{Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {13 juillet 1790.] 74 La troisième partie est décrétée telle que le comité l’a présentée. (On fait lecture de la quatrième.) « 4° Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire pour non-jouissance, et des dégradations alléguées par le propriétaire. » M. Tronchet. En ces sortes d’actions, il y a deux choses à examiner. La première, si l’indemnité est due; la seconde, quelle en est la quotité. Les juges de paix doivent pouvoir connaître de l’une ©u de l’autre, évaluer la quotité de l’indemnité, mais renvoyer au district si elle s’élève au-dessus de 100 livres. M. Fréteau. Le préopinant n’a entendu parler que des indemnités pour non-jouissance; cependant des indemnités très considérables sont souvent réclamées par les propriétaires contre les fermiers. Il est facile de dégrader une terre faute de lui donner les façons nécessaires, et l’indemnité résultant de ces dégradations peut monter à un prix considérable. Je désirerais que le comité pût rédiger l’article de manière que le droit de constater les faits et la quotité des indemnités fût seul attribué aux juges de paix. Cette matière est trop importante pour n’être pas renvoyée au tribunal de district. M. Thouret. Le comité n’a pas entendu donner une attribution pour des sommes plus considérables que celles que vous avez fixées. Dans l’action en dégradation il ne s’agit que d’une vérification de fait. Il y a un bail qui exige telles ou telles façons : mettez ce bail entre les mains du juge de paix ; qu’il visite la terre, et il aura tout ce qui est nécessaire pour décider. Si les clauses du bail ne sont pas claires, il consultera l’usage de la localité. En portant directement l’affaire aux juges de district, ces juges seraient toujours obligés d’envoyer sur le lieux litigieux des hommes de la campagne. — Je pense cependant qu’on peut ajouter à la disposition ces mots : « lorsque le droit d’indemnité ne sera pas contesté. » (La quatrième partie de l’article est décrétée avec cette addition.) M. de Fachèze propose une addition à la cinquième partie qui est acceptée par le comité. « 5° Du paiement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques, et toutes autres actions pour refus de services promis. » (Cette disposition est décrétée sauf rédaction.) M. Tronchet. J’observerai sur la sixième partie de l’article qu’il n’est pas très exact de dire : « pour lesquelles il n’y aurait pas lieu à la poursuite criminelle. » Je suis libre de choisir la voie civile ou la voie criminelle, ainsi qu’il me convient. On pourrait s’exprimer de cette manière : « pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle. » La dernière disposition de l’article est décrétée avec ce changement, ainsi qu’il suit : « 6° Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle. » M. Garat aîné. Je demande que M. le rapporteur nous donne lecture de l’article 10, tel qu’il résulte des votes que vous venez d’émettre. M. Thouret, rapporteur. L’article se trouve ainsi conçu ; « Article 10. Il connaîtra de même sans appel, jusqu’à la valeur de 60 livres, et à charge d’appel, à quelque valeur que la demande puisse monter : « 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes; « 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terre, arbres, haies, fossés et autres clôtures commises dans l’année; des entreprises sur les cours d’eau, servant à l’arrosement des prés, commises également dans l’année, et de toutes autres complaintes possessoires; « 3° Des réparations locatives des maisons et fermes; « 4° Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, lorsque le droit d’indemnité ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire; « 5° Du paiement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques et des actions relatives à l’exécution de leurs engagements. « 6° Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle. » M. le Président met l’article 10 aux voix. L’article est adopté sauf rédaction pour le paragraphe 5. M. le Président. V Assemblée a mis à son ordre du jour un exposé général et un rapport du comité militaire sur le nombre des troupes , leur dépense , leur solde et appointements. Je consulte l’Assemblée pour savoir si elle veut interrompre la discussion sur l’organisation judiciaire et entendre le rapporteur du comité militaire. L’Assemblée décide que le rapporteur aura la parole. M. Fouis de Noailles, rapporteur (1). Messieurs, de tous les objets qu’il était nécessaire d’épurer, selon votre système régénérateur, aucun peut-être n’en eut plus besoin, et aucun ne présentait plus de difficultés que l’organisation de l’armée. Un des philosophes, le plus digne de votre estime (2), a dit, avec raison : « Que si quel-« que vice, dans cette organisation, s'opposait « aux succès militaires, le peuple se dégoûterait « bientôt de son gouvernement ; que les Etats « étaient plus jaloux de leur honneur à la guerre « que de tous les autres avantages ; qu’une na-« tion, humiliée par de longues disgrâces, ne « songeait qu’à se venger, et que pour acquérir « un vengeur elle se donnait un maître. » Mais de longs succès ne peuvent-ils pas devenir aussi dangereux pour la liberté que de longues disgrâces ? qu’un chef ambitieux revienne triomphant, une grande gloire s’attache à sou nom, le peuple l’admire, l’armée l'adore, et simple citoyen qu’il était, il peut dicter des lois. Mais si le chef est ambitieux, a-t-il même bé-soin, pour être redoutable, de se trouver dans cette position éclatante ? que n’a-t-on pas à crain-* dre de lui par la nature seule du pouvoir qu’on est obligé de remettre entre ses mains? Sans la discipline la plus sévère et la subordination la plus absolue, les troupes mêmes les plus braves ne peuvent nous défendre des atteintes de l’ennemi, cet ennemi fut-il moins en force, fut-il (1) Le Moniteur ne donne que des extraits du rapport de M. de Noailles. (2) L’abbé Mably, Droits et devoirs\du citoyen.