[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 avril 1791.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-REWBELL. Séance du mercredi Tl avril 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une pétition présentée par le sieur Serane, député extraordinaire du commerce et de la marine de la ville de Cette. Il réclame, au nom de ses commettants, un arrondissement convenable pour le ressort du tribunal de commerce accordé a ladite ville, ainsi que la levée du sursis qui en suspend la formation. (L’Assemblée nationale prononce le renvoi de cette demande à son comité de Constitution, pour lui en faire incessamment le rapport.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. Biizot. Messieurs, je proposerai une addition au décret que vous avez rendu hier sur l’autorité des arrêts du conseil en matière de liquidation. Je demande que le comité de liquidation ne soit pas le seul à examiner les motifs de cassation contre ces arrêts, mais que chacun des autres comités soit chargé de scruter ces motifs, chacun en ce qui peut le concerner. Je demande en outre que l’Assemblée fixe incessamment le temps de la prescription contre le recours en cassation de ces arrêts. M. Martineau. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur cette motion; la fin de non-recevoir est déjà établie par une loi précise. M. Canins, membre du comité de liquidation . Je repousse la motion de M. Ëuzot ; j'observerai en effet que le comité de liquidation a toujours sous les yeux, pour l’éclairer, des pièces et des considérations très étendues, bien qu’il ne fasse souvent que des rapports très courts. Les membres des divers comités, de même que tous les membres de l’Assemblée, peuvent très bien assister à ses séances, y faire part de leurs observations et donner eu un mot tous les éclaircissements qu’ils jugeraient convenables. J'appuie donc la motion d’ordre du jour. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. Pougeard-du-Iilmbert, au nom du comité d'aliénation. Messieurs, je viens vous rendre compte de l’état où se trouve la vente des biens nationaux dans plusieurs départements. Les gros capitalistes s’abstiennent de concourir en ce moment aux acquisitions, dans l’espoir d’acheter à très bon compte, lorsque les petits particuliers se seront retirés. Ces considérations ont déterminé le comité de liquidation à vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï son comité d’aliénation, décrète que le lerme du 15 mai 1791, fixé par l’article 2 de la loi du 17 novembre 1790, et l’article 8 de la loi du 5 janvier 1791, aux acquéreurs des domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leur payement par l’ar-353 ticle 5 du titre 111 du décret du 14 mai 1790, sera prorogé jusqu’au 1er octobre 1791; et ce, pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d’habitation et bâtiments en dépendant, quelque part qu’ils soient situés : seulement les bois et usines demeureront formellement exceptés de cette faveur. c Passé le 1er octobre 1791, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrits par l’article 9 de la loi du 5 janvier 1791. » M. de Folleville. Il faut au moins laisser un terme de 12 mois pour donner le temps à tous les particuliers de se présenter. Je demande que la prorogation ait lieu jusqu’au l8r janvier. M. Lavie. Il est certain que différents particuliers n’ont pas cru devoir se présenter, parce que les ennemis du bien public ont cru que la Révolution ne devait pas avoir lieu. Voilà le motif qui les a retenus. J’appuie l’amendement. iL’Àssemblée consultée adopte l’amendement de M. de Folleville.) M. Pougeard-du-Umberl, rapporteur, donne lecture du projet de décret amendé; il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï son comité d’aliénation, décrète que le terme du 15 mai 1791, fixé par l’article 2 de la loi du 17 novembre 1790, et l’ariicle 8 de la loi du 5 janvier 1791, aux acquéreurs des domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leur payement par l’article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790, sera prorogé jusqu’au 1er janvier 1792; et c j, pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d’habitation, et bâtiments en dépendant, quelque part qu’ils soient situés : seulement les bois et usines demeureront formellement exceptés de cette faveur. « Passé le 1er janvier 1792, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrits par l’article 9 de la loi du 5 janvier 1791. » (Ce décret est adopté.) M. Lucas monte à la tribune et commence à prononcer un discours ayant pour objet de faire connaître les abus que certains particuliers se permettent pour se soustraire au payement du droit d’enregistrement. 11 demande à faire la lecture d’un projet de décret en cinq articles dans lesquels il détermine les moyens que l’on doit prendre pour obvier à ces fautes. Plusieurs membres interrompent M. Lucas et observent que cette question n’est pas ,à l’ordre du jour. (L’Assemblée renvoie l’examen de la motion de M. Lucas à son comité d’imposition et passe à l’ordre du jour.) M. Buzot. Messieurs, lorsque j’ai fait la dénonciation contre M. Huber, on a paru douter que je fusse en état de la prouver. J’ai lieu même de m’étonner que cette affaire ne soit pas encore venue à l’Assemblée depuis le moment que j’en ai parlé; en tout cas, je me devais à moi-même, je devais à l’Assemblée de ne pas la perdre de vue. Je suis bien aise de pouvoir annoncer qu’à l’instant même je viens de recevoir de Londres une pièce notariée, revêtue de la légalisation de l’ambassadeur d’Angleterre, qui donne la cun-23 (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lre Sérié. T. XXV. su | Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2" avril 1791.] naissance la plus étendue des faits que j’ai annoncés ici et qui justifie pleinement ma dénonciation. C’est un affidavit de William-Bollon, employé comme solliciteur pour poursuivre la commission de banqueroute du 10 décembre 1772, contre Samuel Bernard-Brost, Barthélemy Hu-ber, et Paul Bernard, négociants et associés à Londres, qui ont été déclarés banqueroutiers. Je prie l’Assemblée de me permettre de lui donner lecture de cette pièce. Plusieurs membres : Non ! non ! M. Buziot. J en propose tout au moins 1e renvoi aux commissaires chargés de cette affaire et je demande qui* le rapport en soit fait à la séanc ■ de samedi soir. (L’Assemblée décrète ce renvoi et fixe le rapport à samedi soir.) L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur les fonds demandés par le ministre de la guerre. M. Bureaux de Pusy, au nom du comité militaire. Messieurs, pour se conformer à votre décret du 8 mars dernier, le ministre de la guerre vous a soumis le tableau de la situation actuelle des forces du royaume; en même temps, il vous a présenté l’état des dépenses qu’ont entraînées ou qu’exigent urgemment les dispositions extraordinaires qu’il a préparées, et dont il vous a fait part. Vous avez renvoyé le mémoire qu’il vous a adressé sur ces divers objets à votre comité militaire, et c’est en son nom qu’aujourd’hui je viens vous en rendre compte. 1° 11 a paru ail comité militaire que toutes les mesures de prévoyance relatives aux approvisionnements des vivres et de leurs équipages, de l’artillerie, des fortifications, des hôpitaux, des effets de campement, de recrutement de l’infanterie et de troupes à cheval, et de remonte de celles-ci, avaient été bien saisies par le ministre de la guerre, et qu’il n’avait négligé aucune des précautions que la sûreté de l’Etat, les circonstances du moment, et l’exécuLon de vos décrets, commandaient à sa surveillance et à son exactitude. 2° Quant aux fonds qu’il demande pour comploter les préparatifs qu’il vous a annoncés, le versement de ces fonds au département de la guerre n’est qu’une conséquence de vos décrets anterieurs, particulièrement celui du 4 février dernier. En exécution rie celui-ci, le ministre vous propose une augmentation de 546 hommes, dont 18 grenadiers, pour 30 régiments d’infanterie; 23 régiments d’infanterie française, et 7 régiments d’inlanterie étrangère sont destinés à recevoir cette augmentation. D’après les décrets sur les recrutements et sur les masses, la dépense d'enrôlement, d’équipement et d’armement détaillés dans les états fournis par le ministre, s’élève pour chaque régiment d’infanterie française, à 105,778 1. 16 s., "ce qui pour les 23 régiments, fait nue somme de 2,432,912 L 8 s. La dépense pour chaque régiment d’infanterie étrangère est de 118,555 I. 4 s, ce qui, pour les 7 régiments, fait 829,886 1. 8 s. Ainsi la dépense d’enrôlement, dVquipement et d’armement, pour les 16,380 hommes d’augmentation tant dans l’infanterie française que dans l’infanterie étrangère, sera de 3,262,798 1. 16 s. Le décret du 4 lévrier a dit encore que 20 régiments de troupes à cheval seraient portés au complet de 170 hommes par escadron. Le ministre a désigné pour cette destination 8 régiments de cavalerie, 4 de dragons, 3 de hussards et 5 de chas.-eurs. Chacun de ces régiments de cavalerie et de dragons doit donc être augmenté de 108 humilies, et chacun des régiments de hussards et chasseurs ci-dessus, le sera de 144 hommes; ce qui fera 864 hommes de cavalerie, 432 dragons, 430 hussards et 720 chasseurs ; en tout 2,448 hommes de troupes à cheval. D’après le décret sur le recrutement et sur les masses, la dépense d’enrôlement, d’équipement, d’armement et d’achat des chevaux, sera pour chaque régiment de cavalerie de 103,863 L 11 s. et pour les 8 régiments de cavalerie de 830,908 I. 16 s ; pour chaque régiment de dragons, la dépense sera de 95,369 1. 8 s. et pour les 4 régiments de dragons de 381.477 1. 12 s; pour chaque régiment de hussards, la dépense sera de 120/290 1.8 s. et pour les 3 régiments de hussards de 360,171 1. 4 s ; pour chaque régiment de chasseurs, la dépense sera de 117,705 1. 12 s. et pour les 5 régiments de chasseurs de 585,528 livres; ce qui pour la totalité des 20 régiments de troupes à cheval donnera 2,161,785 1. 12 s. En réunissant les deux résultats, on trouvera que la dépense de la levée de 18.828 hommes, tant d’infanterie que de troupes à cheval, décrétée le 4 février, s’élèvera à la somme de 5,424,584 1. 8 s ; ce qui se trouve détaillé avec la plus grande clarté dans l’un des tableaux fournis par le ministre. Un second tableau offre l’état des fabrications et des réparations nécessaires pour compléterles effets de campement d’une armée de 169,000 hommes. Cette partie de nos approvisionnements militaires est celle qui mérite le plus d’attention dans ce moment, vu le mauvais état où elle se trouve par l’effet des transports répétés, du défaut de soins de la part de différents régiments dans les mouvements continuels auxquels ils ont été exposés depuis que ces effets leur ont été remis, et surtout par la dilapidation et le pillage qui en ont été faits à l’époque du mois de juillet 1789. L’état du ministre indique le nombre et le prix par nature de chacun des effets qu’il faut renouveler. Le comité qui en a vérifié les calculs et le devis, les a jugés conformes aux règles de la plus exacte économie. La dépense totale pour ces divers objets est de 4, 602,901 L 5 s. Un troisième tableau développe en détail la dépense de construction de 1,200 voitures pour le service des équipages des vivres. Cet article vérifié se porte à la somme de 151,200 livres. Le ministre vous a encore demandé 20 millions payables dans 5 ans pour restaurer ou renforcer nos places frontières. Le comité militaire n’a pas vu les devis estimatifs de ces projets que le ministre n’annonce que comme aperçus; mais, en supposant beaucoup d’erreurs ou d’exagérations dans ce premier calcul, il est du moins hors de doute que la quotité proportionnelle de cette dépense, destinée à être employée pendant l’année courante, est fort au-dessous de celle qu’exigerait l’intention de mettre nos principales forteresses en état de soutenir un siège en règle. Vous avez déjà accordé, le 15 décembre dernier, une somme de 4 millions pour subvenir aux besoins les plus pressants des places de guerre ; moitié de cette somme a été employée à l’acquisition des bois destinés au palissadement des dehors de nos places, à la construction des plates-formes, pour l’établissement des batteries, à celle des ponts et des communications nécessaires à la défense des ouvrages extérieurs ; l’autre moitié