SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N° 14 193 suplice et le crime un besoin ; comme vous enfin, nous abhorons le terrorisme, parce qu’il comprime l’esprit du peuple le consterne même, et dénature cruelement l’escence celeste de la liberté. La terreur à l’ordre du jour ne doit être autre chose que la sévérité des loix pour punir les médians et secourir les bons. L’équilibre et l’harmonie du corps social tiennent à l’existance des bonnes lois, puisée dans la nature et décrétée par la sagesse. C’est au temple de Thémis seul que l’on peut espérer reconnaître l’innocence que l’on y voit parroître avec cette candeur touchante qui n’électrise que les coeurs purs, jamais on ne l’aperçoit au tribunal de l’oppression. Elle fut toujours bannie de l’âme de ces juges corrompus et de ces Catilina modernes qui ont immolés, noyés et mittraillés tant de miliers de victimes dont les mânes crient vengeance et qui ne peuvent être appaisées que par une justice exemplaire de leurs boureaux. Nous concevons les plus douces espérances de l’énergie que vous déployés contre les enné-mis de la patrie, nous ne nous attachons point aux personnes, mais aux principes. Nous ne mettrons jamais en balance quelques hommes et la patrie. Vous êtes notre point de raliment, parce que vous êtes nos Réprésentans légitimés, nous ne souffrirons jamais qu’aucune autre autorité ait la coupable audace de rivaliser avec nous, et vous dicter des loix. Nous connaissons le prix de la liberté, nous l’avons conservée chés nous dans toute sa pureté. La race infâme des Chouans qui nous avoisine n’a pas encore osé souiller notre sol de sa présence. Avec nos foibles forces nous avons contenus les mal-veillans et maintenu dans nos foyers la tran-quilité et le feu sublime du patriotisme qui fait chérir la révolution. Oui, citoyens Représentans le peuple de Mayenne a souffert en vous bénissant et les horreurs de la famine et la calomnie des scélérats qui voulaient le perdre en dénaturant ses principes. Mais vous repondites a la confiance qu’il vous témoignait. Vous réalisâtes ses espérances, et grâce a vos soins paternels il vit encore pour vous aimer, pour servir la République et pour aider a terrasser les ennemis du bien public, les fripons et les dominateurs. Les succès de nos frères sur les frontières nous font ressentir une joie innexprimable. Il ne nous reste qu’un désir à former c’est de voir la fin de cette guère interminable, jusqu’à ce jour mal dirigée, contre les chouans et les brigands de la Vendée; c’est alors que tous les Français ne formant plus qu’un peuple de frères et d’amis, jouiront des bienfaits de la liberté et de l’égalité, en gravant dans leurs mémoires l’idée chérie de la Convention nationale. Quintoy, maire, Chevrinais, Jacquier, officiers municipaux, 11 signatures de notables et 9 sans indication de fonction. 14 La société populaire de Caen [Calvados] envoie à la Convention nationale différens arrêtés relatifs au bien public, qui ont été discutés dans son sein, elle invite la Convention d’y avoir égard et assure que c’est le résultat du voeu général. Mention honorable, insertion, par extrait, au bulletin (34). [DU BOIS DU BAIS fait lecture de l’adresse de la société populaire de Caen.] (35) [La société populaire de Caen à la Convention nationale, le 29 vendémiaire an III] (36) Représentans du peuple, Les arrêtés que nous vous adressons contiennent nos principes et nos voeux; les prémiers sont les vôtres, ils sont ceux de tous les vrais amis de la liberté, ils achèveront le bonheur de la République, et la société populaire heureuse de les avoir professés depuis longtems, saura les deffendre jusqu’à la mort ; nos voeux et nos réclamations sont ceux de la justice, les adresser à la Convention nationale c’est être assuré qu’ils seront acceuillis favorablement. Le 29 vendémiaire l’an 3ème de la république française. [Extrait des registres des séances de la société populaire et républicaine de la commune de Caen régénérée depuis le 10 thermidor, séance du 16 vendémiaire an III] (37) Un membre, après avoir parcouru les différentes époques de la Révolution et présenté le tableau de ses beaux jours actuels, a offert à l’examen de l’assemblée et à ses réflexions les questions suivantes. 1°. Quels sont les hommes qui sont réellement les ennemis du peuple, les partisans de la tyrannie et des contre révolutionnaires? 2°. Quels sont les hommes inutiles à la Révolution? 3°. Quels sont enfin ses amis, les soutiens de la liberté, de l’égalité et de la République une et indivisible? Après avoir peint les uns et les autres sous les divers couleurs qui leur sont propres ; après avoir développé leurs différents caractères et les motifs qui les animent dans les grands principes qui dirigent la Convention nationale, et qui sont saisis avec enthousiasme par le peuple pour écraser le crime, faire triompher la vertu et achever la révolution dans l’intérieur, par la félicité publique, quand les ennemis du dehors (34) P.V., XLIX, 147. Moniteur, XXII, 487-498. (35) J. Paris, n° 55. J. Fr., n° 780. (36) C 326, pl. 1417, p. 16. J. Mont., n° 31, résumé; Bull., 25 brum. (suppl.). (37) C 326, pl. 1417, p. 17. 194 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sont vaincus de toute part et fuyent avec honte devant les soldats de la liberté, la société en réunissant tous ces sentiments à ceux contenus dans l’adresse que la convention nationale vient de faire au peuple français a déclaré solemnelle-ment. 1°. Qu’en la félicitant sur sa marche rapide et ferme vers le bonheur de la République entière, elle vouoit une haine implacable et terrible à tous les ennemis de la liberté, de l’égalité, de l’unité et de l’indivisibilité de la République, sous quelques formes qu’ils se cachent ou qu’ils se montrent, soit comme par-tisants de la tyrannie, soit comme propagateurs du sistème de la terreur, soit comme dilapida-teurs des fonds publics, ou affameurs du peuple, en un mot à tous les faux patriotes, à tous les fripons et aux aristocrates qui, ennemis de la révolution par caractère, ne peuvent etre ramenés par rien aux sentiments de la liberté et de l’égalité. 2°. Qu’elle abandonne au mépris publique, cès hommes indifférents qui voyent tous les événements sans y prendre aucune part, ces modérés incapables d’énergie et de courage, qui veulent joüir des bienfaits de la Révolution, sans rien faire pour elle. 3°. Mais qu’elle embrasse et porte dans son coeur tous les amis de la vertu, de la liberté, de l’égalité et de la République, dans quelque position, dans quels lieux et dans quels états ils puissent se trouver ; que le vrai patriote est pour elle, celui qui depuis l’époque de la Révolution, marcha sans cesse, avec courage et avec calme, dans la cariere qui devait assurer la liberté du peuple, sans se briser près des écueils multipliés qu’elle a présenté; qu’elle reconnoit pour amis de la révolution, celui qui de bonne foi, consacre à son salut ce que sa position lui permet de faire pour elle ; en un mot l’homme vertueux qui ne eonnait point de sévérité au de la de celle de la loi, et de bonheur que celui de la justice, de la liberté et de l’égalité; qu’elle pardonne à l’erreur, à celui qui, revenu avec franchise de quelques égarements, a prouvé et prouvera par sa conduite et ses sentiments qu’il était fait pour partager et sentir le bonheur d’etre libre; quelle veut s’efforcer d’offrir des consolations aux patriotes qui ont été courbés sous le poids de la persécution, ainsi qu’aux victimes de la tyrannie et de la terreur, en leur faisant oublier des malheurs qui vont être effacés dans le coeur des bons citoyens, par le spectacle et la joüissance de la félicité publique; qu’elle veut ranimer le courage et l’energie du grand nombre de patriotes, longtems affaiblis par la crainte et que tout appelle aujourd’hui à une nouvelle fermeté; qu’ainsi tous réunis par les liens de la fraternité, ils oseront lever la tête, non pas avec audace, mais avec tranquilité, pour pratiquer la vertu, la protéger, affermir la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République, poursuivre partout le crime et se rallier sans cesse autour de la Convention nationale, comme le centre et la source de la prospérité et du bonheur de la République entière. 2°. La société arrête ensuitte que par une conséquence de ses principes, ses comités réunis, rassembleraient dans trois jours, les preuves et renseignements recueillis par son comité de surveillance, contre quelques uns des ennemis du peuple qui peuvent exister dans cette commune, pour être adressé sans retard au comité de Sûreté générale. 3°. Reportant un instant ses regards sur les malheurs qui ont affligés ce département, elle s’est rappellée avec douleur, un décret qui lui imprime une tache et principalement à la commune de Caen; elle a osée espérer que la Convention nationale, n’hésiterait pas à en ordonner le rapport. La société a applaudi à l’ordre de démolir un cy-devant chateau qui ne servit que de repaire à l’orgueil et à la domination et semblait avoir été élevé pour mieux asservir les citoyens de Caen, mais que sur cès débris il paraisse une colonne qui accuserait leur patriotisme, la Convention ne le permettra pas et la société a arrêté qu’il lui seroit fait une adresse pour demander le rapport du décret sur ce point. 4°. La guerre de la Vendée et les brigandages des Chouans, sont un dernier effort du crime, pour diviser la République et perpétuer l’anarchie et la guerre dans son sein ; c’est d’après ces vus perfides que cette guerre a duré jusqu’à ce jour ; c’est par les cruautés exercées sur les habitants égarés de ces campagnes, quand peut être la justice nationale eut pû ne frapper que les chefs ; c’est par le désespoir ou on les a plongés en ne leur laissant d’autres ressources que celles de se battre et d’être égorgés, que les monstrueux partisants de cès malheurs ont eu la joüissance de les voir se prolonger si longtems ; mais grâces soient rendues à la Convention nationale, aux représentants du peuple qui sont maintenant dans cès départements ravagés ; ils savent que l’homme se ramene toujours aux sentiments de la vertu par la persuasion de son mieux etre; qu’il n’est point d’erreur, d’égarement dont on ne puisse rappeller le peuple par la justice : celui de cès contrées deviendra peut-être encore digne de la liberté; il est du moins doux de l’éprouver et si cette tentative généreuse, digne d’une grande nation, n’avait pas tout le succès que la vertu en espère, les habitants du Calvados annoncent à la convention qu’ils sont toujours les memes qui marchèrent l’année dernière à la même époque pour détruire les rébelles de la Vendée. Ce qui a ête arrêté unanimement, devoir faire partie de l’adresse à envoyer à la Convention nationale. 5°. Soixante onze membres de la Convention nationale sont incarcérés depuis un an; jusqu’alors la République n’avait pu connoitre les motifs positifs de leur arrestation et la société populaire par un devoir de justice et d’humanité allait réclamer leur jugement et leur prompte mise en liberté s’ils sont innocents, quand elle a vu avec la plus vive satisfaction que la Convention avait devancé son voeu et que l’innocence alloit être consolée ou le crime recevoir la punition qui lui est due, sans éprouver plus longtems les tourments d’une détention effrayante sur la terre de la liberté. 6°. L’instruction publique devant faire dans ce moment régénérateur, un objet essentiel de SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N° 14 195 l’attention de tous les bons citoyens, il a été arrêté : 1°. Que la municipalité serait invitée d’enjoindre aux instituteurs et institutrices de cette commune, en quelque genre ils soient, de faire passer dans trois jours au comité d’instruction publique leurs noms, le genre d’instruction dont ils s’occupent, avec le nom de tous les jeunes gens qu’ils instruisent. 2°. Qu’à la séance de la société du lendemain de chaque décade, chaque instituteur ou institutrice sur l’indication de ce comité présenterait l’eleve qui se serait le plus distingué dans le cours de la décade, pour y donner un compte sommaire de son travail et recevoir par cette admission, la récompense qu’il aura méritée et donner par là de l’encouragement aux autres élèves. 3°. Que le citoyen Le Corre qui a déjà donné un cours public sur les nouveaux poids et mesures serait invité de venir en donner des instructions à quelques séances de la société populaire. 4°. Qu’il serait écrit au comité d’instruction publique de la Convention à l’effet de lui demander les moyens et les ressources nécessaires pour rendre les décades utiles, non seulement par des fêtes civiques, la célébration des grands hommes et des grands événements de la révolution, mais encore par des exercices militaires, des jeux publics, des spectacles instructifs, et autres choses capables d’éclairer les citoyens et de les attacher à la vertu. 5°. La société populaire fixant ensuitte ses regards sur la cherté massive des denrées ; sur les difficultés multipliées de s’en procurer, n’a pu s’empêcher de partager les inquiétudes de tous les citoyens sur cet objet ; elle y a vu les efforts d’un projet combiné de la part de la malveillance; et en même tems qu’elle s’efforce de tranquilliser ses concitoyens sur les conséquences funestes que les ennemis du peuple voudraient en faire naitre, mais que le génie national qui préside à la Convention saura prévenir, elle a arrêté que ses comités réunis pèseraient mûrement les moyens propres à rendre aux denrées une circulation plus active et a en faire diminuer le prix; que le résultat de leur réflexion serait envoyé à la Convention à la commission des Approvisionnements et de commerce, ainsi qu’aux administrations. 6°. Enfin elle a terminé sa délibération par s’occuper des moyens de soulager l’indigence et l’humanité et dans ce moment ou les travaux de la campagne vont cesser et rendre dans les villes surtout des bras à l’inactivité et à l’arrivée d’une saison où les besoins du pauvre se multiplient; elle a considéré qu’il était nécessaire de leur offrir du travail ; qu’un grand intérêt publique exigerait d’ailleurs l’établissement d’atteliers et de manufactures dans une commune qui présente pour cela de grands avantages ; que le comité de bienfaisance n’a pas par lui-même assés de ressources pour y parvenir avec les succès désirables; arrêté. 1°. Que pour mettre en activité les atteliers de bienfaisance désignés dans chaque section de cette commune, des négociants seraient invités de se réunir aux membres de ce comité pour seconder ces établissements, y fournir des matières premières qui leur seront remises après l’exploitation en payans de leur part le prix commun de la filature ou fabrication, sauf au comité à ajouter au profit des pauvres ce qui leur serait nécessaire pour leurs besoins audela du prix de leur travail. 2°. Que pour le compte que le comité de Bienfaisance va rendre de l’emploi des fonds qui lui ont été confié et de ce qui existe encore maintenant dans la caisse des pauvres, les citoyens aisés seront invités de venir a leur secours cette année comme ils se sont empressés de le faire l’an dernier. Séance du 18 vendémiaire. Ces différents arretés ont été pris après avoir été discutés successivement et séparément. La rédaction en a été présentée a la séance d’aujourd’hui. Elle a été approuvée et il a été arrêté qu’ils seroient imprimés et envoyés à la Convention nationale avec une adresse et aux différents comités de la Convention. Fait et arrêté en séance publique pour être signé individuellement. Bascon, président, Meville, officier de santé et 145 autres signatures. DU BOIS DU BAIS (38) : La société populaire de Caen, qui s’est toujours montrée fidèlement attachée à toutes les vertus qui caractérisent le vrai républicanisme, qui n’a cessé de prêcher dans son sein et par son exemple, l’obéissance aux lois, le respect à la représentation nationale, guerre aux tyrans et aux contre-révolutionnaires de tous les genres, indulgence pour l’erreur, sévérité pour le crime, et justice rigoureuse pour tous les citoyens indistinctement; cette société, dis-je, me charge de présenter à la Convention nationale l’extrait du procès-verbal de quelques-unes de ses séances. Il contient, citoyens, l’expression vive des sentimens qui l’animent pour la Convention nationale, seule autorité légitime et hors de laquelle, dit-elle, il n’y a point de salut; elle regarde comme ennemie de la patrie toute association qui, sous quelque dénomination que ce puisse être, contrarieroit ses travaux, et préten-droit rivaliser de puissance avec elle ; elle jure haine aux royalistes, aux aristocrates et aux terroristes; elle adhère à tous les principes de justice et d’humanité d’après lesquels la Convention nationale a pris la ferme et invariable résolution de gouverner le peuple français ; elle promet de les défendre et de les maintenir dans toute leur vigueur, au prix de tout son sang, car il ne doit jamais couler que pour et par la justice protectrice des bons et la terreur des méchans. (38) Débats, n° 782, 759-761. Moniteur, XXII, 497-498. Résumés dans J. Fr., n° 780 ; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. R. F., n° 54.