24 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d Une députation des citoyens composant les cinq sections de Saint-Omer, département du Pas-de-Calais, retrace avec des couleurs horribles les projets sanguinaires que Joseph Le Bon méditoit contre leur commune : elle rend hommage aux vertus du représentant du peuple Florent Guiot, qui a régénéré les autorités constituées où fumait encore la cendre de Robespierre, arraché le masque aux faux patriotes, et ramené le règne de la justice et de la vertu; elle se plaint ensuite que de vils imposteurs ont trompé la religion de Duhem sur la situation de Saint-Omer. Elle déclare que tous les citoyens de cette commune maintiennent avec enthousiasme, et dans toute son étendue, l’adresse votée sur les événements des 9 et 10 thermidor par la société des amis de la Convention nationale ; qu’ils demandent le suplice de Joseph Le Bon et de tous ces bourreaux ; qu’ils ne reconnaissent d’autre point de ralliement que la Convention, et qu’ils sont debout pour fondre sur ses ennemis, et sur ceux qui voudraient se placer entre elle et le peuple (74). [Les citoyens composant les cinq sections de la commune de Saint-Omer à la Convention nationale, le 29 fructidor an II] (75) Respect à la Convention Guerre aux factieux Vive le Peuple Des intrigans farouches qui ont bu longtemps dans la coupe de la tyrannie ne peuvent pardonner aux mains courageuses qui l’ont brisée. Cette commune fut le déplorable théâtre des passions sanguinaires, elle ressembloit à une proie dont les animaux voraces se disputoient les lambeaux. Un sistème de terreur y étoit organisé : un conciliabule composé d’un ramas de vils factieux appeloit à grands cris la mort dans cette enceinte. D’innocentes victimes dévoient tomber sous la dent dévoratrice de Le Bon. On y trainait sur la clée (?) de l’opprobre les vieux amis du Peuple. Mais le respectable Florent Guiot a déchiré le voile de ces horreurs : il a fait sortir la liberté du fond des tombeaux, il a régénéré les autorités constituées dans lesquelles fumoit encore la cendre de Robespierre, il a arraché le masque aux faux patriotes et a ramené le règne de la justice et de la vertu. Qu’a fait cette tourbe immonde d’intrigants? Ils ont frappé lâchement dans l’ombre; ils ont crié à la persécution : leurs mains dégoûtantes de crimes ont rédigé un libelle diffamatoire; Duhem s’en est rendu l’organe et l’apologiste (74) P.-V., XLVI, 59. Bull., 3 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 62; Débats, n 733, 37. (75) C 321, pl. 1344, p. 5. Bull., 3 vend, (suppl.). aux Jacobins, il a représenté cette commune comme une arène où le modérantisme écrasoit les patriotes, il a dit que le Peuple étoit travaillé par l’aristocratie et que Florent Guiot y avoit organisé un sistème de modérantisme. Une calomnie aussi atroce a fait sortir par un mouvement spontané tous les braves sans-culottes de leurs atteliers, ils se sont rassemblés sur le champ dans le temple dédié à l’Etre suprême. Là ils ont juré de nouveau de faire de leurs corps un rempart à la Convention nationale. Quoi! ont-ils dit, lorsque d’exécrables ministres du despotisme ont porté les larmes et le désespoir dans nos familles, lorsque chaque citoyen est prêt à verser son sang pour cimenter les bases de la République, lorsque le crime a si longtems persécuté la vertu, lorsque nous avons fait connoître à Florent Guiot ces hommes de sang, qui affublés du manteau du patriotisme préparoient des poignards pour nous égorger, lorsque la plupart d’entr’eux n’ont emporté que le mépris et l’indignation du Peuple, en étant chassés des fonctions publiques, ils ont encore l’audace de nous accuser aux yeux d’une société célèbre. Eh bien! que la Convention apprenne que nous avons déclaré unanimement que c’étoient de vils imposteurs, ceux qui avoient trompé la religion de Duhem, que la liberté qui bouillon-noit depuis longtems dans son vâse n’en a vomit que l’écume. Que la Convention apprenne que nous maintenons avec enthousiasme et dans toute son étendue l’adresse votée sur les événements des 9 et 10 thermidor par la société des amis de la Convention nationale séante en cette commune. Que nous vouons à l’éxécration publique ces continuateurs de Robespierre qui outragent la liberté jusques dans la conscience des hommes libres, et qui veulent le triomphe des égorgeurs et l’anéantissement de la justice. Que la Convention apprenne que nous pousserons toujours le char du gouvernement révolutionnaire, mais que nous ne voulons plus que la terreur lui imprime une action convulsive et tyrannique. Que la faction du moderne Cromwell ne sera éteinte dans ce département que lorsque son infâme ministre Le Bon et tous ses bourreaux affreux seront trainés au pied de l’échafifaud. Que la Convention apprenne qu’elle sera toujours notre seul point de ralliement, que nous sommes debout pour fondre sur les assassins qui attentroient à son intégrité et qui entraveraient l’harmonie de ses travaux : que ceux la sont les ennemis du peuple qui veulent se placer entre lui et ses mandataires, et que si nous devions tomber encore sous le joug de la tyrannie, nos bras aimés de poignards immoleraient nos oppresseurs nouveaux, que nous les entraînerions avec nous dans la tombe plutôt que d’être un troupeau de lâches esclaves. Vive la République! Vive la Convention! périssent tous les factieux! Bailly et Caron, Piers, Sentur, secrétaires. SÉANCE DU 3 VENDÉMIAIRE AN III (24 SEPTEMBRE 1794) - N° 46 25 Après la lecture de l’adresse, le membre inculpé répond qu’il n’a jamais dit que le peuple de Saint-Omer ne fût pas bon en masse; mais que des fédéralistes et des contres-révolutionnaires l’agitoient et cherchoient à l’égarer. 11 dénonce l’orateur de la députation comme dilapidateur des fonds publics, et comme ayant été à cet égard traduit au tribunal révolutionnaire par un représentant du peuple. Après des débats assez vifs et dans lesquels il est prouvé que ce citoyen a été acquitté par le tribunal même de Le Bon, la mention honorable et l’insertion de l’adresse au bulletin sont décrétées, et les observations relatives à l’individu renvoyées au comité de Sûreté générale (76). L’orateur fait le tableau de ce qui s’est passé dans cette commune pendant le cours de la mission de Joseph Le Bon dans ce département, où il avait mis la terreur à l’ordre du jour. Après avoir applaudi à la conduite du représentant Florent Guiot, qui a fait sortir la liberté du fond des tombeaux, arraché le masque aux faux patriotes, et ramené le règne de la justice et de la vertu, il se plaint d’un libelle diffamatoire qui a représenté cette commune comme une arène où le modérantisme écrasait les patriotes, et duquel Duhem s’est rendu, dit-il, l’organe et l’apologiste aux Jacobins. Une calomnie aussi atroce, continue-t-il, fait sortir par un mouvement spontané tous les braves sans-culottes de leurs ateliers; ils se sont rassemblés sur-le-champ dans le temple dédié à l’Etre suprême ; là ils ont juré de nouveau de faire de leurs corps un rempart à la Convention nationale. Quoi, ont-ils dit, lorsque d’exécrables ministres du despotisme ont porté les larmes du désespoir dans nos familles ; lorsque chaque citoyen est prêt à verser son sang pour cimenter les bases de la République; lorsque le crime a si longtemps persécuté la vertu; lorsque nous avons fait connaître à Florent Guiot ces hommes de sang qui, affublés du manteau du patriotisme, préparaient des poignards pour nous égorger; lorsque la plupart d’entre eux n’ont emporté que le mépris et l’indignation du peuple, en étant chassés des fonctions publiques, ils ont encore l’audace de nous accuser aux yeux d’une société célèbre ! Eh bien! que la Convention apprenne que nous avons déclaré unanimement qu’ils étaient de vils imposteurs, ceux qui avaient trompé la religion de Duhem; que la liberté qui bouillonnait depuis longtemps dans son vase n’en a vomi que l’écume; que la Convention apprenne que nous maintenons avec enthousiasme et dans toute son étendue l’adresse votée sur les événements des 9 et 10 thermidor par la société des Amis de la Convention nationale, séante en cette commune; que nous vouons à l’exécration pu-(76) P. V., XLVI, 58-60. blique ces continuateurs de Robespierre qui outragent la liberté jusque dans la conscience des hommes libres, et qui veulent le triomphe des égorgeurs et l’anéantissement de la justice ; que la Convention apprenne que nous pousserons toujours le char du gouvernement révolutionnaire, mais que nous ne voulons plus que la terreur lui imprime une action convulsive et tyrannique ; que la faction du moderne Cromwell ne sera éteinte dans ce département que lorsque son infâme ministre Le Bon et tous les bourreaux affreux seront traînés au pied de l’échafaud; que la Convention apprenne qu’elle sera toujours notre seul point de ralliement ; que nous sommes debout pour fondre sim les assassins qui attenteraient à son intégrité, et qui entraveraient l’harmonie de ses travaux; que ceux-là sont les ennemis du peuple qui veulent se placer entre lui et ses mandataires; que, si nous devions tomber encore sous le joug de la tyrannie, nos bras, armés de poignards, immoleraient nos oppresseurs nouveaux ; que nous les entraînerions avec nous dans la tombe, plutôt que d’être un troupeau de lâches esclaves. Vive la République! vive la Convention! périssent les factieux! DUHEM : Je demande à donner quelques explications sur ce qui vient d’être dit à la barre. Je n’ai jamais dit que le peuple de Saint-Omer ne fût pas bon en masse, ni qu’il fût en insurrection ; mais j’ai dit que des fédéralistes, des contre-révolutionnaires agitaient le peuple et cherchaient à l’égarer. [il assure que c’est le calomnier que de dire qu’il a insulté le peuple de Saint-Omer qu’il connoit aussi bien que d’autres, qu’il a seulement dit que des intrignans cherchoient à égarer le peuple de Saint-Omer, qu’il en a les preuves et qu’il les fournira au comité] (77). On m’a dit, par exemple, que l’individu qui se trouve à la barre, et qui je crois se nomme Jadot (78), a été traduit au tribunal révolutionnaire, par notre collègue Duquesnoy, comme dilapidateur des fonds publics, qu’un autre nommé Valet et le nommé Pietz ont été les rédacteurs d’adresses contre-révolutionnaires ; que ces individus se remuent aujourd’hui, et viennent au nom des sociétés populaires qu’ils agitent. Je sais qu’à Saint-Omer on a convoqué le peuple par section, contre le vœu exprès de la loi. J’ai déposé les lettres qui prouvent ces faits au comité de Sûreté générale. Je ne connais à Saint-Omer qu’un seul patriote en qui j’ai placé ma confiance ( Murmures, ). Je le répète, quelque soit le sens que les malveillants veuillent donner à mes paroles, et je dis que je ne connais à Saint-Omer qu’un homme véritablement patriote en qui j’ai placé toute ma confiance. Je demande le renvoi du pétionnaire au comité de Sûreté générale. [je m’y rendrai aussi avec plusieurs de nos collègues pour l’éclairer sur cette affaire] (79). (77) J. Paris, n 4. (78) Jadole, selon J. Perlet, n 731. (79) J. Perlet, n" 731.