516 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790.] d’imaginer aucun pian gui concilie mieux la protection active d’un ministre tel) que Monsieur le contrôleur général. Réponse du conseil des finances au mémoire de M. Dupont sur la compagnie messagère des Indes. 1° Nos armements ne seront jamais à aussi bon compte que ceux des étrangers; 2° Les négociants préfèrent de se servir de leurs propres vaisseaux plutôt que d’armer ceux du roi à leurs frais, à charge de les t endre au même état; 3° A qui ces vaisseaux seraient-ils adressés dans l’Inde? Comment se feraient les achats? 4° Ce serait perdre toute relation avec les naturels du pays et toute considération dans l’Inde; 5° Il y aurait des années où il n’y aurait pas déchargement, et alors la compagnie messagère perdrait beaucoup; 6° En tout, ce projet de compagnie messagère est une chimère et une idée creuse aux yeux de tous les commerçants. On ne peut pas s’exposer, en l’entreprenant, à se faire ridiculiser par toute l’Europe. (La partie droite de l’Assemblée applaudit aux phrases qui semblent inculper M. Dupont. On fait ensuite lecture de la lettre de M. Dupont au ministre, en lui envoyant la mémoire. Cette lettre se termine par ces mots, qui sont vivement applaudis par la partie gauche de l’Assemblée, .te sais que je préférerai toujours l'intérêt du roi et de la pa trie au mien.) M. l’abbé Maury reprend la parole, et s’écartant entièrement des bases qu’il a posées, il finit par demander la conservation du privilège exclusif de la compagnie des Indes, et propose d’établir une imposition sur les bénéfices de la compagnie, qui tiendrait la place du droit d’induit ; cette imposition consiste à donner à l’Etat le droit de partager avec la compagnie des Indes le bénéfice qui excéderait 8 pour 100. M. Dupont (de Nemours). J’ignore de quelle manière M. l’abbé Maury a pu se procurer les pièces dont on vous a fait "lecture, et je n’y vois qu’un délit très grave. Mes vues, Messieurs, étaient de rendre le commerce de l’Inde plus utile à l’Etat. Les vaisseaux que je demandais devaient être destinés à une grande entreprise; vingt-quatre auraient eu leur destination pour le Bengale ; douze armés en «flûtes et douze lestés avec des armes, seraient arrivés sans donner aucune inquiétude à l’Angleterre; en cas de guerre, ces vingt-quatre vaisseaux, avertis par un simple aviso de rester en parage, mettaient le Bengale sous la domination française. Je demandais à être un des administrateurs de cette entreprise, parce qu’en pareil cas on ne peut se fier qu’à soi-même. J’avais un sentiment d’ambition qui fait qu’on aime mieux se mettre à la brèche et risquer les coups, de peur que cela ne soit encore plus mal fait par un autre. Je suis bien fâché qu’un pareil projet, qui perd tout son mérite dès qu’il est connu, ait été divulgué par des gens que je ne puis appeler citoyens, puisqu’ils osent ainsi compromettre les intérêts de leur patrie. (Les applaudissements les plus vifs succèdent au discours deM. Dupont.) La discussion est renvoyée au lendemain, et la séance est levée à 9 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du vendredi 2 avril 1790 (1). La séance est ouverte à quatre heures après midi. M. Drevet «le Deaujour, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. Il fait ensuite mention des adresses suivantes : Adresse de la communauté de Gourbouzon ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse des nouvelles municipalités de Neuf-fonts, de Gironde, de St-Laurent en Quercy ; de Bouligny, Avilies, Haucourt, Houdlancourt, Etou, Nouilionpont, Diezé et Rechicourt en Lorraine, de Brevelier en Lorraine, de St-AmourenMâconnois, de Marolles en Brie, de Ponteils, de Brassac au Pays de Foix, d’issus, de St-Jean de Yaleriscle en Languedoc, de Premille, de Mulecy, de Ghauvé, des villes de Bourganeuf et de Castelmoron-d’Al-bret ; elles contiennent toutes des assurances d’adhésion aux décrets de l’Assemblée, et des protestations de maintenir la Constitution; De la communauté de Sennecy-le-Château ; elle supplie l’Assemblée de l’autoriser à retirer d’entre les mains du receveur des Domaines et Bois de Dijon, la somme de 1 ,200 livres, provenant des différentes délivrances de bois de cette communauté; sur laquelle somme elle fait le don patriotique de celle de 200 livres; De celle de Beaumont en Yalentinois; elle annonce que l’effet des décrets de l’Assemblée a été de réunir les cœurs de tous les habitants par le le doux lien du patriotisme, puisque le maire, qui est un ministre protestant et le premier officier municipal, le curé du lieu, vivent aussi fraternellement que s’ils avaient les mêmes opinions ; Du bourg de Tanlignan en Dauphiné ; il fait un exposé touchant des malheurs qu’il éprouve, fait les réclamations les plus fortes contre le droit de Quarantain, perçu par le seigneur, et implore la protection de rassemblée ; De la communauté d’Archaingey en Saintonge; elle supplie l’Assemblée de ne pas se séparer avant d’avoir achevé la Constitution, et offre, pour les besoins de l’Etat, une somme de 2,000 livres ; Des communautés composant le canton de la Roche, bas-Limousin ; elles annoncent qu’elles doivent le calme et la tranquillité dont elles commencent à jouir, tant à la lettre qui fut adressée de la part de l’Assemblée aux municipalités, qu’à la conduite noble et courageuse des citoyens de la ville de Tulle et à la maréchaussée ; Des communautés de Saint-Cyprien et de Va-rets, du district de Brives, en Limousin; elles demandent la suppression d’un droit odieux connu sous le nom de pressé ; Des communautés de Saint-Sal et de Saint-Sal-vadour de la même province ; elles conjurent l’Assemblée d’enjoindre au prévôt delà ville de Tulle d’informer avec diligence et avec soin contre tous auteurs, fauteurs et complices des attroupements du bas-Limousin, détenus ou cachés, pour leur (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790.] procès leur être fait et parfait selon la rigueur des ordonnances; De la communauté de Vatteville ; elle demande un tribunal de district pour la ville d’Andely; De la communauté de Ghampaigne et Vaux, près de Beaumont-sur-Oise ; elle offre à la patrie une somme de 307 livres; Enfin, de la communauté de Mezière, du district de la ville de Mantes ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de félicitation et adhésion des nouvelles municipalités de SoIliers-la-Salte et de Soi-liers-lès-Tours, en Provence; elles remercient l’Assemblée nationale de leur avoir procuré le bonheur de s’administrer elles-mêmes ; elles jurent de verser leur sang pour la défense de la Constitution. Adresse de la communauté de Brienon-1’ Archevêque, qui contient les mêmes protestations ; elle supplie l’Assemblée nationale de lui accorder le tribunal de son district. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la garde nationale de la ville de Fumet. Adresse des citoyennes de Meulan qui, apprenant que l’auguste qualité de mère ou d’épouse leur donnait le droit de manifester publiquement leurs sentiments, ont prêté solennellement le serment civique. Adresses des nouvelles municipalités des communautés du Theil-d’Insning, en Lorraine allemande, de la Grave, de Chaumare, de Saint-Fixte, en Forez, de Souvigné, district de Sablé, de Saint-Omer-Capelle, de Saint-Martial, de Colonge ; de Paulhac, en Agenois ; des villes d’Grchiet et de Podensac. De la communauté de Surançon, en Béarn ; elle fait plusieurs observations sur les fonctions des officiers municipaux qui peuvent conserver le pouvoir judiciaire ; De la communauté de Lucmean, en Guyenne; elle fait l’éloge de sou curé, et supplie l’Assemblée de lui tixer un revenu proportionné à son ancien traitement ; elle annonce que les déclarations patriotiques s’élèvent à la somme de 2,451 livres 19 sols ; De la communauté de Notre-Dame de Taxac, en Guyenne ; quoique le général des habitants ne jouisse pas de quatre cents livres de revenus, ils offrent en contribution patriotique 929 livres 17 sols; De la communauté de Sa, en Languedoc ; elle fait le don patriotique d’un contrat sur le Trésor royal, de la somme de 600 livres et des intérêts arriérés ; De la communauté de Yesillon, près d’Andely, en Normandie; elle demande avec instance que cette ville soit le siège du tribunal de «on district. Adresse de la communauté de Blauzac, qui contient les mêmes protestations d’adhésion et de dévouement. L'adresse de la République des Grisons à l’ Assemblée -àtüve toute son attention ; ils y expriment les sentiments d’admiration dont ils sont animés pour la Constitution qu’elle a donné à l’Empire français; ils pensent que tous les hommes reconnaîtront la fin pour, laquelle ils sont nés, dans quelle condition ils doiveut couvrir la terre et sous quel pacte ils peuvent se réunir en société ; qu’ils y verront à jamais que la voix du peuple est la source des lois. Ils témoignent le désir que le nouveau mode d’avancement qui sera projeté par l’Assemblée nationale, soit par un décret formel rendu commun à leurs troupes ; ils ont conçu l’espoir qu’il ferait renaître les temps célèbres de l’armée française et ceux de leurs anciennes milices. A cette adresse est jointe la délibération des cinq tribus de la ville de Coire, au pays des Grisons, ainsi qu’une autre, contenant les suffrages de cette ville, et souscrite à l’adresse des patriotes : « Messieurs, « Il vous suffit, sans doute, pour votre satisfaction, de recevoir de toutes les parties du vaste Empire que vous représentez, | des actions de grâce réitérées et des adhésions continuelles à vos décrets ; cependant, permettez qu’à travers tant de gloire s’élève jusqu’à vous l’hommage d’un peuple simple, mais ambitieux de paraître un des premiers dans l’heureuse confraternité que vous venez d’établir entre toutes les nations libres. Les hautes Alpes que nous habitons au fond de l’ancienne Rhétie, sont comme un temple saint où, à la faveur d’une démocratie pure, se conserve, depuis plusieurs siècles, le germe sacré de la liberté. Nous en profitions seuls, et il était réservé à la nation la plus ingénieuse de l’univers de la seconder pour le bonheur du monde. C’est ce que vous venez de faire, Messieurs, par les droits que vous avez déclarés, par les principes que vous avez donnés à votre Constitution. Les hommes y ont reconnu pour quelle fin ils sont nés, dans quelle condition ils doivent couvrir la terre, et sous quel pacte ils peuvent se réunir en société. » Vos décrets et expressions énergiques sur la liberté ont avivé ce sentiment-là dans tous les cœurs qui le portaient, et l'on fait naître dans ceux où il n’était point encore entré ; mais si vous recevez l’hommage de tant de biens que va faire à l’humanité la régénération de votre Empire, il faut que vous sachiez aussi, Messieurs, que les vices de votre ancien gouvernement portaient leurs funestes influences jusqu’au sein des Etats que leur position semblait en rendre indépendants. C’est ce qu’a éprouvé notre république, et c’est aussi ce qui vous sera facile et honorable à détruire ; mais écoutez un mot sur sa constitution. « La République des Grisons est composée de vingt-sept communes libres (1), indépendantes même dans ce qui concerne leur administration et leur police particulière et dont les chefs et les juges sont élus par le peuple. Les communes réunies plusieurs ensemble forment de plus grandes communautés régies sur le même principe. Les représentants ou députés des communes se réunissent sous trois divisions territoriales qu’on nomme ligues, et ensuite dans une seule assemblée qu’on nomme diète générale ; c’est celle-ci qui exerce le droit de souveraineté par rapport à la confédération entière. Qu’il nous soit permis un mouvement d’orgueil, en comparant nos administrations de communes à vos municipalités, nos grandes communautés à vos districts, nos trois ligues à vos départements, et notre grande diète à votre Assemblée nationale. De profonds législateurs ont tracé votre Constitution; des hommes simples, guidés seulement par le (1) Ces communes sont composées de plusieurs villages, et il eu est qui réunissent jusqu’à trois mille votants.