[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 15 décembre 1790.] gislateur à indiquer au peuple les hommes à qui il peut, sans risque, accorder sa confiance. D’après cela vous fixerez, par vos décrets sur l’organisation de l’éducation nationale, le mode d’examen, la nature et la durée des études pour obtenir le droit d’exercer les fonctions d’homme de loi. En attendant, et dans ce moment, vous devez pourvoir au sort d’une classe d’hommes nombreuse, qui ont favorisé la Révolution et servi la patrie, et vous devez assurer le service auprès des nouveaux tribunaux. Pour cela je propose de faire payer à tous les procureurs le montant de la finance de leur office, suivant l’évaluation de 1771. 3e voudrais qu’il leur fut, en outre, alloué une indemnité, mais en la donnant plus comddé',able à ceux qui ne voudront pas continuer l’exercice de leurs fonctions, et en la réduisant à moitié pour ceux qui voudront les continuer. Je voudrais que chaque procureur lut tenu de faire son option devant la municipalité de sa résidence, et l’extrait de sa déclaration lui servirait seul de titre pour exercer ses fonctions près d’un tribunal. Dans mon système, les fonctions d’avocat et de procureur seraient confondues. L’avocat pourrait faire ou ne pas faire l’instruction; le procureur pourrait écrire ou plaider dans toutes les causes. Chaque individu pourrait faire écrire ou plaider dans sa cause par qui il voudrait; mais l’instruction demeurerait exclusive nent aux hommes de loi formant désormais une classe unique. Enfin nul ne serait admis à se consacrer aux fonctions d’homme de loi à l’avenir, que suivant les formes constitutionnelles. Telles sont, Messieurs, les bases du décret que j’ai l’honneur de vous proposer : » Art. 1er. Les offices de procureur près des parlements, cours des ailles, chambres des comptes, cours des monnaies, préûdiaux, sénéchaussées, bailliages et autres tribunaux de première instance ou d’appel, sont et demeurent supprimés. « Art. 2. Il leur sera remboursé à tous, ceux de Paris exceptés, le montant de la finance de f ur office suivant un calcul dont l’évaluation de 1771 sera la base, et d’après le mode qui sera fixé ci-après. « Art. 3. Il leur sera, en outre, alloué une indemnité dont la quotité sera déterminée dans les articles suivanis. « Art. 4. Dans le mois qui suivra l’époque de la publication du présent décret, tous les procureurs seront tenus de déclarer devant les officiers municipaux du lieu de leur résidence, en personne ou car écrit, s’ils entendent eu non continuer leurs fonctions. Cet état sera envoyé parles municipalités au ministre de la justice. « Art. 5. Ceux qui auront déclaré vouloir continuer leurs fonctions ne recevront que la moitié de l’indemnité, mais il leur sera libre d’exercer celles d’hommes de loi près de tel tribunal du royaume qu’ils voudront choisir. « Art. 6. La distinction ci-devant établie par la loi entre les avocats et les procureurs demeure abolie. Les procureurs qui choisiront de c ntinuer eurs foncions, et les avocats exerçant pi ès des anciens tribunaux au moment de leur suppression, et tous ceux que l’Assemblée a déclarés éligibles aux places de judicature, pourront, à leur choix, faire conjointement ou uivisémeui, et sous le titre unique d’hommes de loi, les fonctions de défenseurs de parties, en instruisant la pro-485 cédure, écrivant ou plaidant ; la taxe sera la môme pour tous. « Art. 7. Tous les citoyens auront le droit de faire écrire ou plaider pour eux le défenseur que leur confiance aura choisi; mais les hommes de loi seuls pourront faire l’instruction et les actes de la procédure. « Art. 8. Lorsque l’Assemblée s’occupera de l’éducation et des écoles nationales, elle fixera le mode constitutionnel et la durée des études, et les examens nécessaires pour être admis à exercer les fonctions d’hommes de loi ; et jusque-là nul autre que ceux désignés parles précédents articles ne pourront être admis à les remplir. » M. liegrand. Il me paraît que votre intention est de rembourser les offices; mais je ne vois pas que vous supprimiez les procureurs, qui cependant sont absolument inutiles. Entre la loi et celui qui la prononce, il ne doit y avoir qu’une seule personne : c’est le défenseur de la partie; il n’en aura pas besoin d’un pour le fond et d’un autre pour la forme. Je demande donc qu’on pose ainsi les questions: 1° Supprimera-t-on les offices ministériels employés ci-devant à l’administration de la justice? 2° Le< titulaires de ces offices seront-ils admis de droit à se livrer à la défense de leurs concitoyens ? 3° Y aura-t-il un tableau où pourront se faire inscrire les personnes qui voudront se livrer à cet emploi? 4° Les formes de la procédure seront-elles simplifiées ? M. Buzot. Il est étonnant qu’anrès avoir posé en principe que la vénalité des offices était supprimée, on s’amuse à discuter pendant trois jours la même question. M. de Mirabeau a la parole après moi ; je la lui cô le pour qu’il nous communique ses vues sur cette matière. M. de Mirabeau. Je ne parlerai pas longtemps, car j’avoue que la question me paraît déjà longuement débattue ; je lirai seulement un projet de décret. Je n’ai pas la prétention d’avoir trouvé quelque chose de nouveau: il me semble que les avis les plus éclairés demandent à la fois et le bienfait de la suppression des offices, la création des hommes de loi, et la conservation des titulaires des offices des juridictions royales. D’après ce simple exeosé, je vais vous faire lecture de mon projet de décret : « 1° Tous les offices ministériels établis près des anciens tribunaux, sous quelque dénomination que ce soit, sont supprimés, et il ne pourra eri être créé de semblabli-s à l’avenir; n’entendant néanmoins rien juger, quant à présent, à l’égard des notaires. « 2° Le mode de remboursement de ces offices sera incessamment dé erininé, et il sera statué en même lemps sur la demande d’indemnité formée par les titulaires. « 3° Il sera établi, près des tribunaux de district, des ofliciers, sous le titre d’hommes de loi, chargés exclusivement de faire l’instruction des procès. Ces officiers pourront, en outre, défendre, soit verbalement, soit par écrit, les parties qui les en auront chargés. « 4° Et néanmoins tout citoyen pourra défendre officieusement un autre citoyen, soit verbalement, soit par écrit; mais alors il ne sera rien exigé ni taxé en justice pour le payement de celte défense officieuse. « 5° Le nombre des hommes de loi à établir près des nouveaux tribunaux sera fixé par le 486 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1790.] Corps législatif, d’après les instructions qui lui seront adressées par les directoires de district. « 6° A l’avenir il sera procédé ù la désignation de c< s hommes de loi d’après les règles et dans les formes qui seront incessamment décrété' s. « 7° Mais provisoirement les procureurs qui exerçaient dans les cours de parlement, conseils supérieurs, 1 ail iages, sénéchaussées et autres juridictions royales ordinaires seulement, auront la faculté de remplir exclusivement à tous autres lesdiies fonctions d’hommes de loi auprès dos nouveaux tribunaux. « 8° En conséquence, lesdits procureurs seront tenus de déclarer, dans trois mois à dater de la publication du présent décret, s’ils veulent ou s’ils ne veulent pas user de la faculté qui leur est accordée par l’article précédent, et de désigner en môme temps le tribunal auprès duquel ils sont dans l’intention de postuler. « 9° Ceux dtsdiis procureurs qui, dans le délai ci-dessus prescrit, auront déc'aré ne vouloir pas user de cette faculté, recevront le remboursement de leurs offices, et même l’indemnité, s’il en est adjugé; le tout dans la forme qui aura été déterminé!1 pour tous les autres offices mini'tériels supprimés purement et simplement par l’article 1er de ce décret. « 10° Ceux desdils procureurs qui, dans le même délai, auront notifié leur acceptation et désigné le tribunal auprès duquel ils se proposent d’exercer les fonctions d’hommes de loi, n’auront dès lors aucun droit aux indemnités qui pourraient avoir été prononcées en leur faveur; et à l’egard du remboursement de leurs office’, il ne pourra avoir lieu qu’après leur décès, entre les mains de leurs héritiers. « 11° Il en sera de même pour ceux qui n’auraient fait dans ledit délai aucune espèce de déclaration. « 12° Les déclarations portant refus seront faites par devant le syndic du département dans lequel le titulaire sera domicilié. « 13° Seront les déclarations portant acceptation faites par devant le commissaire du roi du tribunal auprès duquel le titulaire se propose d’exercer; et avant de faire ladite déclaration, il pourra exiger du commissaire la représentation de la liste de ceux qui se seront fait inscrire avant lui. « 14° La désignation du tribunal une fois faite, il ne sera plus permis d’en choisir un autre. « 15° Il sera dressé, dans chaque tribunal de district, un tabl.au de ceux desdits procureurs qui se seront fait inscrire pour y exercer les fonctions d’hommes de loi. « 16° Si le nombre de ces officiers se trouve supérieur à celui qui aura été fixé pour le tribunal, ils seront contraints de s’y ré mire par la voie du sort ; et ceux qui auront été obligés de se retirer auront, pour ce cas seulement, la faculté de choisir un autre tribunal d’entre ceux qui rie seront pas encore au complet. « 17° Si le nombie de ces officiers se trouve inférieur à celui qui aura été fixé pour le tribunal, ce nombre sera complété par la voie d’élection dans les nouvelles formes qui auront été établies par les décrets ultérieurs, sauf l’exception portée en l’article précédent. » (On demande la question préalable.) M. de Mirabeau. Je désire qu’on puisse concilier plus nettement le bienfait de la suppression des offices, la liberté de détendre officieusement, le respect pour la propriété des titulaires, la grande considération de ne pas occasionner un bouleversementinutil", l’accélération de l’exercice des nouveaux tribunaux et la diminu ion des indemnités. Je le désire; mais, avant que de rejeter un décret qui a de grands et nombreux suffrages, il faut examiner. M. Le Chapelier. Le projet de décret présenté par M. de Mirabeau se rapproche beaucoup de celui du comité, sinon qu’il a quelques désavantages de plus pour le? officiers et pour le public. Dans un article il laisse la liberté de prendre un défenseur officieux, et dans le suivant il propose un privilège exclusif. Je demande qn’on pose ainsi les questions : Y aura-t-il un officier public pour les citations en jugement, dans la proportion d’un pour six mille âmes? 2° Les communications se feront-elles par l’intermédiaire d’on officier public? 3° Y aura-t-il des avocats auprès des tribunaux pour l’instruction des procès? M. U$inoehcaii, rapporteur. J’ai aussi à vous présenter une nouvelle série de questions concertées avec M. Treilhard : 1° Supprimera-t-on les offices de greffiers et de procureurs? 2° Etablira-t-on, auprès des tribunaux de district, des officiers chargés exclusivement de l’instruction des procès ? 3° Préférera-l-on les procureurs établis auprès des tribunaux et juridictions? les procureurs établis auprès des tribunaux et cours supprimés seront-ils admis en concurrence? M. <*©H|dïileau. Je demande la priorité pour les questions posées par M. Le Chapelier. M. Lhabroud. Je pense qu’il faut d’abord mettre aux voix cette proposition : La vénalité et l’hérédité des offices ministériels ou de postulation près les tribunaux sont supprimées. M. de Croix. Je demande si on entend parler des notaires? Plusieurs voix s’élèvent : Non! M. Martineau. Je viens appuyer le projet de M. de Mirabeau. Lorsqu’on vous parle de ne pas laisser une latitude indéfinie à la défense officieuse, on étouffe les cris de la Révolution; mais lorsque l’on veut mettre entre le? mains de tout le monde l’instruction des procès, on ouvre la carrière, la plu? vaste au brigandage des solliciteurs. Les intrigants ruineront les 'peuples que vous voulez soulager et la justice leur coûtera cent fois plus cher qu’à l’ordinaire. La admettant, au contraire, des avoués auprès des tribunaux, il arrivera de deux choses l’une, ou que les procureurs actuels demanderont leur remboursement, ou d’être en exercice. A combiner soi ant l’ordre des choses, les uns se retireront, mais il y en aura beaucoup plus qui voudront rester, vous n’aurez rien à rembourser à ceux-ci, car j’opine que leurs finances doivent rester comme camion. Je conclus à la priorité du décret proposé par M. de Mirabeau. M. Démennler. Nous parviendrons difficilement à un résultat, si nous ne simplifions la question. Je crois qu’il faudrait la poser ainsi : Abandonnera-t-on indistinctement l’instruction et la procédure à tout le monde? Suffira-t-il d’avoir des huissiers, des greffiers, pour la signification ? M. d’André. J’appuie le préopinant, mais il