58 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] les autres grandes villes, et que le comité veuille bien présenter la rédaction d’un article qui remplisse cet objet. M. Chabroud. J’observe au préopinant qu'il s’agit ici d’une affaire de propriété nationale qui n’exclut aucun artiste, et que ceux qui habitent les provinces peuvent venir à Paris. (Murmures.) J’observe encore que ce n’est pas dans les provinces qu’on peut espérer le progrès des beaux-arts; c’est seulement dans la capitale où existent les grands moyens. D’ailleurs, il ne s’agit que d’un plan d’encouragement provisoire. M. Alexandre Beauharnais. Si l’Assemblée le permet, je vais lui soumettre un projet de décret concerté avec M. Févêquë d’Autun, rapporteur de l’instruction publique. Ce projet se lie avec les principes et les réflexions qui ont été énoncés par M. Camus. « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit ; Art. 1er. « Il sera accordé annuellement pour le soutien des arts de peinture, sculpture et gravure une somme pour les travaux d’encouragement, fixée provisoirement pour cette année, à 100,000 livres, dont 70,000 livres se répartiront entre les peintres d’histoire et les statuaires; les autres 30,000 livres seront réparties entre les peintres dits de genre, et les graveurs, tant en taille-douce qu’en pierres fines et en médailles. Sur ladite somme de 30,000 livres, il sera pris celle de 10,000 livres pour faire travailler, dès cette année, à la continuation de la collection des ports de France de Joseph Vernet, par l’artiste que le pouvoir exécutif a déjà désigné pour ce travail. Art. 2. « Ces travaux seront distribués vers le milieu du temps de l’exposition publique, et seulement aux artistes qui se seront fait connaître dans l’exposition de la présente année. Art. 3. « Pour cette année seulement, et sans préjuger ce qui sera déterminé à l’avenir, ces travaux ci-dessus ordonnés seront distribués par les membres de l’Académie de peinture et de sculpture 2 membres de l’Académie des sciences, 2 membres de l’Académie des belles-lettres, et 20 artistes non académiciens, lesquels seront choisis par les artistes qui ont exposé leurs ouvrages au Salon du Louvre. Art. 4. « Pour faire cesser toute distinction entre les membres de l’Académie de peinture en cette circonstance, les agréés à ladite académie seront appelés à ce jugement. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité central de liquidation sur l’affaire de MM. Haller et Le Couteulx de La Norraye, relative à la liquidation des actions de la Compagnie des Indes. M. Camus, rapporteur. MM. Huiler et Le Goutteux de La Norraye se sont préseniés au comité central de liquidation, porteurs d’un arrêt rendu au conseil d’Etat le 9 novembre 1790, par une des dispositions duquel, et d’après un compte reçu par l’arrêt, ils sont déclarés créanciers de l’Etat d’une somme de 4,705,038 1. 8 s. 1 d. Le comité central, après avoir examiné cet arrêt définitif et les arrêts interlocutoires qui l’ont précédé, estimant qu’ils étaient attaquables par les voies de droit, a arrêté de proposer à l’Assemblée nationale qu’ils fussent remis à l’agent du Trésor public, pour se pourvoir ainsi et contre qui il appartiendra. En présentant son projet de décret à l’Assemblée, le comité lui doit compte de ses motifs; et leur exposition exige d’abord celle des faits. Les opérations de l’agiotage qui ont eu lieu en 1786 et 1787, sur les actions des eaux, de la compagnie des Indes, etc., sont assez connues, ainsi que les principaux agents de ces opérations, pour qu’on soit au fait de l’objet dont nous avons à parler, dès que nous aurons annoncé qu’il s’agit ici de la liquidation des actions de la compagnie des Indes, achetées et accaparées par l’abbé d’Espagnac. Voici l’état de cette opération au mois de mars 1787 ; Il n’existait, en tout, que 40,000 actions de la compagnie des Indes; il ne pouvait même y en avoir en circulation que 37,000, la compagnie en retenant 3,000 en dépôt pour le cautionnement de ses administrateurs. Cependant l’abbé d’Espagnac avait, partie entre les mains, partie à recevoir par les engagements contractés envers lui, 45,653 actions de la compagnie des Indes. Il est évident que, dans cette position, 8,653 actions ne pouvaient lui être livrées qu’autant que lui-même aurait d’abord mis sur la place et vendu une pareille quantité d’actions; qu’étant le maître de ces actions, il les aurait fait payer le prix qu’il aurait voulu; enfin que les personnes qui avaient contracté avec lui, étaient à sa discrétion. Or, ces personnes étaient ungrand nombre de banquiers et de négociants, particulièrement de Paris. Le prix commun de l’action des Indes ayant été du 1er au 15 mars, de 1,600 livres, il est aiséde sentir combien les engagements contractés envers l’abbé d’Espagnac devaient peser sur ceux qui les avaient souscrits. Les échéances commençaient à arriver à la fin de mars; et ainsi c’était à celte époque que le désastre, suite de ces engagements, pouvait éclater; et en ruinant beaucoup d’intéressés, influer en général sur les opérations de la Bourse et sur la circulation des fonds. Ces premiers faits, étant constants, ne donnent lieu, quant à présent, à aucune observation. Il n’en est pas de même de ceux qui suivent ; et pour ne rien omettre, comme pour ne rien hasarder, il faut d’abord entendre le récit de MM. Haller etde La Norraye; voirensuite les pièces; enfin établir les résultats. C’est donc uniquement MM. Haller et de La Norraye que nous allons d’abord entendre; nous citerons exactement chacun de leurs écrits, d’où nous tirerons ce qui doit être rapporté. Plusieurs motifs personnels à M. de Calonne, alors contrôleur généra], le portèrent à subroger le gouvernement à la place de l’abbé d’Espagnac ; mais, pour faire avec succès l’importante spéculation que celui-ci avait imaginée, il fallait être négociant ou banquier, et M. de Calonne n’était ni l’un ni l’autre. M. de Montmorin et M. de Breteuil (ministres) avaient prévu qu’il pouvait résulter de grands inconvénients de l’exil prononcé contre l’abbé d’Espagnac le 18 mars. Ebranlé par leurs observations, M. de Calonne vint le même jour à Paris.