110 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Nous applaudissons avec le même transport à celui que vous venez de rendre par lequel vous avez proclamé l’existence d’un Etre Suprême et l’immortalité de l’âme. Qu’ils étaient coupables, ces hommes perfides, qui, sous le spécieux prétexte d’anéantir le fanatisme, cherchaient à enlever à l’homme sa plus douce espérance, vainement auraient-ils prétendu travailler pour le bonheur de tous, s’ils avaient oté à chacun en particulier le sentiment inné d’un Dieu bienfaisant et consolateur. Que serait en effet la vertu si l’univers n’était que le résultat du hasard ? un vain accord entre les hommes et auquel le plus fort ou le plus adroit trouverait facilement le moyen de se soustraire. Nous ne craindrons pas de le dire, Législateur, le bien que vous avez fait jusqu’à présent était particulier à la nation française; par votre dernier décret, vous vous êtes montrés dignes de donner des lois à l’univers et vous avez acquis des droits à sa reconnaissance. Nous reconnaîtrons un Etre Suprême mais nous nous garderons bien de nous le représenter semblable au Dieu des prêtres, qu’ils nous peignent sous des couleurs si hideuses qu’il n’est pas un seul mortel, quelque corrompu qu’il pût être, qui n’eut rougi de lui ressembler. Nous honorerons la vertu, mais notre vertu ne sera pas celle des prêtres. Par un renversement inconcevable dans les idées, ils étaient parvenus à décerner des honneurs aux vins mêmes. Des mystiques encloîtrés, de pieux fainéans, des hommes absolument étrangers au bonheur de leurs frères, attiraient les hommages d’un peuple trompé. On a vu même les partisans de la superstition, d’accord avec les tyrans porter le délire, ou pour mieux dire l’impudeur jusqu’à diviniser l’assassinat en quelque sorte, lorsqu’il s’est trouvé conforme à leurs vues ambitieuses, ou qu’il a pu satisfaire leurs lâches vengeances. Récemment encore ils ont pensé couvrir la France de deuil en suscitant deux nouveaux monstres... Mais le génie qui veille sur elle a écarté l’arme meurtrière, et nos yeux revoient avec attendrissement, sur cette sainte Montagne ces zélés défenseurs des droits du peuple. Ecartons ces douloureuses idées, ou plutôt rappelons-nous les sans cesse pour détester à jamais le fanatisme et la tyrannie. Loin de nous cependant l’idée alarmante de l’anéantissement de tout culte ! Vous avez décrété des fêtes en l’honneur de l’Etre Suprême, nous les célébrerons avec enthousiasme, nous avons aussi nos héros dont nous fêterons la mémoire. Nous honorerons les glorieux martyrs de la liberté; nous honorerons les généreux défenseurs de la patrie qui se sont immolés pour elle. Nous décernerons les mêmes honneurs aux actions moins brillantes mais qui sont fondées sur l’humanité, la justice et les vertus. Telle est notre profession de foi, telle sera dans peu, celle de tous les peuples désabusés (1) . (1) C 306, pl. 1157, p. 22 (signé Menardière [et 6 signatures illisibles]); p. 23 (signé Paillard (prés.), May, Duché). 16 e Le citoyen Martin Michel, ancien militaire, expose qu’il est sans emploi; qu’il a une famille à soutenir, et qu’il peut servir la patrie à l’armée, soit comme soldat, soit comme employé dans l’administration des fourrages. Sur la proposition d’un membre [ISORÉ], la Convention renvoie la pétition du citoyen Michel à la commission des mouvements des armées de terre, pour employer ce citoyen, s’il y a lieu (1). 16/ Le citoyen Michel Patey, agent national de la commune de Douvres, se présente à la barre, et expose que depuis 2 ans il est persécuté par la malveillance, et qu’il s’est vu emprisonné et élargi 4 fois : sur la proposition d’un membre, la Convention renvoie la pétition du citoyen Patey au représentant du peuple en mission dans le département du Calvados pour statuer (2) . 16 g La Société des Défenseurs de la patrie, séante à Paris, exprime sa haine contre les tyrans et offre de veiller plus que jamais à la sûreté de la Convention nationale; elle montre son indignation contre les assassins qui ont attenté aux jours des deux représentans Robespierre et Collot-d’Herbois (3) . L’ORATEUR : Législateurs, Un grand attentat vient d’être commis envers deux de vos membres; Collot d’Herbois et Robespierre, coopérateurs de vos sublimes travaux ont failli tomber sous les coups de vils assassins stipendiés par les Cours étrangères et l’aristocratie. Ils sont sauvés ces pères du peuple, c’est un nouveau triomphe pour la République, qui prouve autant la lâcheté de ses ennemis que la scélératesse des moyens employés par ces monstres qu’on nomme rois et qui veulent tuer les patriotes. Si ce malheureux événement a déchiré nos cœurs il a aussi servi à doubler l’énergie des républicains et leur horreur pour la tyrannie. Malheur aux assassins qui osent porter sur vous une main liberticide ! nous veillons sur votre précieuse existence et dussions [nous] mille fois perdre la vie, que nous importe ! si à l’exemple du brave patriote Geffroy, nous épargnons les jours d’un des pères du peuple en lui faisant de nos corps un bouclier impénétrable jusqu’à lui. La Société des Défenseurs de la République dépose sur le bureau la somme de 300 liv., (1) P.V., XXXVIII, 188. M.U., XL, 185. Minute de la main d’Isoré (C 304, pl. 1123, p. 2). Décret n° 9324. (2) P.V., XXXVIII, 189. Minute de la main d’Isoré (C 304 ,pl. 1123, p. 3). Décret n° 9326. (3) P.V., XXXVin, 189. J. Sablier, n° 1349; J. Fr., n° 613; Bin, 19 prair. (suppl1) . 110 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Nous applaudissons avec le même transport à celui que vous venez de rendre par lequel vous avez proclamé l’existence d’un Etre Suprême et l’immortalité de l’âme. Qu’ils étaient coupables, ces hommes perfides, qui, sous le spécieux prétexte d’anéantir le fanatisme, cherchaient à enlever à l’homme sa plus douce espérance, vainement auraient-ils prétendu travailler pour le bonheur de tous, s’ils avaient oté à chacun en particulier le sentiment inné d’un Dieu bienfaisant et consolateur. Que serait en effet la vertu si l’univers n’était que le résultat du hasard ? un vain accord entre les hommes et auquel le plus fort ou le plus adroit trouverait facilement le moyen de se soustraire. Nous ne craindrons pas de le dire, Législateur, le bien que vous avez fait jusqu’à présent était particulier à la nation française; par votre dernier décret, vous vous êtes montrés dignes de donner des lois à l’univers et vous avez acquis des droits à sa reconnaissance. Nous reconnaîtrons un Etre Suprême mais nous nous garderons bien de nous le représenter semblable au Dieu des prêtres, qu’ils nous peignent sous des couleurs si hideuses qu’il n’est pas un seul mortel, quelque corrompu qu’il pût être, qui n’eut rougi de lui ressembler. Nous honorerons la vertu, mais notre vertu ne sera pas celle des prêtres. Par un renversement inconcevable dans les idées, ils étaient parvenus à décerner des honneurs aux vins mêmes. Des mystiques encloîtrés, de pieux fainéans, des hommes absolument étrangers au bonheur de leurs frères, attiraient les hommages d’un peuple trompé. On a vu même les partisans de la superstition, d’accord avec les tyrans porter le délire, ou pour mieux dire l’impudeur jusqu’à diviniser l’assassinat en quelque sorte, lorsqu’il s’est trouvé conforme à leurs vues ambitieuses, ou qu’il a pu satisfaire leurs lâches vengeances. Récemment encore ils ont pensé couvrir la France de deuil en suscitant deux nouveaux monstres... Mais le génie qui veille sur elle a écarté l’arme meurtrière, et nos yeux revoient avec attendrissement, sur cette sainte Montagne ces zélés défenseurs des droits du peuple. Ecartons ces douloureuses idées, ou plutôt rappelons-nous les sans cesse pour détester à jamais le fanatisme et la tyrannie. Loin de nous cependant l’idée alarmante de l’anéantissement de tout culte ! Vous avez décrété des fêtes en l’honneur de l’Etre Suprême, nous les célébrerons avec enthousiasme, nous avons aussi nos héros dont nous fêterons la mémoire. Nous honorerons les glorieux martyrs de la liberté; nous honorerons les généreux défenseurs de la patrie qui se sont immolés pour elle. Nous décernerons les mêmes honneurs aux actions moins brillantes mais qui sont fondées sur l’humanité, la justice et les vertus. Telle est notre profession de foi, telle sera dans peu, celle de tous les peuples désabusés (1) . (1) C 306, pl. 1157, p. 22 (signé Menardière [et 6 signatures illisibles]); p. 23 (signé Paillard (prés.), May, Duché). 16 e Le citoyen Martin Michel, ancien militaire, expose qu’il est sans emploi; qu’il a une famille à soutenir, et qu’il peut servir la patrie à l’armée, soit comme soldat, soit comme employé dans l’administration des fourrages. Sur la proposition d’un membre [ISORÉ], la Convention renvoie la pétition du citoyen Michel à la commission des mouvements des armées de terre, pour employer ce citoyen, s’il y a lieu (1). 16/ Le citoyen Michel Patey, agent national de la commune de Douvres, se présente à la barre, et expose que depuis 2 ans il est persécuté par la malveillance, et qu’il s’est vu emprisonné et élargi 4 fois : sur la proposition d’un membre, la Convention renvoie la pétition du citoyen Patey au représentant du peuple en mission dans le département du Calvados pour statuer (2) . 16 g La Société des Défenseurs de la patrie, séante à Paris, exprime sa haine contre les tyrans et offre de veiller plus que jamais à la sûreté de la Convention nationale; elle montre son indignation contre les assassins qui ont attenté aux jours des deux représentans Robespierre et Collot-d’Herbois (3) . L’ORATEUR : Législateurs, Un grand attentat vient d’être commis envers deux de vos membres; Collot d’Herbois et Robespierre, coopérateurs de vos sublimes travaux ont failli tomber sous les coups de vils assassins stipendiés par les Cours étrangères et l’aristocratie. Ils sont sauvés ces pères du peuple, c’est un nouveau triomphe pour la République, qui prouve autant la lâcheté de ses ennemis que la scélératesse des moyens employés par ces monstres qu’on nomme rois et qui veulent tuer les patriotes. Si ce malheureux événement a déchiré nos cœurs il a aussi servi à doubler l’énergie des républicains et leur horreur pour la tyrannie. Malheur aux assassins qui osent porter sur vous une main liberticide ! nous veillons sur votre précieuse existence et dussions [nous] mille fois perdre la vie, que nous importe ! si à l’exemple du brave patriote Geffroy, nous épargnons les jours d’un des pères du peuple en lui faisant de nos corps un bouclier impénétrable jusqu’à lui. La Société des Défenseurs de la République dépose sur le bureau la somme de 300 liv., (1) P.V., XXXVIII, 188. M.U., XL, 185. Minute de la main d’Isoré (C 304, pl. 1123, p. 2). Décret n° 9324. (2) P.V., XXXVIII, 189. Minute de la main d’Isoré (C 304 ,pl. 1123, p. 3). Décret n° 9326. (3) P.V., XXXVin, 189. J. Sablier, n° 1349; J. Fr., n° 613; Bin, 19 prair. (suppl1) .