comités, en reconnaissant que la licence est portée à son deroier période, que le désordre et le désespoir peuvent s’étendre dans tout le département où il se trouve beaucoup de villes de garnison, ont pensé qu’il convenait de prendre des mesures sévères, qui, en imposant aux soldats, laissent une voie ouverte à la résipiscence et aux remords : ils ont également considéré que des opérations juridiques ne produiraient aucun effet, si elles n’étaient appuyées d’une grande force. Le ministre et les députés de Nancy conviennent qu’un décret est nécessaire ; tout presse ; tout brûle ; il y aurait le plus grand danger dans le plus léger retard. C’est dans ces vues que nous vous proposons le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses trois comités militaire, des recherches et des rapports réunis, indignée de l’insubordination continuée dans la garnison de Nancy, par les régiments du roi infanterie, mestre de camp cavalerie, et de Châ-teauvieux suisse depuis, et au mépris du décret du 6 de ce mois, quoiqu’il renfermât les dispositions propres à leur assurer la justice qu’ils pourraient réclamer par des voies légitimes; convaincue que le respect pour la loi et la soumission qu’elle commande aux ordres du chef suprême de l’armée, ainsi que des officiers et aux règles de la discipline militaire sont les caractères essentiels comme les premiers devoirs des soldats citoyens, et que ceux qui s’écartent de ces devoirs, au préjudice de leur serment, sont des ennemis publics, dont la licence menace ouvertement la liberté et la Constitution ; considérant combien il importe de réprimer avec sévérité de semblablesex-cès et de donner promptement un exemple tel qu’il puisse tranquilliser Jes bons citoyens, satisfaire à la juste indignation des braves militaires qui ont vu avec horreur la conduite de leurs indignes’ camarades, enfin éclairer et retenir par une erreur salutaire ceux que l’erreur ou la faiblesse a fait condescendre aux suggestions d’hommes criminels, les premiers et principaux auteurs de ce désordre : « A décrété et décrète, d’une voix unanime, que la violation, à main armée, par les troupes, des décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi, étant un crime de lèse-nation au premier chef, ceux qui ont excité la rébellion de la garnison de Nancy doivent être poursuivis et punis comme coupables de ce crime à la requête du ministère public, devant Jes tribunaux chargés par les décrets de la poursuite, instruction et punition de semblables crimes et délits. « Que ceux qui ayant pris part à la rébellion de quelque manière que ce soit, n’auront pas, dans les vingt-quatre heures, à compter de la publication du présent décret , déclaré à leurs chefs respectifs, même par écrit, si les chefs l’exigent, qu’ils reconnaissent leur erreur et s’en repentent, seront également, après ce délai écoulé, poursuivis et punis comme fauteurs et participants d’un crime de lèse-nation. « Que le Président de l’Assemblée nationale se retirera immédiatement vers le roi, pour le supplier de prendre les mesures les plus efficaces pour l’entière et parfaite exécution du présent décret ; en conséquence d’ordonner : 1° A son procureur au bailliage de Nancy, de rendre plainte contre toute personne de quelque rang, grade, état et condition qu’elle soit, soupçonnée d’avoir été instigateur , fauteur ou participant de la rébellion qui a eu lieu dans la garnison de Nancy , depuis la proclamation des décrets des 6 et 7 de ce mois; 2° Aux juges du bailliage de Nancy de procéder sur ladite plainte, conformément aux décrets précédemment rendus concernant l’instruction et le jugement des crimes de lèse-nation ; d’ordonner pareillement à la municipalité et aux gardes nationales de Nancy, aiusi qu’au commandant de cette place de faire chacun en ce qui les concerne, les dispositions nécessaires, et qui seront en leur pouvoir, pour s’assurer des coupables et les livrer à la justice; même d’ordonner le rassemblement et l’intervention d’une force militaire tirée des garnisons et des gardes nationales du département de laMeurthe et de tous les départements voisins, pour agir aux ordres de tel officier général qu’il plaira à sa Majesté de commettre, à l’effet d’appuyer le présent décret, de faire en sorte que force reste à la justice, et que la liberté et la sûreté des citoyens soient efficacement protégées contre quiconque chercherait à y porter atteinte : à l’effet de quoi cet officier général sera spécialement autorisé à casser et licencier les régiments de la garnison de Nancy, dans le cas où ils ne rentreraient pas immédiatement dans l’ordre, ou s’ils tentaient d’opposer la moindre résistance au châtiment des principaux coupables. » (Le décret proposé par M. Emmery, au nom des trois comités, est adopté sans discussion et à l’unanimité.) M. d’Ambly. Vous vous rappelez le décret plein de bonté et d’indulgence rendu au sujet du régiment de Royal-Champagne, en garnison à Hesdin. La municipalité de cette ville m’a écrit pour que j’eusse l’honneur de vous représenter l’insubordination de ce régiment, qui n’a voulu obéir ni à votre décret ni aux ordres du roi ; je demande que le décret que vous venez de rendre soit commun au régiment de Royai-Champagne. (On demande le renvoi au comité.) M. de Montcalm-Gozon. Il est important de s’occuper du code des délits et des peines militaires. MM. d’Albert et les officiers de marine se plaignent de l’insurrection des matelots, dans un moment où notre escadre est prête à mettre en mer. (L’Assemblée arrête qu'il y aura ce soir une Assemblée extraordinaire, pour entendre le rapport du comité militaire sur les délits et les peines.) On fait lecture d’une lettre de M.de La Tour-du-Pin : ce ministre envoie de la part du roi un plan de l’organisation de l’armée, conforme aux bases décrétées les 31 juillet et 2 août. La séance est levée à quatre heures moins un quart.