[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.) 399 et les sujets ne connaîtraient plus d’autre seigneur que leur Roi. La réforme du haut clergé, la suppression des chapitres cathédraux et collégiaux et des ordres religieux comme étant inutiles à la religion et à l’Etat. L’abolition des dîmes, et au moyen de ce, les peuples seraient soumis à l’entretien de leurs évêques, de leurs curés et de leurs vicaires, seuls ministres de la religion utiles et nécessaires, dont les rétributions seront fixées par Sa Majesté, moyennant lesquelles rétributions, les peuples seront exempts de tous frais relatifs aux dispenses de publication des bans, des degrés de parenté pour les mariages, et autres qui seront expédiées gratuitement, et de tout casuel envers les ministres des autels. L’abolition des droits d’annates et d’expédition des bulles, droits injustes usurpés par les papes, et inconnus avant le quatorzième siècle; cette espèce de tribut fait sortir annuellement plusieurs millions du royaume qui serviront à diminuer les charges du peuple. Le rétablissement de la Pragmatique-Sanction, en réservant à Sa Majesté la nomination aux évêchés, sur la présentation qui lui sera faite de trois sujets élus par le peuple. L’établissement d’une imposition territoriale en fruits et en nature, laquelle supprimant absolument la taille, impôt destructeur, portera sur tous les fonds indistinctement, nobles, ecclésiastiques et roturiers, adoucira le sort des propriétaires, et coupera la racine à l’injuste distinction qui a très-longtemps subsisté entre les nobles, les gens d’église et les roturiers. Sa Majesté trouvera dans un impôt, dans celui qu’il conviendra d’établir sur l’industrie, sur les biens d’autre nature que les biens-fonds et sur les objets de luxe, et dans les biens du clergé qui tomberont dans sa main en réformant le haut clergé, et en supprimant les ordres monastiques et religieux, de quoi subvenir aux besoins de l’Etat, le moyen de couvrir le déficit qui se trouve dans les finances, et de supprimer, ou du moins de diminuer certains impôts qui pèsent sur le peuple, et nuisent aux affaires publiques. Telles sont les très-humbles et très-respectueuses doléances et remontrances de la communauté de Hiboux. Elle supplie Sa Majesté de les accueillir favorablement. Elle lui offre les fortunes, les biens et la vie de tous ses habitants, quoique, peu considérables, pour les consacrer à la gloire et à la prospérité de l’Etat, lui renouvelant le serment de la fidélité la plus inviolable; en foi de quoi tous les habitants présents et généralement convoqués, ne sachant écrire, ont fait leur marque, suivant l’usage, tant au présent cahier qu’au double destiné à être conservé dans les archives de la communauté, au désir du règlement de Sa Majesté. Signé Béraud, viguier ; marque du sieur François d’Amalric, maire et consul ; marque d’Antoine Espans à feu Jean ; marque de Jean Antoine Boniface; marque d’Antoine Espans à feu Louis ; marque d’Antoine Boniface d’Olliviér ; marque de Joseph Àmalric; marque de Jean-Jacques Amalric. Signé Roux, greffier. CAHIER Des plaintes et doléances des habitants du village de Rognae en Provence (1). Le seigneur du lieu de Rognae n’avait primitivement qu’environ vingt-deux livres de bien noble, et à présent il possède plus de deux cents de prétendu bien noble sans avoir litre, ce qu’il possède sans doute d’usurpations faites au préjudice du Roi, des habitants et de la communauté. En effet, il peut y avoir des atterrissements qui appartiennent au Roi, il y en a qui peuvent appartenir à l’ancien propriétaire riverain. Enfin toutes les terres que la mer délaisse, et qui servaient autrefois pour le pâturage des bestiaux, sont toutes occupées par le seigneur. Le gibier cause un dommage immense aux habitants du lieu de Rognae, et il serait à désirer que les cultivateurs puissent y remédier; les plantes de blé et autres grains sont broutées et détruites en partie, les pieds des oliviers sont rongés, les autres plantes souffrent. Il est à souhaiter que l’on permît aux administrateurs de la communauté, lorsqu’il y aurait plainte et dommage, de tendre lacs, tirasses et autres pièges, et de faire fureter pour diminuer la quantité de gibier. De plus, le seigneur de Rognae possède des biens roturiers qui, néanmoins, ne sont taillés qu’un tiers moins que les biens des habitants, ce qui ne paraît pas juste. Que les trois ordres contribuent avec égalité aux charges communes. Les fermiers des seigneurs font très-souvent gémir les habitants, lors du payement des redevances ; ils les tergiversent sur la qualité du blé, ou sur le prix. 11 serait à souhaiter que la nation assemblée délibérât de permettre aux redevables de se libérer au taux qu’elle trouverait bon de fixer. Les habitants de Rognae payent les lods au six, ce qui est exorbitant, puisque le seigneur féodal a, et perçoit de six propriétés de la même valeur que l’on vendait le prix d’une de ces propriétés ou tènement. Bien plus, il expose ceux qui possèdent des fours à cuire pain à payer un derni-lod de dix en dix ans; c’est une oppression qui n’est pas tolérable, et que cette imposition féodale doit être modérée. Le seigneur de Rognae s’empare de toutes les terres gastes, il les donne à défricher, quoique les biens appartiennent en propre aux habitants, et qu’il soit, obligé d’en laisser une telle quantité suivant la coutume de Provence; à l’effet que l’usage et faculté de dépaître ne devienne inutile pour les habitants. La communauté de Rognae est obérée au point de ne pouvoir se faire rendre justice par-devant les tribunaux ordinaires. 11 y a aussi un. quartier dans le terroir du lieu de Rognae où les habitants ont le droit d’introduire des troupeaux de chèvres, suivant l’arrêt du parlement de Provence ; cependant le seigneur moleste les habitants et les empêche de tenir des troupeaux de chèvres. La communauté supplie la nation assemblée de vouloir bien pourvoir à ces deux articles précédents. La dîme sur les grains se perçoit au douze, ce qui est un taux insupportable. Cette redevance est établie pour payer les secours spirituels; ce-(1) Nous publions ce cahier d’après uri Manuscrit des Archives de l’Empire, [Sénéchaussée d’Aix.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 400 [filais gén. 1789. Cahiers.] pendant les habitants manquent souvent de ces secours, parce que le vicaire ne réside point dans le lieu ; d’ailleurs il semble que le taux de la dîme devait être uniforme dans tout le royaume; au moyen de ce, les habitants déchargés de tous casuels quelconques. La forme d’administrer la justice est trop longue; les habitants de Rognac sont obligés souvent de se défendre consécutivement par devant trois tribunaux différents; le déplacement, Jes voyages et les frais à faire étouffent quelquefois et* souvent leurs justes réclamations; le premier tribunal de la justice devrait être supprimé, attendu l’incertitude de l’impéritie des officiers de justice et quelquefois leur non-résidence : ce qui procurerait l’avantage d’une plus prompte expédition. L’administration de la justice criminelle exige encore plus les réclamations des habitants de Rognac; le prisonnier, qui est souvent innocent, est exposé à succomber, parce que tout dépose contre lui; il n’a point de conseil pour le défendre lors de l’instruction, l’on poursuit le crime, parce qu’on est prévenu, et l’on ne s’occupe point de l’innocence; il est donc très-difficile qu’il puisse se justifier. Sauf de pourvoira d’autres articles qui peuvent intéresser la communauté ou le pays, et nous nous sommes soussignés à Rognac, le 25 mars 1789. Signé Alexis Goiran; D. Barthélemy; P. Davin ; Pierre Charrier ; Michel Yardel ; Bertrand ; C.-A. Goiran; Jacques Goiran; J. Giren; J. Jauffret; Imbert; Hilaire Jauffret; Bertrand; J. Bourrilnory, viguier. CAHIER Des très-humbles et très-respectueuses supplica-ccitions et doléances de la communauté de Rognes (1). La communauté de Rognes, mettant toute sa conlianee dans le meilleur des rois, et espérant tout de son inépuisable bonté, et de la sagesse des Etats généraux, fait au Roi et à la nation assemblée les suppliques suivantes : Art. 1er. Demande l'abolition de tous les impôts qui seront remplacés par un impôt général qui frappe également et proportionnellement sur tous les ordres, nonobstant tous privilèges ou exemptions quelconques qui seront déclarés extorqués dans des temps d’ignorance, attentatoires au droit naturel et social, et comme tels abolis à jamais. Art. 2. L’exécution plénière des édits du 8 mai dernier sur l’administration de la juslice, et la réformation du code civil et criminel. Art. 3. La suppression de toutes les justices seigneuriales qui seront remplies par des juges royaux. Art. 4. Le remboursement de toutes les charges qui ne seront plus vénales à l’avenir, et qui, dans les cas de vacance, seront remplies des sujets pris par le Roi sur un nombre déterminé présenté par les Etats nationaux, provinciaux et les assemblées des villes et cités, selon la nature des charges. Art. 5. L’abolition de tous droits de corvée et de tous autres qui vont contre la liberté naturelle; l’abolition des droits de péage et autres de cette espèce, l’extinction des droits de lods qui étaient de leur nature affectés aux frais de justice qui n’existeront plus si l’on accorde l’article 3 ci-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. devant; la faculté de racheter et s’affranchir de toute sorte de banalité, de même que des cense.s, rentes ou pensions inextinguibles sur le pied de deux et demi pour cent du revenu, pour que le propriétaire ne soit pas lésé. Le retour au Roi de tous droits de chasse comme un droit de souveraineté pour la concession aux seigneurs de fiefs très-onéreuse aux peuples. Art. 6. L’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens ; la faculté à ceux-ci, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous emplois militaires, bénéfices et charges attributives de noblesse. Art. 7. L’établissement d’un corps de marine roturière qui ne sera ni soumis ni subalterné à la marine noble, de môme qu’il ne lui cédera point en patriotisme et en valeur. Art. 8. Que toutes les lois pour le maintien des mœurs et de la religion seront exécutées comme tenant essentiellement à la prospérité et à la gloire de la monarchie. Art. 9. Que MM. les évêques seront priés de résider dans leur diocèse, et de ne point priver, par toute autre résidence, leurs troupeaux du secours de leurs aumônes et des fruits de leurs bons exemples. Art. 10. L’abolition de tous droits de dîme , moyennant laquelle chaque cité et communauté s’imposera annuellement pour payer les émoluments convenables à MM. les curés et vicaires ou tels autres prêtres exerçant des fonctions utiles, de même que pour toutes les charges et dépenses nécessaires au service divin, lesquelles charges, sur le taux anciennement fait, sont aujourd’hui trop modiques et la religion en souffre, en ce que MM. les décimateurs se refusent à augmenter les-dites charges en proportion de l’augmentation de leur revenu. Art. 1 1 . Que tous les lieux et communautés ayant des seigneurs, seront mis sous la protection du Roi/des Etals généraux et provinciaux. Art. 12. La reformation des Etats de Provence qui seront composés par une convocation générale des trois ordres delà province ; qu’il sera permis aux communes d’élire deux syndics qui auront entrée auxdits Etats ; qu’il n’y aura plus, auxdits Etats de président ni aucun membre qui ne soit point élu, et qui soit inamovible; que les magistrats seront exclus desdits Etats; que les voix du tiers-état seront égales à celles des deux premiers ordres, et qu’il sera établi, en Provence et dans tout le royaume, une égalité de contribution pour les charges locales, ainsi qu’il a été dit poulies royales. Art. 13. La rêformalion des règlements municipaux des villes, lieux et communautés, de façon que tout contribuable puisse avoir part à l’admi • nistration en raison proportionnée du plus ou moins d’intérêt qu’il a à la chose ; que l’autorité des municipalités sera un peu augmentée, et que les droits de mairie leur seront rendus. Et finalement, ladite communauté s’en réfère, pour les autres objets qui seront à l’avantage du royaume et de la province, au cahier général qui sera dressé et déterminé par l’ordre du tiers lors de sa prochaine réunion pour l’élection des députés aux Etats généraux. Telles sont les doléances de ladite communauté arrêtées dans le conseil général de tous les habitants, tenu relativement aux ordres de Sa Majesté, l’ordonnance de M. le lieutenant général en la sénéchaussée générale de la ville d’Aix, le 22 mars de l’an 1789. et se sont, tous ceux composant ledit conseil qui l’on su, soussignés après le sieur lieu-