[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791. | donner l’exemple de l’obéissance qu’elle nous commande. «f Puisse mon zèle à faire connaître mon dévouement pour la chose publique, être prolitab'e à la patrie et déconcerier les menées des ennemis de la Révolution et mérit r l’honneur de vous dire qu’on ne peut être avec plus de respect, etc...» (Applaudissements.) Un membre du comité des rapports entretient l’Assemblée d’un conflit cle commerce élevé entre un restaurateur et un maître de café, tous les deux établis dans la partie de l’enceinte de l’Assemblée, appelle jardin des Capucins. Le second établi s’est tellement rapproché du premier que l’on ne peut plus parvenir chez ctdui-ci que par une ruelle; en outre, son enseigne se trouve totalement masquée. . . M. Foucault cle Fardimalïe. Je ne sais pourquoi le comité des rapports vient entretenir l’Assemblée d’uDe pareille affaire. Je demande qu’en punitio i ( e nous avoir tait perdre du temps pour un semblable sujet, le comité soit : 1° rappelé à l’ordre; 2° cassé. L’Assemblée adopte le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition de Louis-Charlemagne David, concernant la construction entreprise par Robert Payen dans le petit jardin des Capucins, déclare qu’il n’v a pas lieu à délibérer, et que la suspension 'des ouvrages, ordonnée le 11 de ce mois, n’aura aucun effet, sauf aux parties à se pourvoir, s’il y a lieu, devant qui de droit. » L’ordre du jour est la discussion du rapport du comité des domaines sur la donation et l'échange du Clermontois (i). M. l’abbé Maury. J’ai plusieurs titres à mettre sous vos yeux, relativement à l’affaire du Clermontois; l’ordre à mettre clans cette discussion m’oblige à en rejeter l’examen à la seconde partie de mou discours. Le rapporteur du comité a commencé par discuter les principes de la législation domaniale, pour prouver que Je Clermontois n’a pas pu être cédé au grand Condé. il a effectivement toujours été de principe dans la nation française que le domaine national est inaliénable ; son imprescriptibilité a été consacrée par toutes les luis uu royaume, et ces lois me paraissent infiniment sages; car on ne peut se dissimuler que dans les dons des cours il y avait les plus grands abus. Sans m’étendre davantage sur les principes qu’a établi à cet égard M. le rapporteur, principes auxquels je donne un plein et entier assentiment, je vous rappellerai, en faveur de M. de Condé, les devoirs les plus rigoureux, non s ulemeut du législateur, mais de tout homme chargé de remplir les engagements et les deties d’une nation. 1° Faut-il appliquer à M. de Condé la rigueur des principes nationaux, relativement au domaine? 2° üou-il être dépouillé ? Telles sont les deux questions que je vais discuter. Je prouverai que la rigueur des principes ne peut être appliquée à l’affaire dont il s’agii, que M. de Coudé ne peut être privé du droit dont il jouit depuis 150 ans. La maison de Coudé-, branciie cadetie de la maLou de Boui-|T) Voyez ci-dessus, séance du matin, le rapport et le projet de décret du comité. m bon, a joui depuis 1589 jusqu’en 1623 de l’état, du rang, des prérogatives du premier prince du sang; c’est-à-dire qu’elle n’a perdu la qualité de premier prince du sang que lorsqu'elle a été obligée de la céder à Louis de Bourbon, fils du régent. Dans cet intervalle de 150 ans, elle n’a-vait certainement pas le droit de demande» à la nation des apanages; les princes cadets delà maison de France étaient frappés de 23 générations depuis que Robert cadet avait été déchu de ce droit. La maison de Bourbon étant montée sur le trône, a acquis le droit de donner des apanages à la branche cadette. Lorsque Henri IV est devenu roi de France, sa maison était apanagée; il était souverain du Béirn, qu’il a, pendant 50 ans, refusé de réunir à la France. Le duché de Bourbon était pareillement u e propriété patrimoniale de cette branche. La maison de Condé n’a obtenu de la munilicence de la nation que le seul Clermontois. 11 me semble que l’Iicriiier de tant de rois, lorsqu’il n’a reçu qu’une si faible recompense de ses services, ne saurait être considère comme un usurpateur qui aurait profité des abus et des prodigalités de la cour. M. de Condé est le descendant de vos rois, et il paraîtrait singulier d’appliquer à ce prince la rigueur des principes, lorsque, pendant 150 ans qu’il a été le premier prince du sang de Francs il n’a reçu de la nation aucun apanage ..... A ces considérations, qui me paraissent suliisautes pour exciter la générosité des citoyens Ira çais qui se voient aujourd’hui propriétaires de l’ancien domaine de leurs rois, j’ajouterai qu’il serait barbare d’absorber leur héritage lout entier, qu’il serait indigne de la majesté de la nation de dépouiller de son héritage Je rejeton de celle tige que la munificence de la nation n’avait pas jusqu’ici récompensée ..... J’ai eu l’honneur ne vous annoncer que j’avais des considérations particulières à vous soumettre; je suis loin de vous les présenter comme des titres légaux et comme d -s preuves; mais en parlant à une nation généreuse... (Il s'élève des murmures.) Je croyais jusqu’ici que tout ce qui intéressait la gloire de la nation ne pouvait être étranger à la justice. M. Dabcy. Croyez-vous, Monsieur l’abbé, que la gloire de la nation dépende de M. Capet Condé, d’un homme qui l’a quittée, qui est devenu l’ennemi de sa patrie... M. l’abbé Maury. Rien n’est plus digne d’un bon citoyen, dans une discu-sion de celte importance, que de présenter paisiblement ses observations. Je demande donc que le membre qui m’a interrompu soit entendu. M. Charles «le Cauieth. Puisque M. l’abbé Miury demande qu’on lui fasse paisiblement des ob'ervaiions, j’en ferai quelques-unes sur la première partie de son discours. J’ai l'honneur d'observer que longtemps on s’eu servi, en parlant des rois, du terme de générosité : ce n’ét if qu’un mot vide de sens. Les rois étaient généreux de l’argent qui ne leur appartenait pas. (On applaudit.] ) M. Necker, qui ne s’atten lait peu -être pas à être cité ici, nous a dit, par citation aussi, dans ses ouvrages : que les courtisans jouissaient de la générosité des rois, et les peuples de leurs refus ..... M. l’abbé Maury. C’est Montesquieu qui a dit cela. M. Charles de Lainetk. Je sais très bien que 276 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] c’est Montesquieu qui l’a dit. Aussi disais-je que M. Necker l’a répété par citation. Je connais très bien Montesquieu, et j’aurais pu très souvent faire voir à M. l’abbé Maury qu’il le citait inexactement; mais ce n’est pas là la question. Le préoninant a cherché à exciter, en faveur de M. Gondé, la générosité de l’Assemblée nationale : cette considération est illégitime; il faut juger la question d’après les principes. Il est inconvenable d’invoquer une générosité à laquelle l’Assemblée ne peut se livrer qu’aux dépens des peuples ..... il ne faut pas fatiguer l’Assemblée d’une érudition inutile. Il faut remonter aux principes; s’ils sont favorables à M. de Coudé, il faut lui laisser le Clermontois; s’ils lui sont contraires, il faut le lui ôter : voilà toute la discussion. M. l’abbé Maury. Lorsque j’ai osé invoquer la générosité de la nation, je n’ai pas entendu parler de la générosité des rois. Je sais bien que dans les cours la générosité du prince s’exeiçait aux dépens de la nation ; mais la nation est juste lorsqu’elle récompense avec générosité les services qui lui ont été rendus. Je trouve précisément dans l’ordre de cet argument un moyen qui doit établir que ce que j’appelle générosité, la nation doit l’appeler justice. J’appelle justice ce qui représente une dette nationale, la récompense d’un service rendu, l’exécution d’un engagement légitimement contracté... Lorsque Louis XIY a disposé de Clermont, de Stenay et de Jaim tz en faveur du prince de Condé, quels étaient les titres de ce prince pour obtenir cette faveur de la munificence du roi? J’ai là-dessus à vous présenter quelques considérations particulières : 1° La cession du Clermontois a été faite au grand Condé en vertu du traité des Pyrénées; elle a été garantie par ce traité. Je ne prétends pas faire de ce traité un titre positif et suftisant, ni présenter la garantie à l’Espagne comme une considération qui doive vous déterminer seule. Ii me suffit de prouver qu’on ne peut, contre la donation uu Clermontois, tirer d’argument des abus ordinaires des cessions, puisque M. Condé se trouve dans un cas particulier, et qu’il était de l’intérêt de la nation de souscrire à ia convention proposée par l’Espagne. Le grand Condé ayant sauvé la France sous la minorité d'un jeune roi, ayant assuré à la France la possession de trois provinces, n’avait encore reçu, je ne dis pas en faveurs de la cour; mais en domaines ou apanages, pas un pouce de terre. Voici comment Louis XIY s’exprime dans le préambule de l’édit de la donation, comme s’il eût prévu qu’un jour on demanderait compte à sa mémoire des dons qu’il a faits. Je doute qu’un seul d’entre vous trouve M. le prince de Condé trop récompensé; on n’estime pas la nation trop heureuse d’avoir payé des services aussi importants à un aussi bas prix. « Les services de notre cousin le prince de Condé, sont tels qu’il doit en résulter une paix universelle dans la chrétienté, et surloutie repos et la sûreté du royaume. Nous nous croyons obligés de prouver à la nation que nous savons reconnaître de si grands services, etc. » Ce héros qui avait protégé le berceau d’un roi enfant, qui avait gagné la bataille de Rocruy, qui avait résisté aux insinuations des puissances étrangères et aux conseils de l’ambition, qui avait gagné les batailles de Fribourg, Norlingue, Lens, etc., ne put obtenir un gage de la reconnaissance des Français, lorsqu’il était le sauveur ue ia France. C’est à cette époque où par une singularité bien remarquable et bien instructive, ce même grand Condé, qui était toujours victorieux quand il combattait pour la France, fut toujours battu quand il prit les armes contre ses concitoyens; c’est, dis-je, à cette époque qu’il reçut le Clermontois en rentrant en Fi ance, et par l’effet d’une des stipulations de la paix des Pyrénées. Cette donation fut évaluée à 100,0U0 livres. Après 140 ans de jouissance d’une donation aussi légitime, une nation qui s’est toujours montrée juste et reconnaissante des services qu’on lui a rendus, ne privera pas les héritiers d’un héros de la seule récompense qu’il ait obtenue; elle ne pensera pas que les services du grand Condé sont trop récompensés, puisqu’elle a vu depuis des particuliers qui n’avaient rien mérité, recevoir des récompenses beaucoup plus considérables ; j’ai insisté sur des considérations, non pas comme des preuves légales, mais pour vous rassurer sur les conséquences que vous pourriez craindre qu’on ne tirât de votre décret, si vous consacriez une concession de Louis XIV. En effet, vous conclurez de mes observations que nulle concession particulière ne peut èlre comparée à celle qui a été faite au grand Coudé. Je vais essayer de prouver que M. de Condé peut braver la'rigueur des principes domaniaux. En effet, lorsque le Clermontois a été cédé à la maison de Condé, le domaine avait deux objets : les droits régaliens qui étaient abusifs; ils ont été supprimés, et je n’en parle point à présent. J’avoue que M. de Condé a été indemnisé de leur suppression, quoiqu’il n’eût pas dû en jouir; mais les domaines particuliers du Clermontois ont pu lui être légitimement cédés; et pourquoi? Parce qu’ils n’étaient pas alors réunis au domaine de la couronne. Selon les publicistes, lorsqu’un pays était conquis, il y avait deux formalités nécessaires pour le réunir au domaine, ou les lettres patentes qui déclaraient cette réunion opérée, ou la simple perception des droits que faisait le receveur général des finances. Le Clermontois a été conquis en 1633 par le grand Condé. Le rapport qui vous a été fait porte sur cette base unique, car c’est ici où se trouve toute la difficulté, et c’est ici que je prie mes adversaires de me prêter une grande attention; car si je prouve que par cette conquête, et par le traité de 1641, la réunion au domaine n’a pas été opérée, j’aurai prouvé que le Clermontois n’était pas inaliénable, et qu’il a pu èlre cédé au prince de Condé. 11 y a eu, relativement au Clermontois, trois traités : l’un en 1641, l’autre en 1644, le troisième en 1661. Je crois pouvoir soutenir que le rapporteur aux lumières et à l’intégrité duquel je me plais d’ailleurs de rendre justice, s’est trompé de vingt ans sur l’époque de la réunion. Je prouverai : 1° que, par le traité de 1641, le Clermontois n’a pas été réuni à la couronne; 2° je ferai voir que, quelles que soient les stipulations de ce traité, celui de 1644 prouve que la réunion n’était pas effectuée à cette époque; 3° j’établirai que le Clermontois n’a été réellement réuni qu’en 1661. (Il s'élève quelques murmures.) Je ue me dédis pas. Le rapporteur n’a pas eu connaissance des titres que je vous présente, ces titres je les ai puisés, non pas dans les archives de la maison de Condé, mais dans l’histoire. Le traité de 1644 se trouve imprimé dans tous les codes diplomatiques répandus en Europe; il est absolument décisif dans la question qui vous occupe. En 1641 s’est fait un premier traité entre Charles de Lorraine et Louis XIII. Il ne stipulait [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] 277 aucune espèce de réunion; ce n’est pas en effet par un traité avec un prince étranger qu’on réunit un territoire dans l’intérieur du royaume; mais ia raison qui a fait regarder encore après le traité de 1641, le Clermontois comme uu bien extradomanial, c’est que les divisions subsistèrent toujours entre la France et le duc de Lorraine. Il y eut un traité particulier en 1644; en voici un extrait imprimé : Article 3. « Sa Majesté gardera, jusqu’à la fin des différends le Clermontois, comme un dépôt seulement. » Or, si le Clermontois avait été réuni en 1641, comment aurait-on pu stipuler en 1644 que Louis XIV conserverait ce territoire comme un dépôt seulement? Il est évident, d’après cette expression, que ni Louis XIV ne croyait avoir déjà réuni le Clermontois à son domaine, ni le duc de Lorraine ne croyait l’avoir abandonné. Un membre : Je demande par quel ministre le traité dont parle M. l’abbé Maury a été ménagé ? M. l’abbé Maury. J’ai le traité en original sur mon bureau; je vais le faire chercher. (Il s'élève des murmures.) J’ai l’honneur d’observer, que quand j'insiste sur ce traité, je sens parfaitement bien que mon argument n’a de force que par ce traité même. Si l’Assemblée ne veut pas juger actuellement sur la foi de ce traité, je serai lie premier à demander qu’elle ordonne que je présente au comité l’acte original; je certifie que quand la question sera réduite à ce point de fait, la discussion sera fort courte. Si Louis XIV ne conservait en 1644 le Clermontois, que comme un dépôt, il n’était donc alors pas encore réuni au domaine; il a donc pu en disposer. (Il s'élève des murmures .) Un membre: La réunion est formellement prononcée par le traité de, 1641, et ratifiée par celui de 1661. Je crois que M. l’abbé a confondu. M. l’abbé Maury. Il serait fort au-dessous de la majesté de l’Assembiée de s’arrêter plus longtemps à une question de fait. Je n’ai pas droit à votre confiance, mais à votre attention. Je vais faire chercher Je texte original. Un membre : Ce texte ne fait rien à la discussion. M. l’abbé Maury. Voici l’extrait de l’article : « Les forteresses et châteaux de Clermont seront rasés avant d’étre rendus au duc. » Si l’on supposait que Clermont pouvait être rendu au duc, il ne lui était doue pas donné ; il lui appartenait ; il n’était pas réuni au domaine de Fiance. (Les murmures augmentent ; il s'y mêle quelques éclats de rire.) Le plus grand malheur pour uu orateur, c’est d’avoir à discuter une question de fait dans une nombreuse assemblée... On m’objecte que si le Clermontois a été donné au duc de Lorraine en 1644, il n’a pu être donné par la France au prince de Coudé en 1648, sans qu’il ait été fait une rétrocession, et un nouveau traité intermédiaire à ces deux époques. On m’objecte encore que si le Clermontois n’a pu être donné, mais rendu au duc de Lorraine < n 1644, il n'a, par la même raison, pu être donné au prince de Condé en 1648. On me fait plusieurs arguments autour de la trioune. . . Je supplie de considérer que j’improvise. . . Ces objections sont dignes de toute votre attention. Le Clermontois a été conquis par la France en 1633 ; il était une conquête sans être un domaine national. L’incorporation au domaine n’était pas faite en 1644. Si le traité a été fait avec le duc de Lorraine en 1641, il n’a pu avoir pour objet les domaines particuliers et les droits régaliens mouvants de l’empereur. . . Un membre: Ce n’est pas là la question ..... Vous parlez contre vous ..... M. l’abbé Maury. Je prouverai tout contre la nation, si je prouve que, lorsque L mis XIV a disposé du Clermontois, ce pays ne faisait pas partie du domaine ..... Je continue de lire le texte du traité de 1644 ..... « Art. 5. « Sa Majesté pourra garder la ville de Stenay, pour être réunie à la couronne » ..... Ce comté n’était donc pas réuni, puisque le roi voulait en stipuler la réunion. Sa charge de F indemnité est un autre article du traité ; ce qui prouve la non-réunion. Ce mot explique : 1° que le duc fait l’abandon d’un territoire qui devait servir à rérom penser le prince de Condé; 2° que Louis XIV a contracté, d’une manière peu explicite, l’engagement de l’iiidemniser ..... J’arrive à une considération également importante. Autant j'ai regardé la stipulation faite par une puissance étrangère en faveur d’un sujet de l'Empire, comme ridicule et de nulle considéra-tion , autant j’ai reconnu, à l’égard dn traité des Pyrénées, que les stipulations particulières qu’il renferme au sujet de M. le prince de Condé, sont un moyen décisif dans cette cause. Ce n’est plus une convention diplomatique; c’est un véritable contrat. Ce n’est donc pas sans raison que j’ai appelé sur ce traité les regards de l’Assemblée comme sur le critérium de la cause, comme un traité d’après lequel M. le prince de Coudé ne se présente plus devant vous comme pétitionnaire pour invoquer votre munificence, mais comme plaideur pour réclamer votre justice. Ce traité est encore imprimé dans tous les codes diplomatiques. Il porte expressément, comme conditions de la paix, que le Clermontois sera donné à la maison de Condé. Louis XIV ne prévoyait pas qu’un jour il aurait d’autres juges de ses dons que lui et ses successeurs. Si cependant il avait prévu ce qui arrive aujourd’hui, il n’aurait pas pu prendre des précautions plus rigoureuses que celles qui sont renfermées dans ce traité pour la conservation de la jouissance de M. de Coudé ..... Je conclus, en me réservant d’abord le droit de répondre aux objections particulières qui seront faites, que l’atfaire soit renvoyée au comité des domaines. Je vous ai cité un fait nouveau ; je vous ai présenté uu traité qui n’était pas à la connaissance du comité. Il y aurait ouverture à requête civile aux üibunaux; comme juges vous ne pouvez refuser un nouvel examen. 11 est parvenu à votre connaissance un fait de la plus haute importance, un titre que j’invoque, un titre que je vous dénonce ; ce que je demande n’est pas un sursis. Qu’im porte-t-il à M. de Condé quel jour il succombe? Ce que je demande est un jugement qui lui soit favorable; un jugement qui ne peut être juste que lorsque la matière aura été bien approfondie. Lorsque le comité verra que le Clermontois n’était pas encore réuni aux domaines lorsque le roi eu a disposé, il ne pourra plus contester cette propriété. Un membre : On croirait, après le traité que M. l’abbé Maury a cité, que Louis XIV a rendu au duc de Lorraine Clermont avec les fortifications rasées ; or, le fait est faux. 278 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] Un autre membre: Si on a pu proposer de rendre Clermont en 1614 , ce comté appartenait donc à la couronne en 1641, je fais cette objection saris donner aucune importance au traité qu’on a cité. M. Geoffroy, rapporteur. En qualité de ra f 'porteur du comité, je ne crois pas devoir m’op-ser à la vérification du fait allégué par M. l’abbé Maury ; mais je dois observer, à l’égard du prétendu tiaité de 1644, que s’il existe, il ne doit rien charmer au projet de décret de votre comité des domain» s. Pendant la guerre de Trente ans, il a été fuit pb sieurs traités. En 1631,1e duc de Lorraine venait Clermont et ses dépendances. En 1641, sa condition étant |dus mauvaise, il fut ob! gé de le céder. C’est à cette époque que la réunion s’est faite La ratification *u’est pas nécessaire pour la réunion aux domaines. Le traité de 1 6 44 ne doit pas être regardé comme un véritable traité. La position du duc de Lorraine était alors celle d’un véritable aventurier, qui n’avait qu’une armée de 15,000 hommes. C’est pour le détacher du parti de l’empeieur et de l’Espagne qu’oil lui fit lu proposition de lui donner Clermont avec ses fortifications rusées. M. de Clermont Lodève. Je parle rarement dans c» tte Assemblée; je vous prie de me donner un moment. Comme il est question d’un point d’histoire sur lequel j’ai quelque connaissance, je suivrai le rapport de votre comité, pour faire voir les end cuits où il s’écarte de l’exactitude des faits. L»“ i apporteur parle d’abord d’un traité fait en 1631 par le cardinal de Ricin - lieu, et »lit ensuite: ce ministre se détermina à un sacrifiée pécuniaire, pour terminer une longue querelle. Richelieu désirait réunir à la couronne une petite province qui était à l’extrémité de la frontière (car vous savez qu’alors la Lorraine ni l’Alsace n’appartenaient à la France) ; il proposa au duc de Lorraine de lui acheter le territoire de Clermont au dernier 50. Ce traité n’ayant poL;ten d’ex' cution, et les hostilités ayant commencé en 1632, parce que Monsieur, frèredu roi, s’était réfugie eu Lorraine pour épouser une prince-se sans le consentement nu roi, le cardinal de Richelieu déclara ce prince criminel d’Etat, et fit la guerre au duc de Lorraine. En 1641, il intervint un traité; mais ce traité n’eifectuait fias la îéu-nion ; car, dans celui de 1644, on cédait au duc de Lorraine, qu’on vous a justement représenté comme un aventurier à la tête d’une petite armée, qu’il vendait successivement à différentes puissances ; on offrait, dis-je, de lui rendre et de conserver, comme déj ôt seuiementet provisoirement, Nancy et le château de Clermont; ce qui prouve qu’il ne faisait pas encore partie du domaine national. M. l’abbé Maury a prétendu que le duc de Lorraine avau été indemnisé; il ne l’a pas été; battu et dépouillé, il a été obligé de se contenter de ce qu’on a bien voulu lui laisser ..... Le roi a eu Je droit de réunir Clermont à la couronne ; mais Stem. y elles autres tiefs et prévôtés qui mouvaient de l’Empire, il ne pouvait point les réunir au domaine. Aussi, lorsqu’on a donné au prince de Coudé, Stenuy et Jatnetz, la duchesse de Lorraine a-t-elle fait des oppositions au parlement. Si ce territoire avait alors déjà été réuni au domaine, il n’y aurait pas eu d’opposition. Par l’effet du traite de 1644, lu uuchesse espérait pouvoir être réintégrée dans la possession de Clermont tde ses dépendances; mais sa requête au parlement ne fut point reçue ..... Dans le moment où e g rand Condé est en ué en possession, il a nommé des juges, des administrateurs ; la maréchaussée avait pris sa livrée, comme c’était alors l’usage. Ici je diffère d’opinion avec M. l’abbé Maury ; il vous a dit que le roi n’avait pas pu donner à M.de C ndé les droits régaliens sur le Clermontois, puisqu’il est de principe, dans la monarchie, que ces droits sont incessibles. Le fait est inexact: le roi s’était réservé sur le Clermontois la souveraineté, le droit d’établir les impôts, la législation. Il n’a cédé aucun des droits dits régaliens. Quand vous avez déclaré les droits régaliens ince ssibles, vous n’avez entendu par ces droits que ceux dont jouissaien (autrefois l»s grands budatai res, savoir : le droit de frapper monnaie, de lever l’impôt, etc. Jamais la maison de Condé n’a jo i de ce pouvoir. Ebe a joui du produit des droits, sans pouvoir les établir; et comme les fermiers généraux jouissaient des droits qui leur étaient abonnés; enfin, elle n’avait pas l’exercice des droits régaliens. La concession est doue légitime de ce côté-là. Je m’écarterai encore de l’avis de M. l’abbé Maury. Il a dit qu’il n’était pas convenable qu’une puissance étrangère prescrivît à l’Etat des conditions en faveur d’un sujet de l’Empire; il a même ajouté que la considération de cette stipulation n’était d’aucun poids. Voici comment la chose se passa. Les articles relatifs au prince de Condé éprouvèrent tant de difficultés, parla haine et la crainte qu’il inspirait au cardinal, que sur vingt conférences, quinze le concernèrent. Les deux puissances avaient besoin de la paix. Le roi d'Espagne consentait à céder Avcsne, à condition que le Clermontois serait rendu au grand Condé. Le judicieux président Hénault a l'apporté, dans son histoire, que Louis XIV craignait que le prince de Coudé, recevant du roi d’Espagne la possession de plusieurs places françaises, ne devînt pour la France un ennemi redoutable, il céda donc sans peine le Clermontois. {On applaudit.) Il était déjà dit que les domaines étaient inaliénables ; mais lors même que le Clermontois eût été alors réuni au domaine, il n’eût pas moins fallu le céder, puisque c’était le seul moyen d’obtenir la paix... L’on a bien cité ces mots : « Ledit seigneur prince sera restitué dans la jouissance du Clermontois ; » mais on n’a pas ajouté qu’il lui serait restitué avec ! autorité et le droit de justice, tels qu’i s s’y exei cent actuellement, sans qu'il puisse être jamais poursuivi ni troublé dans sa possession nonobstant toute donation ou réunion à ce contraire. Voilà ce qui a été promis par le roi de F a ce, législateur de la nation, au roi d’Epagne; voilà ce que le traité garantit ; et je commence par féliciter la nation d’avoir pu rentrer dans la jouissance immédiate des droits du Clermontois, sans une beaucoup plus considérable indemnité. Je répète que, par le traité de 1641, la réunion du Clermontois au domaine n’av ai t pas été opérée; que ce n’est qu’en 1661, que ce traité a été ratifié. Le prince de Condé avait d abord été mis en possession, sans être assuré d’y être maintenu : car le roi n’avait pu lui donner plus de droit sur le Clermontois qu’il n’en possédait lui-même ; il n’avait pu surtout lui donner ceux qu’il ne possédait pas encore. Par le dernier traité, les donations antérieures furent ratiliées, et la possession garantie. Je n’entrerai pas aujourd’hui dans la question de savoir si, dans l’échange du Clermon-loE, la nation a été lésée, si cet échange est légitime ; c’est une seconde question importante que je traiterai dans un autre moment, et sur laquelle j’ai plusieurs moyens à faire valoir et plusieurs [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1791.] faits à citer. Il est plus intéressant en ce moment d’examiner si le Clermontois a jamais été réuni au domaine. Je demande le renvoi de cette question au comité des domaines, réuni au comité diplomatique, pour examiner quel effet le traité des Pyrénées doit avoir sur la possession rieM.de Gondé. Il est surtout de l’intérêt de la nation que les puissam es étrangères n’aient aucun prétexte de se mêler de nos affaires, etpourcela il ne faut pas les choquer. (La partie droite et un très grand nombre des membres de la partie gauche applaudissent.) M. l’abbé llaury paraît au milieu de la salle, agitant des mains, et offrant aux regards de l’Assemblée un in-folio, qu’il veut porter à la tribune, pour lire le traité de 1644. L’Assemblée adopte le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète l’ajournement de la question : le comité diplomatique se réunira à celui des domaines pour examiner ensemble l’effet du traiié des Pyrénées, celui de 1664, et autres traités antérieurs et postérieurs concernant le Clermontois, pour lui en être fait incessamment un nouveau rapport. » M. le Président. Le scrutin de ce matin pour la nomination d'un président n’a pas donné de résultat. Aucun des candidats n’avant obtenu la majorité, il y a lieu de procéder à un second scrutin. Les nouveaux secrétaires élus en remplacement de MM. Armand, Bion et l’abbé Latyl, sont : MM. Voidel, Goudurd et 1 abbé Jacquemart. Les quatre commissaires adjoints au comité pour la surveillance de la nouvelle fabrication des assignats sont: MM. Custeilanet, l’abbé Latyl, Dufau et Dauehy. M. Gaullier-BIauzat. Je forme opposition, autant qu’il est en moi, à ce que M. l’abbé Jacquemart soit secrétaire; il n’a pas prêté le serment. (Gette observation n’a pas de suite.) La séance est levée à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du dimanche 16 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier qui sont adoptés. Il est donné lecture de l’adresse suivante du sieur Christophe Potier, manufacturier anglais, établi à Pans (2) : « Messieurs, le fruit de vos lois bienfaisantes est non seulement de rendre les Français citoyens, mais encore de rendre les étrangers français. Le 279 sieur Christophe Potier, manufacturier, Anglais de nation, s’empresse en ce moment, non à vous en assurer, mais à vous en convaincre. Etabli à Paris vers les commencements de la session, il lui a été facile d’augurer que la régénération de l’Empire commencerait celle de ITndusLie. Son espoir n’a point été trompé. Il a lu le décret qui désormais va faire de cette contrée la patrie des arts ; et cette patrie, il l’adopte pour la sienne. Dans ce pressentiment qui ne l’a jamais abandonné, le sieur Potter a constamment exercé environ cinquante ouvriers à différents essais dans des genres inconnus. Ses divers travaux l’ont obligé à des recherches, et ces recherchas l’ont conduit à des découvertes, parmi lesquelles il en est une fort intéressante pour ses nouveaux concitoyens, c’est que le sol de la Fiance renferme dans son sein les matières premières qui, jusqu’à présent, ont fourni à l’industrie étrangère une branche de commerce très étendue, et qui lui donnait les plus grands avantages sur votre industrie nationale. « Le sieur Potter demande en conséquence à élever en France une manufacture où diverses matières et productions indigènes, traitées d’après des principes nouveaux et sans le secours des étrangers, seront employées en fabrications utiles à toutes les classes de citoyens, donneront du travail à plus de cinq cents ouvriers des deux sexes, depuis l’enfance jusqu’à l’âge le plus avancé, et procureront à la nation française la supériorité la plus marquée sur ses concurrents. « Le sieur Potter ne perd donc pas un moment à faire, devant l'Assemblée nationale elle-mèrne, sa soumission pour une patente qui lui assure la propriété de ses décon vt ut> s pendant quinze années, en déposant par écrit ses secrets et manière d’opérer. « Mais, à cette demande, il en joint une autre qu’il supplie la nation de ne point rejeter. C’est o’ètre aumis à offrir, tous les ans, en don patriotique le quart du produit net de ses bénéfices aflirmés par serment; et son vœu, Messieurs, est que celte somme, quelle qu’elle puisse être, soit ajoutée à celles qui seront employées en encouragements pour les artistes français, avec lesquels le sieur Potter espère toujours fraterniser. » (L’Assemblée ordonne l’impression de cette adresse, son insertion au procès-verbal et son renvoi au comité d’agriculture et de commerce.) M. le Président. J’ai reçu du sieur Trannoy, curé de Rtzoy, chef-lieu du canton de Liancourt, üi.-trict de Glermont-en-Beauvoisis, département d e l'Oise, une déclaration contenu t la prestation du serment faite par cet ecclésiastique le 14 janvier 1791. Cette déclaration est ainsi conçue (1) : Déclaration de mes sentiments sur le décret de la constitution civile du clergé , et la prestation de serment qu'il requiert. « Comme personnen’ignorel’agitation, l’anxiété > t le trouble d’un grand nombre de consciences timorées, à l’occasion du décret de la constitution civile du clergé et de la prestation de serment requise par ledit décret, peut-être laisse-(1) Celte séance est incomplète au Moniteur. (2) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur. (!) Cette déclaration n’a pas été insérée au Moniteur.