279 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ 19 février 1791.J Lequeux n’est autre chose que les maîtres de poste coalisés. Mais je demande si l’on contreviendrait au décret en adjugeant le bail à la compagnie Lequeux. Cette compagnie exploitera les messageries, et les maîtres de poste exploiteront les postes. Autrefois, qui est-ce qui exploitait les messageries si ce n’étaient les maîtres de poste? (Applaudissements.) Si on prenait le décret dans le sens judaïque, on dirait qu’on ne pourrait se servir des mêmes chevaux. Vous avez dit que les postes aux chevaux et les messageries continueront. Vous les considériez donc dans l’ordre où elles se trouvaient comme séparées quant à l’exploitation. La lettre du décret est donc remplie; je suis donc en droit d’insister sur la question préalable. M. de Cazalès. Si la compagnie Lequeux n’est pas composée des maîtres de poste, il est évident que j’ai tort. Dans le cas contraire, il est évident que M. Martineau n’a répondu à aucune de mes raisons. 11 faut savoir s’il y a des inconvénients à la réunion qu’on vous propose, et c’est pour cela que je désire que vous réunissiez les lumières de vos comités. On a parfaitement tort quand on prétend que je veux gagner du temps, puisque je demande que le rapport soit fait lundi, et mardi l’adjudication. (L’ajournement est repoussé par la question préalable.) M. le Président. Voici la nouvelle rédaction du décret qu’on vous propose : « L’Assemblée nationale décrète que l’affaire sera renvoyée au pouvoir exécutif pour faire l’adjudication du bail des messageries sur l’enchère déjà reçue ou sur telle autre qui pourra survenir. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. Il y a un second objet dans la lettre du ministre; il consiste dans la proposition de vous soumettre quelques observations sur l’insuffisance du nombre des administrateurs chargés du service des postes. (L’Assemblée renvoie cet objet à son comité des finances.) M. de Folleville. Je demande que l’Assemblée charge son comité de lui présenter les conditions auxquelles on pourra être maître de poste : car si le service des messageries occupe les chevaux de poste, les gens qui voudront partir à heure indiquée ne trouveront plus de chevaux de poste. Je demande donc qu’il soit ordonné à votre comité de vous présenter des moyens pour assurer le service des postes et en même temps pour examiner si la somme de 1,200,000 livres que vous donnez tous les ans sera encore donnée après l’anéantissement total du service des postes. (Murmures.) Plusieurs membres : L’ordre du jour ! (L’ordre du jour est décrété sur cette motion.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du samedi 19 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. le Président. Le sieur Lardé, mécanicien, propose à l’Assemblée nationale un carrosse, dont il est l’inventeur et dont le mécanisme offre nne marche d’autant plus curieuse qu'on peut, sans chevaux, se servir de ce carrosse chargé de 5 personnes, pour parcourir Paris et voyager sur les grandes routes. Le sieur Lardé ajoute à sa proposition celle de faire jouir l’Assemblée de la curiosité que présente son invention et demande qu’il lui soit accordé la récompense attribuée aux inventeurs de découvertes utiles par votre décret du 30 décembre dernier. (L’Assemblée ordonne qu’il soit fait mention honorable dans son procès-verbal des propositions du sieur Lardé et renvoie la demande de récompense à son comité de commerce et d’agriculture.) M. le Président. Le sieur Bellepèche, botaniste, dans une pétition qu’il adresse à l’Assemblée, offre de faire des expériences sur des malades attaqués d’épilepsie, maladie qu’il assure pouvoir guérir. (Cette pétition est renvoyée au comité de salubrité.) M. le Président. Le sieur Jansen fait hommage à l’Assemblée de deux brochures : la première, sur la culture du tabac en France, suivie d’un plan sur l’établissement d’une caisse de prévoyance, destinée à diminuer la mendicité; la seconde, d’un projet tendant à conserver les arts en France, en immortalisant les événements patriotiques et les hommes illustres. (L’Assemblée ordonne qu’il soit fait mention honorable de cet hommage dans le procès-verbal). M. le Président. Le sieur Brun deCondamine fait part àl’Assemblée d’une découverte utile aux agriculteurs, pour battre les blés ; l’inventeur assure que cet instrument épargnerait la moitié des frais de battage, et réunirait l’avantage de battre mieux les gerbes. (L’Assemblée décrète le renvoi de la lettre de M. Brun de Condamine au comité d’agriculture et de commerce.) Un de MM. les secrétaires _ fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. d’André. Messieurs, j’ai aussi à vous présenter une pétition qui me regarde peronnel-lement. Il y a déjà 3 ou 4 mois que M. Leblanc-Gily, qui est un peu fou, mais un fou méchant, a envoyé à l'Assemblée nationale une dénonciation pleine d’injures contre moi. Sur la demande que j’en fis alors, vous avez eu la bonté de la renvoyer au comité des rapports. J’ai sollicité long-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur » [19 février 1791.] 2,80 jAssembléenationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. temps le rapport de cette dénonciation; messieurs du comité m’ont dit ; « Il faut mépriser cela; ça n’a pas le sens commun. » — J’en conviens, dis-je, cela n’a pas le sens commun; mais il n’est pas moins vrai que, quand un homme public est attaqué, il importe à l’ordre public qu’il soit justifié ou puni ; et lorsqu’il est attaqué par des imprimés, il doit être disculpé, non pas par des écrits imprimés, mais par un jugement du corps dont il est membre. » Dans cet intervalle, je gardais cependant le silence; M. Leblanc-Gily, croyant que mon silence n’était que l'effet de la peur ou la preuve auihen-tique de l’exactitude des accusations dirigées contre moi, a fait paraître une foule d’écrits et dénonciations, de lettres, en un mot de libellés si multipliés et si nombreux, qu’il me serait même impossible de les porter au comité. Tant que j’ai su que toutes les horreurs publiées contre moi ne partaient que de cette source, j’ai cru les devoir mépriser et ne pas m’en plaindre. Mais aujourd’hui qu’une société.qui se dit amie de la Constitution, adhère à ces écrits, en en signant un, ceux-ci prennent un caractère plus authentique. J’aime à croire que les signatures dont est revêtue cette approbation sont apocryphes et qu’elle n’est pas, tout au moins, l’ouvragé de toute la société; mais, quoi qu’il en soit, il importe à moi, non pas commesimple individu, mais comme membre de l’Assemblée, comme représentant de la nation, d’ètre enfin jugé là-dessus. S’il est reconnu que je suis un contre-révolutionnaire, il faut que je sois renvoyé devant les tribunaux pour que mon procès me soit fait; mais sijenesuis pas contre-révolutionnaire, M. Leblanc-Gily doit être puni comme calomniateur. En conséquence, je vous prie d’ordonner le renvoi au comité des rapports qui doit être prêt (car il y a trois mois qu'il est saisi de ces pièces), avec ordre d’en faire son rapport dans la semaine prochaine, afin que je sois tranquille sur ma situation et que l’Assemblée sache si elle a ou non dans son sein un contre-révolutionnaire. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète le renvoi au comité des rapports pour rendre compte de l’affaire jeudi soir.) M. de Sillery, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante adressée à M. le Président par le sieur Joubert, juge de paix du canton de Pile de Noirmoutiers (Vendée) : « De l’île de Noirmoutiers, le 8 février 1791. « Monsieur le Président, je prends la liberté de vous donner avis que j’ai été choisi, le l0r janvier dernier, par mes concitoyens, pour être leur juge de paix dans l’étendue du canton de l’île de Noirmoutiers, département de la Vendée et district de Chalans. « Dans le courant dudit mois de janvier, 44 affaires ont été présentées devant moi ; je n’ai rendu qu’un seul jugement et deux ont été terminés devant le district; les 41 autres ont été terminées par la voie de la conciliation et je me félicite du bonheur que j’ai eu d’y réussir. Ges 44 affaires n’ont pas coûté toutes ensemble une somme de 15 livres, parce que mon but est d’éviter à mes concitoyens, le plus que je pourrai, les frais de citation. « Ce sont là les heureux effets que produisent les sages décrets de nos augustes législateurs; en effet, quel bonheur pour les peuples ! ces 44 affaires auraient coûté aux parties, en première instance seulement, plus de 1,500 livres, somme exorbitante pour la plupart des pauvres gens qui habitent cette île; je veux dire suivant l’ancien régime. Quelques entêiés d’entre eux eussent sûrement appelé à Poitiers où nous allions par appel à 50 lieues; d’autres encore, au parlement de Paris, à 120 lieues de notre île, et se seraient ruinés. « L’Assemblée nationale a prévu tout cela dans sa sagesse et elle a fait en cette partie essentielle, comme en toutes les autres, le bonheur des Français qui la bénissent et qui l’admirent. J’ai été trente ans dans les affaires; je ne suis cependant ni avocat, ni n’ai jamais étudié les lois; la confiance que j’ai acquise de mes concitoyens me sert de code et de coutume, et je n’aurai jamais à me reprocher d’avoir jugé contre ma conscience. « Je me suis cru obligé de rendre compte à l’Assemblée auguste que vous présidez d’un aussi heureux succès. « Signé ; Joubert, juge de paix. » (L’Assemblée ordonne qu’il soit fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal.) M. l