708 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il septembre 1790.] PROJET DE DÉCRET SUR LA CONTRIBUTION FONCIÈRE. Titre Ier. — Articles généraux . Art. 1er. Il sera établi, à compter du 1er janvier 1791, une contribution foncière , dont la somme fixe et déterminée sera répartie, par égalité proportionnelle et sans aucune exception, sur toutes les propriétés foncières à raison de leur revenu net. Art. 2. La législature déterminera chaqueannée la somme de cette contribution d’après les besoins de l’Etat, et cette somme sera divisée en un principal qu’on pourra laisser subsister sans changement pendant plusieurs années, et en sols ou deniers pour livre accessoires ; en sorte que les accroissements ou les diminutions de la somme totale n’altèrent pas le taux principal sur lequel les rôles seront faits. Art. 3. En décrétant la somme de la contribution foncière, la législature indiquera en môme temps chaque année dans quelle proportion, avec le revenu territorial du royaume, elle aura entendu en faire la distribution entre les départements, et cette même proportion sera suivie dans tous les degrés inférieurs de la répartition, de manière que la contribution d’aucun district, d’aucune municipalité, d’aucun propriétaire, ne puisse excéder le taux proportionnel fixé par la législature. Art. 4. Les débiteurs de rentes perpétuelles ou viagères, constituées avant la publication du présent décret, et sujettes à la retenue des impositions royales , feront, dans la même proportion, la retenue à leurs créanciers de la contribution foncière en principal et accessoires; mais à l’avenir les stipulations entre les contractants, seront entièrement libres sur ce point, et il ne pourra être fait de retenue à raison de la contribution foncière, qu’autant que le contrat en porterait la condition expresse. Art. 5. Il sera établi un fonds pour pourvoir aux non-valeurs résultant, soit des décharges et réductions qui auront été prononcées en vertu des articles 1, 2, 3, 4 et 5 du titre IV du présent décret, soit des remises ou modérations que les accidents fortuits, vimaires ou fléaux, mettront dans le cas d’accorder. Art. 6. Ce fonds, qui ne pourra pas être employé à d’autres usages qne ceux énoncés dans l’article précédent, sera formé par une addition de deniers pour livre du principal de la contribution foncière et partagé en deux portions ; l’une, qui sera le tiers de la somme totale, sera confiée à l’administration de chaque département pour en disposer selon les règles prescrites dans l’instruction qui sera donnée à la suite du présent décret, et l’autre portion, formant les deux tiers, restera à la disposition de la législature. Art. 7. Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités, ne pourront sous aucun prétexte, et ce, sous peine de forfaiture, se dispenser de répartir la portion contributive qui leur aura été assignée dans la contribution foncière ; savoir : aux départements par un décret de l'Assemblée nationale ou des législatures , aux districts par la commission de V administration de département , et aux municipalités par le mandement de l' administration de district. Art. 8. Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucuns propriétaires ne pourront, sous aucun prétexte, même de réclamations contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributive qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations selon les règles qui seront prescrites. Titre II. — Contribution foncière pour U année il§\. Art. 1er. La contribution foncière pour Tannée 1791 est fixée au principal de 240,000,000 livres, avec cinq 60ls pour livre additionnels, formant ensemble un total de trois cents millions . Art. 2. Ce principal de 240 millions sera incessamment réparti, avec les 5 sols pour livre additionnels entre les départements, par un décret particulier dans lequel l’Assemblée nationale déclarera aussi dans quelle proportion, avec tous les revenus du royaume, il devra être regardé pour Tannée 1791 seulement. Art. 3. La portion contributive assignée à chaque département sera répartie par son administration, entre les différents districts qui lui sont subordonnés ; et la dite administration sera tenue de déclarer, dans la commission qu’elle enverra à chaque district, qu’elle n’a point entendu fixer leur contingent pour le principal, au delà de là proportion, avec les revenus fonciers de leur territoire, déterminée par l’Assemblée nationale pour tout le royaume. Art. 4. Le contingent assigné à chaque district sera pareillement réparti par son administration entre les municipalités de son arrondissement, avec une déclaration dans le mandement expédié à cet effet, pareille à celle prescrite par l’article 3 aux administrations de département. Art. 5. Enfin, les officiers municipaux répartiront la quote-part assignée à leur municipalité, entre tous les propriétaires ou possesseurs, à quelque titre que ce soit, de biens-fonds situés dans le territoire de la municipalité ; et la répartition sera faite sur tous les biens, à raison de leur produit net, dans les formes prescrites au titre 3, de manière qu’aucune cotûatioa ne puisse séparément, sous aucun prétexte, excéder, pour le principal, la proportion avec le revenu net de la propriété cotisée qui aura été décrétée par l’Assemblée nationale. Art. 6. Dans les pays de taille perso nelle et mixte, les fermiers affranchis par l’article précédent des impositions qu’ils supportaient à raison de leur exploitation, seront tenus de payer, en augmentation de prix de bail, la moitié de la somme à laquelle la cotisation du propriétaire dans la contribution foncière s’élèvera au delà des deux vingtièmes et 4 sol3 pour livre du premier pour le revenu cotisé, à moins qu’ils ne préfèrent la résiliation de leurs baux, qui ne pourra leur être refusée. Art. 7. S’il arrivait qu’un département, un district, une municipalité ou un propriétaire fussent taxés séparément au delà de la proportion avec le revenu net de leurs propriétés foncières, déterminée par l’Assemblée nationale, leurs administrations ou municipalités seront admises, et aussi Les propriétaires, à demander la réduction de la portion contributive qui leur aurait été assignée. Art. 8. Il sera perçu pour 1791, sur la totalité du royaume, et en sus des sols pour livre additionnels de la contribution foncière, Bix deniers pour livre du principal de ladite contribution, formant une somme totale de six millions ,• et, de ces six derniers, quatre seront versés au Iré- 704 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1790.] sor public, et deux resteront à la disposition de l’administration de chaque département. Titre III. — Assiette de In contribution foncière de 179 U Art. 1er. Aussitôt que les municipalités auront reçu le présent décret, et sans attendre le mandement du directoire de district, elles formeront un tableau indicatif du nom des différentes divisions de leur territoire, s’il y en a déjà d’existantes, ou de celles qu’elles détermineront, s’il n’en existe pas déjà ; et ces divisions s’appelleront Sectionsi soit dans les villes, soit dans les campagnes. Art. 2. Elles choisiront ensuite, dans le corps municipal, des commissaires qui, assistés d’un certain nombre de propriétaires ou d’anciens cultivateurs appelés par eux, se transporteront sur les différentes sections, et y formeront un état indicatif du nom des propriétaires de chaque pièce de terre située dans la section, conformément au modèle tracé dans l’instruction ; et les états ainsi formés seront arrêtés et signés par les officiers municipaux, puis affichés à la porte du lieu des séances de la municipalité, à celle de l’église paroissiale et autres lieux publics. Art. 3. Dans le délai de quinze jours, après l’affiche des susdits états, tous les propriétaires feront au secrétariat de la municipalité, par eux ou par leurs fermiers ou régisseurs, et dans la forme qui sera prescrite, une déclaration de ce qu’ils possèdent dans le territoire de la communauté, de la contenance, de la nature desdits biens, et des charges dont ils peuvent être grevés; ce délai passé, les officiers municipaux procéderont à l’examen des déclarations, et suppléeront à celles qui n’auront pas été faites, d’après leurs connaissances locales, et celles des commissaires dont ils se seront fait assister. Art. 4. Aussitôt que ces opérations préliminaires seront terminées, les officiers municipaux feront, en leur âme et conscience, l’évaluation du revenu net de toutes les propriétés foncières de la municipalité, section par section, d’après la valeur locative pour les biens affermés, et d après la comparaison avec les biens affermés, pour ceux qui ne le seront pas. Art. 5. Pour déterminer la cote des maisons et et des étangs, il sera déduit un quart sur le prix des baux, ou sur l’évaluation faite par comparaison de ceux de ces biens qui ne seront point affermés, pour tenir lieu des frais d’entretien et de réparation. Art. 6. L’évaluation des bois taillis sera faite d’après le prix moyen des coupes annuelles, et pour ceux qui ne sont pas en coupe réglée, d’après leur comparaison avec les autres bois de même nature et de valeur présumée la même, soit dans la municipalité, soit dans le canton. Art. 7. L’évaluation des bois de haute-futaie et des prés à tourber sera faite, chaque année, conformément au taux qui sera fixé par le mandement du directoire du district, et la manière de déterminer ce taux sera réglée par un décret particulier. Art. 8. L’évaluation des forges, moulins et autres usines ne sera faite que d’après la valeur de leurs bâtiments servant à leur exploitation ; lesquels terrains seront évalués sur le pied des meilleures terres labourables de la commune ; le surplus du revenu que procurent ces établissements devant être considéré comme purement industriel, et soumis à la contribution sur les facultés. Art. 9. Les mines et carrières ne seront évaluées qu’à raison de la quantité de terrain qu’elles enlèvent à la culture ; ainsi celles exploitées à ciel ouvert le seront d’après leur surface, et celles exploitées par cavage , d’après la surface de leurs ouvertures; les terrains qui couvrent ces dernières seront d’ailleurs évalués selon leur produit, et les maisons ou ateliers, occupés pour l’exploitation et le service des mines et carrières, seront évalués comme ceux désignés dans l’article précédent. Art. 10. Quant aux rentes ci-devant seigneuriales, et aux agriers, champarts ou autres prestations, soit en argent, soit en denrées, soit en quotité de fruits, la taxe en sera faite à la suite de l’article, mais dans la même cote que la propriété qui en sera grevée; et pour faire l’évaluation de celles de ces prestations qui ne seront point en argent, les officiers municipaux se conformeront aux dispositions des articles 14, 15, 16 et 17 du décret du 3 mai 1790, concernant le rachat des droits féodaux. Le propriétaire du fonds grevé de ces charges sera autorisé à retenir, en les acquittant, la somme à laquelle lesdites prestations auront été taxées dans sa cote. Art. 11. D’après ces évaluations, les officiers municipaux procéderont, aussitôt que le mandement du directoire de district leur sera parvenu, à la confection du projet de rôle, conformément aux instructions du directoire de département qui seront jointes au mandement et seront tenus de faire parvenir ce projet de rôle, arrêté et signé par eux, au directoire de district dans le délai de quinze jours, à compter de la date dudit mandement. La forme des rôles, de leur envoi, de leur dépôt, et la manière dont ils seront rendus exécutoires, seront réglées par l’insiruction de l’Assemblée nationale annoncée dans l’article 6 du titre 1er. Art. 12. Les administrateurs de département et de district surveillerontet presseront avec la plus grande activité toutes les opérations ci-dessus prescrites aux municipalités. Titre IV. — Des. demandes en décharge, etc. Art 1er. Si quelque contribuable se croit lésé dans la répartition, et si notamment il se croit taxé en principal au delà de la proportion déterminée par l’Assemblée nationale, avec le revenu net d’une ou de ses propriétés foncières, il adressera, dans la forme qui sera prescrite, une réclamation au directoire de son district, lequel la communiquera à la municipalité pour décider ensuite sur sa réponse. Si le contribuable ou les officiers municipaux se croient fondés à réclamercontrecette première décision, ils adresseront une nouvelle requête au directoire du département, qui, après l’avoir communiquée à celui du district, statuera définitivement. Art. 2. Toute cote, réduite par la décision du directoire de département, ne pourra pas être augmentée les années suivantes ; et la somme excé-dente, portée pour la première année sur le fonds de non-valeurs établi par l’article 5 du titre premier du présent décret, sera.lesannées suivantes, répartie sur tous les contribuables de la communauté. Art. 3. Si c’est une communauté tout entière qui se croit en droit de réclamer, elle s'adres- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1790.] 705 sera au directoire du département ; la réclamation, envoyée par lui à l’administration du district, sera communiquée aux communautés dont le territoire touchera celui de la communauté réclamante, et il y sera de même statué contradictoirement et définitivement par l’administration du département sur l’avis de l’administration du district. Si la réduction de la cotisation est prononcée, la somme excédente sera de même portée la première année sur le fonds des non-valeurs, et répartie les années suivantes sur toutes les municipalités du district. Art. 4. La réclamation d’une administration de district qui se croirait lésée, sera de même adressée au directoire du département, et communiquée par lui aux autres districts de son ressort, pour y être ensuite statué contradictoirement et définitivement par l’administration du département sur le rapport et l’avis de son directoire. Les administrations de département adresseront chaque année à la législature leurs décisions sur les réclamations des administrations de district, avec les motifs de ces décisions. Quant aux sommes excédentes des contingents réduits, elles seront aussi portées la première année sur le fonds des non-valeurs, et réparties, les années suivantes, sur tous les districts du même département. Art. 5. Enfin, si c’est une administration de département qui se croit fondée à réclamer, elle s’adressera par une pétition à la législature; la pétition sera communiquée aux administrations de département dont le territoire touchera celui de la réclamante ; et il y sera ensuite statué contradictoirement par la législature. Le rejet de la somme excédente se fera de même la première année sur le fonds des non-valeurs, et les suivantes par reversement sur tous les autres départements. Titre V. — De la perception et du recouvrement. Art. 1er. Chaque année, aussitôt que le mandement pour la répartition de la contribution foncière sera parvenu à la municipalité, les officiers municipaux de chaque commune feront afficher la recette pour l’année suivante. Il ne sera pas reçu de soumissions pour en être chargé, que de sujets reconnus solvables, ou donnant caution suffisante, et l’adjudication sera faite à celui ou ceux qui s’en chargeront au plus bas prix. Art. 2. Si plusieurs, ou même toutes les municipalités d’un canton jugeaient utile de se réunir pour confier en commun cette perception à un seul receveur, elles en conviendront par une délibération du conseil général de chaque commune; et, dans ce cas, l’adjudication se fera dans le chef-lieu du canton, ou dans tel autre dont on conviendra, par-devant un certain nombre de commissaires nommés par chaque municipalité. Art. 3. La somme qui aura été attribuée pour la perception sera répartie sur tous les contribuables, en sus du principal et des .sols ou deniers pour livre accessoires de la contribution foncière. Art. 4. Les officiers municipaux pourront en tout temps vérifier sur le rôle l’état des recouvrements, et les receveurs de communes seront tenus de verser chaque mois, dans la caisse du district, la totalité de leur recette, et d’en représenter un bordereau certifié par les officiers municipaux. Art. 5. La cotisation de chaque contribuable sera divisée en douze portions égales, payables le dernier de chaque mois. Art. 6. Dans la dernière huitaine de chaque trimestre, c’est-à-dire dans la dernière huitaine des mois de mars , juin, septembre et décembre, il sera formé, par les receveurs de communes, un état de tous les contribuables en retard, lequel, après avoir été visé par les officiers municipaux, sera publié et affiché, et, faute de payement dans les huit premiers jours du mois, le contribuable payera, à compter du premier dudit mois, l’intérêt de la somme dont il se trouvera arriéré. Art. 7. L’intérêt courra au taux de 6 0/o dans le six premiers mois, de 5 0/o dans les mois suivants, et de 4 0/o dans les six autres, au bout desquels il cessera; et les intérêts seront au profit des receveurs, caissiers ou trésoriers qui seront toujours obligés de faire l’avance. Art. 8. A défaut de payement de la contribution foncière, les fruits ou loyers pourront être saisis, et il ne sera, en conséquence, décerné de contrainte pour cette perception, que sur ceux des contribuables dont l’espèce de propriété n’aurait pas un revenu saisissable, comme maisons non louées, bois non exploités, prés à tourber, etc. Art. 9. Tous fermiers ou locataires seront tenus de payer, en l’acquit des propriétaires, la contribution foncière pour les biens qu’ils auront pris à ferme ou à loyer, et les propriétaires seront tenus de recevoir le montant des quittances de cette contribution, pour comptant sur le prix des fermages ou loyers. Art. 10. La forme des états des contribuables en retard, celle des saisies, et la nature des contraintes, seront déterminées par un règlement particulier. Pièces justificatives. 45 1" Série. T. XVIII.