46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE b La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Picard, dit Fanfare, natif de Villers-Cotterets [Aisne], dragon au dixième régiment, à laquelle sont joints les certificats des membres du conseil d’administration dudit régiment, des officiers de santé en chef de l’hôpital militaire de Givet; des membres réunis de la municipalité et du comité de surveillance des communes de Givet et Libremont [ci-devant Saint-Pierre-mont, Ardennes], avec l’extrait de la séance extraordinaire du 18 germinal, de la société montagnarde de Givet, dont il résulte que le citoyen Picard doit être rangé au nombre des héros de la liberté qui ont illustré le nom français par des actions d’une valeur éclatante, dans une affaire très vive qui a eu lieu entre un détachement des dragons du dixième régiment et un gros de cavalerie autrichienne, plus fort de deux tiers au moins par le nombre, et dans laquelle le brave Picard, dit Fanfare, se vit assailli par une foule de satellites, en tua trois; et courant pour rejoindre son corps qui battoit en retraite, eut son cheval renversé par un coup de feu; livré sans défense à une multitude d’ennemis, il fut criblé de coups et foulé aux pieds: il porte sur son corps les glorieuses cicatrices de trente-un coups de sabre; et se trouvant dans le besoin, pour parvenir à sa guérison et à rejoindre ses drapeaux, s’il est possible; Décrété que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Picard, dit Fanfare, dragon au dixième régiment, la somme de 300 L de secours (73). Renvoie la pétition de ce militaire intrépide, avec les pièces y jointes, au comité d’instruction publique, pour insérer dans les annales de la République la bravoure et l’héroïsme dont il a donné les preuves les plus éclatantes; et charge le comité de Salut public de proposer son avancement. c La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Antoine Klein, canonnier volontaire au premier bataillon de Moselle, estropié du bras droit par l’effet d’un coup de feu qu’il reçut au service de la République, ainsi qu’il en est justifié par divers certificats des officiers de santé en chef des hôpitaux militaires ou ambulans, ainsi que par celui des membres composant le conseil d’administration du premier bataillon de Moselle, canonniers volontaires; qui prouve en outre que le citoyen Klein a comencé à servir dans ledit bataillon, compagnie (73) C 317, pl. 1280, p. 40. Bull, 12 fruct. (suppl.); M.U., XLIII, 203. Décret n° 10 601. Rapporteur : Sallengros. Braun, le 10 octobre 1791; qu’il a fait les campagnes de la Belgique et de la Hollande; qu’il a montré en toute occasion sa bravoure et son patriotisme; Décrète que la Trésorerie nationale fera passer sans délai à la municipalité de Sarre-guemines, chef -lieu de district, département de la Moselle, 300 L de secours provisoire, qu’elle demeure chargée de remettre au citoyen Antoine Klein, ci-devant canonnier volontaire au premier bataillon de la Moselle, demeurant dans la commune de Sar-reguemines; renvoie sa pétition, et les pièces y jointes, pour déterminer la pension et les secours auxquels il peut avoir droit (74). 34 Au nom des comités des Assignats et Monnaies et de Législation, un membre fait un rapport et présente un projet de décret sur la marque des matières d’or et d’argent (75). Thibault : Vous avez renvoyé à votre comité des Assignats et Monnaies plusieurs pétitions tendant à suspendre le cours des procédures ou l’exécution des jugements rendus sur les contraventions aux lois et règlements sur la marque d’or et d’argent. Votre comité, chargé seulement d’exercer pour vous, ou plutôt pour le peuple que vous représentez, la surveillance en cette partie, et de vous présenter des projets de lois, a cru devoir emprunter les lumières de celui de Législation, et s’associer à son opinion sur cet objet délicat et important. Il a vu, d’un côté, la justice impartiale tenant d’une main inflexible cette balance redoutable qui fait pâlir les méchants, condamne les fripons, et assure le respect des lois contre les tentatives du crime. Mais il a vu aussi l’humanité plaintive et attendrie sur le sort des bons citoyens que l’ignorance ou l’erreur ont rendus plus malheureux que coupables; leur sort touche vos cœurs sensibles et magnanimes, et vous voudrez qu’ils participent à cette bienfaisance nationale dont vous êtes les organes; ils chériront un gouvernement sévère, mais juste, qu’un régulateur despote et sanguinaire avait rendu détestable par la tyrannie qu’il exerçait. Brisez leurs chaînes, et bientôt vous verrez, aux pieds de la Liberté, grossir la foule immense des heureux que vous avez faits; c’est le pardon des erreurs qui donne des titres à la reconnaissance. Une loi fiscale dont votre comité vous a déjà présenté toute l’immoralité, et qui n’a plus d’existence que dans les archives incendiées de la royauté, abritée sous les ailes du despotisme, a voulu encore une fois montrer sa face hideuse au milieu des mouvements réguliers du com-(74) P.V., XLIV, 191-194; C 317, pl. 1280, p. 42. Bull., 12 fruct. (suppl.). Décret n° 10 606. Rapporteur : Sallengros. (75) P.-V., XLIV, 194. SÉANCE DU 11 FRUCTIDOR AN II (28 AOÛT 1794) - N° 35 47 merce, et dans la paisible demeure des arts et de l’industrie. Les lois absurdes et surannées du contrôle sur les matières d’or et d’argent ont donné naissance à une si grande foule de visites domiciliaires, de saisies, de confiscations, d’emprisonnements, d’instructions criminelles, de procès, de jugements ridicules et contradictoires, de peines afflictives et infamantes, qu’on peut assurer qu’elles ont plus vexé de bons citoyens que le trésor public n’a tiré d’écus de ce monopole de la justice et de la raison. Je ne viens pas vous dire : annulez tous jugements qui ont été rendus contre les infracteurs aux règlements sur l’orfèvrerie et la bijouterie; mais je viens vous demander de frapper d’abord du sceau de la réprobation le dernier impôt fiscal que la liberté foule aux pieds depuis quatre ans; ensuite vous distinguerez l’honnête homme du fripon; celui-ci ne trouvera pas grâce devant vous, parceque vous voulez que le gouvernement s’établisse sans réserve sur la justice et la probité des gens de bien; vous punirez sans ménagement toutes les infidélités du commerce; vous garantirez vos concitoyens contre la cupidité des spéculateurs avides et les fraudes de la mauvaise foi. Je vais vous présenter une règle certaine, avec laquelle vous distinguerez facilement l’innocent du coupable; l’un sera puni, et l’autre recouvrera sa réputation et sa liberté. L’orfèvre ou bijoutier qui n’a fabriqué, exposé ou vendu que des matières au titre légal, quoiqu’il se soit soustrait à l’impôt du contrôle, sera par vous rendu à sa famile éplorée, au commerce et aux arts. Mais celui qui aura fabriqué ou vendu au-dessous du titre, il faut qu’il subisse son jugement : montrez-vous sévères et inflexibles sur cet objet. Que les orfèvres et bijoutiers sachent bien que les fraudes sur le titre sont un vol public, et que vous ne leur ferez pas grâce d’un seul grain au-dessous du remède d’aloi ou de tolérance. S’ils sont jaloux de conserver leur honneur et leur fortune, car la dégradation civique et la confiscation des biens seront sans doute la peine que vous infligerez aux fripons publics; s’ils sont jaloux, dis-je, d’être considérés comme bons citoyens, que leur trébuchet soit aussi juste que votre sévérité sera inflexible. Bientôt nous vous présenterons les moyens de découvrir la fraude, d’assurer la confiance, et de conserver au commerce de l’orfèvrerie la réputation qu’il s’est acquise parmi nous et chez l’étranger. Si l’on trouvait quelques difficultés à arrêter les procédures commencées et l’exécution des jugements rendus sur la matière que je traite, je vous rappellerais un fait que toute la France connaît et auquel elle a applaudi. Déjà les aides et gabelles étaient tombés de vétusté; les octrois, les péages et les entrées semblaient leur promettre une prompte résurrection, lorsque le peuple, d’un coup de massue, abattit les statues colossales placées aux portes des villes, et dont la griffe meurtrière écorchait tous les passants. Eh bien, des milliers de malheureux gémissaient dans les prisons et dans les fers, pour s’être soustraits aux vexations arbitraires des traitants de notre vieux régime; vous les en avez tirés par un décret solennel, et aujourd’hui vous n’avez pas de plus ardents amis de la liberté. Naguère encore vous ordonnâtes que les matières d’or et d’argent, pour défaut de contrôle, chez l’horloger Bour-ret, lui seraient restituées; et ce Bourret dont le patriotisme vous est connu, vous l’avez trouvé digne d’être juré au tribunal révolutionnaire. Les orfèvres et bijoutiers pour lesquels vos comités invoquent l’indulgence, et peut-être la justice nationale, n’ont fabriqué, exposé et vendu que des matières au titre légal; ils se sont soustraits, il est vrai, à un impôt monstrueux, qui, depuis le commencement de la révolution, ne s’est payé que quelques mois à Paris, et qui a été supprimé de fait dans tous les départements de la République; èt c’est peut-être parceque les lois sur la matière étaient trop rigoureuses qu’il y a eu autant d’infracteurs. Vous les examinerez de nouveau; la sévérité, jointe à la justice, donnera une garantie suffisante au comerce et au crédit public. En conséquence, vos comités des Assignats et Monnaies, et de Législation, vous présentent le projet de décret suivant (76). La Convention, après avoir entendu le rapport de ses comités des Assignats et Monnaies et de Législation, décrète: Article premier. — Toutes procédures existantes pour cause d’infraction aux lois et règlemens sur le paiement des droits de marque d’or et d’argent sont abolies. Art. II. — Toutes les autres procédures, et l’exécution de tous jugemens rendus jusqu’à ce jour sur le surplus de cette matière, sont suspendues. Art. III. — Le comité des Finances fera, sous le plus court délai, un rapport général sur la marque d’or et d’argent, et sur les moyens d’en assurer le titre (77). 35 Sur la proposition d’un membre [A. Du mont], le décret suivant est rendu: La Convention nationale décrète que Langebeaujour, juge des tribunaux de district du département de la Somme, actuellement en exercice près le tribunal criminel du même département, continuera ses fonctions en ce tribunal jusqu’au jugement définitif du procès de l’ex-administrateur Petit, de l’instruction duquel il est chargé. (76) Moniteur, XXI, 609-610. (77) P.V., XLIV, 194; C 317, pl. 1280, p. 43. Décret n° 10 610. Rapporteur: Thibault. Moniteur, XXI, 609-610; Débats, n° 710; C. Eg., n° 740; M.U., XLIII, p. 201; J. Paris, n° 606; Annales Patri., n° 605; Gazette Fr., n° 971; Mess. Soir, n° 740; J. Fr., n° 704.