[Assemblée nationale.] 403 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 janvier 1790.] être étranger à l’Assemblée nationale de savoir si le prévôt a informé et décrété sur des faits antérieurs ou postérieurs à l’amnistie, pendant que cette affaire intéresse le parti populaire, et que son sort tient à la constitution? Quant à l’argument du rapporteur, que le prévôt a pu connaître des faits antérieurs, s’ils étaient ravivés par des faits postérieurs à l’amnistie, c’est là une clause comminatoire qui ne lui permettait pas de violer douze fois l’ordonnance de 1670, et de faire tous ses efforts pour faire avorter la révolution. Il s’élève un grand tumulte dans le côté droit de la salle. M. Briois de Beaumetz. Je demande si les faits antérieurs à l’amnistie, et qui se sont passés le 25 juillet, sont mentionnés dans la plainte portée devant le prévôt. M. l’abbé Baury. Le comité ne se croit chargé que de la cause du prévôt ; il n’a pas même vu la plainte, et je ne l’ai pas lue. M. Briols de Beaumetz. Puisque cette difficulté n’a été aperçue, ni par le rapporteur, ni par le comité, je demande qu’il soit fait un nouveau rapport. Un membre. Je propose que toutes les pièces soient remises au nouveau comité. Un membre. Je demande l’ajournement. M. Barnave. Je demande la priorité pour la motion de M. de Beaumetz. MM. üuval d’Eprémesnil, Gasalès et Maury demandent la parole. L’Assemblée décide que la discussion est fermée sur les quatre questions. L’ajournement est mis aux voix et refusé. M. Madîer de Bontjau propose la question préalable sur les trois questions qui restent. Elle est rejetée. On demande la priorité pour le nouveau rapport. M. l’abbé Baury s’avance à la tribune pour consentir à la nomination d’un nouveau rapporteur et à l’impression de son rapport. M. Duval, d’Eprémesnil s’y oppose. M. de Foucault insiste pour qu’on mette aux voix si le rapport de M. l’abbé Maury sera imprimé. La question préalable écarte cette proposition. Enfin l’on va aux voix sur la question principale, et il est décidé que l’affaire sera renvoyée au nouveau comité des rapports, avec toutes les pièces relatives, pour nommer un nouveau rapporteur. La séance est levée à minuit. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 30 janvier 1790. Réponse de M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre (1) à la dénonciation faite par (1) Cette opinion n’a pas été prononcée. La discussion fut fermée par l'ascendant de M. de Mirabeau avant M. le comte de Mirabeau, contre le prévôt de Marseille (1). Messieurs, c’est sans doute avec regret que l’Assemblée nationale enlève quelques moments au travail de la constitution pour s’occuper des affaires d’un intérêt moins universel; mais, vous a-t-on dit, le procès de Marseille n’est point une affaire particulière, c’est un procès national. Il est effectivement question de savoir, non pas si des hommes, coupables ou imprudents, seront absous ou condamnés; non pas si une procédure instruite est légitimement ou illégitimement attaquée : ces intérêts, tout grands qu’ils sont, tout importants qu’ils vous paraissent ainsi qu’à moi, ne sont cependant que secondaires dans l’affaire qui vous occupe. Il s’agit de savoir si la trace des complots les plus funestes, de ces complots dont les nombreuses ramifications s’étendent par toute la France, et dont les explosions fréquentes exposent également la constitution, la liberté et la tranquillité publique; il s’agit, dis-je, de savoir si cette trace sera perdue ou conservée, et si les nombreuses dépositions existantes seront ou ne seront pas remises dans des mains ou corrompues ou trop faibles pour les soustraires aux entreprises des ennemis publics. C’est sous ce point de vue qu’il serait important d’examiner cette affaire. Cependant je ne négligerai aucun des arguments que m’a paru présenter le plaidoyer du préopi nant; je tâcherai, autant que ma mémoire me le permettra, de les rappeler et de les combattre. Les objections de M. de Mirabeau se rangent toutes dans deux classes. Il a voulu armer votre justice contre le prévôt de Marseille; il a voulu bien plus souvent émouvoir votre pitié en faveur des accusés. Je vais suivre les moyens dont il a appuyé, je ne dis pas la dénonciation des députés de Marseille, car ces députés n’ont rien dénoncé; je ne dis pas la dénonciation de la ville de Marseille; car la ville de Marseille n’a rien dénoncé; mais je dis la dénonciation que vous a faite, lui, M. de Mirabeau ; dénonciation qui est la troisième que vous ayiez entendue, et la première qu’il veuille bien suivre. Premier grief. Le prévôt de Marseille, a dit l’honorable membre, a instruit sur des faits antérieurs à l’amnistie accordée, et cependant sa commission est postérieure à cette amnistie. — Nous répondons que le fait n’a jamais été prouvé; aucun des décrétés ne l’a été que pour des faits postérieurs. Que dans les dépositions des témoins que le prévôt ne pouvait tronquer, il ait été question des faits antérieurs, cela est possible; mais ce ne pouvait être qu’au moment du jugement, que ce prévôt, qui n’avait pu s’interdire les questions directes ou indirectes qui pouvaient jeter de la lumière sur la procédure, devait les motiver, et que l’on pouvait prononcer si les instructions du prévôt de Marseille étaient antérieures ou postérieures à l’amnistie. Second grief. On reproche au prévôt d’avoir abusé des lettres que j’obtinsse la parole. Les calculs de cet homme célébré semblaient alors l’avoir conduit à désorganiser la Provence. Pourquoi faut-il que la Providence nous l’ait enlevé lorsque peut-être ces mêmes calculs le ramenaient à vouloir réorganiser la monarchie ? (1) Cette opinion de M. de Clermont-Tonnerre n’a pas été insérée au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 janvier 1790.] 404 que le sieur Chompré écrivait de confiance à son épouse. Le respect le plus inviolable est dû aux correspondances confidentielles, et si le juge avait établi son décret de prise de corps sur les faits contenus dans ces lettres, le juge pourrait être accusé ; mais ici rien de semblable. Le sieur Chompré est prévenu de délits graves, il est décrété de prise de corps ; la recherche, la saisie et l’apport de ses papiers sont ordonnés; une correspondance qui porte bien véritablement le nom de madame Chompré sur l’adresse, mais qui ne contient que des détails politiques, des invitations à la résistance ou à l’activité, dont plusieurs passages ne peuvent naturellement s’adresser à la dame Chompré, une telle correspondance est trouvée, saisie, jointe au procès. Ou n’a encore assis sur cette correspondance ni décret, ni jugement ; on fait au prévôt un crime de s’en être emparé ; qu’aurait-on donc fait si les papiers d’un prévenu, d’un décrété, eussent échappés à sa vigilance ? Ces lettres en elles-mêmes peuvent n’être pas un délit, mais elles peuvent devenir un indice, on n’a pas dû les négliger. A ces reproches on en ajoute de plus directs, on accuse le grand prévôt d’avoir violé vos décrets. Troisième grief. Le prévôt a violé le décret du 5 décembre, rendu sur la motion de M. de Mirabeau ? Que portait le texte de ce décret ? Il ordonnait qu’il serait provisoirement sursis à l’exécution de tout jugement en dernier ressort et arrêts rendus dans la forme ancienne par quelque tribunal ou cour de justice que ce soit, postérieurement à l’époque où le décret parviendrait à chaque tribunal. Il ne s’agit pas de savoir si M. de Mirabeau a voulu ou non que ce décret fût applicable ; mais il s’agit de savoir s’il l’est, en effet, au jugement dont il est question. Il s’agit, Messieurs, d’une sentence de débou-tement sur une récusation de juge. Cette sentence est-elle ou n’est-elle pas dans le cas du décret ? Le décret du 8 octobre décide la question, s’il ne supprime point les formes anciennes : or, en parcourant les articles de ce décret, je n’y vois aucune mesure, comme clause relative aux récusations et aux sentences de déboutement; donc l’ordre commun subsiste à cet égard. L’objection de M. de Mirabeau tombe, et l’on ne peut pas reprocher au prévôt de n’avoir pas recommencé une partie de procédure, au mode de laquelle l’ordonnance nouvelle n’a rien changé. J’observe encore que même en admettant le système de M. de Mirabeau, il faudrait que la sentence de déboutement eût été prononcée postérieurement à l’époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal. J’observe que votre décret du 8 octobre n’a été enregistré que le 4 novembre au Parlement d’Aix, parce qu’il était en vacance; fine l’a été que le 10 novembre à la sénéchaussée de Marseille, et le jugement du prévôt a été rendu le 27 octobre. Quatrième grief. Les accusés ont demandé la communication de la procédure, communication ordonnée par vos décrets des 8 et 9 octobre. Cette communication leur a été formellement refusée. Rétablissons les faits. — Le procureur du Roi a dit : Vu la présente requête, je requiers qu’il sera poursuivi sur les fins d’icelle en l’état ainsi qu’il appartient. Le prévôt général a dit : Il sera poursuivi en l’état ainsi qu’il appartient. Ces réponses sont-elles un déboutement ou un simple retard ? Les accusés les ont prises pour un refus. Le prévôt soutient qu’il n’a voulu ni pu se permettre qu’un sursis. Je ne cherche point à m’expliquer une langue que j’espère que nous désapprendrons bientôt ; j'avoue cependant que le mot : il sera poursuivi en Vétat, m’avait au premier coup d’œil présenté un sens équivoque; mais en rapprochant la sentence du juge du réquisitoire du procureur du Roi, dont elle n’est que la confirmation, j’ai trouvé dans celui-ci les mots : sur les fins d'icelle, qui m’ont expliqué les premiers. 11 est évident que les fins d’icelle requête ne sont autres que la communication demandée ; qu’on ne poursuit plus sur les fins d’une requête dont on déboute, et que tout ce français barbare n’est autre chose qu’un délai entre la présentation de la requête et la réponse qu’on y fera. Je vois, dans des lettres du prévôt, que les lieutenants criminels des principales villes de Provence, et notamment les juges d’Aix , Marseille et Toulon, ont entendu ces mots dans le sens où il les explique. Le prévôt n’a donc pas refusé, mais il a sursis à l’exécution de vos décrets. Mais, dlt-on, tout sursis, tout retard à l’exécution de vos décrets est un véritable délit. C’est dans cette nouvelle hypothèse que j’examine sa conduite. S’il avait cherché, dans des raisonnements étrangers au texte de vos décrets, des motifs pour retarder; quelque forts, quelque péremptoires que puissent être ses raisonnements, le prévôt ne pourrait sans doute prétendre à votre indulgence; mais, Messieurs, c’est dans votre décret même que le prévôt de Marseille a cru trouver le motif du sursis dont on veut lui faire un crime. Votre décret contient deux clauses t par l’une, vous ordonnez la communication de la procédure ; par l’autre . vous exigez que l’accusé prête son interrogatoire dans les 24 heures qui suivent cette communication ordonnée. Le prévôt a vu dans cette seconde clause, une précaution sage contre l’inconvénient qui résulterait d’une combinaison, d’une préparation plus réfléchie dans les réponses des prévenus. La procédure de Marseille embrassant un très-grand nombre d’accusés, dont plusieurs, ou contumaces , ou à un point d’instruction moins avancé que les détenus , ne pouvaient être soumis à l’interrogatoire dans le délai fixé par votre décret; on a cru; on a dû croire qu’il fallait attendre que la procédure fût au point où tous les accusés pussent être ouïs dans les 24 heures de la communication à eux faite, et où les contumaces fussent eux-mêmes assez avancés pour que la procédure à faire contre eux ne retardât point celle qui avait les détenus pour objet. Voilà, Messieurs, la difficulté que s’est faite le prévôt de Marseille ; il l’a communiquée au chef de la justice ; il s’est borné à un simple sursis; il n’a prononcé aucune condamnation ; il s’est tenu en mesure d’exécuter votre décret, il n’est nullement répréhensible, Cinquième grief . Sur une simple dénonciation qui n’a point été 405 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 janvier 1790.] communiquée au prévôt, à laquelle il n’a fourni ni pu fournir de réponse, vous avez pris un dé ¬ cret qui renvoie à la sénéchaussée de Marseille la procédure qu’il instruit, et au mépris de ce décret, le prévôt, vous a-t-on dit, poursuit encore sa procédure. Je le demande à l’honorable membre qui s’est permis ce reproche, est-ce sérieusement qu’il a pu le faire? A quoi doit obéir un juge dans l’exercice de ses fonctions sacrées ? Il ne doit sans doute obéir qu’aux lois du royaume. Or, Messieurs, votre décret n’est nas sanctionné, votre décret n’est pas une loi du royaume ; un juge ne peut à son gré obéir à de simples considérations, et quelque respect que l’on doive à vos désirs, à vos intentions connues, on ne leur doit, en matière de législation, l’obéissance que lorsque, par la sanction royale, elles sont devenues des lois. J’observe à ce” sujet que ce n’est pas sans une sorte de surprise que j’ai appris par le préopinant qu’un particulier avait porté en Provence une copie de ce décret, une expédition de ce décret, légalisée par votre président et vos secrétaires. Je demande comment on a pu, comment on a voulu donner une forme authentique, une prétendue forme légale à un décret que vous présentiez à la sanction et qui ne l’avait pas encore reçue? Voilà* Messieurs, j’ose le dire, un véritable attentat contre la constitution : envoyer dans une ville agitée un décret de l’Assemblée nationale, avant qu’il ait acquis l’état d’une loi, c’est exposer cette ville à la plus dangereuse des erreurs. Je vous le demande, Messieurs, si cette opinion publique, dont M. de Mirabeau ne cesse de menacer le tribunal du prévôt, si cette opinion, égarée par le décret, eût excité des violences ; si le prévôt, si les troupes, exposés à des insultes d’autant plus graves, à. des entreprises d'autant plus opiniâtres que ce qu’on croyait la loi semblait les autoriser ; si, dis-je, le prévôt et les troupes eussent opposé la résistance à la force, s’il en fût résulté des malheurs ou des forfaits, sur qui serait retombée la faute? A qui eussiez-vous demandé compte de ces excès, si ce n’est aux auteurs de l’envoi insidieux d’une pièce irrégulièremenl légalisée? Sixième grief. Aux griefs que j’ai parcourus, le préopinant ajoute une inculpation générale sur les principes du prévôt. Je pourrai peut-être dire que c’est d’après la procédure, et non d’après les opinions du juge qu’il faut juger un tribunal ; et me renfermant dans la rigueur du principe, il me serait permis sans doute de ne pas vous prouver que le sieur Bournissac, dont l’espèce de profession de foi vous a été si vivement dénoncée, n’a pas réellement articulé des principes subversifs de la constitution française; j’observerai seulement que la défaveur que ce détail d’opinions a excitée, tient uniquement au sens vague que paraît présenter le mot de délit. Certes ! si le mot de délit ne s’attache qu’aux crimes capitaux, cette énumération pourrait vous sembler étrange; mais s’il y a entre les délits une graduation connue, si le mot délit s’applique à tout acte répréhensible aux yeux de la loi ; si de même le mot autorité s’applique à tous les agents légaux de la loi ; il est impossible de trouver sérieusement un crime ni une erreur dans les principes du prévôt. Il n’y a que deux états de choses, ou la loi existante, ou point de loi. Et si l’empire des circonstances avait permis que les autorités anciennes, toutes vicieuses qu’elles étaient, subsistassent sans atteinte jusqu’au moment où elles étaient tombées devant la loi nouvelle, véritable et unique organe de la volonté nationale, nous aurions à gémir de moins de maux. Septième grief. On a cherché des crimes au prévôt général jusque dans ses conversations particulières. Le même orateur qui s’était fortement élevé contre l’abus des lettres confidentielles, vous a dénoncé la conversation confidentielle du prévôt avec le sieur Jourdan. On blâme avec raison le sieur Bournissac d’avoir dit : L’autorité de l’Assemblée nationale est sans principes ; on loue le sieur Jourdan d’avoir ajouté : et sans bornes. Je ne puis, quant à moi, accorder aucun poids, aucune importance à une conversation fugitive qui n’est constatée que par la lettre d’un particulier intéressé ; mais s’il faut dire mon opinion, je soutiens que les deux interlocuteurs ont également une idée fausse sur l’autorité de l’Assemblée; elle repose sur des principes inébranlables, mais ces mêmes principes en ont posé les bornes, et vous ne les méconnaîtrez jamais. Je crois, Messieurs, avoir suffisamment répondu à tous les reproches faits au prévôt général ; j’ajoute une réflexion simple, c’est que je n’ai puisé mes réponses que dans les objections mêmes ; c’est que depuis trois mois le prévôt général a successivement détruit toutes les anciennes objections, à mesure qu'elles lui ont été communiquées ; c’est que toutes les objections nouvelles ne sont appuyées que sur des lettres missives ou des faits contestés ; c’est qu’enfin, quand même mes raisons ne seraient pas satisfaisantes, on aurait encore tort de condamner le prévôt de Marseille sans l’entendre, et que, dans l’état actuel, le décret qui condamnerait ce magistrat, serait un véritable arrêt sur requête. M. de Mirabeau n’a rien oublié, n’a rien épargné pour émouvoir ses auditeurs en faveur des accusés qu’il a défendus. J’ai partagé la juste sensibilité de l’Assemblée, lorsque cet honorable membre lui a peint les exécuteurs d’un décret cherchant impitoyablement le décrété près du lit de mort de son épouse agonisante ; mais la sensibilité ne saurait l’empêcher d’être juste. On ne peut accuser le juge de la manière dont s’est exécuté son décret, et la loi, forcée de détourner les yeux de cette scène attendrissante, ne peut faire acception ni de lieu ni de personne. Je me dispenserai de répondre à ce qu’a dit M. de Mirabeau, lorsqu’il a positivement assuré que cette affaire allait prendre une nouvelle face, et qu’au lieu d’avoir à punir les accusés, on aurait à récompenser leur patriotisme : la procédure prouvera le mérite de cette assertion ; mais M. de Mirabeau est bien loin de l’avoir démontrée. Il lui serait sans doute difficile d’établir que les hommes qui s’attroupaient à la porte d’un libraire, pour signer et faire signer aux passants un papier que le sieur Hétard, un des témoins, a dit être une adresse à M. de Mir... père du peuple ; que les hommes qui arrêtaient les enfants de 6 à 7 ans pour les faire signer, et qui signaient pour ceux qui ne savaient pas écrire, méritassent les éloges de l’Assemblée : il lui serait difficile d’établir que les particuliers, qui ont fait afficher des placards séditieux, que ceux qui ont fait courir dans les districts aes billets contenant leurs noms pour faciliter leur 406 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1790.] élection, méritassent véritablement les éloges de l’Assemblée nationale, parce qu’elle sait, comme tout le monde, que toute liste, que tout billet colporté flétrit également les électeurs et l’élu. Sous quelque face qu’il ait présenté l’affaire de la Tourette, quoiqu’il vous ait dit que la garde nationale n’y a trouvé que des enfants et quelques ouvriers qui travaillaient, il lui sera difficile d’empêcher que l’on ne trouve plus probable l’assertion de ceux qui disent qu’il y avait un attroupement considérable, attroupement indiqué et prévu par un placard ; que la garde nationale a été insultée ; qu’il y a eu des coupa de fusil de tirés de part et d’autre ; qu’il y a eu près de 40 hommes de blessés ; que des' gardes nationales ont été insultées et leurs uniformes arrachés; tous faits décidément improbables, s’il n’y avait eu que des enfants et quelques ouvriers sur la place. Messieurs, nous n’avons pas à juger les détenus et leurs délits ; nous avons à juger uniquement la conduite du prévôt général, et nous avons à décider s’il s’est rendu incapable ou indigne des fonctions dont il est chargé. J’ai détruit les reproches qu’on lui faisait ; je conclus qu’il ne mérite point d’être inculpé et qu’il faut lui laisser suivre la procédure qu’il a commencée. Mais ce parti n’a-t-il aucun inconvénient ? lui livrerons-nous la vie et les personnes des accusés ? La justice le permettrait sans doute, mais 'e ne vous proposeras même tout ce que permet a justice. Je sens de quel poids doivent être les (soupçons même mal fondés lorsqu'ils environnent un tribunal ; je veux désintéresser ceux qui se laissent entraîner à ces alarmes. II me suffit que les preuves ne dépérissent pas, que le cours de la procédure ne soit point interrompu, que nous puissions enfin savoir ce qu’il importe tant que l’on sache... Les délits de Marseille doivent être classés parmi les crimes de lèse-nation. Les flatteurs du peuple, les séducteurs du peuple, sont aussi ses ennemis ; ce sont même les ennemis les plus dangereux pour des Français. Ils n’ont plus à se défendre du despotisme avec lequel ils sont devenus incompatibles, mais ils ont encore à redouter les prestiges que leur présentent les apôtres de la licence, qui se couvrent du titre respectable d’amis de la liberté. On a dit dans la tribune de l’Assemblée .- Pourquoi le pouvoir exécutif avait-il nommé ce prévôt t que voulaient les ministres quand ils soutenaient, quand ils refusaient leur sanction aux décrets des souverains législateurs de la nation ? Nous répondons : Pourquoi dans un moment où les juges anciens ne sont plus, et où les juges nouveaux ne sont pas encore, s’obstine-t-on à attaquer la seule juridiction qui puisse réprimer les malfaiteurs ? Pourquoi, à l’occasion des prétendus délits d’un prévôt, vous proposait-on de confiance, de détruire toutes les juridictions pré-vôtales ? Qu’est-ce que la constitution, si se renfermant dans les bornes qu’elle lui a prescrites, le monarque ne peut pas refuser sa sanction à un décret dont l’effet immédiat aurait été l’introduction de l’anarchie dans Marseille, et la destruction de toutes les preuves qu’il est si important de conserver ? Enfin, qu’est-ce que cette harmonie, cette union qui doit subsister entre les pouvoirs constitutionnels, si l’on vous présente comme un tort la lenteur respectueuse des ministres qui ont pesé 15 jours les observations dilatoires ou négatives que leur conscience les forçait d’opposer à votre décret ? Je m’arrête et je conclus : il n’y a point lieu à inculper le prévôt ni à le dépouiller de son attribution. Il est utile, convenable, conséquent à vos décrets, d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du prévôt de Marseille. Dans ces circonstances, je propose le décret suivant : L’Assemblée nationale décrète que le décret du 8 décembre sera rapporté. Que le prévôt général de Marseille sera tenu de se conformer scrupuleusement aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, et le déclare responsable de toutes les violations qui pourraient y être faites dans le cours de la procédure; lui enjoint de la poursuivre jusqu’à jugement définitif. Ordonne qu’il sera sursis à l’exécution desdits jugements, et que copie de la procédure et desdits jugements sera envoyée à M. le garde des sceaux, et remise au comité des rapports. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TARGET Séance du lundi 1er février 1790 (1). M. le chevalier de Boufflers , l'un de MM. les secrétaires , donne lecture des procès-verbaux des deux séances du-samedi 30 janvier. M. Ulry représente, relativement au décret concernant la division du département du Bar-rois, qu’il ne doit pas être fait mention, dans le procès-verbal, de l’Ecole nationale en faveur de la ville de Lignv. L’Assemblée ordonne la rectification de cette erreur. Un membre demande d’ajouter à l’article 4 du décret sur les finances : « receveurs-généraux et particuliers. » Un autre, de mettre après le mot cautionnement « ou finances. » L’Assemblée admet ces deux propositions. M. le Président annonce que le résultat du scrutin, pour le nouveau président, n’a pas donné la pluralité absolue; que sur 694 votants, M. Bureaux de Pusy a réuni 331 suffrages; M. le baron de Menou, 328; et que 35 voix ont été données à d’autres membres de l’Assemblée. M. Target continue à présider l’Assemblée conformément au règlement. Les secrétaires choisis sont MM. Guillotin, de Marguerittes et de LaCoste. M. le Président rend compte à l’Assemblée que Sa Majesté sanctionne ; 1° Le décret du 23 janvier, concernant la contribution aux décimes pour les six derniers mois de 1789; 2° Le décret du 28 janvier sur le paiement des droits d’aides de toute nature, et autres droits y réunis, même pour les ci-devant privilégiés ; 3° Le décret du même jour, concernant les juifs portugais, espagnols ou avignonais; 4° Le décret du 26 janvier, portant renonce-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.