122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE blique ces monuments de la gloire de J. -J., qui fut son ami. La proposition de Boissy est adoptée (140). 66 Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que, dans le rapport qui sera fait le premier brumaire, sur les soixante-treize députés, il sera aussi statué sur ceux du département de la Haute-Vienne mis en état d’arrestation chez eux. Sur la proposition faite d’entendre les représentans détenus, après le rapport des comités, la Convention passe à l’ordre du jour motivé sur la loi qui leur en donne le droit (141). Un membre : Je demande que nos collègues puissent être présents au rapport. La Convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que la loi leur permet cette présence. PÉNIÈRES : Je demande que le rapport comprenne aussi ceux des députés qui sont en arrestation chez eux avec un garde. Cette proposition est décrétée (142). 67 La Convention nationale, sur la pétition des citoyens de Gannat [Allier], convertie en motion, décrète, que le représentant du peuple Boisset, envoyé dans les départe-mens de Saône-et-Loire et de l’Ain, se rendra dans le plus court délai, dans le département de l’Ailier, pour y prendre les mesures que les circonstances exigeront; il est investi des mêmes pouvoirs que les autres représentans du peuple dans les dé-partemens ; Décrète en outre la mention honorable et l’insertion au procès-verbal de l’adresse du peuple de Gannat (143). (140) Moniteur, XXII, 228. Ann. Patr., n° 651; C. Eg., n° 786; J. Fr., n° 748; J. Perlet, n' 750; J. Paris, n” 23; Mess. Soir, n° 786; Rép., n” 23. (141) P.-V., XLVII, 142. C 321, pl. 1334, p. 17, minute de la main de Pénières, rapporteur. Décret d’ordre du jour attribué à Pénières par C*II 21, p. 10. Ann. Patr., n° 651 ; C. Eg., n° 786; J. Fr., n° 748; J. Perlet, n' 750; J. Paris, n” 23; Mess. Soir, n" 786; Rép., n” 23. Voir ci-dessus, n” 61. (142) Moniteur, XXII, 228. (143) P.-V., XLVII, 142. C 321, pl. 1334, p. 18-19, minute de la main de Beauchamp. Décret attribué à Ch. Cochon par C*II 21, p. 10. J. Perlet, n“ 750. Voir plus haut, n° 44. 68 MERLIN (de Thionville) : Tout le monde connaît les dilapidations commises par Héron, ci-devant agent du comité de Sûreté. Les scellés ont été apposés sur ses papiers et dans son domicile. Ils l’ont été aussi sur les papiers et sur la caisse du comité de Sûreté générale. Ce comité ne croit pas devoir lever ces scellés, et vous propose de nommer trois membres dans votre sein, qui seront chargés de cette opération, ainsi que de l’inventaire qui en doit être la suite. La proposition de Merlin est décrétée (144). La Convention nationale, d’après la demande de son comité de Sûreté générale, décrète : Article premier. - Il sera nommé, sur la présentation du bureau, trois commissaires, pris dans le sein de la Convention, pour surveiller, en présence des membres de l’ancien comité de Sûreté générale, la levée des scellés et l’inventaire des effets qui sont dans les bureaux, tant à l’appartement d’Héron qu’à celui de Pijaud, caissier, et de ce qui se trouvera dans la caisse-générale des dépenses. Art. II. - Ces effets et ceux qu’on trouvera sur les citoyens qui pourront être mis en arrestation, en vertu des mandats d’arrêt du même comité, seront déposés à la Trésorerie nationale, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur le sort des détenus qui en étoient munis. Art. III. - Les susdits commissaires surveilleront aussi la reddition des comptes de l’ancien comité (145). 69 BARAILON : La justice et la vertu sont à l’ordre du jour; c’est pourquoi vous avez ordonné une battue générale de tous les brigands. Je désirais être prévenu dans cette carrière : de nombreux renvois à vos comités me le faisaient espérer; mon peu de moyens, ma voix aigre et désagréable, qui en impose à tant de personnes sur mes vrais motifs, autorisaient mon attente; mais enfin le temps s’écoule, le crime se multiplie, s’enhardit, et je ne dois plus me taire. Il n’est pas un de nous qui ne crût avoir assez vécu s’il avait vu punir le dernier des di-lapidateurs de la fortune publique, le dernier des fripons. J’aurai payé mon tribut, j’aurai assez fait pour mon pays, si je parviens seule-(144) Moniteur, XXII, 228. (145) P.-V., XLVII, 142-143. C 321, pl. 1334, p. 20, minute de la main de Clauzel. Décret attribué à Richard par CTl 21, p. 10. Ann. Patr., n° 651; Ann. R.F., n° 23; C. Eg., n 786; Gazette Fr., n” 1016; J. Mont., n' 3 ; J. Perlet, n° 750; Mess. Soir, n" 786; M.U. XLIV, 352, 376-377. SÉANCE DU 22 VENDÉMIAIRE AN III (13 OCTOBRE 1794) - N° 69 123 ment à les signaler ; les connaître, c’est déjà les punir, c’est déjà les avoir anéantis. Mais, on vous l’a dit, qu’avons-nous fait contre eux? Rien, absolument rien ... presque tous ont échappé jusqu’ici à la vengeance nationale. Cependant ils vous enveloppent, ils vous tourmentent de mille manières ; chaque jour est le leur, et la République tout entière est leur proie. Ils sont d’autant plus difficiles à atteindre qu’ils le sont plus à distinguer, grâce à la multitude de leurs masques ; celui d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui, et celui du moment ne sera pas celui de demain : tantôt patriotes jusqu’au scandale, tantôt probes jusqu’à l’ivresse, quelquefois même vertueux jusqu’au délire, ils ne cessent d’en imposer. Naguère athées avec Vanini, ils étaient il n’y a qu’un instant religieux avec Robespierre. Successivement en bonnet rouge, en carmagnole, en moustaches, en Jacobin, ils se montrent sous autant de nuances que le caméléon ; leur grand art est de se mouler aux circonstances, d’être les hommes du moment. D’abord partisans outrés du terrorisme, qui n’a été imaginé que par eux et pour eux, qui a couvert la France de deuil et les a gorgés de richesses, ils le sont maintenant, à les en croire, de la justice; mais ce mot noircit en passant sur leurs lèvres; mais, avides de sang par besoin, ils égorgeraient le genre humain tout entier pour en avoir les dépouilles ou pour s’en maintenir la propriété : ils s’entre-dévoreraient ensuite pour se les partager. Moteurs, excitateurs secrets de toutes les insurrections contre-révolutionnaires, aussi prompts à fuir que célères à conseiller le crime, ils sont aussi la trompette et l’écho de tous les désordres, de toutes les mauvaises nouvelles, de tous les fâcheux événements. Ce sont eux qui sèment les défiances pour subsister, ce sont eux qui terrifient pour dominer, ce sont eux qui fabriquent des adresses dans l’obscurité, ou des arrêtés à des heures indues; ce sont eux qui en imposent impudemment à la Convention, en lui offrant comme un voeu général le résultat de quelques conciliabules ténébreux; ce sont eux qui voudraient anéantir, avec les arts et les sciences, tous les hommes de génie, tous les profonds penseurs, tous les philosophes ; ce sont eux qui attaquent et poursuivent avec acharnement tous les patriotes, tous les hommes probes; ce sont eux qui circonviennent les assemblées du peuple et les maîtrisent ensuite par la terreur; ce sont eux qui mystifient les hommes faibles et crédules, et les empêchent de se rendre à leur véritable poste; ce sont eux qui despotisent les sociétés populaires ; ce sont eux enfin qui menacent sans cesse l’industrie, le commerce, les propriétés, qui incarcèrent arbitrairement, qui apostolisent le mépris des lois ; qui, en un mot, évangélisent l’insubordination, l’oubli des devoirs et prêchent l’anarchie. Tantôt effrénés, tantôt calmes, tantôt furibonds, tantôt mielleux, ils suivent admirablement les fluctuations qu’une grande et terrible révolution ne manque jamais d’imprimer. Ils savent que l’on ne saisit que ceux d’entre eux qui s’avisent d’y résister. Ils ne comptent pour rien la force, ils en ont fait la triste expérience ; aussi guettent-ils de loin la proie qu’ils ambitionnent ; mais c’est pour eux le comble de l’art que de faire naître la circonstance qui la leur met sous la main. Plus d’un fripon s’est fait prier avant de se saisir de l’objet de sa convoitise. Déclamateurs audacieux, imposteurs impudents, ils ont sans cesse les mots de principes à la bouche, et c’est en les foulant tous aux pieds qu’ils les réclament. cipes dont on ne cesse de nous bruire, mais en effectant de les méconnaître? Serait-ce là un mot mystique? N’est-ce pas tout ce qui émane de la justice et de la raison? n’est-ce pas sur l’une et l’autre qu’ils sont tous réellement basés? L’égalité des droits elle-même connaît-elle d’autres sources? Ne nous le dissimulons pas ; cette secte, l’excrément de l’État, l’opprobre des démocraties, qui appartient à toutes les factions, qui les a toutes servies, qui les servira toutes tant qu’elle leur servira, est aussi de toutes la plus perfide et la plus insidieuse. Elle possède à elle seule l’adresse de toutes les autres; elle se distribue ses rôles; elle à son mot d’ordre : celui de la Convention nationale est le sien en ce moment ; elle a aussi ses points de ralliement. Elle se trouve partout, elle figure partout, et disparaît furtivement selon son intérêt. Elle serait demain au milieu des assemblées primaires, qu’elle sollicite, si vous les décrétiez aujourd’hui : il y a quelques jours qu’elle vous accompagnait au Panthéon; elle préconisait Jean-Jacques Rousseau, son plus cruel ennemi, et concourait avec vous à son apothéose. En public, devant vous, elle ne cesse d’applaudir ; par derrière, dans ses repaires, elle ne discontinue pas de vous flétrir, de vous calomnier; en tous temps elle vous observe. Certes, vous mériteriez ses éloges si vous ne troubliez point ses jouissances, si vous ne trompiez point ses désirs, si vous étiez, en un mot, et moins clairvoyants et moins inexorables ; mais la louange des méchants est une diffamation, et vous en êtes bien pénétrés. Elle ne se montre, elle ne s’insurge surtout que lorsqu’elle aperçoit le prochain règne des lois. Lui parler sérieusement de justice, c’est l’irriter; la lui montrer, c’est la confondre. Ce mot justice est foudroyant pour tous les fripons ; il les fait pâlir, trembler, balbutier ; il les décèle partout où ils sont; il est pour eux ce que le mot égalité est pour les aristocrates, c’est-à-dire leur signalement moral. Voulez-vous, comme par enchantement, faire cesser les agitations, dissiper les rassemblements, les groupes, étouffer les germes de dissensions, prévenir, en un mot, tous les mouvements inciviques que vous apercevez? eh bien, saisissez et frappez ces monstres. Le coupable ne s’agite, ne se tourmente que pour échapper au supplice ; les fripons ne peuvent donc s’empêcher d’intriguer. C’est par l’intrigue qu’ils ont commencé, c’est elle qui les a 124 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE soutenus; c’est par elle seule qu’ils peuvent échapper. L’intrigue a toujours servi d’apprentissage aux fripons, et elle en servira toujours à ceux qui voudront le devenir. Dès qu’un individu tranche de l’important, dès qu’il affecte de se montrer, de se populariser, dès qu’il se fait suivre ou entourer, l’on peut courir sus : c’est à coup sûr un mauvais citoyen. L’homme de bien, le vrai patriote, se repose sur les lois; leur exécution fait son bonheur; son obéissance, sa gloire. Il attend tout des autorités constituées ; il les éclaire de ses talents, il les aide de ses découvertes, il les instruit ; s’il s’y trouve des déprédateurs, des fourbes, des conspirateurs, et si elles se trompent, il a mille moyens de les dénoncer et de les atteindre. Eh! les lois sont-elles donc insuffisantes à leur égard, ou ceux qui doivent les faire exécuter sont-ils les complices des fripons? En vain parle-t-on continuellement de les détruire, s’ils doivent toujours exister, se reproduire, même pulluler, s’ils doivent continuer de troubler la société, d’insulter à la misère publique. On n’a jusqu’ici saisi que les plus maladroits. Il n’en est pas un qui ne crie haro sur ses semblables dès qu’il est découvert; il n’en est pas un qui, le voyant supplicier, ne s’écrie : C’est qu’il était un sot! Eh bien agissons de manière que sots et gens d’esprit de cette espèce ne puissent plus échapper. Nous avons à notre disposition et les yeux d’ Argus, et la force de Briarée ; la massue d’Her-cule est là pour les écraser : il ne s’agit que d’en faire usage. Ce n’est pas en les attaquant partiellement que vous en purgerez la République, il faut sonner sur eux le tocsin, d’une extrémité de la République à l’autre, les saisir, les enchaîner tous à la fois ; il faut que la République s’en trouve débarrassée au même instant ; mais surtout que l’exemple en soit tel qu’il ne prenne envie à personne d’en devenir les sectaires ou les imitateurs. Ce n’est qu’à ce prix que vous pouvez espérer de maintenir l’ordre et la tranquillité. Eh ! comment des citoyens probes pourraient-ils vivre, socier, fraterniser avec des scélérats couverts de sang et enrichis de dépouilles ! Comment voudriez-vous régénérer les moeurs, conséquemment baser la République, si vous laissez au milieu d’elle les basilics dont la vue tuera sans cesse la vertu, si vous laissez le crime jouir insolemment de l’impunité? Comment enfin pourriez-vous établir le règne des lois, les faire triompher, tandis que l’existence de tant de monstres annoncerait sans cesse et leur oubb et leur profond mépris? Leur présence sera toujours le scandale de la cité, l’opprobre du gouvernement, la torture des vrais républicains et la honte de la justice. Hâtez-vous donc de les ensevelir dans l’oubli ; leur extinction sera d’ailleurs une nouvelle hypothèque donnée à votre papier-monnaie : vous consoliderez et vous accroîtrez encore, par cette mesure, la fortune pubfique. Mais, sous cette dénomination générique de fripons, qu’est-ce que nous devons entendre? C’est ce qu’il s’agit d’expliquer. Nous désignons ainsi tous ceux qui ont attenté à la fortune publique, qui l’ont altérée, qui s’en sont indignement approprié les lambeaux, n’importe de quelle manière. Le projet que j’ai à vous proposer me dispense de tout autre détail (146). Oudot observe qu’il existe déjà des lois sévères contre toutes les personnes désignées par le préopinant ; que s’il s’est échappé quelqu’une à la Convention, ses comités lui en rendront compte, il demande que le projet leur soit renvoyé. ' Cambon annonce que le comité des Finances lui rendra probablement dans la décade, compte de tous les renseignemens qu’il a recueillis sur les divers objets contenus dans le projet, il demande que la Convention l’ajourne jusqu’après le rapport de son comité des Finances. La Convention renvoie le projet de décret à ses trois comités et l’impression du discours de Ba-railon (147). Un membre propose de décréter ce qui suit : Article Premier. - Les comités révolutionnaires des communes et de districts, établis par la loi du 7 fructidor dernier, sont tenus, à peine d’en être réputés et punis, comme les fauteurs et complices, de faire arrêter et dénoncer, dans le mois, au comité de Sûreté générale de la Convention nationale, tous les ci-après désignés, savoir : 1°. Tous ceux qui, par fraude et vol ont adjugé ou se sont fait adjuger des biens nationaux à des prix au-dessous de la valeur à laquelle ils auroient pu atteindre par les enchères; 2°. Ceux qui ont pillé et dévasté les maisons d’émigrés, des condamnés, des déportés, des gens arrêtés comme suspects, ou prévenus de quelque délit et autres maisons déclarées nationales, ou qui ont profité de leurs meubles et effets; 3°. Ceux qui ont soustrait ces mêmes meubles et effets, avant l’apposition des scellés, ou qui, à la faveur de leur contre-faction, en ont enlevé les plus précieux; 4e. Ceux qui ont diverti ou détourné les deniers publics mis à leur disposition, n’importe à quel titre et pour quel objet, sans en faire le véritable emploi, sans en remplir l’objet de la destination; 5°. Ceux qui ont levé, touché, perçu des taxes dites révolutionnaires, sans en prouver l’emploi de clerc-à-maître ; 6°. Ceux qui n’ont point fait la remise des effets dont ils se sont emparés dans les églises, les monastères et autres lieux désignés dans le n" 2, ou sur les prévenus, les incarcérés, les condamnés et les individus mis hors de la loi; (146) Moniteur , XXII, 234-235. (147) J. Paris, n° 23; J. Fr., n' 748.