14 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.l CAHIER Des plaintes et doléances, remontrances et demandes et pouvoirs donnés dans l'assemblée du i tiers-état de la paroisse de Périgny en Brie, tenue , le 14 du présent mois d'avril de l'année 1789 (1). Art. 1er. Arrêté que.la commune de Périgny est composée de quarante-deux feux, tous vignerons. Art. 2. Arrêté que ladite paroisse paye annuellement la somme de 3,320 livres de tailles, sans y comprendre les vingtièmes et la corvée, ladite corvée étant pour les chemins qu’ils n’ont pas. Art. 3. Arrêté que nous sommes bornés par la rivière d’Hier, et que nous avons trois quarts de lieue pour arriver au pavé, et que les chemins sont tout à fait impraticables, sans pouvoir eu avoir au petit commerce de vin que nous récoltons très-modiquement. Art. 4. Arrêté que notre terFoir contient la quantité de 547 arpents 51 perches, par le mesurage qui en a été fait par M. Dupré, arpenteur dudit terroir. Art. 5. Nos terres sont de la première classe, et par la quantité de remises qui se trouve sur ledit terroir, cela les fait devenir à la dernière classe. Art. 6. Que le lièvre est si commun dans la plaine, qu’il détruit et ravage tous les grains, et que notre terroir en est tout à fait rempli. Art. 7. Que la perdrix est si commune, qu’elle pique le cœur du blé et l’empêche de rapporter fa moitié de nos récoltes. Art. 8. Arrêté que si les remises ne sont pas arrachées, il est impossible de détruire le lapin et toutes sortes de vermines qui se réfugient dans lesdites garennes, qui mangent et détruisent nos vignes ainsi que les arbres fruitiers et les légumes que nous semons pour nous faire subsister. Art. 9. Que les capitaineries ne seront plus, par les dommages occasionnés par les gardes, qui passent tous les jours à cheval et à pied parmi fa plaine, sans suivre aucun chemin, et que les pieds de leurs chevaux portent un préjudice très-endommageable et que les grains ne puissent se relever. Art. 10. Arrêté que nos jardins sont consommés par le gibier, et que nous ne pouvons avoir aucun fégume pour nous subsister, ce qui devient pitoyable. Art. 11. Arrêté que les cultivateurs ne peuvent nettoyer ou arracher les mauvaises herbes dans les grains, sans être molestés des gardes, à cause du gibier qui empêche à nos grains de rapporter. Art. 12. Arrêté que nous payons les gros du vin au sixième de la vente du gros, suivant le prix du vin, et que les vignerons, après leur peine et travaux, à peine ont-ils de reste pour payer les tailles et dixièmes. Art. 13. Arrêté que la répartition desdites impositions sera faite sur tous les sujets du royaume dans la forme la plus simple, et sans aucune exception ni distinction de noblesse ou roturiers quelconques. Art. 14. Arrêté que le blé est si cher que le peuple n’y peut plus tenir, ni même le fermier et les petits cultivateurs, qui ne peuvent venir à bout de faire leurs payements pour le peu de récolte qu’ils font, causé par le gibier. Art. 15. Arrêté que le sel est si cher, que l’on ne peut plus en avoir que dans les petites gabelles, et que l'on est forcé d’aller chercher le sel à la grande gabelle, et que le moyen ne permet pas d’aller chercher le sel qu’ils ordonnent aux particuliers. Signé Planchet, syndic; Savereau ; Jean-Baptiste Huré; Gaubice; Jean-François Boullet; Pierre Cailliot ; Jacques Pajot ; Denis Cailliot ; Jean-Claude Huré; Joseph Mottay; Claude Gauthier; Pierre-Antoine Gauthier; Charles-Benoît Gauthier; Gabriel Gauthier ; Claude Maître, greffier ; Pierre-Pascal Laurein. Fait et arrêté en ladite assemblée de ce jour, 14 avril 1789. Signé Hautereaü. CAHIER Des plaintes et doléances des communes de la paroisse de Perray, Saint-Pierre et Saint-Léonard de Corbeil (1). CHAPITRE Ier. Des impôts. Pleins de confiance dans la justice et la bonté du Roi, auquel nous jurons tous une fidélité sans bornes, animés par les sentiments de liberté qu’il a fait renaître en nos âmes, nous le supplions de prendre en considération, dans les prochains Etats généraux, l'immensité des impôts dont la mauvaise administration des finances nous a écrasés, et, en conséquence : Art. 1er. De convertir en un seul droit tous ceux d’aides, de subventions, ceux sur la marque des cuirs, ceux d’inspecteurs aux boucheries, dons gratuits et une infinité d’autres d’une nature accablante, perçus sous cent dénominations différentes, qui varient à chaque instant, qu’un seul homme sur mille ne connaît pas, et qui occasionnent la ruine des familles non-seulement par la perception, mais aussi par les frais de contraintes , les procès-verbaux de saisies que les commis font à ceux qui ne savent pas, la plupart du temps, ce qu’on leur demande, qu’on traite avec la dernière rigueur et en coupables, qu’on ruine en frais, quoiqu’ils n’aient péché contre la bursalité que par ignorance. Art. 2. Que les traites, les vingtièmes soient réunis sous la même dénomination, jusqu’à ce que l’acquit des dettes de l’Etat ait mis la nation à portée de les supprimer entièrement, et d’en remplacer le produit par un impôt territorial dont tous les sujets du Roi, sans aucune distinction, gens d’Eglise, nobles et roturiers payeront leur quote-part, en proportion du revenu de leurs biens-fonds, d’après le règlement qui en aura été fait dans une assemblée de la commune ou paroisse de la situation desdils biens-fonds, en présence de chaque propriétaire ou de son fondé de procuration spéciale, pour éviter, à l’avenir, toute espèce de procès ou discussion. Art. 3. Qu’à l’égard des capitalistes et de ceux qui paraissent n’avoir aucune espèce de biens-fonds, mais qui ont toute leur fortune dans leur portefeuille et qui, par conséquent, ne supportant aucune des charges foncières, jouissent impu* nément de leur opulence sans contribuer aux charges de l’Etat, si ce n’est sur les droits qui sont imposés sur le comestible et sur les objets de luxe, nous demandons qu’il plaise aux Etats généraux de peser, dans leur sagesse, cette sin-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789- Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 45 gularité, et d’aviser aux moyens les plus convenables et les plus propres pour assujettir cette portion de citoyens à leur contribution des impôts, puisque, par les moyens de l’agiotage ou autrement, ils se forment une exemption de toutes charges, un revenu clair, net, qui double et quelquefois triple et quadruple celui des propriétés foncières. CHAPITRE II. Des privilèges. Que tous les privilèges et exemptions de la contribution aux charges ordinaires et extraordinaires de l’Etat et à toute espèce d’impôts, sous qüelqüe dénomination qu’ils soient ou puissent être imposés à l’avenir, soient abolis et supprimés, n’étant pas juste de les conserver et entretenir aux dépens de l’indigence. CHAPITRE III. De V administration. Que tous les ans le compte des finances soit imprimé et rendu public. CHAPITRE IV. De rétablissement d'une caisse d'épargne. Que la liquidation de la dette nationale, en ce qui excède ses revenus ordinaires, soit opérée dans le délai le plus prochain possible, et qu’aus-sitôt après que l’acquit en aura été fait, il soit établi une caisse d’épargne dans laquelle sera versée, tous les ans, une somme pour subvenir aux besoins imprévus de l’Etat, en cas de guerre ou autrement et que le compte de ladite caisse soit aussi imprimé et rendu public. CHAPITRE V. De la répartition de la taille. Que la répartition de la masse de la taille, tant qu’elle aura lieu, ou de l’impôt foncier qui y sera substitué, ne se fasse que par les Etats pro-viticiaux chacun, dans son district et par paroisse en proportion de l’étendue de son territoire. Que la somme que chaque paroisse doit supporter soit fixe;que, pour éviter les doubles emplois dans les rôles de répartition et toutes discussions entre paroisses voisines et habitants d’icelles, sur les questions de savoir si l’on est de telle ou telle paroisse, si les terres que l’on y possède sont de bonne ou mauvaise qualité ou de qualité mitoyenne, chaque paroisse soit autorisée à se faire borner contradictoirement avec les paroisses voisines, en présence des curés et des syndics desdites paroisses, comme aussi il soit fait en même temps un classement des terres de chaque paroisse, en présence des propriétaires habitants desdites paroisses ou forains ÿ âyantdes propriétés, ou eux dûment appelés, huitaine auparavant, par affiches imprimées et publication à la porte de l’église paroissiale, aux jours de fêtes ou dimanches à l’issue de la messe. CHAPITRE VI. Des capitaineries. Que les capitaineries soient supprimées, ainsi que les officiers y attachés, comme un fléau qui occasionne la ruine des terres et des bois, ainsi que des propriétaires et fermiers qui, le plus souvent, par le ravage du gibier, ne trouvent qu’à glaner dans les terres où iis auraient dû moissonner et qui sont obligés, à peine d’amendes énormes, de punitions mêmes corporelles, outre les frais auxquels ils sont condamnés, de porter plus de respect à un lièvre et en général à tout le gibier quadrupède ou volatile qu’au seigneur et au curé de la paroisse. CHAPITRE VII. Des abus d’autorité. Qu’aucun citoyen domicilié ne puisse être privé de sa liberté qu’en vertu d’un décret de justice et pour être conduit dans une prison légale, où son juge naturel ou autre juge légitime lui fasse délivrer dans les vingt-quatre heures copie en forme dudit décret ou de l'ordre de sa détention, avant de lui faire subir interrogatoire, à moins que ce ne soit un assassin, un incendiaire, un homme sans aveu, un voleur pris en flagrant délit, arrêté à la clameur publique, un homme prévenu de quelques autres grands crimes que la sûreté et l’intérêt publics peuvent seuls autoriser à arrêter, en vertu de lettres closes ou de cachet avant les formalités de justice pour s’assurer de la personne des coupables. CHAPITRE VIII. Des justices seigneuriales. Qu’il n’y ait plus, à l’avenir, dans les affaires contentieuses, que deux degrés de juridiction, pour obvier à la multitude énorme des frais de justice ; qu’à cet effet les justices seigneuriales soient et demeurent supprimées, à l’avenir, en ce qui concerne l'instruction et jugement des affaires contentieuses, sauf l’exercice desdites justices par rapport à la police, aux appositions de scellés, actes de tutelle, curatelle et inventaires dont, au cas de contestation, lesdits juges seigneuriaux seront tenus de renvoyer le jugement par-devant le juge supérieur ressortissant nûment en la cour, pour être par ledit juge, en son hôtel les parties présentes ou dûment appelées , statué provisoirement ou, à l’audience, définitivement, comme en matière sommaire, sauf l’appel en la cour s’il en est appelé. CHAPITRE IX. Des droits domaniaux. Que les 10 sols pour livre des droits de contrôle des exploits, de celui des autres actes et jugements, des droits d’insinuation au tarif soient supprimés, comme une surcharge trop onéreuse au commerce, et qui ne doit ‘son existence qu’à la dilapidation des finances. CHAPITRE X. . Des lettres d’Etat. Qu’il ne soit accordé à quelques personnes, de tels état et condition qu’elles soient, aucune lettre d’Etat ni arrêt de surséance, pour que les poursuites des créanciers contre leurs débiteurs aient un cours libre, ces lettres d’Etat et de surséance n’étant ordinairement que le fruit de l’intrigue, de l’importunité ou de la surprise; étant plus juste qu’un débiteur qui par sa mauvaise conduite sa dépense immodéré et son luxe insolent, a abusé de la confiance de ses créanciers et a consommé leur ruine, ait la honte de venir à leur merci, plutôt que ceux-ci viennent à la sienne. La suppression des lettres d’Etat et de surséance est même un des moyens les plus effica- 16 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES ces d’empêcher les faillites et les banqueroutes, dont une seule entraîne souvent vingt autres. CHAPITRE xi. Du commerce. Que les barrières, pour la perception des droits d’entrée, traites et autres marchandises venant de l’étranger, soient reculées aux frontières du royaume, et que, dans l’intérieur, le commerce de toute espèce de marchandises soit entièrement libre; ce qui, en facilitant aux sujets du royaume le moyen de trafiquer comme ils le jugeront à propos, chacun selon son industrie, les mettra à portée d’élever leur famille, de payer leur part des charges de l’Etat de la manière qui sera avisée aux Etats généraux à l’égard des négociants et commerçants qui n’ont aucune propriété foncière ou qui ont leur fortune dans le commerce, et épargnera à Sa Majesté la solde et l’entretien de plus de quarante mille gardes ou commis qui sont répandus dans le royaume, qui ne s’occupent qu’à vexer et molester les sujets du Roi par des procès-verbaux de saisie, dont la moitié ne contient que des faits supposés contre les prétendus délinquants, procès-verbaux dont il n’en est-pas qui soient rédigés sur le lieu à l’instant, mais au bureau du receveur et directeur, hors la présence des parties, et tout cela par l’espoir que lesdits commis aux gardes ont d’avoir une part dans les amendes et confiscations, et d’avancer en grade, en proportion des saisies et des procès-verbaux qu’ils font justement ou injustement, sur la foi attribuée à leurs procès-verbaux, et qui ne devrait l’être qu’autant qu’ils auraient été dressés sur le lieu même de la contravention ou délit, en présence de deux témoins domiciliés non attachés à la ferme. CHAPITRE XII. Des péages. Que tout les droits de péages soient supprimés, comme gênant la liberté du commerce, n’étant pas juste d’ailleurs que ceux qui payent l’entretien des chemins soient encore obligés de payer pour y passer, si mieux n’aiment les seigneurs se charger de l’entretien des chemins où ils perçoivent un péage, comme ils y étaient payés dans l’origine. CHAPITRE XIII. De la police. Que les juges des-petites villes et bourgs soient tenus, conformément aux ordonnances, de faire exactement, comme cela se pratique dans les grandes villes, et au moins une fois tous les quinze jours, la vérification des poids et mesures et balances des marchands, singulièrement dans les marchés et notamment chez les boulangers, visites qui sont tellement négligées que le pain, qui est de première nécessité, se vend à faux poids par plusieurs, malgré les plaintes des pauvres et la rumeur publique, sans qu’il apparaisse aucun jugement de condamnation contre les délinquants ; abus qui se perpétue et s’augmente tous les jours par l’impunité. Que les juges de police, chacun dans leur juridiction, soient tenus de faire afficher dans un tableau permanent à l’auditoire du lieu, la taxe du pain et de la viande, suivant la variation des circonstances, pour que les habitants du lieu en soient instruits et aient à s’y conformer. PARLEMENTAIRES. [Paria hors las mura.] CHAPITRE XIV. Eaux et forêts. Sont priés les États généraux de prendre en considération qu’il existe dans ce que l’on appelle eaux et forêts des abus considérables, et d’aviser au moyen de les détruire. CHAPITRE XV. Des municipalités. Qu’il soit permis à toutes les villes, dont le corps municipal est érigé en titre d’office, de faire à leurs frais le remboursement des charges, et de choisir comme autrefois leurs officiers à la pluralité des voix. Signé Janvier ; Massy, syndic ; Petit-Henriette ; Mativet-Caillois ; Mathieu Galmures; Edme Masson ; Gauzier Le Gat ; Godefroy Guermer ; Nicolas Gelin; Renaut-Jannisson; Goursel-Gridelin. Coté et paraphé par première et dernière, au désir du procès-verbal, fait devant nous, président, prévôt de Gorbeil, cejourd’hui 13 avril 1789. Signé Robert de Gourville. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état composant la communauté de la paroisse de Saint-Gervais et de Saint-Protais de Pierre-fitte, près Saint-Denis en France , prévôté de Paris (1). A SA MAJESTÉ LOUIS XVI, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE. Art. 1er. Qu’il plaise à Sa Majesté, comme le père commun de toute la nation, prendre en considération le sort de la majeure partie de son peuple ; qu’il ne peut atteindre au prix exorbitant des denrées de première nécessité pour les subsistances, malgré que, dans l’opinion publique, il ne puisse avoir lieu à une disette en France, et ordonner par son autorité royale et toute-puissante, qu’il ne se forme, surtout point à l’avenir des sociétés pour accaparer le blé, dont elles font des amas considérables ; ce qui en empêche la circulation dans les lieux où il peut en manquer, et cause ainsi une disette désastreuse. Art. 2. Qu’il plaise à Sa Majesté de prendre en considération le sort des personnes du tiers-état de Pierrefitte, au nombre environ de six cents personnes de tout âge et de tout sexe, lesquelles, dans un territoire d’environ 900 arpents, qui se réduit à peu près à 780 arpents, parce que, sans aucun château seigneurial apparent, il s’en trouve environ 120 arpents enclos, tant dans les maisons des privilégiés que dans la grande route royale qui le coupe dans toute sa longueur, paye à Sa Majesté au moins 22,000 livres de toute espèce d’impôts, en sus au moins 2,000 livres pour les charges de la communauté; il en résulte que le territoire est surchargé par proportion d’un quart en sus, par la trop forte évaluation donnée aux terres, même comparaison à celles voisines. Art. 3. Qu’il plaise à Sa Majesté d’ordonner qu’il leur soit permis de se transporter dans tous les temps pour nettoyer les grains, faire leurs foins librement, quoique dans une capitainerie royale, où ils souffrent des dommages, d’ailleurs , de la (1) Nous publions ce cahier d’après uu manuscrit de* Archives de l’Empire.