SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N08 31-32 399 III Pour l’exécution du présent décret, les représentans du peuple, Menuau, Delau-nay, Gaudin, Lofficial, Morisson et Chaillon se rendront dans les départemens qui composent l’arrondissement de l’armée de l’Ouest, et les représentans Guezno et Guer-meur dans les départemens qui composent les arrondissemens des armées des Côtes-de-Brest et de Cherbourg. Ces représentans sont investis des mêmes pouvoirs que les autres représentans envoyés près lesdites armées et dans les départemens (95). L’Assemblée adopte le projet de décret et la proclamation au milieu des plus vifs applaudissements (96). MASSIEU : Nous avons tous voté pour le décret, mais ne serait-il pas convenable de ne point étendre cette faveur aux chefs des révoltés. On réclame vivement l’ordre du jour. La Convention passe à l’ordre du jour. Charles DELACROIX: L’intention de la Convention est de ramener le calme dans ces départements ; pour y parvenir, il faut que ces citoyens soient sûrs de ne jamais être poursuivis. Je demande qu’il soit délivré à ceux qui viendront remettre leurs armes un certificat qui leur servira dans le cas où l’on voudrait les inquiéter. BARAILON : Cette mesure me paraît mauvaise ; ces hommes savent qu’ils sont coupables, et ils ont un grand intérêt à ne pas être connus. Vous voulez qu’on ne puisse pas les rechercher, et pour cela il ne fait pas que leurs noms soient connus. Charles DELACROIX : Il faut cependant trouver un moyen de distinguer ceux qui obéiront au décret d’avec ceux qui n’y obéiront pas. BARAILON : Alors je demande que le certificat ne soit délivré qu’à ceux qui le demanderont ; car il ne faut pas forcer ceux qui ne voudraient pas être connus à l’être. TAVEAU : La Convention vient de donner sa confiance à des collègues estimables, qui sauront allier la justice, l’énergie et la prudence. Vous décrétez une amnistie afin d’effacer jusqu’à la trace de la révolte, et la proposition qu’on vous fait tendrait à laisser subsister des preuves parlantes de la rébellion de ceux qui aimaient déposé les armes. GASTON : Il n’est personne qui ne doive applaudir aux sentiments qui animent la (95) P.-V., L, 270. C 327 (1), pl. 1433, p. 14 de la main de Carnot. Moniteur, XXII, 649 ; Bull., 12 frim. ; Débats, n° 800, 1030-1031 ; F. delà Républ., n° 73 ; J. Perlet, n° 800 ; J. Fr., n° 798, 799; Gazette Fr., n° 1065; M.U., n° 1360; Mess. Soir, n° 836. (96) Moniteur, XXII, 649. Convention pour rendre la paix à la République ; mais il n’entre pas dans son intention de faire grâce à ceux qui ne sont pas vraiment de la Vendée, à ceux qui ont été sous les drapeaux blancs. Si nous n’y prenions garde, la Vendée serait la voie par laquelle tous les émigrés de Coblentz, de l’Angleterre et d’ailleurs rentreraient en France. Je demande que l’amnistie ne s’étende qu’aux vrais habitants de la Vendée. ROUX (de la Haute-Marne) : Je demande l’ordre du jour sur toutes les propositions additionnelles. Le décret est senti par la Convention ; tout le monde en désire les effets qu’on s’en promet, et nous devons croire au succès, puisque l’exécution est confiée à des collègues estimables, qui connaissent les localités et la cause du mal, et dont plusieurs ont même été victimes des désastres qui ont ravagé ce malheureux pays ; mais il ne faut pas retirer d’une main ce que l’on donne de l’autre. Ne croyez pas que jamais les émigrés viennent déposer les armes. Il ne s’agit ici que des hommes égarés qu’on a révoltés contre la République; le décret que vous avez rendu contient tout ce qu’il faut pour les détacher de leurs chefs et pour ramener la paix. Je demande l’ordre du jour sur toutes les propositions additionnelles. La Convention passe à l’ordre du jour (97). 31 Le rapporteur [CAMBACÉRÈS] du code civil demande, au nom du comité de Législation, qu’on ouvre la discussion sur cet objet important, ou qu’au moins on fixe un temps précis pour s’en occuper: l’Assemblée ajourne au sextidi de la même décade (98). 32 Un rapporteur, [BIDAULT] au nom du comité de Commerce et approvisionne-mens, présente un projet de décret relativement aux prises maritimes; le projet présenté est adopté en ces termes (99). BIDAULT: Vous avez travaillé utilement à assurer la subsistance du peuple et les besoins de vos armées, rendu au commerce une partie de ses droits et de son activité, et aux manufactures un encouragement bien nécessaire, en rouvrant vos ports aux marchandises étrangères et surtout aux matières premières. Ne doutez pas des efforts que vont faire les vrais amis de la patrie (97) Moniteur, XXII, 649-650. Rép., n° 73 ; J. Perlet, n° 800 ; J. Fr., n° 798 ; M. U., n° 1360 ; Ann. R.F., n° 72. (98) P.-V., L, 271. C 327 (1), pl. 1433, p. 19. Rép., n° 73. Cambacérès rapporteur selon C*II, 21. (99) P.-V, L, 271. C 327 (1), pl. 1433, p. 20. 400 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE pour ramener l’abondance au sein de la République. Il vous suffira de saisir toutes les occasions de confirmer les principes que vous avez consacrés, et de faciliter par tous les moyens possibles la prompte circulation des matières commerciales. Mais si vous comptez sur les marchandises que le commerce particulier se procurera chez l’étranger, ne devez-vous pas aussi tirer tout le parti possible des marchandises étrangères arrivées dans vos ports sans le secours du commerce et des échanges ? Votre comité veut parler des prises faites sur les ennemis de la République. Les prises vous fournissent des marchandises de première nécessité et de luxe, de consommation et de prohibition, ce que ne peut faire le commerce ; et il arrive souvent que l’insuffisance des lois a forcé de garder et de laisser dépérir dans les ports des marchandises, ou qui semblaient prohibées, ou qui étaient de nature à être mises en réquisition, ou faute de moyens pour les livrer rapidement à la circulation, ou enfin faute d’action pour les vendre à l’étranger par la voie de l’exportation. Cependant, tant qu’il existe une quantité quelconque de marchandises prises sur les ennemis de la République, la main de la réquisition semble devoir les respecter, parce qu’ alors elles deviennent une propriété individuelle et même nationale, et par leur reflux dans l’intérieur elles établissent une concurrence démontrée nécessaire à la base du prix des matières de la même nature. Hâtez-vous donc de fixer la destination et l’emploi des prises faites sur l’ennemi, en classant les matières de consommation, les matières premières utiles aux fabriques et manufactures, et des marchandises dont l’importation est prohibée par les lois. Hâtez-vous de fixer le mode de réquisition, de la part de la commission du commerce, sur les objets de consommation et d’approvisionnements que les prises vous procurent ; de livrer à la fibre circulation les matières nécessaires aux manufactures ; de disposer des marchandises prohibées qui vous arrivent, et enfin de donner à chaque espèce de matière commerciale la destination que l’intérêt national exige. Récompensez ceux qui font des prises, et qui ont dû compter sur le prix de leur courage ; évitez le dépérissement, dans les ports et les magasins, des marchandises confiées à la garde de la malveillance ou de l’ineptie. Votre comité à pensé que si, par votre décret du 6 de ce mois, vous avez engagé l’étranger et le commerçant français à vous approvisionner des denrées et marchandises non prohibées, en lui en laissant la fibre disposition, vous devez accorder la même liberté pour les marchandises provenant des prises faites sur vos ennemis ; vous le devez également pour les marchandises propres à vos manufactures, que le commerce a fait arriver à grands frais de l’étranger ou de nos colonies, qui ont, en très grande partie, été mises en réquisition par la commission du commerce à leur arrivée dans les divers ports de la République, et dont le prix est infiniment au-dessous de leur achat. Il ne faut, pour vous en convaincre, que comparer le taux actuel du fret et de l’assurance des navires avec celui qui se payait avant la guerre que la liberté et la vertu soutiennent avec tant d’avantages contre l’esclavage et le crime. Le fret, qui était ordinairement à 150 livres le tonneau pour les marchandises venant de l’Inde, est maintenant porté jusqu’à 400 livres ; et l’assurance, qui était de 5 à 6 pour 100, est de 50, 60 et même 75 livres. Aussi beaucoup de commerçants ont-ils prouvé à vos comités que le prix de ces marchandises que la loi autorise ne suffit pas, à beaucoup près, pour les rembourser de leurs frais et des droits qu’ils ont été obligés d’acquitter à leur arrivée dans les ports de la République. La commission de commerce a également des matières premières propres aux fabriques, dont elle a traité, à très haut prix, avec l’étranger. Jusqu’ici, la mise en circulation de sa part s’en est faite avec des pertes énormes pour la République. Votre comité a pensé que ces sacrifices étaient impolitiques et ne satisfaisaient pas les intérêts du peuple. En effet, qui est-ce qui a profité de cette bienveillance nationale ? des spéculateurs avides, des agioteurs ennemis de l’humanité ; ils semblaient être les canaux par où devaient s’écouler, pour ainsi dire, la sollicitude paternelle de la Convention, et il n’en est sorti que la pénurie des matières commerciales, et une cherté excessive, contraire à vos vues de bienfaisance. Par exemple, tel marchand a obtenu des sucres à 40, 50 sous et 3 fiv. au plus, qui les a vendus de 9 à 12 livres ; tel autre a acheté des cotons de 2 à 3 fiv., suivant les différentes qualités, qui a retiré, par livre, un bénéfice de 12 à 15 livres. Votre comité ne vous cite que ces exemples, sur une infinité d’autres qui sont parvenus à sa connaissance; mais ils suffisent pour vous démontrer que votre intention a manqué son effet, et que l’intérêt du peuple à cet égard est nul. Votre comité, en se résumant, pense que la liberté du commerce est la base de son activité, de son étendue et de ses ressources ; que l’abondance et la prospérité publique en découlent nécessairement ; que les entraves qu’on y apporte enchaînent la spéculation, énervent l’industrie et détruisent les intérêts particuliers, qui, en ce cas, font la masse de l’intérêt général. C’est pourquoi votre comité, après en avoir conféré avec la section du Commerce des comités de Salut public et des Finances, vous propose le projet de décret suivant, par une suite nécessaire de celui du 6 de ce mois : Art. 1er.- Toutes les marchandises provenant des prises faites sur les ennemis de la République, seront vendues en vente publique, au plus offrant et dernier enchérisseur ; elles seront considérées entre les mains de l’acquéreur comme produits du commerce extérieur. Elles pourront être revendues au prix convenu de gré à gré. Art. IL-Sont exceptées les denrées et matières nécessaires à l’approvisionnement de la Marine et des armées, qui seront laissées à la disposition de la commission de Commerce et approvisionnement, ainsi que les marchandises