544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette proposition est adoptée. Le même membre propose aussi de charger le comité de salut public de présenter à la Convention nationale, dans le plus bref délai, un projet de décret qui limite et détermine d’une manière précise le sens de ces mots, dépraver les mœurs, compris dans le paragraphe VIII de l’article VI du même décret du 22 de ce mois (1) . DELACROIX : J’ai encore une autre observation à faire. L’un des articles met au rang des crimes de contre-révolution la dépravation des mœurs. La manière dont cela est exprimé dans l’article, laisse un vague qui prête beaucoup à l’arbitraire. Je demande que ces mots soient interprétés par un décret précis, afin qu’on ne traduise pas au tribunal révolutionnaire des citoyens qui, en société ou même sur un théâtre, auroient dit ou fait dire quelques plaisanterie (2) . Cette proposition est également adoptée. Un autre membre [MALLARMÉ] observe qu’il faut que les lois révolutionnaires soient claires, et qu’elles ne puissent donner lieu à aucune équivoque. L’article XVI ne lui paroît pas réunir cette clarté et cette précision. Il demande ce qu’on entend par ces mots, la loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes. Un autre membre demande qu’on supprime, comme inutile, le mot de patriote ajouté à celui de juré. On demande l’ordre du jour sur ces deux proposition. On observe qu’à force de demander des explications, on atténue les lois les plus salutaires; qu’il est bien clair qu’un patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire, n’aura besoin pour sa défense que de sa conscience et de celle des jurés » (3) . MALLARMÉ : J’ai aussi une remarque à faire sur l’article XVI qui accorde pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, et n’en accorde point aux conspirateurs. Je demande ce qu’on a voulu dire par ces expressions. Il faut que les lois soient claires, et surtout les lois révolutionnaires; il faut, dans un gouvernement républicain, qu’elles puissent être entendues même des enfans. Je demande que le comité de salut public nous dise ce qu’il entend par les mots conspirateurs, défenseurs et jurés patriotes. CHARLIER : L’article s’explique clairement de lui-même : la loi a voulu supprimer le bavardage des hommes de loi qui ne défendoient que les conspirateurs, et étoient presque tous aristocrates, qui ne pouvoient opposer que des moyens de forme, puisque les faits étoient certains. L’article dit que l’individu qui sera traduit au tribunal révolutionnaire aura, sur le fait, pour défenseur, la conscience des jurés patriotes, et en formant la liste des jurés la (1) P.V., XXXIX, 229; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. S.-Culottes, n° 484. (2) Débats, n° 630, p. 360; M.U., XL, 379; Audit. nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 229; C. Eg., n° 663. Convention a dressé celle des défenseurs officieux des patriotes (1) . Les mots inutiles doivent être rayés des lois. Comme les jurés du tribunal révolutionnaire ne peuvent être que des patriotes, je demande qu’on supprime ce mot de patriote ajouté à celui de juré. LEGENDRE : Sans doute tous les jurés du tribunal révolutionnaire sont des patriotes, mais je ne vois pas pourquoi ce mot ne resterait pas dans l’article. A coup sûr le patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire n’aura besoin que de sa conscience et de celle des jurés. Je demande donc d’ordre du jour (2). DUHEM : Je demande la conservation de l’article tel qu’il est rédigé. Si l’on se rappelle l’intention du comité qui a proposé la loi, et celle de la Convention qui l’a décrétée, on sera convaincu que le tribunal révolutionnaire est spécialement institué pour punir les conspirateurs, les ennemis de la chose publique; dès lors, le comité a eu raison de faire ressortir la différence qu’il y entre les conspirateurs et les patriotes, en disant dans l’article que les jurés sont les défenseurs naturels et chauds des patriotes, et que la loi en refusoit aux autres : et je répéterai ici ce qu’on dit dans la célèbre discussion qui eut lieu lors de l’établissement du tribunal révolutionnaire : c’est Brutus sur sa chaise -curule qui condamne à mort ses enfans pour avoir trahi la chose publique (3) . Après plusieurs observations sur le même objet, l’ordre du jour est mis aux voix et décrété. La rédaction du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire est définitivement adoptée (4). 10 Un secrétaire fait aussi la seconde lecture du décret du jour d’hier, portant qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition d’un membre, tendante à ce qu’il soit décrété que, par le décret concernant le tribunal révolutionnaire, la Convention n’a pas entendu déroger aux lois qui défendent de traduire au tribunal révolutionnaire aucun représentant du peuple, sans qu’au préalable il ait été rendu contre lui un décret d’accusation. Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, observe que toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui et celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. Il observe que la disposition qui déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent (1) Débats, n° 630, p. 360. (2) Mon., XX, 714. (3) Débats, n° 630, p. 360; C. Eg., n° 663. (4) P.V., XXXIX, 230. Mess, soir, n“ 663; J. Fr., n° 626; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; J. Sablier, n° 1374; J. Perlet, n° 628; C. Eg., n° 663. Voir ci-dessus, séance du 22 prair., n° 71, et du 23 prair., n° 23. 544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette proposition est adoptée. Le même membre propose aussi de charger le comité de salut public de présenter à la Convention nationale, dans le plus bref délai, un projet de décret qui limite et détermine d’une manière précise le sens de ces mots, dépraver les mœurs, compris dans le paragraphe VIII de l’article VI du même décret du 22 de ce mois (1) . DELACROIX : J’ai encore une autre observation à faire. L’un des articles met au rang des crimes de contre-révolution la dépravation des mœurs. La manière dont cela est exprimé dans l’article, laisse un vague qui prête beaucoup à l’arbitraire. Je demande que ces mots soient interprétés par un décret précis, afin qu’on ne traduise pas au tribunal révolutionnaire des citoyens qui, en société ou même sur un théâtre, auroient dit ou fait dire quelques plaisanterie (2) . Cette proposition est également adoptée. Un autre membre [MALLARMÉ] observe qu’il faut que les lois révolutionnaires soient claires, et qu’elles ne puissent donner lieu à aucune équivoque. L’article XVI ne lui paroît pas réunir cette clarté et cette précision. Il demande ce qu’on entend par ces mots, la loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes. Un autre membre demande qu’on supprime, comme inutile, le mot de patriote ajouté à celui de juré. On demande l’ordre du jour sur ces deux proposition. On observe qu’à force de demander des explications, on atténue les lois les plus salutaires; qu’il est bien clair qu’un patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire, n’aura besoin pour sa défense que de sa conscience et de celle des jurés » (3) . MALLARMÉ : J’ai aussi une remarque à faire sur l’article XVI qui accorde pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, et n’en accorde point aux conspirateurs. Je demande ce qu’on a voulu dire par ces expressions. Il faut que les lois soient claires, et surtout les lois révolutionnaires; il faut, dans un gouvernement républicain, qu’elles puissent être entendues même des enfans. Je demande que le comité de salut public nous dise ce qu’il entend par les mots conspirateurs, défenseurs et jurés patriotes. CHARLIER : L’article s’explique clairement de lui-même : la loi a voulu supprimer le bavardage des hommes de loi qui ne défendoient que les conspirateurs, et étoient presque tous aristocrates, qui ne pouvoient opposer que des moyens de forme, puisque les faits étoient certains. L’article dit que l’individu qui sera traduit au tribunal révolutionnaire aura, sur le fait, pour défenseur, la conscience des jurés patriotes, et en formant la liste des jurés la (1) P.V., XXXIX, 229; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. S.-Culottes, n° 484. (2) Débats, n° 630, p. 360; M.U., XL, 379; Audit. nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 229; C. Eg., n° 663. Convention a dressé celle des défenseurs officieux des patriotes (1) . Les mots inutiles doivent être rayés des lois. Comme les jurés du tribunal révolutionnaire ne peuvent être que des patriotes, je demande qu’on supprime ce mot de patriote ajouté à celui de juré. LEGENDRE : Sans doute tous les jurés du tribunal révolutionnaire sont des patriotes, mais je ne vois pas pourquoi ce mot ne resterait pas dans l’article. A coup sûr le patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire n’aura besoin que de sa conscience et de celle des jurés. Je demande donc d’ordre du jour (2). DUHEM : Je demande la conservation de l’article tel qu’il est rédigé. Si l’on se rappelle l’intention du comité qui a proposé la loi, et celle de la Convention qui l’a décrétée, on sera convaincu que le tribunal révolutionnaire est spécialement institué pour punir les conspirateurs, les ennemis de la chose publique; dès lors, le comité a eu raison de faire ressortir la différence qu’il y entre les conspirateurs et les patriotes, en disant dans l’article que les jurés sont les défenseurs naturels et chauds des patriotes, et que la loi en refusoit aux autres : et je répéterai ici ce qu’on dit dans la célèbre discussion qui eut lieu lors de l’établissement du tribunal révolutionnaire : c’est Brutus sur sa chaise -curule qui condamne à mort ses enfans pour avoir trahi la chose publique (3) . Après plusieurs observations sur le même objet, l’ordre du jour est mis aux voix et décrété. La rédaction du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire est définitivement adoptée (4). 10 Un secrétaire fait aussi la seconde lecture du décret du jour d’hier, portant qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition d’un membre, tendante à ce qu’il soit décrété que, par le décret concernant le tribunal révolutionnaire, la Convention n’a pas entendu déroger aux lois qui défendent de traduire au tribunal révolutionnaire aucun représentant du peuple, sans qu’au préalable il ait été rendu contre lui un décret d’accusation. Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, observe que toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui et celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. Il observe que la disposition qui déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent (1) Débats, n° 630, p. 360. (2) Mon., XX, 714. (3) Débats, n° 630, p. 360; C. Eg., n° 663. (4) P.V., XXXIX, 230. Mess, soir, n“ 663; J. Fr., n° 626; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; J. Sablier, n° 1374; J. Perlet, n° 628; C. Eg., n° 663. Voir ci-dessus, séance du 22 prair., n° 71, et du 23 prair., n° 23. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 10 545 décret, n’a pu s’entendre que des lois concernant le tribunal révolutionnaire, et non pas de cette loi d’exception relative aux représentans du peuple, loi constitutionnelle et fondamentale de la liberté, et qu’il n’y a que la malveillance qui ait pu voir autrement. Il ne prétend pas faire révoquer l’article additionnel décrété hier; mais il demande le rapport du considérant, parce qu’en disant que la Convention n’a pas entendu déroger à un droit inaliénable de sa nature, ce seroit insinuer que le comité a prétendu le lui faire aliéner. Le même membre fait aussi différentes observations sur la proposition relative à l’article qui concerne la dépravation des mœurs. Il n’est pas à craindre, dit-il, que pour une légèreté, une gaîté, on traduise un citoyen au tribunal révolutionnaire. On a voulu dire par l’article que tout individu qui, en quelque manière que ce fût, corromproit la conscience, la morale du peuple; qui chercheroit à amener la contre-révolution par les moyens laissés entre les mains de Chabot et autres, doit être jugé comme conspirateur, comme ennemi du peuple. On n’a pas voulu dire qu’un citoyen à qui il seroit échappé une expression équivoque, dût être rangé dans cette classe. Le juré, a une conscience, le juré juge l’intention; il voit où il y a erreur ou crime. L’un des plus grands moyens d’opérer la contre-révolution dans un Etat à peine sorti des vices de la monarchie, est la corruption, l’immoralité. Toutes les fois que l’on verra un individu semer des trésors, dilapider la fortune publique, tenter de corrompre les citoyens, il n’y aura pas à se méprendre sur cet individu et sur ses intentions; ce sera un grand coupable à livrer à la justice; sa tête doit tomber comme celle des conspirateurs plus hardis qui vouloient assassiner la liberté par les armes. Le comité n’a jamais pensé que ce fût en vain que la Convention eût mis les vertus, les mœurs et la probité à l’ordre du jour. C’est par suite de ces principes, ajoute-t-il, que le comité a proposé par la loi de frapper impitoyablement quiconque, en dépravant les mœurs, fouleroit la probité, la justice et la vertu, et se joueroit par-là des principes sacrés proclamés par la Convention. Ce sera à la conscience des jurés à distinguer si l’individu qui sera traduit devant eux, est coupable avec dessein, ou si l’on ne peut lui reprocher simplement que de l’imprudence ou de l’indiscrétion. Il termine en demandant que la Convention pasâe simplement à l’ordre du jour sur les propositions faites hier et aujourd’hui contre la loi du 22 concernant le tribunal révolutionnaire (1). COUTHON : Toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui, celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. On a avancé ici d’une manière assez positive que le comité de salut public avait voulu, par une disposition implicite, s’attribuer, et au co-(1) P.V., XXXIX, 230; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. S. -Culottes, n° 484. mité de sûreté générale, aux représentants du peuple dans les départements, et à l’accusateur public, le droit de traduire au tribunal révolutionnaire les membres de la représentation nationale sans un décret préalable de la Convention, c’est-à-dire qu’on a prétendu que le comité, par une disposition implicite, avait voulu détruire les lois déjà faites, anéantir une disposition constitutionnelle, et violer les principes les plus sacrés. N’est-ce pas la plus atroce des calomnies lancées contre le comité de salut public ? Tant que nous ne serons accusés que par les gouvernements tyranniques de vouloir usurper le pouvoir, de vouloir dominer sur la Convention, nous nous honorerons de leurs calomnies; mais quand ces calomnies partiront du sein de la représentation nationale elle-même, nous devrons nous en affliger et nous en plaindre. ( Plusieurs voix : Non, non, personne n’accuse le comité de salut public !) Je demande qu’on me continue la parole. Oui, l’on a accusé, l’on a calomnié le comité de salut public. Eh ! qu’entendait-il par cet article : « La Convention déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent décret » ? Quelles étaient ces lois ? Personne n’a pu s’y méprendre; ce n’était, ce ne pouvait être que les lois concernant le tribunal révolutionnaire, et non pas cette loi d’exception relative aux représentants du peuple, loi constitutionnelle et fondamentale de la liberté. Il n’y a que la malveillance qui ait pu voir autrement; et une intention bien prononcée de nuire au comité, de porter un coup au gouvernement, qui ait pu le dire. On nous accuse de vouloir usurper le pouvoir ! nous qui abhorrons l’idée seule d’une autre domination que celle du peuple ! Quel serait donc cet ambitieux scélérat qui oserait y prétendre ? Ah ! s’il en existait dans le comité de salut public, croyez que ce ne serait pas à vous que serait réservée la gloire d’en faire justice. Que voulons-nous dans le comité de salut public ? Ce que la Convention dont il émane, par laquelle il existe, sans laquelle il n’est rien, ce que la Convention veut elle-même, la liberté, le bonheur du peuple, la gloire de la représentation nationale, la République tout entière ou la mort ! (On applaudit à plusieurs reprises .) Voilà notre ambition, voilà nos principes; et soyez assurés, citoyens,, que nous marcherons toujours dans les mêmes sentiers, fussent-ils bordés, comme déjà ils l’ont été, de meurtriers et de poignards. ( Vifs applaudissements.) Je ne prétends pas faire révoquer l’article additionnel décrété hier; mais le considérant qui le précède est une injure pour le comité de salut public; car dire que la Convention n’a pas entendu déroger à un droit inaliénable de sa nature, c’est insinuer adroitement que le comité a prétendu le lui faire aliéner. La Convention nationale, si elle conserve à son comité l’estime à laquelle il a droit de prétendre, ne peut pas souffrir qu’un pareil considérant subsiste; je demanderais que la Convention passât purement et simplement à l’ordre du jour sur la proposition d’hier, comme injurieuse et impolitique. (Bourdon (de l’Oise) : Je demande la parole.) Toutes les fois qu’une loi présente de l’obscurité (et sans doute nous ne sommes pas infaillibles), pourquoi attendre le 35 SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 10 545 décret, n’a pu s’entendre que des lois concernant le tribunal révolutionnaire, et non pas de cette loi d’exception relative aux représentans du peuple, loi constitutionnelle et fondamentale de la liberté, et qu’il n’y a que la malveillance qui ait pu voir autrement. Il ne prétend pas faire révoquer l’article additionnel décrété hier; mais il demande le rapport du considérant, parce qu’en disant que la Convention n’a pas entendu déroger à un droit inaliénable de sa nature, ce seroit insinuer que le comité a prétendu le lui faire aliéner. Le même membre fait aussi différentes observations sur la proposition relative à l’article qui concerne la dépravation des mœurs. Il n’est pas à craindre, dit-il, que pour une légèreté, une gaîté, on traduise un citoyen au tribunal révolutionnaire. On a voulu dire par l’article que tout individu qui, en quelque manière que ce fût, corromproit la conscience, la morale du peuple; qui chercheroit à amener la contre-révolution par les moyens laissés entre les mains de Chabot et autres, doit être jugé comme conspirateur, comme ennemi du peuple. On n’a pas voulu dire qu’un citoyen à qui il seroit échappé une expression équivoque, dût être rangé dans cette classe. Le juré, a une conscience, le juré juge l’intention; il voit où il y a erreur ou crime. L’un des plus grands moyens d’opérer la contre-révolution dans un Etat à peine sorti des vices de la monarchie, est la corruption, l’immoralité. Toutes les fois que l’on verra un individu semer des trésors, dilapider la fortune publique, tenter de corrompre les citoyens, il n’y aura pas à se méprendre sur cet individu et sur ses intentions; ce sera un grand coupable à livrer à la justice; sa tête doit tomber comme celle des conspirateurs plus hardis qui vouloient assassiner la liberté par les armes. Le comité n’a jamais pensé que ce fût en vain que la Convention eût mis les vertus, les mœurs et la probité à l’ordre du jour. C’est par suite de ces principes, ajoute-t-il, que le comité a proposé par la loi de frapper impitoyablement quiconque, en dépravant les mœurs, fouleroit la probité, la justice et la vertu, et se joueroit par-là des principes sacrés proclamés par la Convention. Ce sera à la conscience des jurés à distinguer si l’individu qui sera traduit devant eux, est coupable avec dessein, ou si l’on ne peut lui reprocher simplement que de l’imprudence ou de l’indiscrétion. Il termine en demandant que la Convention pasâe simplement à l’ordre du jour sur les propositions faites hier et aujourd’hui contre la loi du 22 concernant le tribunal révolutionnaire (1). COUTHON : Toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui, celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. On a avancé ici d’une manière assez positive que le comité de salut public avait voulu, par une disposition implicite, s’attribuer, et au co-(1) P.V., XXXIX, 230; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. S. -Culottes, n° 484. mité de sûreté générale, aux représentants du peuple dans les départements, et à l’accusateur public, le droit de traduire au tribunal révolutionnaire les membres de la représentation nationale sans un décret préalable de la Convention, c’est-à-dire qu’on a prétendu que le comité, par une disposition implicite, avait voulu détruire les lois déjà faites, anéantir une disposition constitutionnelle, et violer les principes les plus sacrés. N’est-ce pas la plus atroce des calomnies lancées contre le comité de salut public ? Tant que nous ne serons accusés que par les gouvernements tyranniques de vouloir usurper le pouvoir, de vouloir dominer sur la Convention, nous nous honorerons de leurs calomnies; mais quand ces calomnies partiront du sein de la représentation nationale elle-même, nous devrons nous en affliger et nous en plaindre. ( Plusieurs voix : Non, non, personne n’accuse le comité de salut public !) Je demande qu’on me continue la parole. Oui, l’on a accusé, l’on a calomnié le comité de salut public. Eh ! qu’entendait-il par cet article : « La Convention déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent décret » ? Quelles étaient ces lois ? Personne n’a pu s’y méprendre; ce n’était, ce ne pouvait être que les lois concernant le tribunal révolutionnaire, et non pas cette loi d’exception relative aux représentants du peuple, loi constitutionnelle et fondamentale de la liberté. Il n’y a que la malveillance qui ait pu voir autrement; et une intention bien prononcée de nuire au comité, de porter un coup au gouvernement, qui ait pu le dire. On nous accuse de vouloir usurper le pouvoir ! nous qui abhorrons l’idée seule d’une autre domination que celle du peuple ! Quel serait donc cet ambitieux scélérat qui oserait y prétendre ? Ah ! s’il en existait dans le comité de salut public, croyez que ce ne serait pas à vous que serait réservée la gloire d’en faire justice. Que voulons-nous dans le comité de salut public ? Ce que la Convention dont il émane, par laquelle il existe, sans laquelle il n’est rien, ce que la Convention veut elle-même, la liberté, le bonheur du peuple, la gloire de la représentation nationale, la République tout entière ou la mort ! (On applaudit à plusieurs reprises .) Voilà notre ambition, voilà nos principes; et soyez assurés, citoyens,, que nous marcherons toujours dans les mêmes sentiers, fussent-ils bordés, comme déjà ils l’ont été, de meurtriers et de poignards. ( Vifs applaudissements.) Je ne prétends pas faire révoquer l’article additionnel décrété hier; mais le considérant qui le précède est une injure pour le comité de salut public; car dire que la Convention n’a pas entendu déroger à un droit inaliénable de sa nature, c’est insinuer adroitement que le comité a prétendu le lui faire aliéner. La Convention nationale, si elle conserve à son comité l’estime à laquelle il a droit de prétendre, ne peut pas souffrir qu’un pareil considérant subsiste; je demanderais que la Convention passât purement et simplement à l’ordre du jour sur la proposition d’hier, comme injurieuse et impolitique. (Bourdon (de l’Oise) : Je demande la parole.) Toutes les fois qu’une loi présente de l’obscurité (et sans doute nous ne sommes pas infaillibles), pourquoi attendre le 35 546 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE moment où il ne se trouve à la séance aucun membre du comité, pour demander des explications ? Pourquoi ne pas les demander fraternellement en sa présence ? On a dit hier qu’il s’était mêlé beaucoup d’aigreur dans la discussion qui avait eu lieu avant-hier. On a dit (à un mouvement qui s’éleva dans l’Assemblée) : Cette heureuse clameur me prouve que la liberté est impérissable; c’est-à-dire que s’il n’y avait pas eu de clameur, d’heureuse clameur; si le décret que cette clameur annonçait n’eût pas eu lieu; si le comité n’eût pas été réformé, la liberté était en péril. Si Bourdon n’a pas eu de mauvaise intention, il a commis du moins une faute d’imprudence extrêmement grave en insultant ainsi gratuitement ses collègues, surtout les membres d’un comité que la Convention a investi d’une immense confiance. (Les applaudissements recommencent et se prolongent.) Oui, d’une immense confiance, dont le comité a besoin pour faire le bien : s’il ne l’a plus, cette confiance entière, il ne peut plus sauver la liberté, il vous déclare alors, par mon organe, qu’il est prêt à donner sa démission. (De toutes parts on s’écrie : Non, non !) Je n’ai voulu injurier personne, j’ai la vanité de dire que nul membre ne révère plus que moi la Convention, n’est plus que moi prêt à donner son sang pour lui épargner des débats pernicieux à la chose publique. Je ne veux, dis-je, inculper personne; mais je dois, ne fût-ce que sous le rapport politique seulement, relever des expressions offensantes pour le gouvernement. Quoi ! lorsque le comité présente une loi, on ose supposer qu’il y a dans cette loi des intentions d’usurper le pouvoir souverain ! Eh ! qu’ont dit de plus Pitt et Cobourg ? Je le répète, Bourdon peut n’avoir pas eu de mauvaises intentions; mais il devait réfléchir davantage avant de présenter des propositions d’une si haute importance : quand des lois soumises à la Convention par le comité paraissent incomplètes, pourquoi ne pas appeler le comité dans les discussions qui s’élèvent ? Il pourrait donner des explications satisfaisantes qui mettraient fin aux débats, et ménageraient des séances plus utiles au bonheur public. Toute autre conduite n’est pas loyale. Aujourd’hui on fait encore une chicane sur un mot; on demande : que voulez-vous dire par cette expression, dépraver les moeurs ? et l’on craint que, pour une légèreté, une gaîté, on ne traduise un citoyen au tribunal révolutionnaire. Certes il ne faut pas entendre le français pour élever un doute à cet égard. On a voulu dire que tout individu qui, en quelque manière que ce fût, corromprait la conscience, la morale du peuple; qui chercherait à amener la contre-révolution par les moyens laissés entre les mains de Chabot et autres, doit être jugé comme conspirateur, comme ennemi du peuple. Nous n’avons pas voulu dire qu’un citoyen à qui il serait échappé une expression équivoque dût être rangé dans cette classe. Le juré a une conscience, le juré juge l’intention, il voit où il y a erreur ou crime. L’un des plus grands moyens d’opérer la contre-révolution dans un Etat à peine sorti des vices de la monarchie est la corruption, l’immoralité. Toutes les fois que l’on verra un individu semer des trésors, dilapider la fortune publique, tenter de corrompre les citoyens, il n’y aura pas à se méprendre sur cet individu et sur ses intentions, ce sera un grand coupable à livrer à la justice; sa tête doit tomber comme celle des conspirateurs plus hardis qui voulaient assassiner la liberté par les armes. (On applaudit.) Le comité n’a jamais pensé, si d’autres l’ont cru, que ce fût en vain que la Convention eût mis les vertus ,les mœurs et la probité à l’ordre du jour. C’est par suite de ces principes que le comité a proposé, par la loi qui donne tant d’inquiétude à certaines personnes, de frapper impitoyablement quiconque, en dépravant les mœurs, foulerait la probité , la justice et la vertu, et se jouerait par là des principes sacrés proclamés par la Convention. Ce sera à la conscience des jurés à distinguer, et nous sommes convaincus qu’ils le feront, si l’individu qui sera traduit devant eux est coupable avec dessein, ou si l’on ne peut lui reprocher simplement que de l’imprudence ou de l’indiscrétion. Je me défie de ceux qui récusent d’avance le tribunal saint de la conscience des jurés. Je termine en demandant que la Convention passe simplement à l’ordre du jour sur les propositions faites hier et aujourd’hui contre la loi du 22, et que par là vous les frappiez du juste dédain qu’elles méritent. ( Nouveaux applau-dissementsj (1) . Plusieurs membres parlent successivement sur le même objet; l’auteur de la proposition relative à l’article concernant la dépravation des mœurs, appuyé lui-même l’ordre du jour, qui est demandé de toutes parts. Plusieurs membres demandent la clôture de la discussion. Un autre membre demande une seconde lecture du considérant du décret rendu hier (2) . BOURDON (de l’Oise) : Si le comité de salut public, si Couthon eût été présent à la discussion, ils ne diraient pas que je parle à la manière de Pitt et de Cobourg. Quand j’ai dit qu’il y avait eu de l’aigreur dans la discussion, j’ai entendu parler de celle que mettent toujours les patriotes montagnards lorsqu’il s’agit de contre-révolutionnaires. Quand j’ai vu un mouvement dans l’assemblée, j’ai cédé au mouvement de mon cœur, qui m’a dit que je ne m’étais pas trompé, que mon opinion n’était pas fausse, puisqu’elle était partagée. Est-ce être contre-révolutionnaire ? Le comité de salut public me reproche mon discours d’hier, et, en me donnant cette mercuriale, il me dit que je parle comme Pitt et Cobourg. Si, en lui répondant, j’usais de la même liberté, où en serions-nous ? A Dieu ne plaise que je veuille me servir de ces manières de m’exprimer ! J’ai dit et je dirai toujours que les deux comités de salut public et de sûreté générale sauveront la chose publique; mais ce n’est pas un crime de demander l’explication d’une loi. Je demande que cette action de la Montagne soit regardée comme l’action de bons patriotes, de gens qui aiment la liberté, qui l’aiment jusqu’à la jalousie. (1) Mon., XX, 714; J. TJniv., n° 1664; Ann. patr., n° DXXVIII. (2) P.V., XXXIX, 232. 546 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE moment où il ne se trouve à la séance aucun membre du comité, pour demander des explications ? Pourquoi ne pas les demander fraternellement en sa présence ? On a dit hier qu’il s’était mêlé beaucoup d’aigreur dans la discussion qui avait eu lieu avant-hier. On a dit (à un mouvement qui s’éleva dans l’Assemblée) : Cette heureuse clameur me prouve que la liberté est impérissable; c’est-à-dire que s’il n’y avait pas eu de clameur, d’heureuse clameur; si le décret que cette clameur annonçait n’eût pas eu lieu; si le comité n’eût pas été réformé, la liberté était en péril. Si Bourdon n’a pas eu de mauvaise intention, il a commis du moins une faute d’imprudence extrêmement grave en insultant ainsi gratuitement ses collègues, surtout les membres d’un comité que la Convention a investi d’une immense confiance. (Les applaudissements recommencent et se prolongent.) Oui, d’une immense confiance, dont le comité a besoin pour faire le bien : s’il ne l’a plus, cette confiance entière, il ne peut plus sauver la liberté, il vous déclare alors, par mon organe, qu’il est prêt à donner sa démission. (De toutes parts on s’écrie : Non, non !) Je n’ai voulu injurier personne, j’ai la vanité de dire que nul membre ne révère plus que moi la Convention, n’est plus que moi prêt à donner son sang pour lui épargner des débats pernicieux à la chose publique. Je ne veux, dis-je, inculper personne; mais je dois, ne fût-ce que sous le rapport politique seulement, relever des expressions offensantes pour le gouvernement. Quoi ! lorsque le comité présente une loi, on ose supposer qu’il y a dans cette loi des intentions d’usurper le pouvoir souverain ! Eh ! qu’ont dit de plus Pitt et Cobourg ? Je le répète, Bourdon peut n’avoir pas eu de mauvaises intentions; mais il devait réfléchir davantage avant de présenter des propositions d’une si haute importance : quand des lois soumises à la Convention par le comité paraissent incomplètes, pourquoi ne pas appeler le comité dans les discussions qui s’élèvent ? Il pourrait donner des explications satisfaisantes qui mettraient fin aux débats, et ménageraient des séances plus utiles au bonheur public. Toute autre conduite n’est pas loyale. Aujourd’hui on fait encore une chicane sur un mot; on demande : que voulez-vous dire par cette expression, dépraver les moeurs ? et l’on craint que, pour une légèreté, une gaîté, on ne traduise un citoyen au tribunal révolutionnaire. Certes il ne faut pas entendre le français pour élever un doute à cet égard. On a voulu dire que tout individu qui, en quelque manière que ce fût, corromprait la conscience, la morale du peuple; qui chercherait à amener la contre-révolution par les moyens laissés entre les mains de Chabot et autres, doit être jugé comme conspirateur, comme ennemi du peuple. Nous n’avons pas voulu dire qu’un citoyen à qui il serait échappé une expression équivoque dût être rangé dans cette classe. Le juré a une conscience, le juré juge l’intention, il voit où il y a erreur ou crime. L’un des plus grands moyens d’opérer la contre-révolution dans un Etat à peine sorti des vices de la monarchie est la corruption, l’immoralité. Toutes les fois que l’on verra un individu semer des trésors, dilapider la fortune publique, tenter de corrompre les citoyens, il n’y aura pas à se méprendre sur cet individu et sur ses intentions, ce sera un grand coupable à livrer à la justice; sa tête doit tomber comme celle des conspirateurs plus hardis qui voulaient assassiner la liberté par les armes. (On applaudit.) Le comité n’a jamais pensé, si d’autres l’ont cru, que ce fût en vain que la Convention eût mis les vertus ,les mœurs et la probité à l’ordre du jour. C’est par suite de ces principes que le comité a proposé, par la loi qui donne tant d’inquiétude à certaines personnes, de frapper impitoyablement quiconque, en dépravant les mœurs, foulerait la probité , la justice et la vertu, et se jouerait par là des principes sacrés proclamés par la Convention. Ce sera à la conscience des jurés à distinguer, et nous sommes convaincus qu’ils le feront, si l’individu qui sera traduit devant eux est coupable avec dessein, ou si l’on ne peut lui reprocher simplement que de l’imprudence ou de l’indiscrétion. Je me défie de ceux qui récusent d’avance le tribunal saint de la conscience des jurés. Je termine en demandant que la Convention passe simplement à l’ordre du jour sur les propositions faites hier et aujourd’hui contre la loi du 22, et que par là vous les frappiez du juste dédain qu’elles méritent. ( Nouveaux applau-dissementsj (1) . Plusieurs membres parlent successivement sur le même objet; l’auteur de la proposition relative à l’article concernant la dépravation des mœurs, appuyé lui-même l’ordre du jour, qui est demandé de toutes parts. Plusieurs membres demandent la clôture de la discussion. Un autre membre demande une seconde lecture du considérant du décret rendu hier (2) . BOURDON (de l’Oise) : Si le comité de salut public, si Couthon eût été présent à la discussion, ils ne diraient pas que je parle à la manière de Pitt et de Cobourg. Quand j’ai dit qu’il y avait eu de l’aigreur dans la discussion, j’ai entendu parler de celle que mettent toujours les patriotes montagnards lorsqu’il s’agit de contre-révolutionnaires. Quand j’ai vu un mouvement dans l’assemblée, j’ai cédé au mouvement de mon cœur, qui m’a dit que je ne m’étais pas trompé, que mon opinion n’était pas fausse, puisqu’elle était partagée. Est-ce être contre-révolutionnaire ? Le comité de salut public me reproche mon discours d’hier, et, en me donnant cette mercuriale, il me dit que je parle comme Pitt et Cobourg. Si, en lui répondant, j’usais de la même liberté, où en serions-nous ? A Dieu ne plaise que je veuille me servir de ces manières de m’exprimer ! J’ai dit et je dirai toujours que les deux comités de salut public et de sûreté générale sauveront la chose publique; mais ce n’est pas un crime de demander l’explication d’une loi. Je demande que cette action de la Montagne soit regardée comme l’action de bons patriotes, de gens qui aiment la liberté, qui l’aiment jusqu’à la jalousie. (1) Mon., XX, 714; J. TJniv., n° 1664; Ann. patr., n° DXXVIII. (2) P.V., XXXIX, 232. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN n (12 JUIN 1794) - N° 10 547 Le comité prétend que l’on a saisi le moment de son absence pour faire les observations contre lesquelles il réclame; mais on a été le prévenir qu’on allait les faire. Audouin, notre collègue, s’y est transporté. Est-ce notre faute, à nous, s’il n’est pas venu ? Eh quoi ! nous serions regardés, traités comme des contre-révolutionnaires, quand, par amour de la liberté, nous aurions conçu des inquiétudes peut-être mal placées ! Où en serait donc la liberté, si nous en étions réduits là ? Qu’ils sachent les membres des deux comités, que s’ils sont patriotes, nous le sommes comme eux; qu’ils sachent que je ne répondrai pas avec aigreur aux reproches qu’ils m’ont adressés : j’estime Couthon, j’estime le comité, j’estime l’inébranlable Montagne qui a sauvé la liberté. ( Vifs applaudissements .) Voilà les explications qu’il m’a semblé que je devais donner; je ne parle point pour être applaudi. ROBESPIERRE : Le discours que vous venez d’entendre prouve la nécessité de donner à ce qu’a dit Couthon des explications plus étendues et plus claires. Si nous avons acquis le droit de ne pas nous dévouer inutilement pour la patrie, le moment est arrivé de l’exercer. Ce n’est pas par des rétractations éternelles et peut-être concertées; ce n’est pas par des discours qui, sous les apparences de l’accord et du patriotisme, concourent toujours au système si souvent interrompu et si souvent repris de diviser la représentation nationale, que l’on peut justifier ces démarches. Ce qu’a dit Couthon est resté dans toute sa force, et il est bien démontré qu’il n’y avait pas lieu aux plaintes qui ont été faites. Citoyens, est-ce bien le moment de demander ce qu’on entendait par les mœurs publiques, quand les plaies faites à la morale publique par les Chabot, les Hébert, les Danton, les Lacroix saignent encore ? Et qui donc a si tôt oublié leurs crimes ? Qui ne voit pas que le système est resté organisé ? Qui ne sait pas que la Convention a besoin de toute sa sagesse, de toute son énergie, pour extirper les trop profondes racines que la corruption a jetées, pour réparer les maux qu’elle a causés, et pour discerner et frapper ceux qui les répandent, qui trop longtemps ont été impunis. Quant à l’autre proposition, celle qui fut faite hier, sans doute, en l’isolant, elle peut ne paraître qu’absurde; mais il faut la rapprocher de tout ce qui se dit et de tout ce qui se fait chaque jour; son but était de faire croire que le projet présenté par le comité attentait aux droits de la représentation nationale; ce qui est évidemment faux. Le préopinant a cherché dans la discussion à séparer le comité de la Montagne. La Convention, la Montagne, le comité, c’est la même chose. ( Vifs applaudissements). Tout représentant du peuple qui aime sincèrement la liberté, tout représentant du peuple qui est déterminé à mourir pour la patrie, est de la Montagne. (De nouveaux applaudissement se font entendre, et les membres de la Convention se lèvent en signe d’adhésion et de dévouement). Citoyens, lorsque les chefs d’une faction sacrilège, lorsque les Brissot, les Vergniaud, les Gensonné, les Guadet et les autres scélérats dont le peuple français ne prononcera jamais le nom qu’avec horreur, s’étaient unis à la tête d’une portion de cette auguste assemblée; quand ils parvinrent, à force d’intrigues, à la tromper sur les hommes, et par une conséquence naturelle sur les choses, c’était sans doute le moment où la partie de la Convention qui était éclairée sur ces manœuvres liberticides devait faire des efforts pour les combattre et les déjouer. Alors, le nom de la Montagne, qui leur servait comme d’asile au milieu de cette tempête, devint sacré, parce qu’il désignait la portion des représentants du peuple qui luttait contre l’erreur. Mais du moment que les intrigues furent dévoilées; du moment que les scélérats qui les tramaient sont tombés sous le glaive de la loi; du moment que la probité, la justice, les mœurs sont mises à l’ordre du jour; du moment que chaque membre de cette assemblée veut se dévouer pour la patrie, il ne peut y avoir que deux partis dans la Convention, les bons et les méchants, les patriotes et les contre-révolutionnaires hypocrites. (On applaudit). Il me convient d’autant plus de proclamer cette vérité que personne ne me soupçonnera ici de partialité : car qui fut le premier objet de l’erreur dont je parle ? et qui eût été la première victime des calomnies et des proscriptions, sans une chance heureuse de la révolution ? J’ose dire que c’était moi. Non, je me trompe, ce n’était pas moi; c’était le fantôme imposteur que l’on présentait à ma place, à une partie de nos collègues égarés, à la France, à l’univers. Si j’ai le droit de tenir ce langage à la Convention en général, je crois avoir aussi celui de l’adresser à cette Montagne célèbre, à qui je ne suis sans doute pas étranger. Je crois que cet hommage parti de mon cœur vaut celui qui sort de la bouche d’un autre. Oui, Montagnards, vous serez toujours le boulevard de la liberté publique; mais vous n’avez rien de commun avec les intrigants et les pervers, quels qu’ils soient. S’ils s’efforcent de vous tromper, s’ils prétendent s’identifier avec vous, ils n’en sont pas moins étrangers à vos principes. La Montagne n’est autre chose que les hauteurs du patriotisme : un Montagnard n’est autre chose qu’un patriote pur, raisonnable et sublime : ce serait outrager la patrie, ce serait assassiner le peuple, que de souffrir que quelques intrigants, plus méprisables que les autres, parce qu’ils sont plus hypocrites, s’efforçassent d’entraîner une portion de cette Montagne et de s’y faire les chefs d’un parti. BOURDON (de l’Oise) : Jamais il n’est entré dans mon intention de vouloir me faire chef d’un parti. ROBESPIERRE : Ce serait l’excès de l’opprobre, que quelques-uns de nos collègues égarés par la calomnie sur nos intentions et sur le but de nos travaux... BOURDON (de l’Oise) : Je demande qu’on prouve ce qu’on avance; on vient de dire assez clairement que j’étais un scélérat... ROBESPIERRE : Je demande, au nom de la patrie, que la parole me soit conservée. Je n’ai pas nommé Bourdon; malheur à qui se nomme lui-même ! BOURDON (de l’Oise) : Je défie Robespierre de prouver... SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN n (12 JUIN 1794) - N° 10 547 Le comité prétend que l’on a saisi le moment de son absence pour faire les observations contre lesquelles il réclame; mais on a été le prévenir qu’on allait les faire. Audouin, notre collègue, s’y est transporté. Est-ce notre faute, à nous, s’il n’est pas venu ? Eh quoi ! nous serions regardés, traités comme des contre-révolutionnaires, quand, par amour de la liberté, nous aurions conçu des inquiétudes peut-être mal placées ! Où en serait donc la liberté, si nous en étions réduits là ? Qu’ils sachent les membres des deux comités, que s’ils sont patriotes, nous le sommes comme eux; qu’ils sachent que je ne répondrai pas avec aigreur aux reproches qu’ils m’ont adressés : j’estime Couthon, j’estime le comité, j’estime l’inébranlable Montagne qui a sauvé la liberté. ( Vifs applaudissements .) Voilà les explications qu’il m’a semblé que je devais donner; je ne parle point pour être applaudi. ROBESPIERRE : Le discours que vous venez d’entendre prouve la nécessité de donner à ce qu’a dit Couthon des explications plus étendues et plus claires. Si nous avons acquis le droit de ne pas nous dévouer inutilement pour la patrie, le moment est arrivé de l’exercer. Ce n’est pas par des rétractations éternelles et peut-être concertées; ce n’est pas par des discours qui, sous les apparences de l’accord et du patriotisme, concourent toujours au système si souvent interrompu et si souvent repris de diviser la représentation nationale, que l’on peut justifier ces démarches. Ce qu’a dit Couthon est resté dans toute sa force, et il est bien démontré qu’il n’y avait pas lieu aux plaintes qui ont été faites. Citoyens, est-ce bien le moment de demander ce qu’on entendait par les mœurs publiques, quand les plaies faites à la morale publique par les Chabot, les Hébert, les Danton, les Lacroix saignent encore ? Et qui donc a si tôt oublié leurs crimes ? Qui ne voit pas que le système est resté organisé ? Qui ne sait pas que la Convention a besoin de toute sa sagesse, de toute son énergie, pour extirper les trop profondes racines que la corruption a jetées, pour réparer les maux qu’elle a causés, et pour discerner et frapper ceux qui les répandent, qui trop longtemps ont été impunis. Quant à l’autre proposition, celle qui fut faite hier, sans doute, en l’isolant, elle peut ne paraître qu’absurde; mais il faut la rapprocher de tout ce qui se dit et de tout ce qui se fait chaque jour; son but était de faire croire que le projet présenté par le comité attentait aux droits de la représentation nationale; ce qui est évidemment faux. Le préopinant a cherché dans la discussion à séparer le comité de la Montagne. La Convention, la Montagne, le comité, c’est la même chose. ( Vifs applaudissements). Tout représentant du peuple qui aime sincèrement la liberté, tout représentant du peuple qui est déterminé à mourir pour la patrie, est de la Montagne. (De nouveaux applaudissement se font entendre, et les membres de la Convention se lèvent en signe d’adhésion et de dévouement). Citoyens, lorsque les chefs d’une faction sacrilège, lorsque les Brissot, les Vergniaud, les Gensonné, les Guadet et les autres scélérats dont le peuple français ne prononcera jamais le nom qu’avec horreur, s’étaient unis à la tête d’une portion de cette auguste assemblée; quand ils parvinrent, à force d’intrigues, à la tromper sur les hommes, et par une conséquence naturelle sur les choses, c’était sans doute le moment où la partie de la Convention qui était éclairée sur ces manœuvres liberticides devait faire des efforts pour les combattre et les déjouer. Alors, le nom de la Montagne, qui leur servait comme d’asile au milieu de cette tempête, devint sacré, parce qu’il désignait la portion des représentants du peuple qui luttait contre l’erreur. Mais du moment que les intrigues furent dévoilées; du moment que les scélérats qui les tramaient sont tombés sous le glaive de la loi; du moment que la probité, la justice, les mœurs sont mises à l’ordre du jour; du moment que chaque membre de cette assemblée veut se dévouer pour la patrie, il ne peut y avoir que deux partis dans la Convention, les bons et les méchants, les patriotes et les contre-révolutionnaires hypocrites. (On applaudit). Il me convient d’autant plus de proclamer cette vérité que personne ne me soupçonnera ici de partialité : car qui fut le premier objet de l’erreur dont je parle ? et qui eût été la première victime des calomnies et des proscriptions, sans une chance heureuse de la révolution ? J’ose dire que c’était moi. Non, je me trompe, ce n’était pas moi; c’était le fantôme imposteur que l’on présentait à ma place, à une partie de nos collègues égarés, à la France, à l’univers. Si j’ai le droit de tenir ce langage à la Convention en général, je crois avoir aussi celui de l’adresser à cette Montagne célèbre, à qui je ne suis sans doute pas étranger. Je crois que cet hommage parti de mon cœur vaut celui qui sort de la bouche d’un autre. Oui, Montagnards, vous serez toujours le boulevard de la liberté publique; mais vous n’avez rien de commun avec les intrigants et les pervers, quels qu’ils soient. S’ils s’efforcent de vous tromper, s’ils prétendent s’identifier avec vous, ils n’en sont pas moins étrangers à vos principes. La Montagne n’est autre chose que les hauteurs du patriotisme : un Montagnard n’est autre chose qu’un patriote pur, raisonnable et sublime : ce serait outrager la patrie, ce serait assassiner le peuple, que de souffrir que quelques intrigants, plus méprisables que les autres, parce qu’ils sont plus hypocrites, s’efforçassent d’entraîner une portion de cette Montagne et de s’y faire les chefs d’un parti. BOURDON (de l’Oise) : Jamais il n’est entré dans mon intention de vouloir me faire chef d’un parti. ROBESPIERRE : Ce serait l’excès de l’opprobre, que quelques-uns de nos collègues égarés par la calomnie sur nos intentions et sur le but de nos travaux... BOURDON (de l’Oise) : Je demande qu’on prouve ce qu’on avance; on vient de dire assez clairement que j’étais un scélérat... ROBESPIERRE : Je demande, au nom de la patrie, que la parole me soit conservée. Je n’ai pas nommé Bourdon; malheur à qui se nomme lui-même ! BOURDON (de l’Oise) : Je défie Robespierre de prouver... 548 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ROBESPIERRE : Mais s’il veut se reconnaître au portrait général que le devoir m’a forcé de tracer, il n’est pas en mon pouvoir de l’en empêcher. Oui, la Montagne est pure, elle est sublime, et les intrigants ne sont pas de la Montagne ! ( Une voix : Nommez-les !) Je les nommerai quand il le faudra. A chaque instant du jour, à chaque instant de la nuit même, il est des intrigants qui s’appliquent à insinuer dans l’esprit des hommes de bonne foi qui siègent sur la Montagne les idées les plus fausses, les calomnies les plus atroces; il est des membres purs et responsables, auprès desquels des intrigants épuisent à chaque instant les mêmes artifices par lesquels les Brissot, les Chabot, les Danton et tous les autres chefs adroits de la faction de l’étranger voulaient enlacer la Convention nationale tout entière. Par exemple, lorsqu’il arrive des départements des représentants du peuple qui étaient en mission, et dont le rappel a été déterminé par des vues générales d’ordre public qui n’avaient rien d’injurieux pour eux, on s’en empare, on verse à longs traits dans leur cœur le poison de la calomnie, on excite leur amour-propre; et s’il s’en trouve de faibles, d’accessibles à quelqu’un des moyens qui sont mis en usage, on les transforme en ennemis du gouvernement créé par la Convention nationale. S’il en était quelques-uns qui se ressouvinssent encore des anciennes mesures prises contre la liberté, qui tinssent à quelque parti abattu, se serait ceux-là qu’on chercherait surtout à accaparer. Le parti une fois formé, vous verriez s’y réunir infailliblement tous les intrigans de la République, tout ce qu’il y a de fripons et d’hommes perdus; car, il faut vous le dire encore, il suffirait qu’un seul homme manifestât des principes opposés à ceux de la Convention pour que tous les ennemis de la liberté se ralliassent à lui. Au reste, ces intrigans cherchent à diminuer leurs projets; ils se rétractent quand leur tentative n’ont pas réussi, et cherchent à couvrir leurs démarches par des protestations hypocrites d’estime et de dévouement pour la Convention nationale et pour le comité de salut public; aussitôt après, ils suivent constamment leur plan, et n’en cherchent pas moins à grossir la boule de neige qu’ils forment, et qui, si elle descendait du sommet de la Montagne, ne grossirait que plus rapidement encore ? Il faut rapprocher ici un fait qui prouve que tout ce que nous avons dit n’est point chimérique et imaginaire. Avant-hier, après que vous eûtes porté la foi que l’on avait eu soin de rendre suspecte à quelques membres, et contre laquelle voulaient conspirer ceux qui s’opposent à tout ce qui affermit la liberté, il en est qui ne purent dissimuler leur mécontentement. On voulait faire un esclandre, exciter un mouvement pour briser les ressorts du gouvernement, en lui ôtant la confiance publique. Au sortir de cette enceinte, on rencontra des patriotes, parmi lesquels étaient deux courriers du gouvernement; on crut que l’occasion était favorable, on les insulta. « Que faites-vous là, coquins ?, leur dit-on. — Représentants, je ne vous insulte pas, je suis patriote. — Tu est un coquin, un espion des comités de salut public et de sûreté générale; ils en ont 20 000 à leur ordre autour de nous. — Représentants, je ne puis employer la défense contre vous, mais je suis patriote autant que vous. — On répondit par des coups; 300 témoins en peuvent rendre témoignage ». Il est donc prouvé que l’on cherche encore à avilir la Convention nationale, qu’on veut, à quelque prix que ce soit, la troubler. Si les patriotes attaqués s’étaient défendus, vous sentez bien qu’on n’aurait pas manqué d’envenimer cette affaire; on serait venu vous dire le lendemain que des représentants du peuple avaient été insultés par des hommes attachés au comité de salut public, et peut-être ces inculpations, appuyées par des clameurs, n’auraient-elles pas laissé les moyens de se faire entendre. Voilà ce qui s’est passé. Et vous n’en serez pas étonnés si vous vous rappelez ces étranges discours tenus par quelques membres qui, au sortir de cette enceinte, annançaient publiquement, à l’exemple de Lacroix, la peur que leur inspirait la seule idée de la justice nationale. Qui donc a dit à ceux que je désigne que le comité de salut public avait intention de les attaquer ? Qui leur a dit qu’il existait des preuves contre eux ? Le comité les a-t-il seulement menacés ? A-t-il manqué d’égards dans aucune circonstance envers les membres de la Convention nationale ? Si vous connaissiez tout, citoyens, vous sauriez que l’on aurait plutôt le droit de nous accuser de faiblesse. Quand les mœurs seront plus pures, l’amour de la patrie plus ardent, des accusateurs généreux s’élèveront contre nous, et nous reprocheront de n’avoir pas montré assez de fermeté contre les ennemis de la patrie. C’est à vous de soutenir notre courage et d’animer notre zèle par votre énergie. Ceux qui cherchent à nous distraire de nos pénibles travaux par des trames continuelles dirigées contre le gouvernement même font une diversion utile aux tyrans ligués contre nous. Quant au système de calomnie, que l’on a dirigé contre tout ce qui est patriote de bonne foi, il tombera bientôt; car c’est une propriété inséparable du temps que de découvrir toujours la vérité; et si quelques membres purs, dupes du patriotisme hypocrite de quelques gens que je vous ai désignés, avaient pu se livrer aux idées sinistres qu’on leur a suggérées, ils seront bientôt éclairés; et il en sera d’eux comme des hommes purs qui avaient été égarés par les scélérats que la justice nationale a frappés. La patrie ne court qu’un seul danger et c’est à vous de l’en garantir. Seulement ne souffrez pas que des intrigues ténébreuses troublent la tranquilité publique et la vôtre par quelque explosion subite. S’il n’y a pas eu de mouvement, en effet, ce n’est pas qu’on ne l’ait tenté; mais le peuple, invariablement attaché à la cause de la liberté a été sourd aux instigations de ses ennemis; il a su les juger; aussi leur désespoir est-il porté à son comble. Ils paraissent déterminer à tout hasarder. A l’égard des dangers qui ne regardent que nous, reposez-vous sur nous du soin de les braver; mais veillez sur la patrie, et ne souffrez pas qu’on porte atteinte à vos principes. Quand la confiance que vous avez mise en nous sera altérée, évitez à la patrie des déchirements. Il vaudrait mieux peut-être encore que les ennemis de la patrie, que les amis de d’Orléans, sié-548 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ROBESPIERRE : Mais s’il veut se reconnaître au portrait général que le devoir m’a forcé de tracer, il n’est pas en mon pouvoir de l’en empêcher. Oui, la Montagne est pure, elle est sublime, et les intrigants ne sont pas de la Montagne ! ( Une voix : Nommez-les !) Je les nommerai quand il le faudra. A chaque instant du jour, à chaque instant de la nuit même, il est des intrigants qui s’appliquent à insinuer dans l’esprit des hommes de bonne foi qui siègent sur la Montagne les idées les plus fausses, les calomnies les plus atroces; il est des membres purs et responsables, auprès desquels des intrigants épuisent à chaque instant les mêmes artifices par lesquels les Brissot, les Chabot, les Danton et tous les autres chefs adroits de la faction de l’étranger voulaient enlacer la Convention nationale tout entière. Par exemple, lorsqu’il arrive des départements des représentants du peuple qui étaient en mission, et dont le rappel a été déterminé par des vues générales d’ordre public qui n’avaient rien d’injurieux pour eux, on s’en empare, on verse à longs traits dans leur cœur le poison de la calomnie, on excite leur amour-propre; et s’il s’en trouve de faibles, d’accessibles à quelqu’un des moyens qui sont mis en usage, on les transforme en ennemis du gouvernement créé par la Convention nationale. S’il en était quelques-uns qui se ressouvinssent encore des anciennes mesures prises contre la liberté, qui tinssent à quelque parti abattu, se serait ceux-là qu’on chercherait surtout à accaparer. Le parti une fois formé, vous verriez s’y réunir infailliblement tous les intrigans de la République, tout ce qu’il y a de fripons et d’hommes perdus; car, il faut vous le dire encore, il suffirait qu’un seul homme manifestât des principes opposés à ceux de la Convention pour que tous les ennemis de la liberté se ralliassent à lui. Au reste, ces intrigans cherchent à diminuer leurs projets; ils se rétractent quand leur tentative n’ont pas réussi, et cherchent à couvrir leurs démarches par des protestations hypocrites d’estime et de dévouement pour la Convention nationale et pour le comité de salut public; aussitôt après, ils suivent constamment leur plan, et n’en cherchent pas moins à grossir la boule de neige qu’ils forment, et qui, si elle descendait du sommet de la Montagne, ne grossirait que plus rapidement encore ? Il faut rapprocher ici un fait qui prouve que tout ce que nous avons dit n’est point chimérique et imaginaire. Avant-hier, après que vous eûtes porté la foi que l’on avait eu soin de rendre suspecte à quelques membres, et contre laquelle voulaient conspirer ceux qui s’opposent à tout ce qui affermit la liberté, il en est qui ne purent dissimuler leur mécontentement. On voulait faire un esclandre, exciter un mouvement pour briser les ressorts du gouvernement, en lui ôtant la confiance publique. Au sortir de cette enceinte, on rencontra des patriotes, parmi lesquels étaient deux courriers du gouvernement; on crut que l’occasion était favorable, on les insulta. « Que faites-vous là, coquins ?, leur dit-on. — Représentants, je ne vous insulte pas, je suis patriote. — Tu est un coquin, un espion des comités de salut public et de sûreté générale; ils en ont 20 000 à leur ordre autour de nous. — Représentants, je ne puis employer la défense contre vous, mais je suis patriote autant que vous. — On répondit par des coups; 300 témoins en peuvent rendre témoignage ». Il est donc prouvé que l’on cherche encore à avilir la Convention nationale, qu’on veut, à quelque prix que ce soit, la troubler. Si les patriotes attaqués s’étaient défendus, vous sentez bien qu’on n’aurait pas manqué d’envenimer cette affaire; on serait venu vous dire le lendemain que des représentants du peuple avaient été insultés par des hommes attachés au comité de salut public, et peut-être ces inculpations, appuyées par des clameurs, n’auraient-elles pas laissé les moyens de se faire entendre. Voilà ce qui s’est passé. Et vous n’en serez pas étonnés si vous vous rappelez ces étranges discours tenus par quelques membres qui, au sortir de cette enceinte, annançaient publiquement, à l’exemple de Lacroix, la peur que leur inspirait la seule idée de la justice nationale. Qui donc a dit à ceux que je désigne que le comité de salut public avait intention de les attaquer ? Qui leur a dit qu’il existait des preuves contre eux ? Le comité les a-t-il seulement menacés ? A-t-il manqué d’égards dans aucune circonstance envers les membres de la Convention nationale ? Si vous connaissiez tout, citoyens, vous sauriez que l’on aurait plutôt le droit de nous accuser de faiblesse. Quand les mœurs seront plus pures, l’amour de la patrie plus ardent, des accusateurs généreux s’élèveront contre nous, et nous reprocheront de n’avoir pas montré assez de fermeté contre les ennemis de la patrie. C’est à vous de soutenir notre courage et d’animer notre zèle par votre énergie. Ceux qui cherchent à nous distraire de nos pénibles travaux par des trames continuelles dirigées contre le gouvernement même font une diversion utile aux tyrans ligués contre nous. Quant au système de calomnie, que l’on a dirigé contre tout ce qui est patriote de bonne foi, il tombera bientôt; car c’est une propriété inséparable du temps que de découvrir toujours la vérité; et si quelques membres purs, dupes du patriotisme hypocrite de quelques gens que je vous ai désignés, avaient pu se livrer aux idées sinistres qu’on leur a suggérées, ils seront bientôt éclairés; et il en sera d’eux comme des hommes purs qui avaient été égarés par les scélérats que la justice nationale a frappés. La patrie ne court qu’un seul danger et c’est à vous de l’en garantir. Seulement ne souffrez pas que des intrigues ténébreuses troublent la tranquilité publique et la vôtre par quelque explosion subite. S’il n’y a pas eu de mouvement, en effet, ce n’est pas qu’on ne l’ait tenté; mais le peuple, invariablement attaché à la cause de la liberté a été sourd aux instigations de ses ennemis; il a su les juger; aussi leur désespoir est-il porté à son comble. Ils paraissent déterminer à tout hasarder. A l’égard des dangers qui ne regardent que nous, reposez-vous sur nous du soin de les braver; mais veillez sur la patrie, et ne souffrez pas qu’on porte atteinte à vos principes. Quand la confiance que vous avez mise en nous sera altérée, évitez à la patrie des déchirements. Il vaudrait mieux peut-être encore que les ennemis de la patrie, que les amis de d’Orléans, sié- SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 10 549 geassent momentanément au timon des affaires publiques, que de voir la Convention avilie et divisée. Si les vérités que je viens de proférer ont été entendues, nous continuerons nos travaux avec courage. Observez toutefois que nous avons besoin d’encouragements, qu’on a tout fait pour rendre notre carrière pénible. C’est assez d’avoir à lutter contre les rois conjurés et contre tous les monstres de la terre, sans trouver à nos côtés des ennemis. Venez donc à notre secours; ne permettez pas que l’on nous sépare de vous, puisque nous ne sommes qu’une partie de vous-mêmes, et que nous ne sommes rien sans vous. Donnez-nous la force de porter le fardeau immense et presque au-dessus des efforts humains que vous nous avez imposé. Soyons toujours justes et unis en dépit de nos ennemis communs, et nous sauverons la République. (La salle retentit des plus vifs applaudissements. — On demande que la proposition de Couthon soit mise aux voix.) Delacroix (de la Marne) : J’appuie l’ordre du jour, et je prie la Convention de se bien persuader qu’il n’a pas été dans mon esprit de suspecter les intentions des comités... Couthon : Le comité de salut public est loin de l’avoir pensé, il a su rendre justice à Delacroix. Merlin (de Douai) : Comme c’est moi qui ai été le rédacteur du considérant, je crois devoir rappeler comment cela s’est passé. Avant-hier, lorsque le comité de salut public présenta le décret sur le tribunal révolutionnaire, plusieurs de mes collègues qui étaient autour de moi me conseillèrent de demander, par amendement, que les députés ne pussent être traduits au tribunal révolutionnaire que par un décret de la Convention. Je répondis que ce serait faire injure à la Convention (plusieurs voix : c’est vrai !) parce que j’étais persuadé qu’elle n’avait pas entendu se dépouiller de ce droit. Hier la même proposition fut faite à la Convention. Pour terminer la discussion d’une manière honorable, je proposai la question préalable motivée, comme l’aurait fait tout esprit judicieux. Au surplus, citoyens, si mon esprit a erré, il n’en a pas été de même de mon cœur. Robespierre : Il est bon de dire que les observations que j’ai présentées sont des observations générales, et non pas des réflexions individuelles; elles ne peuvent regarder Merlin, dont la motion ne tendait qu’à atténuer et à combattre celle de Bourdon. Ceux que cela regarde se nommeront. Tallien : J’ai demandé la parole pour expliquer un fait qu’on a présenté d’une manière inexacte à la Convention, parce que sans doute celui qui l’a rapporté avait intérêt à le dénaturer. Ce n’est pas avant-hier, comme on vient de le dire, mais bien hier soir à 8 heures que 3 représentants du peuple, du nombre desquels j’étais, se promenaient, non dans le bois des Tuileries, mais sur la terrasse le long du Palais. Nous fimes 3 ou 4 tours sans faire attention si la conversation que nous tenions était entendue. Cependant, ayant remarqué que 5 individus continuaient à nous suivre, nous leur dîmes que nous étions représentants du peuple. Deux de ces individus, qui ne sont pas les deux courriers du comité de salut public, répondirent que cela leur était égal, qu’ils s’en moquaient. Nous les arrêtâmes et ils furent traduits au corps de garde. L’un se dit marchand de vin, et l’autre... Robespierre : Le fait est faux, mais un fait vrai est que Tallien est un de ceux qui parlent sans cesse avec effroi et publiquement de guillotine, comme d’une chose qui les regarde; pour avilir et pour troubler la Convention nationale. Tallien : Il ne fut pas du tout question des 20.000 espions... Robespierre : 300 témoins l’ont entendu. Citoyens, vous pouvez juger de quoi sont capables ceux qui appuient le crime par le mensonge. Il est facile de prononcer entre les assassins et les victimes. Tallien : Je vais... Billaud-Varennes : L’impudence de Tallien est extrême; il ment à l’assemblée avec une audace incroyable. Le fait dont il est question s’est passé avant-hier, puisque je le savais hier à midi. Les hommes dont a parlé Tallien sont d’excellents jacobins dont l’un se nomme Jarri. Mais, citoyens, nous nous tiendrons unis; les conspirateurs périront et la patrie sera sauvée. (On applaudit.) On demande que la discussion soit fermée. ... : Je demande une seconde lecture du considérant (1) . Un membre du comité de salut public [BA-RÈRE] s’y oppose, et demande la parole pour donner connaissance de plusieurs faits qui prouveront que les manœuvres employées par les conspirateurs pour anéantir la République, coïncident parfaitement avec ce qui se passe en Angleterre. Il donne le détail des nouveaux crimes et des nouvelles manœuvres du gouvernement anglais (2) . Barère : Cette séance ne sera pas infructueuse pour la chose publique. Ne pas supprimer le considérant serait une chose dangereuse pour le gouvernement révolutionnaire; car, que dit le considérant ? « Que le droit qu’a la représentation nationale de décréter ses membres d’accusation est un droit inaliénable ». Or, décréter une pareille disposition le lendemain qu’une loi sur le tribunal révolutionnaire était portée, la décréter sur une motion inquiète, et qui tendait à produire des craintes sur la sûreté des représentants du peuple, n’est-ce pas évidemment vouloir faire soupçonner aux esprits crédules, et faire dire par les malveillants que le comité de salut public a eu l’intention de violer les lois qui constituent la représentation nationale ? Mais il suffit que Merlin ait déclaré avoir écrit le considérant pour qu’aucune intention malveillante ne puisse lui être attachée. Il n’en (1) Mon., XX, 716; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. Univ., n° 1664; J. S. -Culottes, n° 484. (2) P.V., XXXIX, 232; J. S.-Culottes, n° 484; Ann. patr., nos DXXX, DXXXI, DXXXH et DXXXIII. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - N° 10 549 geassent momentanément au timon des affaires publiques, que de voir la Convention avilie et divisée. Si les vérités que je viens de proférer ont été entendues, nous continuerons nos travaux avec courage. Observez toutefois que nous avons besoin d’encouragements, qu’on a tout fait pour rendre notre carrière pénible. C’est assez d’avoir à lutter contre les rois conjurés et contre tous les monstres de la terre, sans trouver à nos côtés des ennemis. Venez donc à notre secours; ne permettez pas que l’on nous sépare de vous, puisque nous ne sommes qu’une partie de vous-mêmes, et que nous ne sommes rien sans vous. Donnez-nous la force de porter le fardeau immense et presque au-dessus des efforts humains que vous nous avez imposé. Soyons toujours justes et unis en dépit de nos ennemis communs, et nous sauverons la République. (La salle retentit des plus vifs applaudissements. — On demande que la proposition de Couthon soit mise aux voix.) Delacroix (de la Marne) : J’appuie l’ordre du jour, et je prie la Convention de se bien persuader qu’il n’a pas été dans mon esprit de suspecter les intentions des comités... Couthon : Le comité de salut public est loin de l’avoir pensé, il a su rendre justice à Delacroix. Merlin (de Douai) : Comme c’est moi qui ai été le rédacteur du considérant, je crois devoir rappeler comment cela s’est passé. Avant-hier, lorsque le comité de salut public présenta le décret sur le tribunal révolutionnaire, plusieurs de mes collègues qui étaient autour de moi me conseillèrent de demander, par amendement, que les députés ne pussent être traduits au tribunal révolutionnaire que par un décret de la Convention. Je répondis que ce serait faire injure à la Convention (plusieurs voix : c’est vrai !) parce que j’étais persuadé qu’elle n’avait pas entendu se dépouiller de ce droit. Hier la même proposition fut faite à la Convention. Pour terminer la discussion d’une manière honorable, je proposai la question préalable motivée, comme l’aurait fait tout esprit judicieux. Au surplus, citoyens, si mon esprit a erré, il n’en a pas été de même de mon cœur. Robespierre : Il est bon de dire que les observations que j’ai présentées sont des observations générales, et non pas des réflexions individuelles; elles ne peuvent regarder Merlin, dont la motion ne tendait qu’à atténuer et à combattre celle de Bourdon. Ceux que cela regarde se nommeront. Tallien : J’ai demandé la parole pour expliquer un fait qu’on a présenté d’une manière inexacte à la Convention, parce que sans doute celui qui l’a rapporté avait intérêt à le dénaturer. Ce n’est pas avant-hier, comme on vient de le dire, mais bien hier soir à 8 heures que 3 représentants du peuple, du nombre desquels j’étais, se promenaient, non dans le bois des Tuileries, mais sur la terrasse le long du Palais. Nous fimes 3 ou 4 tours sans faire attention si la conversation que nous tenions était entendue. Cependant, ayant remarqué que 5 individus continuaient à nous suivre, nous leur dîmes que nous étions représentants du peuple. Deux de ces individus, qui ne sont pas les deux courriers du comité de salut public, répondirent que cela leur était égal, qu’ils s’en moquaient. Nous les arrêtâmes et ils furent traduits au corps de garde. L’un se dit marchand de vin, et l’autre... Robespierre : Le fait est faux, mais un fait vrai est que Tallien est un de ceux qui parlent sans cesse avec effroi et publiquement de guillotine, comme d’une chose qui les regarde; pour avilir et pour troubler la Convention nationale. Tallien : Il ne fut pas du tout question des 20.000 espions... Robespierre : 300 témoins l’ont entendu. Citoyens, vous pouvez juger de quoi sont capables ceux qui appuient le crime par le mensonge. Il est facile de prononcer entre les assassins et les victimes. Tallien : Je vais... Billaud-Varennes : L’impudence de Tallien est extrême; il ment à l’assemblée avec une audace incroyable. Le fait dont il est question s’est passé avant-hier, puisque je le savais hier à midi. Les hommes dont a parlé Tallien sont d’excellents jacobins dont l’un se nomme Jarri. Mais, citoyens, nous nous tiendrons unis; les conspirateurs périront et la patrie sera sauvée. (On applaudit.) On demande que la discussion soit fermée. ... : Je demande une seconde lecture du considérant (1) . Un membre du comité de salut public [BA-RÈRE] s’y oppose, et demande la parole pour donner connaissance de plusieurs faits qui prouveront que les manœuvres employées par les conspirateurs pour anéantir la République, coïncident parfaitement avec ce qui se passe en Angleterre. Il donne le détail des nouveaux crimes et des nouvelles manœuvres du gouvernement anglais (2) . Barère : Cette séance ne sera pas infructueuse pour la chose publique. Ne pas supprimer le considérant serait une chose dangereuse pour le gouvernement révolutionnaire; car, que dit le considérant ? « Que le droit qu’a la représentation nationale de décréter ses membres d’accusation est un droit inaliénable ». Or, décréter une pareille disposition le lendemain qu’une loi sur le tribunal révolutionnaire était portée, la décréter sur une motion inquiète, et qui tendait à produire des craintes sur la sûreté des représentants du peuple, n’est-ce pas évidemment vouloir faire soupçonner aux esprits crédules, et faire dire par les malveillants que le comité de salut public a eu l’intention de violer les lois qui constituent la représentation nationale ? Mais il suffit que Merlin ait déclaré avoir écrit le considérant pour qu’aucune intention malveillante ne puisse lui être attachée. Il n’en (1) Mon., XX, 716; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. Univ., n° 1664; J. S. -Culottes, n° 484. (2) P.V., XXXIX, 232; J. S.-Culottes, n° 484; Ann. patr., nos DXXX, DXXXI, DXXXH et DXXXIII. 550 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE est pa* de même de quelques-uns des auteurs de ces olaintes sourdes et de ces manœuvres contre le comité. Cependant la Convention ne peut pas en entendre une seconde lecture, et je demande que l’on passe de suite à l’ordre du jour sur les diverses motions et que le considérant soit rapporté. Je vais citer deux faits qui prouveront à l’assemblée que les manœuvres qu’emploient ici les conspirateurs pour anéantir la République coïncident parfaitement avec ce qui se passe en Angleterre. Tous les députés ne lisent pas les papiers anglais; eh bien, apprenez que, pour nationaliser la guerre que les puissances coalisées nous font, on dit sans cesse que nous sommes sans gouvernement, que nous ne nous entendons pas nous-mêmes; que nous défaisons le lendemain ce que nous avons fait la veille, et que nous nous déchirons tour à tour. Vous lirez dans les papiers anglais les réponses de Pitt à George et au parlement; vous y verrez qu’il leur répète tous les jours : « Quelle force peut avoir un gouvernement qui n’obtient pas de respect, et qui ne jouit d’aucune confiance ? ». C’est ainsi que nous attaquent nos ennemis. Ils sont donc leurs complices ou leurs auxiliaires, ceux qui le savent et qui secondent autant qu’il est en eux cette sorte d’attaque par les méfiances dont ils nous entourent ! Certes ceux-là ne sont pas jaloux du gouvernement, qui cherchent par des insinuations perfides à empêcher le gouvernement de se rallier autour de la Convention, et la Convention autour du gouvernement, dont il est le bras. On est jaloux de la gloire de son pays lorsqu’on cherche à donner de l’énergie et de la force au gouvernement national. On est jaloux des succès de la révolution républicaine lorsqu’on aide le gouvernement à vaincre ses ennemis intérieurs, au lieu de lui en créer de nouveaux. On est jaloux de l’honneur de la Convention nationale lorsqu’on entoure ses opérations et ses comités de confiance et d’exécution, au lieu de les décrier et de les entraver sans cesse. Citoyens, nous ne pouvons vaincre l’Europe royalisée que par l’ensemble de nos vœux et de nos délibérations; car les moyens de la République sont abondants et vigoureux : aussi le génie malfaisant des Anglais souffle sans cesse la division parmi nous. Tantôt ils ont voulu diviser les deux comités de sûreté générale et de salut public, ensuite diviser les membres de ces comités entre eux; ensuite les comités et la Convention et enfin diviser la Convention et le peuple. Jusqu’à présent les efforts liberticides des factions de l’étranger n’ont pu féconder les germes de division qu’ils ont apportés dans notre sein. Comment donc auraient-ils conçu de nouvelles espérances, maintenant que les armées ont des succès, que l’intérieur est plus tranquille, que les chefs des factions ont subi la peine due à leurs crimes ? Non, citoyens, leurs espérances horribles n’auront plus lieu, puisque les représentants ne peuvent plus douter que, toutes les fois qu’ils attaquent, qu’ils tourmentent et qu’ils exaspèrent le gouvernement révolutionnaire, ils servent l’Angleterre qui lui a juré la haine la plus implacable, avec tous les crimes et les assassinats qui sont à sa solde. Voici l’autre fait, qui prouve que tout est dirigé dans l’intérieur de la République comme dans les Etats britanniques contre le gouvernement révolutionnaire. Ce sont les membres de ce comité qu’on ne cesse de calomnier et d’assassiner à la fois au physique et au moral. Dans les fêtes des Anglais, au milieu de leurs jeux, dans leurs repas, même, il n’est question que d’assassiner les membres des deux comités : l’assassinat est une spéculation commerçante pour eux; l’assassinat est honoré dans leurs jeux publics. C’est dans ces infâmes orgies, c’est dans leurs bals, qu’ils accordent surtout à Robespierre une horrible priorité. Je tiens à la main un papier anglais qui nous a été envoyé de Brest par Prieur, et qui a été trouvé dans un bâtiment dont nous nous étions emparés; vous y verrez la trace de ce qui se passe à Londres. C’est sur Jean Bon Saint André, chargé de diriger les forces navales contre cette Carthage moderne, que Pitt dirige ses poignards et ses calomnies, parce que c’est lui qui est à la tête de notre marine; c’est Robespierre qu’il attaque, parce qu’il déjoue les ennemis de l’intérieur et qu’il atterre les factions anglaises. [Le repr. Prieur (de la Marne ) au C. de S.P.; Brest , 19 prair. II]. J’ai soin de faire traduire par des interprètes les papiers anglais publics ou particuliers qui se trouvent dans les prises. J’en fais extraire les paragraphes qui peuvent nous donner quelque connaissance de la position et des projets de nos ennemis. Je vous envoie quelques-uns de ces paragraphes; vous y remarquerez surtout une Charlotte Corday poursuivant un Robespierre, un paragraphe sur Jean Bon Saint André et des calomnies atroces sur la Révolution. signé Prieur. Barère : Les lettres particulières apprennent aussi que dans un bal masqué, donné dernièrement à Londres, on a vu une femme armée d’un poignard sanglant, et représentant Charlotte Corday poursuivant un Robespierre fictif, et le menacer de le maratiser. Le journal The Star (l’Etoile), du vendredi 2 mai donne des détails plus noirs ! Bal masqué de Ranelagh. «Jamais on n’y a vu plus de monde que le mercredi au soir. Il y eut société composée de masques, de dominos et de visitants non déguisés; il y avait plus de 1500 personnes, et ce nombre n’a guère diminué jusqu’au point du jour. « Les masques de caractère n’étaient qu’en petit nombre, relativement au nombre total; peu méritent attention. Les plus remarquables étaient : 1° une Charlotte Corday, sortie du tombeau, agitant pendant toute la nuit son poignard ensanglanté à la poursuite de Robespierre, qu’elle jurait de maratiser en temps et lieu. (Il se fait un mouvement d’horreur dans toute la Convention). Un somnanbule rodait et balbutiait qu’il sommeillerait jusqu’au moment qu’il fût temps que tout l’univers s’éveillât et parlât bon sens ». (Sans doute à la manière des forbans, des banquiers et des ministres anglais). 550 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE est pa* de même de quelques-uns des auteurs de ces olaintes sourdes et de ces manœuvres contre le comité. Cependant la Convention ne peut pas en entendre une seconde lecture, et je demande que l’on passe de suite à l’ordre du jour sur les diverses motions et que le considérant soit rapporté. Je vais citer deux faits qui prouveront à l’assemblée que les manœuvres qu’emploient ici les conspirateurs pour anéantir la République coïncident parfaitement avec ce qui se passe en Angleterre. Tous les députés ne lisent pas les papiers anglais; eh bien, apprenez que, pour nationaliser la guerre que les puissances coalisées nous font, on dit sans cesse que nous sommes sans gouvernement, que nous ne nous entendons pas nous-mêmes; que nous défaisons le lendemain ce que nous avons fait la veille, et que nous nous déchirons tour à tour. Vous lirez dans les papiers anglais les réponses de Pitt à George et au parlement; vous y verrez qu’il leur répète tous les jours : « Quelle force peut avoir un gouvernement qui n’obtient pas de respect, et qui ne jouit d’aucune confiance ? ». C’est ainsi que nous attaquent nos ennemis. Ils sont donc leurs complices ou leurs auxiliaires, ceux qui le savent et qui secondent autant qu’il est en eux cette sorte d’attaque par les méfiances dont ils nous entourent ! Certes ceux-là ne sont pas jaloux du gouvernement, qui cherchent par des insinuations perfides à empêcher le gouvernement de se rallier autour de la Convention, et la Convention autour du gouvernement, dont il est le bras. On est jaloux de la gloire de son pays lorsqu’on cherche à donner de l’énergie et de la force au gouvernement national. On est jaloux des succès de la révolution républicaine lorsqu’on aide le gouvernement à vaincre ses ennemis intérieurs, au lieu de lui en créer de nouveaux. On est jaloux de l’honneur de la Convention nationale lorsqu’on entoure ses opérations et ses comités de confiance et d’exécution, au lieu de les décrier et de les entraver sans cesse. Citoyens, nous ne pouvons vaincre l’Europe royalisée que par l’ensemble de nos vœux et de nos délibérations; car les moyens de la République sont abondants et vigoureux : aussi le génie malfaisant des Anglais souffle sans cesse la division parmi nous. Tantôt ils ont voulu diviser les deux comités de sûreté générale et de salut public, ensuite diviser les membres de ces comités entre eux; ensuite les comités et la Convention et enfin diviser la Convention et le peuple. Jusqu’à présent les efforts liberticides des factions de l’étranger n’ont pu féconder les germes de division qu’ils ont apportés dans notre sein. Comment donc auraient-ils conçu de nouvelles espérances, maintenant que les armées ont des succès, que l’intérieur est plus tranquille, que les chefs des factions ont subi la peine due à leurs crimes ? Non, citoyens, leurs espérances horribles n’auront plus lieu, puisque les représentants ne peuvent plus douter que, toutes les fois qu’ils attaquent, qu’ils tourmentent et qu’ils exaspèrent le gouvernement révolutionnaire, ils servent l’Angleterre qui lui a juré la haine la plus implacable, avec tous les crimes et les assassinats qui sont à sa solde. Voici l’autre fait, qui prouve que tout est dirigé dans l’intérieur de la République comme dans les Etats britanniques contre le gouvernement révolutionnaire. Ce sont les membres de ce comité qu’on ne cesse de calomnier et d’assassiner à la fois au physique et au moral. Dans les fêtes des Anglais, au milieu de leurs jeux, dans leurs repas, même, il n’est question que d’assassiner les membres des deux comités : l’assassinat est une spéculation commerçante pour eux; l’assassinat est honoré dans leurs jeux publics. C’est dans ces infâmes orgies, c’est dans leurs bals, qu’ils accordent surtout à Robespierre une horrible priorité. Je tiens à la main un papier anglais qui nous a été envoyé de Brest par Prieur, et qui a été trouvé dans un bâtiment dont nous nous étions emparés; vous y verrez la trace de ce qui se passe à Londres. C’est sur Jean Bon Saint André, chargé de diriger les forces navales contre cette Carthage moderne, que Pitt dirige ses poignards et ses calomnies, parce que c’est lui qui est à la tête de notre marine; c’est Robespierre qu’il attaque, parce qu’il déjoue les ennemis de l’intérieur et qu’il atterre les factions anglaises. [Le repr. Prieur (de la Marne ) au C. de S.P.; Brest , 19 prair. II]. J’ai soin de faire traduire par des interprètes les papiers anglais publics ou particuliers qui se trouvent dans les prises. J’en fais extraire les paragraphes qui peuvent nous donner quelque connaissance de la position et des projets de nos ennemis. Je vous envoie quelques-uns de ces paragraphes; vous y remarquerez surtout une Charlotte Corday poursuivant un Robespierre, un paragraphe sur Jean Bon Saint André et des calomnies atroces sur la Révolution. signé Prieur. Barère : Les lettres particulières apprennent aussi que dans un bal masqué, donné dernièrement à Londres, on a vu une femme armée d’un poignard sanglant, et représentant Charlotte Corday poursuivant un Robespierre fictif, et le menacer de le maratiser. Le journal The Star (l’Etoile), du vendredi 2 mai donne des détails plus noirs ! Bal masqué de Ranelagh. «Jamais on n’y a vu plus de monde que le mercredi au soir. Il y eut société composée de masques, de dominos et de visitants non déguisés; il y avait plus de 1500 personnes, et ce nombre n’a guère diminué jusqu’au point du jour. « Les masques de caractère n’étaient qu’en petit nombre, relativement au nombre total; peu méritent attention. Les plus remarquables étaient : 1° une Charlotte Corday, sortie du tombeau, agitant pendant toute la nuit son poignard ensanglanté à la poursuite de Robespierre, qu’elle jurait de maratiser en temps et lieu. (Il se fait un mouvement d’horreur dans toute la Convention). Un somnanbule rodait et balbutiait qu’il sommeillerait jusqu’au moment qu’il fût temps que tout l’univers s’éveillât et parlât bon sens ». (Sans doute à la manière des forbans, des banquiers et des ministres anglais). SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - Nos 11 ET 12 551 Barère : Citoyens, voilà donc les fêtes de ce peuple cannibale; voilà les jeux publics de ces rois marchands, des assassins sont les acteurs de leur bal, et le meurtre est le drame qui leur convient. Voilà donc aussi le sort des membres du gouvernement révolutionnaire. Accablés de travaux énormes, nous sommes placés entre tous les tyrans et leurs crimes, entre tous les aristocrates et leurs trahisons, entre les factions et leurs poignards, entre tous les mécontents et leurs intrigues, et leurs fausses nouvelles, et leurs insinuations perfides. C’est à nous d’avertir les membres de la Convention nationale des dangers qu’on sème sous leurs pas, des calomnies dont on nourrit la crédulité, et des intentions funestes qu’on prête aux meilleurs patriotes. Je crois en avoir dit assez pour rappeler au peuple français ce qu’il peut espérer de ces anthropophages anglais, et ce qu’il doit craindre des ennemis de l’intérieur qui fomentent la division et la calomnie contre ses représentants et contre le gouvernement révolutionnaire qui peut seul le sauver. Je demande que le considérant du décret rendu hier soit rapporté, et que l’assemblée passe à l’ordre du jour sur toutes les motions qui ont été faites à raison du décret sur le tribunal révolutionnaire. Couthon : Ma proposition résumée est de rapporter le considérant et de passer purement et simplement à l’ordre du jour sur toutes les propositions d’hier et d’aujourd’hui. Au surplus, citoyens, je l’ai déjà dit et je le répète, le comité est loin de se croire infaillible; il vous présente quelquefois sans doute des projets qui ont besoin de votre discussion pour être perfectionnés; mais dans ce cas, lorsqu’il y a lieu à des réclamations, ne convient-il pas, n’est-il pas juste que le comité en soit instruit, et qu’il soit appelé ou au moins quelques-uns de ses membres, pour donner les motifs de la loi et les soumettre à la sagesse de la Convention ? Telle est la prière que j’adresse à la Convention, au nom du comité, en répétant ma proposition de passer à l’ordre du jour. Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applaudissements (1) . La discussion est fermée, l’ordre du jour est mis aux voix avec le rapport du considérant du décret d’hier, et adopté à l’unanimité; le décret est rédigé en ces termes : «La Convention nationale rapporte le considérant inséré dans le décret rendu hier sur une proposition relative à celui de la veille concernant le tribunal révolutionnaire; et passe à l’ordre du jour sur toutes les autres propositions qui ont été faites dans la discussion qui a eu lieu sur le même objet » (2) . Cl) Mon., XX, 718; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. S.-Culottes, n° 484. (2) P.V., XXXIX, 232. Minute de la main de Couthon. Décret n° 9479. Btn, 24 et 26 prair.; Débats, n°» 630, p. 360-369 et n° 631, p. 373-377; J. Perlet, n° 628; M.U., XL, 379-381 et 393-396; J. Sablier, n° 1374; Mess, soir, n° 663; Ann. R.F., n° 195; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; C. Univ., 25 prair.; J. Fr., n° 626; J. Lois, n° 623; C. Eg., n° 663. Voir même séance n° 9, et ci-dessus, n° 71 du 22 prair. et 67 du 23. 11 Un membre [CHARLIER] demande qu’afin de faire sentir aux défenseurs de la patrie combien la haine que nous avons vouée aux Anglais est juste et fondée, les faits annoncés par le membre du comité de salut public soient insérés au bulletin. Us feront connoître, dit-il, le caractère féroce des Anglais, qui aiguisent jusques dans leurs jeux les poignards qu’ils veulent enfoncer dans le cœur des plus infatigables défenseurs de la liberté. Cette proposition est décrétée (1). 12 Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, annonce différentes prises faites sur mer et entrées dans les ports de la République, à Brest, à Lorient et à Rochefort. La Convention ordonne que le détail de ces prises sera inséré au bulletin (2). [ Courrier du 22 prairial ] [Prises entrées à Brest ] 1 navire anglais de 100 T* parti de Guer-nesey pour la Virginie, pris par l’Aviso le Marat. 1 idem de 200 T1 armé de 2 canons, venant de Portsmouth et allant à Lisbonne avec un chargement de froment. Pris par la Corvette La Surprise. 1 idem de 350 T* armé de 12 canons, venant de Liverpool et allant à la Jamaïque, chargé de savon, bœuf, salaisons et autres marchandises. Pris par la frégate La Gentille. 1 navire de 130 Tx allant à Bilbao, chargé de toiles, cuivre, laiton, lin, cire et fer blanc. Pris par la corvette Le Furet. Idem à Lorient 1 navire de 200 Tx chargé de sel. Idem à Rochefort 1 Brick anglais venant de Pool, allant à Labrador, dont le chargement n’est pas annoncé. Pris par l’aviso L’oreille. 1 idem venant de Grunock, allant à Antigna, dont la cargaison est très riche. Pris par l’aviso L’oreille (3) . ( Applaudissements ) . (1) P.V., XXXIX, 233. Mon., XX, 719; J. Fr., n° 626; Débats, n° 631, p. 377; Ann. R.F., n° 195. Voir même séance, n° 10, rapport de Barère. (2) P.V., XXXIX, 233. Bin, 24 prair.; M.U., XL, 396; Mon., XX, 707; J. Fr., n° 627; J. Sablier, n° 1374; J. Lois, n° 623; J. Fr., n° 626; Ann. RF., n° 194; Débats, n° 631; p. 377; Mess, soir, n° 663; C. Univ., 25 prair.; J. Mont., n° 47; J. Lois, n° 622; J. Perlet, n° 629; Rép., n° 175; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. Univ., n° 1663; C. Eg., n° 664. (3) Certains journaux donnent à cet aviso le nom de « l’Eveillé ». C. 304, pl. 1131, p. 19. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - Nos 11 ET 12 551 Barère : Citoyens, voilà donc les fêtes de ce peuple cannibale; voilà les jeux publics de ces rois marchands, des assassins sont les acteurs de leur bal, et le meurtre est le drame qui leur convient. Voilà donc aussi le sort des membres du gouvernement révolutionnaire. Accablés de travaux énormes, nous sommes placés entre tous les tyrans et leurs crimes, entre tous les aristocrates et leurs trahisons, entre les factions et leurs poignards, entre tous les mécontents et leurs intrigues, et leurs fausses nouvelles, et leurs insinuations perfides. C’est à nous d’avertir les membres de la Convention nationale des dangers qu’on sème sous leurs pas, des calomnies dont on nourrit la crédulité, et des intentions funestes qu’on prête aux meilleurs patriotes. Je crois en avoir dit assez pour rappeler au peuple français ce qu’il peut espérer de ces anthropophages anglais, et ce qu’il doit craindre des ennemis de l’intérieur qui fomentent la division et la calomnie contre ses représentants et contre le gouvernement révolutionnaire qui peut seul le sauver. Je demande que le considérant du décret rendu hier soit rapporté, et que l’assemblée passe à l’ordre du jour sur toutes les motions qui ont été faites à raison du décret sur le tribunal révolutionnaire. Couthon : Ma proposition résumée est de rapporter le considérant et de passer purement et simplement à l’ordre du jour sur toutes les propositions d’hier et d’aujourd’hui. Au surplus, citoyens, je l’ai déjà dit et je le répète, le comité est loin de se croire infaillible; il vous présente quelquefois sans doute des projets qui ont besoin de votre discussion pour être perfectionnés; mais dans ce cas, lorsqu’il y a lieu à des réclamations, ne convient-il pas, n’est-il pas juste que le comité en soit instruit, et qu’il soit appelé ou au moins quelques-uns de ses membres, pour donner les motifs de la loi et les soumettre à la sagesse de la Convention ? Telle est la prière que j’adresse à la Convention, au nom du comité, en répétant ma proposition de passer à l’ordre du jour. Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applaudissements (1) . La discussion est fermée, l’ordre du jour est mis aux voix avec le rapport du considérant du décret d’hier, et adopté à l’unanimité; le décret est rédigé en ces termes : «La Convention nationale rapporte le considérant inséré dans le décret rendu hier sur une proposition relative à celui de la veille concernant le tribunal révolutionnaire; et passe à l’ordre du jour sur toutes les autres propositions qui ont été faites dans la discussion qui a eu lieu sur le même objet » (2) . Cl) Mon., XX, 718; C. Eg., n° 663; Audit, nat., n° 627; J. S.-Culottes, n° 484. (2) P.V., XXXIX, 232. Minute de la main de Couthon. Décret n° 9479. Btn, 24 et 26 prair.; Débats, n°» 630, p. 360-369 et n° 631, p. 373-377; J. Perlet, n° 628; M.U., XL, 379-381 et 393-396; J. Sablier, n° 1374; Mess, soir, n° 663; Ann. R.F., n° 195; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; C. Univ., 25 prair.; J. Fr., n° 626; J. Lois, n° 623; C. Eg., n° 663. Voir même séance n° 9, et ci-dessus, n° 71 du 22 prair. et 67 du 23. 11 Un membre [CHARLIER] demande qu’afin de faire sentir aux défenseurs de la patrie combien la haine que nous avons vouée aux Anglais est juste et fondée, les faits annoncés par le membre du comité de salut public soient insérés au bulletin. Us feront connoître, dit-il, le caractère féroce des Anglais, qui aiguisent jusques dans leurs jeux les poignards qu’ils veulent enfoncer dans le cœur des plus infatigables défenseurs de la liberté. Cette proposition est décrétée (1). 12 Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, annonce différentes prises faites sur mer et entrées dans les ports de la République, à Brest, à Lorient et à Rochefort. La Convention ordonne que le détail de ces prises sera inséré au bulletin (2). [ Courrier du 22 prairial ] [Prises entrées à Brest ] 1 navire anglais de 100 T* parti de Guer-nesey pour la Virginie, pris par l’Aviso le Marat. 1 idem de 200 T1 armé de 2 canons, venant de Portsmouth et allant à Lisbonne avec un chargement de froment. Pris par la Corvette La Surprise. 1 idem de 350 T* armé de 12 canons, venant de Liverpool et allant à la Jamaïque, chargé de savon, bœuf, salaisons et autres marchandises. Pris par la frégate La Gentille. 1 navire de 130 Tx allant à Bilbao, chargé de toiles, cuivre, laiton, lin, cire et fer blanc. Pris par la corvette Le Furet. Idem à Lorient 1 navire de 200 Tx chargé de sel. Idem à Rochefort 1 Brick anglais venant de Pool, allant à Labrador, dont le chargement n’est pas annoncé. Pris par l’aviso L’oreille. 1 idem venant de Grunock, allant à Antigna, dont la cargaison est très riche. Pris par l’aviso L’oreille (3) . ( Applaudissements ) . (1) P.V., XXXIX, 233. Mon., XX, 719; J. Fr., n° 626; Débats, n° 631, p. 377; Ann. R.F., n° 195. Voir même séance, n° 10, rapport de Barère. (2) P.V., XXXIX, 233. Bin, 24 prair.; M.U., XL, 396; Mon., XX, 707; J. Fr., n° 627; J. Sablier, n° 1374; J. Lois, n° 623; J. Fr., n° 626; Ann. RF., n° 194; Débats, n° 631; p. 377; Mess, soir, n° 663; C. Univ., 25 prair.; J. Mont., n° 47; J. Lois, n° 622; J. Perlet, n° 629; Rép., n° 175; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. Univ., n° 1663; C. Eg., n° 664. (3) Certains journaux donnent à cet aviso le nom de « l’Eveillé ». C. 304, pl. 1131, p. 19.