jAsscmblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1789.] 485 entre les mains de la nation, aux privilèges de leurs baronnies, notamment à leurs droits d’assistance, en qualité de barons, aux Etats de Languedoc; supplie très-humblement la nation d’agréer son adhésion, comme le témoignage de sou profond respect et de son entier dévouement. La lecture de cet acte a excité de vifs applaudissements dans toute l’Assemblée. M. l’abbé d’Eymar, un des membres du comité de rapport , a rendu compte d’un mémoire adressé à l’Assemblée nationale par le régiment de Royal Hesse-d’Armslad, explicatif des circonstances dans lesquelles il a reçu l’ordre de M. de Rochambeau de camper dans la plaine des Boucliers, près de Strasbourg. L’Assemblée nationale, sur l’avis du comité de rapport, a au-orisé son président à répondre au régiment de Royal Hesse-d’Armstad que cette affaire étant de la compétence du pouvoir exécutif, le mémoire etles pièces justilicatives seront renvoyés au ministre de la guerre. Un membre annonce que depuis plusieurs jours M. de Rochambeau a levé l’ordre, et rappelé le régiment dans Strasbourg, où il a pris son quartier d’hiver. Les négociants de Laval se plaignent du mauvais état du commerce. Ils représentent que le commerce des toiles est presque anéanti ; iis attachent le mal à la cessation des payements royaux, qui peut entraîner la chute entière des fortunes et de l’industrie. En conséquence, ils sollicitent l’Assemblée de renouveler l’arrêté du 17 juin, qui ordonne que tous les impôts continueront d’être perçus à l’ordinaire. On propose de faire passer aux diverses municipalités l’arrêté de la ville de Milhau en Rouer-gue, qui déclare infâmes et incapables de posséder des emplois municipaux tous ceux qui refuseront de payer, pour le bien de l’Etat, les impôts établis. On ordonne l’impression de cet arrêté , pour être incessamment adressé aux différentes municipalités. On donne lecture d’une lettre qui annonce les excès auxquels se livrent les paysans dans la Lorraine et le Barrois ; que plusieurs seigneurs ont été incendiés et leurs archives brûlées, etc. M. le comte de Sérent fait un rapport sur une affaire assez singulière. Un auteur, M. de Boncerf, a fait un livre, il y a quinze à seize ans, contre les fiefs. Le parlement de Paris a informé, décrété et assigné pour être ouï; converti le décret d’assigné pour être ouï en décret d’ajournement personnel. Ce décret subsiste encore depuis douze ans. Le livre a été brûlé, et l’auteur est toujours resté dans les liens du décret. M. le marquis de Sérent observe que le régime féodal étant aboli, le livre n’est plus dangereux. Après ce rapport, quelques membres se plaignent qu’on jette du ridicule sur le décret d’une cour souveraine. On veut que M. le président confère avec M. le garde des sceaux pour faire lever le decret; mais M. de Lally ramène l’Assemblée à un autre sentiment. Les malheurs particuliers, dit-il, doivent s’évanouir devant les malheurs publics qu’il faut réparer. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette affaire. M. Régnault de Saint-Jean d’Angely, M. François de Neufchâleau, poète connu par des ouvrages agréables, suppléant des députés de Lorraine, étant à 'foui, avait rassemblé quelques syndics de communautés pour conférer avec eux sur des nouvelles relatives aux résolutions de l’Assemblée nationale. M. de Taffin, lieutenant du Roi, a fait appréhender M. de Neufchâteau et quatre électeurs par la maréchaussée, sous prétexte qu’ils tenaient une assemblée illicite. Après les avoir mis au secret dans les prisons de Toul, il les a fait conduire à Metz le lendemain, à une heure après minuit. M. le marquis de Bouillé, commandant de la province, a envoyé sur-le-champ à leur rencontre pour rendre ces messieurs à la liberté. M. de Bouillé, pour faire oublier à M. de Neufchâteau la disgrâce et l’indignité de son emprisonnement, l’a comblé d’honnêtetés. Le vrai héros aime toujours l’homme de lettres. Je demande que l’Assemblée prenne une détermination sur cette affaire. M. de Oouy-d’Arcy, après avoir fait l’éloge des talents et des vertus de M. François de Neufchâteau, opine pour que l’Assemblée ne se départe pas des principes rigoureux de justice qui doivent la diriger. M. Maillot, député de Toul , lit à l’Assemblée un mémoire justificatif qui lui a été envoyé par le lieutenant du Roi, de cette ville. Un membre de l'Assemblée fait observer qu’il est extraordinaire que M. Maillot se soit chargé de justifier l’oppresseur de son suppléant. M. Emniery, député de Metz. Il est temps que l’Assemblée réprime avec la plus grande sévérité de pareils attentats. Ce n’est pas seulement pour venger M. François de Neufchâteau que je demande la punition des coupables, je la demande au nom et pour la sûreté des malheureux habitants des frontières qui, plus que les autres, gémissent sous la tyrannie du pouvoir militaire. Cette affaire est renvoyée au comité des recherches, qui est chargé d’en faire incessamment le rapport. M. le Président communique une lettre de M. le duc de Caylus, député de Saint-Flour, en date du 17 de ce mois, par laquelle M. le duc de Caylus annonce que sa santé l’ayant mis dans le cas d’offrir sa démission à ses commettants, ils n’ont point voulu la recevoir; qu’ils viennent au contraire de lui donner de nouveaux pouvoirs, et qu’il attend avec empressement le moment où son état lui permettra de se rendre à son devoir, et où il pourra prouver à l’Assemblée nationale et à ses commeltants, que son dévouement est sans bornes lorsqu’il s’agit de concourir au bien de la patrie. M. le Pelletier de Saint-Eargeau, au nom du comité de rédaction , apporte le projet d’adresse à présenter demain au Roi: ce projet a été adopté; il est de la teneur suivante: a Sire, le monarque dont votre Majesté porte le nom vénéré, dont la religion célèbre aujourd’hui les vertus, était, comme vous, l’ami de son peuple. « Comme vous, Sire, il voulait la liberté française. Il la protégea par des lois qui honorent nos annales ; mais il ne put en être le restaurateur. « Celte gloire, réservée à Votre Majesté, lui ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 486 [Assemblée nationale.] [26 août 1789.] donne un droit immortel à la reconnaissance et à la tendre vénération des Français. « Ainsi seront à jamais réunis les noms de deux rois qui, dans la distance des siècles, se rapprochent sur les actes de justice les plus signalés en faveur de leurs peuples. « Sire, l'Assemblée nationale a suspendu quelques instants ses travaux pour satisfaire à un devoir qui lui est cher, ou plutôt elle ne s’écarte point de sa mission : parler à son Roi de l’amour et de la fidélité des Français, c’est s’occuper d’un intérêt vraiment national, c’est remplir le plus pressant de leurs vœux. » Liste des membres désignés par le sort pour porter celte adresse avec M. le président. MM. Lescnrier. Le comte de Custine. Moyot. Papin. DeMercy, évêque de Luçon. Le baron de Gauville. Bouchette. Menu de Cbomorceau. Le comte d’Hodicq. Le comte de Sérent. Lesure. Camus. Farocbon. Vyau de Baudreuil. Francbeteau de la Glaustière. Le marquis de Cypières. La Poule. Le vicomte de Ségur. Tridon. Valentin-Bernard, L’abbé de Sl.-Estève. Germain, L’abbé de Dolomieu. Le marquis de Mesgrigny. MM. Dom Davoust. Marandat d’Qliveau. Rey. Perdry. Bonnet. Texier. Fleury. Tixedor. Le marquis de Chambrai. Dosfant. De La Viguerie. Guérin. De la Roche-Négli. Le comte de Sarrazin. Soustelle. Harmand. Le duc d’Orléans. Dillon. Berenger. Colbert de Seignelay, évêque de Rodez. Goudard. Morin. Brunet de Latuque. On s’occupe de nouveau de l’affaire du procureur du Roi de Falaise, décrété par le parlement de Rouen pour sa conduite comme électeur. Ce magistrat a demandé justice à l’Assemblée nationale. Le comité qui a rendu compte de l’affaire a pensé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. M. l’abbé Maury a appuyé l’avis du comité. M. le comte de Mirabeau. Entre les diverses prérogatives essentielles à toute Assemblée législative, il en est sans laquelle il est impossible de concevoir son existence: c’est le droit de veiller à sa propre police, à la liberté, à la sûreté de ses membres, et par conséquent à celle des assemblées électorales qui ont concouru à la formation de celle-ci. Ce dernier droit est inséparable des précédents ; sans lui, ils seraient incomplets, insuffisants, et presque illusoires. Car, quelle liberté peut avoir une assemblée, si ceux qui ont concouru à la former par leurs suffrages n’ont eux-mêmes pas été libres, s’ils ont été sous une influence étrangère; si, soit pour le choix qu’ils ont fait de leurs représentants, soit pour les instructions qu’ils leur out remises, ils ont été soumis à la censure et aux poursuites d’un intéressé par ses fautes mêmes à éteindre en eux toute liberté ? c’est ce qu’ont parfaitement bien vu les Anglais. Jamais aucun corps judiciaire, aucun département quelconque du pouvoir exécutif ne s’immiscerait dans les assemblées d’élection, n’essayerait de poursuivre un seul de leurs membres pour les avis qu’il y ouvrirait, pour les résolutions qu’il y ferait prendre, sans s’exposer au ressentiment de la chambre des communes: de tels actes ne seraient pas moins à ses yeux une haute infraction de privilège, que celui par lequel un membre des communes serait poursuivi pour ses opinions. L’Assemblée nationalen’empiéteraitdonc pas sur les droits du pouvoir judiciaire, en accueillant la plainte du magistrat de Falaise. Un il n’y a lieu à délibérer serait au contraire un abandon formel de ses droits, une abjuration de sa propre existence. Sur quoi donc y aura-t-il lieu à délibérer dans cette Assemblée, si ce n’est sur des actes qui compromettent tout à la fois son honneur, sa dignité, sa liberté? « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la natiou; nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Que signifient ces expressions que l’Assemblée nationale vient de consacrer, si elle craint de délibérer sur l’entreprise non moins coupable qu’illégitime du parlement de Rouen? Je n’entends point que notre délibération se porte sur le genre de réparation qui peut être due au magistrat de Falaise. C’est là vraiment ce qu’on pourrait, à juste titre, appeler une atteinte au pouvoir judiciaire. Mais le principe qui devra servir de base au jugement; mais la déclaration claire et positive que l’acte commis par le parlement de Rouen est une atteinte à la liberté nationale; mais le renvoi du magistrat opprimé à se pourvoir au conseil du Roi, pour obtenir toutes les réparations qui sont justes; voilà ce qu’il me paraît que dans la circonstance, l’honneur de la nation, la liberté publique, et de justes égards pour le pouvoir judiciaire sollicitent également. L’Assemblée décide que la procédure intentée au procureur du Roi de Falaise est nulle et attentatoire à la liberté nationale. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du mercredi 26 août 1789. M. le Président a rendu compte de la députation faite hier au Roi, et de la réponse de Sa Majesté, conçue en ces termes : « Je reçois avec sensibilité les témoignages d’attachement que vous me présentez au nom de l’Assemblée nationale; elle peut toujours compter sur mon affection et ma confiance. » 11 a ensuite prévenu les différents comités qui n’avaient pas de lieux fixes pour la tenue de leurs séances, de vouloir bien le faire savoir au secrétariat. Un de MM. les secrétaires a donné lecture des adresses et adhésions de la ville de Coutances, des officiers municipaux de la ville et juridiction d’Hons-Chootz en Flandre, des officiers municipaux de la ville de Chaumont en Vexin, de la municipalité de Murdebarrès, de la ville de Martel, du comité patriotique de la ville de Cahors, de la ville de Ribemont, de la ville de Pignan en Provence, delà ville et commune de Tonnerre, des officiers du présidial et sénéchal d’Agen, de la ville de Sierck, du tiers-état de la ville de Toulouse, des officiers civils et municipaux, et citoyens de toutes les classes delà ville de la Souterraine, delà ville de Gaillac en Albigeois, de la ville de Sancerre en Berry, de la ville de Dax, de la ville de Lau-