[Assemblée nationale.] 7 à 8 0/0, n’est point un droit assez haut pour exciter à faire une contrebande. Les contrebandiers demanderont au moins 9 à 10 0/0 ; ainsi il n’y a point d’inconvénient de les exiger en faveur de l’Etat. ( Applaudissements .) M. Brillat-Sa varia. Vous ne feriez que de mauvaises lois si vous ne profitiez pas des lumières de l’expérience. Les mousselines étrangères ont été prohibées jusqu’à présent, aussi l’Etat y a-t-il perdu des millions. Vous éprouverez encore la même chose dans la prohibition. M. Bégouen vous a dit qu’il fallait mettre 10 0/0 sur les mousselines étrangères et moi, je vous dis qu’il ne faut imposer que 3 1/2 ou 4 0/0. Si vous faisiez une prohibition, en faveur de qui la feriez-vous? en faveur des contrebandiers seulement et au préjudice de l’Etat. Car il ne faut pas nous dissimuler que nous n’avons pas encore en France des fabriques de mousselines, ou du moins, nous en avons si peu que cela ne vaut pas la peine d’y compter. Néanmoins, sous ce régime prohibitif qu’on vous propose de propager, nous n’avons pu avoir de fabriques; c’est sous ce régime prohibitif que les contrebandiers ont gagné des sommes énormes. Je ne vois pas, Messieurs, que vous puissiez admettre un pareil régime et je demande que l’avis du comité soit suivi. M. d’Estourmel. Je propose par amendement de fixer le droit à 5 0/0. Cette mesure me paraît juste en ce que plus les droits sont forts, plus la contrebande est en activité et qu’ainsi on entretiendra la concurrence de nos manufactures françaises. M. Bégouen. J’insiste pour que le droit sur les mousselines brodées soit porté à 600 livres; si l'on veut réfléchir au prix de ces mousselines, on verra que ce droit ne s’élève pas à 5 0/0. M. d’Aubergeon de Murinais. Les mousselines communes tiennent un rang double et triple des mousselines fines; je demande qu’on en forme plusieurs classes pour les soumettre à un droit proportionnel. Les manchettes que je porte doivent être imposées plus haut que celles du laboureur qui se contente de grosse mousseline. M. Le Déist de Botidoux. J’appuie l’amendement; il faut classer ces marchandises et les faire payer en proportion de leur finesse. M. de La Bochefoucauld. La question que vous agitez est purement commerciale et fiscale. Nous avons pensé d’abord à fixer le droit suivant la qualité; mais après un examen approfondi, nous avons vu qu’il était impossible de suivre cette marche, parce qu’on peut envelopper une mousseline fine de grosse et que cette classification de droit suivant la finesse rend la perception du droit presque impossible sans les plus grandes vexations. Un membre demande que la discussion soit fermée et que l’amendement de M. Bégouen soit écarté par la question préalable. (L’Assemblée ferme la discussion et décide qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement.) M. Brugnon. Je porte le droit à 500 livres. 1" Série. T. XXII. [25 janvier 1791.) M. de Boislandry. Et moi à 300 et 400 livres. Je vous réponds, par ce moyen, d’un droit plus productif. Un droit trop fort priverait le Trésor public de tous les produits qu’il a droit d’en espérer et la facilité de la contrebande pour ces matières sera un moyen de se soustraire à un impôt très fort. Dans ce cas, les colporteurs seront des fraudeurs ambulants qui trouveront un gros intérêt à la contrebande et nul danger pour leurs brigandages. Alors, les commerçants, hommes honnêtes et délicats, ou se trouveront ruinés, ou seront réduits eux-mêmes au vil métier de contrebandiers, s’ils ne veulent pas voir anéantir leur commerce. M. Malouet. Sans égard au sous-amendement, j insiste sur l’amendement de M. Bégouen; la raison, c’est qu’il faut favoriser nos manufactures de mousselines qui commencent à peine à éclore. M. Nairac. Je demande que le droit soit fixé à 300 livres sur les mousselines communes et à 400 livres sur les mousselines brodées et rayées. M. de Noailles. J’appuie l’amendement de M. de Boislandry et celui de M. Nairac. Je ferai en même temps une observation : M. de La Rochefoucauld a dit que lorsqu’on portait trop haut le prix des denrées, il en résultait la même chose que pour la prohibition ; ce résultat est très fâcheux et me fait conclure à un taux modéré. M. Goudard, rapporteur. II est important de favoriser notre commerce de l’Inde ; et pour le faire, et donner aux mousselines de l’Inde la prépondérance sur celles venant de l’étranger, il faut que le droit soit porté à 300 livres pour les mousselines unies et à 400 livres pour les autres. L’Assemblée adopte le tarif ci-après : « Mousselines non brodées, le quintal, 300 livres; « Mousselines brodées, le quintal, 400 livres. » M. Goudard, rapporteur , donne lecture de l’article relatif aux toiles de coton : « Toiles de coton, le quintal, 75 livres. N. B. — Les toiles de coton qui pèseront moins de 3 livres sur la longueur de 16 aunes, et sur la largeur de 7 huitièmes, seront qualifiées mousselines et traitées comme telles pour le droit. » M. Eavie. Il y a des manufactures dans ma province qui tirent de Suisse des toiles destinées à recevoir une impression quelconque; ces toiles une fois imprimées ressortent pour l’Allemagne. Je demande que, moyennant un acquit-à-caution, ces toiles puissent entrer et ressortir en même nombre et qualité. Cette proposition ne préjudicie en rien aux manufactures du royaume; car ces toiles ne sont alors que matière première. M. Goudard, rapporteur. La demande de M. Lavie ne peut être qu’un objet de règlement dont le comité s’occupera lorsque le droit sera fixé et au sujet duquel il présentera ses vues à l’Assemblée. (L’article du comité est décrété.) M. Gondard, rapporteur. Nous proposons pour les toiles peintes et teintes un droit de 120 livres 1 par quintal. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 31 482 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 179 i.J [Assemblée nationale ] Dans ce moment-ci, ces toiles sont prohibées : elles étaient assujetties à un droit de 135 livres. L’Assemblée a repoussé les prohibitions; le comité a cru que le droit de 125 livres pourrait encore exciter à la contrebande: il l’a réduit à 120 livres. M. Bégouen. Je demande que le droit soit établi au moins à 135 livres. Nous avons plus de 120 manufactures de toiles peintes en France ; c’est une branche de commerce infiniment susceptible d’extension. Il est inconcevable qu’on puisse vous proposer de baisser un droit qui existait en 1785, au lieu de l’augmenter. M. Goudard, rapporteur. J’accepte l’amendement. (L’Assemblée décrète que les toiles peintes et teintes seront assujetties à un droit de 135 livres par quintal.) M. Goudard, rapporteur , donne lecture des articles suivants : « Toiles à carreaux pour matelas, le quintal, 40 livres. » {Adopté.) «Toiles de Nankin, la pièce de 5 aunes, 15 sols.» {Adopté.) « Toiles blanches de chanvre et de lin ; linges de table ; le quintal, 30 livres. » M. lieDéistde Botidoux. L’article du tarif tel qu’il vous est proposé présente un grand inconvénient: c’est celui de décourager l’industrie. Vous portez les droits sur les toiles à un taux si bas que les fabriques étrangères pourront nous donner leurs produits à un meilleur prix que vos propres fabriques. J’observe une fois pour toutes ue j’ai pris pour terme de comparaison les toiles 'Allemagne, c’est-à-dire celles qui se donnent à meilleur marché. Quel besoin avons-nous d’alimenter les fabriques étrangères, si les fabriques nationales peuvent suffire? Et qui doute que celles de Lille, de Flandre, de Troyes, de Cambrai, de Beauvais, de Saint-Quentin, de Rouen, de Laval, de Morlaix et autres, ne puissent fournir à vos besoins!? Je sais que la Franche-Comté, la Bourgogne reçoivent quelquefois des toiles de la Suisse ; mais 4, 000 pièces que fournissent à peu près les cantons, outre qu’elles font un article trop minutieux pour être mis en ligne de compte, seraient aisément remplacées par des toiles des Trois-Evêchés. Par quelle fatalité le comité d’agriculture a-t-il changé le système, lui qui proposait par le premier tarif de porter ce droit à 100 livres ? Il savait que sur la simple proposition du tarif on avait formé des spéculations nouvelles, qu’une compagnie se proposait d’acheter un des couvents de Dôle pour y faire un établissement à l’instar de la Silésie ; qu’on en projetait un du même genre sous les murs d’Amiens. Comment peut-il proposer une diminution de plus des deux tiers ? Rien de plus simple, Messieurs ; ce tarif n’est plus celui du comité de commerce, mais du comité de l’imposition dans le bureau duquel les conférences sont tenues, et dont les membres ont assisté à ces conférences à peu près dans la proportion de 8 contre 3. C’est particulièrement le fruit des connaissances d’un honorable membre qui vous a déjà marqué plusieurs fois à la tribune combien il désapprouvait toute espèce de droit; et de l’honorable membre auquel nous devons le traité de commerce avec l’Angleterre. Je n’entends rien à cette théorie oiseuse qui disposait d’un ministre honnête homme, à cette théorie qui veut aujourd’hui sortir de l'oubli pour anéantir les manufactures de France. Ceux qui vous proposent de réduire le droit à 30 livres le quintal auraient dû abandonner cette théorie pour s’en tenir aux faits et les comparer. Vainement, diront-ils que le génie de nos fabricants, redevenu plus actif, ferait bientôt tourner au profit de notre industrie la concurrence désavantageuse pour nous. Cette assertion, qui ne serait pas sans vraisemblance, si on l’appliquait à différentes branches du commerce national, échoue dans cette matière-ci contre les faits. La Westphalie, laSaxe,le Hanovre, la Silésie trouvent un débouché frauduleux en France, et notamment à Bayonne et à Dunkerque, parce que les matières premières, les matières secondaires et la main-d’œuvre sont au taux le plus bas dans ce pays-là. La révocation de l’édit de Nantes avait fait déserter la plus grande partie des ouvriers de nos ateliers et de nos manufactures. Ces ouvriers, persécutés dans leurs foyers pour cause de religion s’étaient répandus dans le Nord où ils avaient été reçus à bras ouverts. Les manufactures s’élevèrent dans des pays qui n’avaient jamais connu l’industrie, dont le sol était sans valeur, où le bois était plus gênant qu’il n’était utile. On peut juger du prix des marchandises manufacturées dans des lieux de cette espèce. Un membre : Je prie M. l’orateur de conclure. Si l’on nous donnait ainsi l’historique de toutes choses, nous n’en finirions jamais. M. lie Déist de Botidoux. Je demande que le tarif soit porté à 100 livres conformément au premier tarif du comité. {Applaudissements.) M. Millon de Montherlan. Il y a 40 ans qu’à ma connaissance nous avions des cultures dans les environs de Beauvais et dans beaucoup d’autres endroits de France, qui nous donnaient le meilleur lin possible. Nous en tirions les meilleures toiles du monde sous le nom de demi-Hollande. Aujourd’hui il n’y a pas le moindre signe de cette culture, parce que les ministres et les intendants se sont toujours attachés à l’écraser d'impôts. Nous fournissions pour 10, 12 ou 15 millions de lin à l’étranger, et c’est aujourd’hui l’étranger qui nous fournit au poids de l’or des lins qui ne valentrien. Je demandeque l’Assemblée nationale encourage cet établissement. Mais si vous confondez la grosse toile avec la fine, il est impossible que le pays de Beauvais et ses environs puisse rétablir ses lineries et ses chanvrières, parce qu’alors le poids de l’impôt l’en empêcherait. Je demande la division de l’article. M. Rewbell appuie l’avis du comité. M. Bégouen. Je demande que le droit soit porté à 60 livres et soit payé à toutes les entrées du royaume, sans aucune faveur pour les Suisses. Cependant je ne sais comment il sera possible de s’arranger avec eux; s’il y a un traité, il en faudra faire un nouveau, car il est incontestable qu’alors la Suisse introduirait dans le royaume non seulement ses toiles, mais qu’elle deviendrait l’entrepôt de toutes les toiles de l'Allemagne. M. de Boislandry. M. Bégouen a paru inquiet sur la manière dont nous traiterions les toiles venant de Suisse. Il est vrai qu’en 1781, le roi rendit un édit qui accordait aux Suisses la faculté d’entrer leurs toiles dans le royaume en