[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 33. Egalité proportionnelle dans la distribution des biens ecclésiastiques. Art. 34. Que les droits des gabelles, traites, aides, marques sur les cuirs et autres semblables soient supprimés et remplacés par un impôt moins désastreux, tel que celui territorial en argent, et principalement sur les objets de luxe. Art. 35. Que tous les sous pour livre perçus en sus des droits principaux soient abolis ; cette invention fiscale est onéreuse et ridicule. Art 36. Que la perception des impôts, quels qu’ils soient, soit simplifiée , que cette armée d’employés soit détruite ; les frais de régie multipliés n’apportent aucun bénéfice à l’Etat et les commis tyrannisent les citoyens. Art. 37. Que le tarif du contrôle des actes soit modifié, surtout par rapport aux contrats de mariage qui, depuis vingt ans, y ont été assujettis par des extensions fondées sur des interprétations forcées, inconnues jusqu’alors et qui ont plus que doublé les droits, ce qui est si important pour les habitants de la campagne, que la plupart sont privés de faire des contrats de mariage. Art. 38. La suppression des capitaineries qui ne seront pas jugées absolument nécessaires, la réformation du code des chasses, le droit à chaque citoyen de faucher librement ses prés lorsqu’ils sont en maturité, et détruire le gibier sur ses terres, par tous moyens possibles, sinon avec armes a feu et poison, et que les procès-verbaux des gardes, pour fait de chasse, n’aient foi en justice qu’autant que les délits pourront être prouvés par deux témoins. Art. 39. Qu’il soit pourvu très-nécessairement et par une ordonnance précise aux dommages que les voituriers nommés thiérachiens commettent dans les campagnes. Art. 40. Que les administrations provinciales actuellement établies, ou les Etats provinciaux, si l’on juge à propos d’en créer, soient seuls chargés de la répartition et perception des impôts qui seront consentis parles Etats généraux; que l’administration des chemins et routes de la province soit également confiée aux Etats. Art. 41 . Que les milices soient supprimées ; elles répugnent à la liberté nationale. Art. 42. Que les remises trop fréquentes dans les campagnes, et destinées pour la retraite du gibier, soient supprimées. Art. 43. Que le commerce des grains soit libre, à moins que des circonstances particulières n’exigent que l’on suspende l’exportation. Art. 44. Que les justices seigneuriales soient supprimées; qu’il soit établi des bailliages royaux à la distance et pour l’arrondissement de quatre lieues, dont les appels ressortiront nùment aux parlements ou aux présidiaux, et dans le cas où les justices seigneuriales seraient conservées, que les juges ne fussent plus révocables à la volonté des seigneurs, mais qu’ils ne puissent être destitués que pour forfaiture. Art. 45. Que les épices des juges soient abolies; qu’il soit dressé un tarif des droits de tous les officiers de judicature, qui sera rendu public. Art. 46. Qu’au moyen de la fixation convenable qui sera faite des honoraires des curés, ils ne puissent plus exiger aucuns droits casuels, dont l’attribution avilit leur ministère. Art. 47. Qu’il n’y ait dans le royaume qu’un seul poids et qu’une seule mesure. Art. 48. Qu’il n’y ait plus que deux ordres dans l’Etat: la noblesse et le tiers-état; qu’en conséquence, le clergé soit réparti dans ces deux ordres, le haut clergé et les ecclésiastiques nobles dans [Paris hors les murs. J 637 celui de la noblesse, ceux nés roturiers dans l’ordre du tiers-état. Art. 49. Qu’il soit pourvu dans les villes et villages à l’éducation de la jeunesse, absolument négligée. Art. 50. Que les dîmes soient perçues uniformément et seulement à raison de quatre gerbes par arpent, ainsi qu’elles se perçoivent dans plusieurs endroits , tels que Brie-Gomte-Robert et et autres paroisses circonvoisines. Art. 51. Qu’il soit pris des précautions indispensables pour que les médecins, chirurgiens et sages-femmes soient suffisamment instruits et ne puissent exercer leur art, sans avoir été scrupuleusement examinés et reçus en concours dans les écoles de médecine et de chirurgie. Art. 52. Qu’il soit absolument interdit à tous particuliers de débiter des médicaments, qu’ils n’aient été autorisés à les vendre par des personnes de l’art instituées à cet effet. Art. 53. Soit que les dîmes soient rendues aux paroisses, comme il est dit à l’article ..... ou qu’elles ne le soient pas, les députés demanderont que Mgr l’archevêque, qui jouit des dîmes de cette paroisse dont il retire un revenu considérable, soit tenu de nommer un curé particulier à cette paroisse, attendu que, depuis que celle de Tournait y a été annexée, cela occasionne des contestations et des haines continuelles entre les habitants des deux paroisses et leur curé, celui-ci ayant toujours pour celle où il réside des préférences au détriment de l’autre. Art. 54. Suppression des loteries généralement quelconques. Fait et arrêté cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Bluquet, curé ; Fèvre de Launay; Durolle; Fadin; Fournier; Àuville ; Pingouit ; Gourtin ; Giroux ; Saurait ; Carabon; Bauche ; Gourty; Thibault ; Vezart; B. Arnouly; François; Gognard; P. -G. Viaf; Bondeaux; G. Charpentier; Trouvellot. Signé et paraphé ne varietur , par nous, faisant fonction de juge, au désir du procès-verbal de cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Meunier. CARIER Des remontrances des habitants de la paroisse de la Queue en Brie, suivies d’observations (l). Demandent : Art. 1er. Qu’en détruisant la multitude et l’énormité des impositions sur les campagnes, on les réduise à un seul et même impôt réparti également sur le noble, l’ecclésiastique et le roturier. Art. 2. Qu’aucune imposition ne puisse être faite sur des objets estimés arbitrairement, comme sur les colombiers, sur les habitations, sur les prétendus profits de ferme et sur l’industrie. Art. 3. Que le sel, qui est de toute nécessité pour l’homme et pour les animaux employés à la culture des terres, surtout dans les épizooties, soit rendu marchand, et que chaque habitant soit libre d’en consommer plus ou moins. Art. 4. Que le droit d’aides, sur le vin, sur le gros manquant, connu sous le nom odieux de trop bu, soit anéanti, et pour en tenir lieu, chaque arpent de vigne soit compris dans l’unité de l’impôt relativement à son cru et à son sol. Art. 5. Que toutes les contestations qui pour-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. @38 (ÉtaUgén. 178&. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Paris hors les murs.] ront naître ou s’élever entre les cultivateurs, propriétaires ou fermiers, soient jugées en dernier ressort par un nombre convenu de laboureurs ou cultivateurs qui seront à cet effet nommés tous les trois ans. Art. 6. Que les tirages de milice, qui ne servent qu’à répandre l'effroi et la désolation dans les campagnes et qui leur enlèvent chaque année les hommes les mieux constitués et les plus forts, soient entièrement supprimés. Art. 7. Que toutes les justices seigneuriales soient supprimées comme tortionnaires etinutiles, ne procurant aux justiciables d’autre bien que de les ruiner tous. ’ Art. 8. Que les huissiers-priseurs vendeurs, ui, pour une modique finance, ont fait revivre es offices qui étaient restés en oubli aux parties casuelles, se sont emparés du droit de faire toutes les ventes de meubles dans les campagnes, soient également supprimés. Art. 9. Que les privilèges dont jouissent les bourgeois de Paris et les propriétaires de terres et domaines qui avoisinent la capitale, pour la franche entrée de leurs denrées aux barrières, soient entièrement supprimés, comme une surcharge pour les cultivateurs et les pauvres habitants des villes. Art. 10. Qu’il soit mis à chaque barrière de Paris et en dehors un tableau contenant le tarif exact et précis de tous les droits sur chaque objet, afin que celui qui entre des marchandises et des provisions pour Paris puisse lui -même savoir ce qu’il doit au juste, et afin que les commis des fermes ne soient plus les maîtres de vexer les habitants des campagnes et d’exiger d’eux les droits arbitrairement. Art. 11. Qu’il ne soit permis à aucun seigneur de chasser qu’aux termes des ordonnances, c’est à-dire depuis le 15 demars jusqu’après la récolte. Art. 12. Que chacun ait la liberté de tuer et détruire les lapins dans les champs, sans formalité ni avis préliminaire, sur son propre terrain. Art. 13. Qu’il soit expressément défendu à tous les seigneurs de faire détruire, comme se permettent les princes, tous le chiens qui sont la sûreté et la garde des habitations des campagnes, et tous les chats qui sont les conservateurs des pailles et des grains. Art. 14. Qu’il soit permis à tous les cultivateurs de tuer, hors les plaisirs de Sa Majesté, toutes les bêtes fauves qui ne seront point renfermées dans les parcs enclos de murs. Art. 15. Que le casuel qu’exigent abusivement les curés de campagne, pour les baptêmes, mariages et sépultures, leur soit interdit, et qu’ils soient contraints de se transporter, eux ou leurs vicaires, à chaque enterrement, jusqu’au domicile du défunt, pour y recevoir eux-mêmes, des mains dés parents, voisins et amis, le cadavre, et l’accompagner jusque dans leur église, soit que le défuutsoitricheoupauvre, sans aucune exception. Art. 16. Que toutes les dîmes insolites, et singulièrement celles prises sur les foins naturels et artificiels, leur soient interdites. Art. 17. Qu’il soit expressément défendu de réclamer aucune espèce de dîme dans les basses-cours, dans les jardins et dans les enclos des propriétaires et des cultivateurs. Art. 18. Que, sous quelque prétexte que ce puisse être, les curés ne se mêlent d’aucune espèce de trafic ou commerce, et qu’il leur soit défendu de louer aucunes terres dans leurs paroisses, pas même celles appartenant à leur fabrique et à la charité. Art. 18 {bis). Qu’on détruise à l’avenir l’abus des résignations, comme avant introduit le commerce des choses sacrées ou la simonie dans les bénéfices, même à charge d’àmes, et procurant toujours aux paroisses le malheur d’y voir succéder de mauvais prêtres et des membres scandaleux. Art. 19. Qu’après tout le détriment et le scandale que la nation française a reçus dans tous les temps de l’ascension dés ecclésiastiques au timon de l’Etat et aux affaires du ministère, il soit fait une loi qui les en exclue pour jamais : Nemo mi-HtansDeo implicat, si negociis secularibus, dit saint Paul, IIe Ep. ad Thim. 2, 4. Qu’ils nous prêchent, qu’ils nous instruisent, qu’ils fassent monter vers le ciel notre encens, nos vceux et nos prières, et surtout qu’ils nous édifient, c’est tout ce que nous leur demandons. Art. 20. Que la faculté établie par la coutume, en faveur de tout propriétaire de 50 arpents de terre, de pouvoir jouir du droit de colombier, soit expliquée et limitée; que les pigeons ne soient mis en liberté que dans le temps qu’ils ne peuvent causer de dommages; en conséquence, qu’ils soient renfermés depuis le 1er octobre jusqu’au 15 novembre et depuis le Ier juillet jusqu’à la fin d’août, temps des récoltes. Art. 21. Que la mendicité, qui ruine les cultivateurs, prive la campagne d’ouvriers et fait naître tous les crimes, soit entièrement éteinte, en retirant des mains du clergé le tiers des revenus des abbayes et prieurés en commende, qu’il ne tient qu’à titre de dépôt et d’administration et qui est destiné au soulagement des pauvres. Que ce tiers des revenus du clergé soit versé dans la caisse municipale et nationale pour fournir aux besoins des pauvres de son arrondissement, sur l’état qui en sera dressé par les officiers municipaux présidés de leur curé. Art. 22. Que la caisse municipale soit pareillement chargée de veiller et pourvoir aux réparations à la place des économats, sans attendre la mort des bénéficiers ou titulaires. Art. 23. Que les arrêts et règlemens rendus sur le glanage dans la miosson soient exécutés suivant leurs formes et teneur, et qu’il ne soit permis, à l’avenir, de glaner, qu’aux pauvres infirmes et à ceux qui ne peuvent absolument point vaquer aux occupations de la moisson. Art. 24. Qu’on assigne aux curés des grandes et des petites paroisses le même revenu pour leur subsistance, en portant en compte, dans l’égale fixation, leur logement, leur jardin, le domaine des curés, les fondations et les messes, et que celui qui proviendra de cette réduction soit employé à augmenter les honoraires des vicaires qui, hTpIupart-, manquent du nécessaire, et à procurer des encouragements aux maîtres d’école, si utiles à l’Etat et à la société, et si surplus il y a, qu’il soit employé aux honoraires du chirurgien ou médecin qui donnera ses soins aux pauvres. Art. 25. Que cette multitude de remises qui servent de repaires aux bêtes puantes, aux lapins et autres bêtes qui ruinent les possessions qui les avoisinent et qui diminuent au moins un quart du revenu du territoire soient absolument supprimées. Art. 26. Que les corvées soient entièrement abolies et que les contributions qu’on sera obligé de faire pour l’entretien et les réparations des chemins et des routes, fassent partie et soient comprises également dans l’unité de l’impôt. Au surplus, les habitants de la paroisse de la Queue ayant pris connaissance des instructions 639 [Ëtats gén. 1789. Cahiers.] données par S. A. S. Monseigneur le duc d'Orléans à ses procureurs fondés pour le représenter aux Etats généraux, déclarent qu’ils les adoptent dans tout leur contenu et prétendent s'y conformer de point en point. Signé Estevon ; Lamble ; Million ; Libellehair-res; Bailly, Renard; Deligny , syndic; Anetille; Jean Guttinet ; F. Chartier ; Georges Loircery ; Jean Chabout ; Pourget ; Jean Crepte ; Cridron ; Cauchois; Larbalerte ; Ant. Vidront; Yergnet; Pierre Desvignes; Fidron; Pellerin ; Jean Chartier ; Troisvallel, procureur fiscal. Observations relatives à chaque article des précédentes remontrances. SAVOIR : A l’article 1er. — Des impôts. Non-seulement les compagnes payent la taille, la capitation, les vingtièmes relatifs à chaque possession, mais elles sont encore imposées à plus de moitié du principal par addition, sous le titre de premier et second brevet ; et après qu’on a épuisé tout ce que permet l’impôt, on le redouble encore sous différentes dénominations. On fait payer sur les colombiers, sur l’habitation et jusque sur les prétendus profits de ferme, et sur l’industrie, tous objets estimés arbitrairement; et après avoir épuisé sur ce rôle, un autre paraît sous le titre de corvée dont la charge redouble presque la totalité de tous les autres impôîs. La cause de la pauvreté des campagnes est donc dans l’excès de l’impôt, et c’est aussi la raison pour laquelle il ne se trouve aucun blé de réserve chez le cultivateur, ni aucune ressource contre le malheur d’une mauvaise récolte. A l’article 3. — Du sel. Sans le secours du sel, il est comme impossible d’élever des bestiaux, car ce n’est qu’avec cette saveur et ce moyen qu’on peut leur entretenir l’appétit, par conséquent l’embonpoint; non, l’on ne pourra jamais sans cela faire assez d’élèves pour faire baisser le prix des viandes et mettre le peuple dans le cas d’en pouvoir user dans ses repas. Cette exaction qui subsiste à l’égard des habitants des campagnes que l’on force, n’ayant pas de pain, de lever du sel qu’ils sont obligés de revendre à perte, mérite une entière abolition. A l’article 4. — Du droit de trop bu. Combien n’est-il pas révoltant, pour des citoyens d’une nation libre, de se voir reprocher jusqu’au vin qu’ils boivent et d’être chaque jour troublés dans leur repos et dans leur propriété par des commis qui s’introduisent journellement, malgré eux, dans leurs maisons, dans leurs caves et dans leurs celliers, lieux où chaque maître de maison n’admet ordinairement que ses amis et ses domestiques les plus fidèles ! A l’article 5. — Tribunal des laboureurs. La plupart des juges n’entendant rien aux usages de la campagne, ne peuvent rendre que des jugements préjudiciables aux laboureurs et à l’agriculture; la lungueur des procédures empêche d’ailleurs le mouvement de cette roue qui doit tourner sans cesse et dont le moindre repos fait souvent manquer la saison et les ensemencements. A l’article 6. — Des milices. 11 y a longtemps que les peuples de la campagne gémissent sur le cruel fléau de la milice ; mais ils n’ont jamais pu faire entendre raison [Paris hors l«s murs.] aux intendants, sur cette tyrannie de leur part ; non-seulement elles ont privé jusqu’à présent l’agriculture de bras nécessaires, mais elles ont encore contribué à la dépopulation des campagnes et à l’abâtardissement de l’espèce ; est-il question de milice, nos plus beaux hommes, ceux qui ont la taille requise, prennent la fuite pour aller augmenter dans la capitale le nombre de ces grands laquais dont les voitures sont surchargées, et par conséquent celui des oisifs, des libertins et des célibataires. Ce n’est pas tout : l'usage oit chaque village est de faire une bourse pour celui qui tombe au sort devient un impôt annuel et très-onéreux pour le père de plusieurs enfants mâles, si l’on compte encore la perte du temps, les dépenses extraordinaires que font toujours les garçons huit jours avant et huit jours après le tirage, temps ordinaire des débauches, des disputes, des dissolutions, des accidents, des malheurs et des crimes. A l’article 7. — Des justices seigneuriales. Ces sortes de justices servent à établir le despo-time des seigneurs, car, comme leurs juges sont révocables et choisis par les seigneurs, ils se prêtent à tout pour leur plaire. D’ailleurs, la plupart des juges n’étant point appointés, ils n’ont d’autres profits que ceux qu’ils se procurent par la chicane ; et comme fort peu sont domiciliés sur les terres dont ils ont la judicature, ils se dédommagent de leurs voyages ; la plupart n’étant encore ni gradués ni instruits, voient toujours leurs jugements infirmés par le peu de connaissance qu’ils ont des lois, des usages et des principes, etc. ; de là il résulte que les procès sont éternels dans les justices seigneuriales. A l’article 8. — Des huissiers-priseurs. Jadis l’huissier du lieu faisait les ventes, il en coûtait peu ; le pauvre s’y soumettait comme le riche ; aujourd’hui il faut les envoyer chercher, attendre surtout leur commodité ; les affaires languissent, et le malheureux paysan, dont le mobilier est toujours très-modiqué, se trouve devoir plus de frais que la vente de son mobilier n’a produit. A l’article 9. — Des privilèges. 11 est fort indifférent aux propriétaires des terres et domaines que l’on mette des impôts sur tout ce qui se consomme à Paris, car puisqu’ils tirent toutes leursprovisions de leurs terres et qu’elles sont franches d’entrée, il n’y a donc que la classe la plus pauvre du peuple qui en souffre et le cultivateur qui est forcé de faire la distinction de ces impôts en vendant ses denrées sur la place. A l’article 10. — Des barrières. Il n’y a rien de si commun que de voir revenir de Paris un charretier, un provisionneur, en se plaignant qu’il a payé pour la même quantité et la même nature plus ou moins aujourd’hui que la veille. A l’article 11. — De la chasse. C’est une chose bien criante que de voir les seigneurs et leurs gardes-chasses en tous temps dans les grains, les parcourir avec leurs chiens, tant pour chasser que pour découvrir les nids dont ils prétendent les cultivateurs responsables en les mettant sous leur garde. Mais ce qui achève de les désoler, c’est que, par une suite des abus, il est constant que la chasse est devenue un objet de spéculation pour plu-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 640 [États gén. 1789. Cahiers.) sieurs seigneurs, tellement que le revenu qu’elle leur procure est souvent plus considérable que celui des fermages : les gardes, à l’exemple de leurs maîtres, s’en enrichissent, et l’on en voit journellement se retirer avec des domaines et de bonnes rentes. A l’article 14. — Des bêtes fauves. Les cerfs, les biches, etc., détruisent les campagnes par un malheur qu’on ne doit attribuer qu’à la division que les princes font de leur temps et des saisons pour leurs plaisirs ; cette chasse ne se fait, dans la Brie, que dans le temps où elle cause le plus de ravage aux moissons; elle ouvre, pour l’ordinaire, vers le 15 avril où la tige des grains commence à monter, et finit vers la fin d’aoùt, époque où la moisson est sur sa fin ; aussi cette chasse entraîne la destruction des récoltes ; ces cerfs étant chassés parcourent souvent huit à dix lieues de terrain en traversant les champs ; les hommes, les chevaux, les chiens les suivent, souvent même jusqu’aux voitures, sans que, pour le dégât de ses moissons, le cultivateur puisse employer d’autres voies que celle des gémissements et des larmes ; il dit seulement : C'est la chasse du prince qui me ruine, mais encore faut-il que je me taise. Aux articles 15, 16, 17 et 18. — Des dîmes. La subsistance des curés des campagnes étant payée bien cher par les dîmes soldes, c’est une duperie, un double emploi que de leur payer les mêmes droits ou casuels qu’aux curés des villes, qui n’ont point d’autres revenus; et il est injuste que le cultivateur, qui paye à son curé la dîme de tout ce qu’il récolte, soit encore obligé de lui payer par détail chacune de ses fonctions. La piété et le respect pour les morts ont toujours été de toutes les nations, et il est très-révoltant de voir porter en terre le cadavre d’un père, d’une mère de famille, d’un fils chéri, d’un citoyen vertueux, avec aussi peu de décence et de piété que celui du plus vil animal, sous l’odieux prétexte qu’il n’y a aucune ressource pour les curés dans la succession du défunt. A l’article 20. — Des pigeons. Le mal que font les pigeons dans ces deux temps ne peut se calculer ; sur la semence seule ils causent un grand quart de dépense, le laboureur étant obligé de semer un quart de grains de plus, à cause de ceux qu’ils enlèvent et que la herse n’a pu recouvrir. Lorsque les grains commencent à venir en maturité, ilsabattent les épis, les secouent, les égrènent et ruinent des pièces de terre en un moment. A l’article 21. — Des mendiants. Tout le monde connaît tous les forfaits, les crimes, les assassinats qui ont été commis dans le siècle par les mendiants, et combien il y en a parmi eux qui travailleraient, s’ils ne trouvaient pas autant de ressources dans l’exercice de la men dicité; ce sont autant de frêlons qui dévorent le miel des abeilles, et dont il faut purger la société, en faisant déposer le tiers des revenus des prieurés et abbayes du royaume dans la caisse municipale et nationale, pour les faire servir à leur primitive destination. On trouverait bien au delà de quoi secourir les pauvres, qui méritent de l’être, et le moyen de se passer de ces maisons de force, qui révoltent l’humanité, et où le citoyen honnête, mais pau-[Paris hors les murs.] vre, est toujours confondu avec des vagabonds et des scélérats. A l’article 22. — Des économats. Les économats n’ont rien d’économe que le nom, et il arrive très-souvent que les curés meurent insolvables, et que les paroisses sont obligés de faire faire au presbytère et à ses bâtiments des réparations qui les ruinent, faute d’avoir eu soin de les faire faire aux curés, de leur vivant. A l’article 23. — Du glanage. Rien n’est plus intéressant pour le cultivateur que de détruire les abus qui se sont introduits dans le glanage; non-seulement il sert de prétexte à la majeure partie de ceux qui glanent, pour voler et prendre dans les javelles et dans les gerbes, mais encore pour se dispenser de mettre la faucille ou la faux en main, et d’augmenter le nombre toujours trop petit des moissonneurs. Le glanage est, d’ailleurs, le partage des pauvres, et un moyen de subsistance qui doit leur être réservé. A l’article 24. — Des remises. Tout le terrain employé en remises est non-seulement un terrain perdu, un larcin fait à l’agriculture; mais comme elles sont encore un repaire pour tous les animaux destructeurs, comme le lapin, le blaireau, le lièvre et mulot, taupes, rats, pies, geais, celui qui les avoisine, et au milieu duquel elles sont établies, ne produit ordinairement que très-peu de chose, et contribue par là à la rareté et à la disette des grains. A l’article 25. — De V égalité des revenus des curés. Le service et le devoir des curés de campagne étant les mêmes pour tous, pourquoi ne leur donnerait-on pas à tous le même revenu? Ayant tous fait vœu de célibat, ils ne doivent avoirque les mêmes besoins ; leurs domestiques et leurs maisons doivent absolument se ressembler. Cette réduction à un revenu honnête pour chacun procurerait le moyen d’augmenter la portion des curés qui n’ont pas de quoi vivre, celui de rendre le sort des vicaires beaucoup meilleur, et d’encourager les maîtres d’école, les médecins et les chirurgiens qui soigneraient les pauvres ; elle remédierait au luxe de plusieurs d’entre eux, et les rendrait plus édifiants et plus sédentaires ou résidants. A l’article 26. — Des corvées. Rien d’aussi juste que de contribuer chacun à l’entretien des chemins publics, mais que ce soit en argent et non personnellement; parce qu’alors, ils seront mieux entretenus , plus promptement réparés, et qu’il en coûtera beaucoup moins; que surtout il soit fait, à l’avenir, un rôle particulier de ces sortes de contributions, et qu’on les comprenne dans le seul et unique impôt réparti également. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Lardy , généralité et élection de Paris (1). Remontrent cesdits habitants : Que l’objet le plus important et le plus pressant (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.