16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 16 juin 1791.) M. Primat avait annoncé qu’il prêcherait et officierait pontificalement le jour de l’Ascension. C’étaient précisément les exhortations du sage et vertueux prélat que les ennemis du bien public redoutaient le plus. Pour en empêcher l’effet, on n’imagina d’autre partique celui de faire déserter l’église : dans ce dessein il fut décidé que le curé réfractaire chanterait une messe solennelle à 9 heures du matin, et qu’en attendant, des émissaires répandus dans les carrefours et les cabarets persuaderaient au peuple que c’était la seule qu’il lui soit permis d’entendre. Le peuple s’y rendit en foule : mais les préparatifs que l’on fit immédiatement pour celle de M. l’évêque excitèrent sa curiosité. On eut beau répandre le bruit que la garde nationale se portait chez le curé pour l’assassiner; personne ne désempara. M. l’évêque parut bientôt; il adressa au peuple une instruction touchante, par laquelle, après avoir combattu les moyens qu’on emploie pour le tromper, il l’invitait à la paix, à la soumission pour scs nouveaux pasteurs. « Les leçons du prélat, différentes de celles d’un des anciens vicaires qui, tout récemment, avait invité en chaire tous les fidèles à prendre les armes pour exterminer le nouvel évêque, gagnèrent tous les cœurs au bon et vertueux prélat; il sortit au milieu des acclamations d’un peuple immense, et l’on entendait distinctement plusieurs femmes s’écrier : « Ils ont beau faire, « nous ne nous battrons pas pour eux; nous le-« nons pour le nouvel évêque ; il dit la messe « comme autrefois et prêche comme eux. » Le • mauvais succès de cette première tentative aurait dû dégoûter nos ennemis d’en faire une seconde. Us n’en suivirent cependant pas moins le pian qu’ils s’étaient formé. x M. l’évêque avait promis de se trouver aux vêpres de la paroisse qui avaient été fixés à 4 heures. Le curé les fit sonner à midi et demi ; la municipalité crut devoir s’opposer et fit intimer au clergé séditieux l’ordre de se retirer sur-le-champ. Il obéit : on présume bien qu’on ne manqua pas de crier à l’impiété, à l’irréligion. Ces cris incendiaires produisirent enfin sur le peuple l’eifet si désiré. 11 se souleva, la garde fut insultée, et il se serait peut-être porté aux dernières extrémités, si l’évêque, invité par un ancien conseiller du ci-devant bailliage à qui l’on prête des intentions très suspectes, ne se fût transporté à l’église, malgré l’opposition du conseil municipal et de la garde nationale dont il refusait même le secours. Arrivé au milieu du peuple, le prélat, après une courte prière, lui parla avec douceur et fermeté, ce qui, joint à des manières douces et populaires, détermina tout le monde à sortir de l’église dont il lit fermer les portes. Comme il reprochait au peuple, en se retirant, le peu de profit qu’il paraissait avoir retiré de son instruction du matin : « Par-« donnez-nous, monseigneur, lui criait-on, nous « ne serions pas venus, si l’on n’eût pas fait son-« ner » ; et l’on se précipitait en même temps à genoux pour recevoir sa bénédiction. <. Ce changement si subit et si universel terrassa les réfractaires ; ils eurent une telle frayeur que le soir même ils se sauvèrent avec toute leur famille à Ypres, qui, comme l’on sait, est devenu depuis quelque temps le foyer de tous les complots. Le reste de la journée se serait ; assé dans le calme, sans une dispute survenue entre deux jeunes gens et qui, eo occasionnant un nouvel attroupement, fournit à ce qui restait de factieux dans la ville de nouveaux moyens de troubler la tranquillité publique. Mais la garde nationale, accourant à propos, dissipa promptement cette foule qu’on ameutait. Le hls du maire, surpris, ainsi qu’un autre jeune homme, à tenir des propos séditieux, ont été conduits en prison et ie bon ordre fut entièrement établi. 11 en coûta malheureusement la vie à un jeune homme qui, voulant franchir un mur pour se soustraire à la poursite de la garde nationale, se blessa mortellement en se précipitant. Un autre lut légèrement blessé à la poitrine; M. l’ iVêque s’est transporté chez lui, et il a donné des marques de la plus vive et de la plus généreuse sensibilité. « Voilà, Monsieur, les faits tels qu’ils se sont passés. Comme ils ne manqueront pas d’être travestis par les ennemis du bien public, j’ai cru devoir vous en faire passer un exposé simple et fidèle. Je vous laisse à décider, Monsieur, si pour tranquilliser les bons citoyens, il ne conviendrait pas de leur accorder une place dans la feuille du département. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé : Chevalier, citoyen des environs de Baiileul. » Je vous prie, Monsieur le Président, de consulter l’Assemblée sur la proposition que j’ai l’honneur de lui faire, de renvoyer celte lettre au comité des recherches. (L’Assemblée consultée ordonne le renvoi de celte lettre au comité des recherches.) M. Dauchy, président , quitte le fauteuil. M. Rewbell, ex-président , le remplace. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de samedi soir , qui est adopté. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre des administrateurs du département du Morbihan, da!éede Vannes le 2 du courant, dans laquelle ils annoncent que les ennemis de la Révolution s’agitent sans cesse pour troubler la tranquillité publique et entraver les opérations des corps administratifs; que des prêtres réfrac!aires, oubliant les préceptes de l’Evangile qui ne conseille que la paix et l’obéissance aux lois, soufflent partout le feu de la discorde et du fanatisme ; que, pour alarmer les consciences faibles, ils publient, dans la chaire destinée aux instructions évangéliques, de prétendues bulles du pape, dont ils accompagnent la lecture des déclamations les plus incendiaires, pour amener le peuple à des insurrections; que le district de Josselin vient de leur dénoncer une de ces indignes manœuvres qu’il a dernièrement découverte dans les 4 paroisses de cette ville, où une prétendue bulle du pape a été lue aux prônes des grand’messes, et où elle circule dans toutes les maisons avec une infinité de libelles contre la constitution civile du clergé; que les procès-verbaux, faits à cette occasion, constatent que le sieur Allain, curé, membre de l’Assemblée nationale, est l’agent qui fait parvenir toutes ces productions criminelles, et qui, sous le couvert même de cette Assemblée, inonde journellement ce district d’écrits incendiaires, et souffle la discorde dans cette partie du département. En conséquence les administrateurs prient l’Assemblée de fixer son attention sur le délit qu’ils dénoncent, et dont le sieur AUain s’est rendu coupable.