[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “93 le bûcher, la Liberté, tenant en main une pique surmontée du bonnet rouge; l’Égalité, figurée par une femme vêtue de blanc et tenant un niveau; la Raison, tenant un flambeau à la main. Ces images des vraies divinités sont entou¬ rées des instituteurs et institutrices condui¬ sant leurs élèves, et des citoyennes vêtues de blanc qui sont invitées à orner cette pompe civique. Arrivés près du bûcher apprêté par la philoso¬ phie, la Raison y met le feu, et les attirails odieux de l’erreur, de la superstition et de l’in¬ tolérance se consument aux cris mille fois répétés de Vive la République ! vive la liberté ! Les citoyens portent néanmoins leurs pas vers le temple de la Raison. Il est établi dans la ci-devant cathédrale; cet édifice avait été élevé pour un culte particulier, maintenu trop long¬ temps par l’hypocrisie afin de favoriser l’am¬ bition, à l’abri duquel les tyrans osaient im¬ punément justifier l’avilissement et méditer froidement l’esclavage des humains. Les autorités constituées se sont toutes mêlées . avec le peuple et les Sociétés populaires; tous les citoyens se sont confondus, les défenseurs de la patrie ont seuls gardé un ordre de marche, image de la discipline et de la subordination des camps, sous l’égide desquels la victoire ne trompa jamais nos étendards. On arrive au temple de la Raison. Il n’y a qu’un instant, on y trompait encore le peuple, on l’avilissait en contraignant son bon sens de céder aux fables absurdes imaginées par des fourbes, afin de commander au nom de l’Etre qui nous fit tous égaux. Des philosophes avaient précédé la marche; ils avaient balayé les immon¬ dices des prêtres, aussi les degrés extérieurs du bâtiment étaient-ils chargés de calottes, soutanes, débris d’ornements, attirails men¬ songers d’un système théocrate, substitué aux bienfaits de l’égâlité, afin de consommer .L’in¬ famie des peuples, et servir les oppresseurs de l’humanité. Dans l’intérieur du temple, on aperçoit un autel simple consacré à la prospérité de la patrie, sur lequel un feu pur, symbole de la généra¬ tion, brûle en l’honneur du premier don de la nature, celui de la Raison. La Liberté, l’Egalité se placent à droite et à gauche de l’autel; la Raison est à côté du feu allumé en son honneur. Les citoyens sont dans le silence le plus religieux. L’étonnement dont ils sont saisis commande leur attention. Un orateur paraît à une tribune; il parle des charmes de la Raison; les citoyens ont à peine entendu ses accents, qu’ils élèvent vivement la voix en criant : Vive la République ! Un hymne à la Raison est chanté et répété avec l’enthousiasme qu’excite une si heureuse régénération. Cependant, d’autres orateurs se succèdent; ils parlent des bienfaits de la Liberté, des dou¬ ceurs de l’ Egalité. Et les mêmes témoignages d’allégresse couronnent les justes réflexions qu’ils présentent à l’assemblée. Des chants patriotiques terminent ce rassem¬ blement civique ; on se sépare enfin, et chacun remporte dans son âme la consolante comparai¬ son des jouissances qu’il vient d’éprouver, avec l’odieux souvenir de l’abrutissement et de la sottise dont on l’avait perfidement rendu le sectaire. L’époux retrouve de nouvelles douceurs dans le sein de ses foyers; le père se repose sur l’espérance du bonheur qui attend ses enfants; 291 le vieillard, courbé sous le poids des ans, se con¬ sole d’avoir vécu, puisqu’il a contemplé le bon¬ heur doses frères; tous bénissent l’Ordonnateur des choses, le Moteur éternel des mondes, et ressentent pour la première fois au fond de leur âme cette jouissance inexprimable que cause au philosophe le bonheur de ses semblables et l’espérance de la liberté de l’univers (1). Adresse du conseil général du département de la Haute-Saône, à la Convention nationale (2). « Citoyens représentants, « Nous avons lu l’adresse qui vous a été pré¬ sentée par la Société des Amis de la liberté et de l’égalité séant aux Jacobins, à votre séance du 23 brumaire. Nous venons vous déclarer que les principes de ces sans-culottes sont aussi les nôtres et que nous adhérons à toutes les demandes qu’ils vous ont faites. « Oui, représentants, les Jacobins, nos amis, vous ont dit la vérité; oui, les ennemis inté¬ rieurs, les fédéralistes et ceux qui les soutien¬ nent ont déjà cherché à comprimer les mesures révolutionnaires que vous avez adoptées. « Déjà ces vils animaux suspects, séquestrés de la société, comptaient sur un triomphe pro¬ chain, nous sommes assurés que certains d’entre eux criaient du fond de leurs prisons que dans peu ils auront leur tour et que les patriotes seront sacrifiés. « Quel est donc cet espoir? Quels sont donc ces hommes assez lâches pour promettre encore protection à des scélérats qui ont fait tous leurs efforts pour détruire la liberté? S’en trouve¬ rait-il encore parmi vous? Oui, il existe encore des traîtres jusqu’au sein de là Convention ! Qu’attendez-vous, représentants, de chasser de votre sein tous ces mandataires perfides, qui ont trompé et peut-être vendu les intérêts du peuple? Qu’ attendez-vous de livrer au tribu¬ nal révolutionnaire tous ceux d’entre eux qui sont convaincus d’avoir favorisé le fédéralisme et les projets des tyrans : qu’ils disparaissent tous du sol de la liberté. Ce sont nos plus cruels ennemis, nous demandons, leur punition. « Nous demandons que la Convention s’oc-cupe enfin de l’examen de la conduite d s fonc¬ tionnaires destitués; nous demandons aussi que les mesures révolutionnaires ne soient modifiées qu’après une paix générale; mais nous deman¬ dons surtout que la Convention déclare à ses délégués dans les départements, que son inten¬ tion n’est pas qu’après avoir destitué des fédéralistes, ils les rétablissent dans leurs fonc¬ tions sur des protestations de civisme, car ce serait porter le plus grand coup à la République que de remettre de nouveau ses intérêts en des mains 'aussi perfides, ce serait anéantir l’effet des mesures énergiques sorties du sein de cette Montagne sacrée que nous révérons. Redonnez donc à vos délégués, citoyens représentants, toute la force et l’ énergie nécessaires pour résister à toutes les demandes qui leur sont faites par les destitués et par les gens suspects. Tous . (IJ A Beauvais, de l’imprimerie de P. C. D. Des¬ jardins,- imprimeur du département de l’Oise. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier R20. 292 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Ss��mbre 1783 avez décrété qu’ils entreraient en arrestation jusqu’à la paix, eh bien ! ce décret n’est pas exécuté, les plus criminels sont ceux qui obtien¬ nent leur liberté les premiers, parce qu’ils ont plus de moyens de séduire le peuple et de faire délibérer des attestations à la faveur desquelles ils obtiennent leur liberté. Nous le répétons, législateurs, cet objet important mérite toute votre attention. « En vrais sans -culottes, nous vous disons, braves Montagnards, continuez vos travaux, marchez révolutionnairement, vous l’avez dé¬ crété, restez à votre poste jusqu’à ce que la République soit triomphante, vous l’avez juré. » ( Suivent 11 signatures.) Adresse de la Société républicain < de Mont-de-Marsan (1). A la Convention nationale. « Citoyens représentants, « La Société républicaine de Mont-de-Marsan a vu avec sat sfaction Ls grands événements qui ont consolidé la Révolution; elle a vu surtout avec joie les grands actes de justice que vous avez exercés contre les auteurs des factions qui se proposaient de déchirer la France. Elle a vu avec enthousiasme tomber la tête de Marie-Antoinette, épouse de l’infâme Capet. Elle vous félicite du courage et de la fermeté que vous avez manifestés en livrant vos col¬ lègues conspirateurs au glaive de la loi : elle espère que cet exemple sévère déconcertera les partis qui voudraient peut-être se former encore et que vous poursuivrez partout les enne¬ mis de la Révolution. Soyez toujours à la même hauteur; que les principes populaires et mon¬ tagnards vous dirigent sans cesse. Faites justice de tous les traîtres et hommes timides que vous avez encore dans votre sein; soyez sûrs de l’é¬ nergie du peuple français, osezv tout entre¬ prendre pour son bonheur, et demeurez à votre poste. Tel est le vœu de la Société républi¬ caine de Mont-de-Marsan. » (Suivent 10 signatures .) Adresse de la Société populaire de Douarnenez (2). Le citoyen Guezno, représentant du peuple, a fait passer à la Convention nationale l’adresse suivante : � « Représentants du peuple, « Les sans-culottes de la commune de Douar¬ nenez, district de Pont-Croix, département du Finistère, viennent de s’ériger en Société popu¬ laire. « Décidés à partager vos travaux, leur premier besoin est, non de vous adresser des félicita¬ tions, mais de vous témoigner que leur sincère désir est que vous restiez à votre poste jusqu’à la paix, c’est-à-dire jusqu’à la punition de tous les traîtres et l’anéantissement de tous les enne¬ mis de notre indépendance. Alors, mais seule¬ ment alors, revenez parmi nous recevoir la couronne civique due à votre héroïque persé¬ vérance et à votre amour constant pour le peuple. « Nous vous promettons, en attendant, de vous aider de tous nos moyens et de toutes nos facultés. « Le premier acte de notre réunion frater¬ nelle a été un acte d’humanité à l’occasion d’un malheur survenu le 20e jour de ce mois. 15 de nos malheureux compatriotes, se rendant à Brest pour combattre sur les flottes républicaines les satellites des despotes, ont été engloutis par les flots. Un seul a été sauvé. 10 de ces infor¬ tunés sont de notre commune, et 5 d’entre eux laissent des familles sans ressources quelconques. A l’instant une souscription volontaire a été votée, et nous aurons la douce jouissance, sinon de consoler, au moins d’avoir manifesté l’intention de soulager nos malheureux conci¬ toyens. « Nos ressources, représentants du peuple, sont extrêmement bornées. Les trois quarts de nos frères sont dans les armées et sur les flottes; le quart qui reste a plus de bonne volonté que de moyens. Vous seuls, dispensa¬ teurs judicieux des grâces nationales, pouvez compléter la bonne œuvre que nous ne pou¬ vons qu’ébaucher. Un mot de vous peut, sinon rendre au bonheur, au moins arracher à l’infor¬ tune 24 êtres précieux, ne fût-ce que par leur malheur. « Nous adressons au comité des secours le procès-verbal qui constate l’événement cruel qui nous désole et nous garantissons les besoins urgents de nos compatriotes. Pères de la patrie, les pauvres sont des enfants de prédilection. « Nous sollicitons qu’une somme de 10,000 li¬ vres, ou telle autre qui sera jugée, soit mise à la disposition du ministre de l’intérieur, pour, sous la surveillance des autorités constituées de notre commune, être partagée entre les infor¬ tunés privés de moyens d’exister par la perte de leurs parents. « Nous indiquons pour mode de partage, de donner deux parts aux mères et une à chaque enfant. « Vive la République une et indivisible ! et vive la Montagne qui l’a sauvée ! * « Signé : J. Morau fils. » Les communes de Port-Marly, Triel, Pissefon-taine et Bruch ont apporté l’argenterie de leurs églises. .11) Archives nationales, carton G 285, dossier 829. (2) Supplément au Bulletin de la Convention na¬ tionale du 8 frimaire de l’an II (jeudi 28 novembre 1793). Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). (J) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 197