153 SEANCE DU 8 VENDEMIAIRE AN III (29 SEPTEMBRE 1794) - Nos 60-61 suite de leurs charrues, à la tête de leurs troupeaux, porter une houlette, un sabre et des livres. Il faut de même que le Français sache se gouverner, se nourrir et se battre. Tandis que l’orgueil des despotes élève des palais cimentés par le sang et les larmes de ceux qu’ils nomment leurs sujets, vous vous occupez d’établissements propres à faire naître le bonheur dans les chaumières. Au milieu des tourmentes révolutionnaires, il est beau d’ouvrir des asiles à l’industrie, le plus industrieux sera toujours le plus libre. C’est donc calculer en politique que d’ôter tout prétexte à l’ignorance, à la fainéantise, et de faire en sorte que rien ne soit à meilleur compte que la science et la vertu. Grégoire lit un projet de décret; la Convention en ordonne l’ajournement et l’impression du rapport (87). 60 OUDOT : Le citoyen Valton a été pendant 25 ans comme homme de service chez un ci-devant secrétaire du tyran, nommé Paul Boucher, qui est mort sans lui laisser de récompense. Saint-Moris, ci-devant conseiller au Parlement, a fait en 1780 une pension rémunérative de 547 livres à Valton pour les services rendus à son oncle. Saint-Moris est émigré, et le département de Paris a refusé d’en payer les arrérages, sous le prétexte que l’acte de constitution de pension, quoique authentique, n’avait point été insinué, conformément à l’ordonnance de 1731. Cette loi déclare en effet nulles les donations qui n’auront pas été insinuées dans les 4 mois ou pendant la vie du donataire. Saint-Moris étant plus jeune que Valton, celui-ci s’est cru dispensé de faire remplir la formalité de l’insinuation; il a touché jusqu’à l’émigration de Saint-Moris les arrérages de cette pension. Mais le département ne voulant pas liquider cette pension, ni reconnaître la validité de l’acte, Valton s’est pourvu à la Convention. Sa pétition a essuyé plusieurs renvois de comités à d’autres. Nous ne croyons pas devoir faire plus longtemps attendre au pétitionnaire la justice qui lui est due. Il est plus que sexagénaire, il est estropié, il n’a que cette pension pour vivre avec sa femme; il lui est dû plusieurs arrérages, et il a fait plusieurs voyages longs et pénibles pour terminer cette affaire. Ce serait une mauvaise objection à lui opposer que de prétendre que Saint-Moris est mort civilement, et qu’aux termes des anciennes (87) Moniteur, XXII, 118-122. Débats, n° 738, 105; Ann. R. F., n° 9; Ann. Patr., n' 637; C. Eg., n” 722; F. de la Ré-publ., n” 9; Gazette Fr., n° 1002; J. Fr., n” 734; J. Mont., n° 153; J. Paris, n° 9; J. Perlet, n° 737; J. Univ., n° 1774; Mess. Soir, n" 772; M. U., XLIV, 122-123; Rép., n” 9. lois Valton ne peut plus être admis à faire insinuer son acte. Elle serait même injuste, si l’on considère que la nation regarde les émigrés comme vivants pendant 50 ans, et qu’elle profite de toutes les successions qui lui arrivent pendant cet espace de temps. La Convention ne peut donc les considérer comme morts, lorsqu’il s’agit de payer des dettes légitimes. Ici il ne peut y avoir de soupçon de fraude puisque l’acte est notarié; il est fait en 1780, et pour cause rémunératoire. La loi du 28 mars porte que les dispositions, les pensions rémunératoires, faites en faveur des instituteurs, nourrices, domestiques, pour service antérieur au 9 février 1792, sont confirmées. Votre comité a cru, d’après cette loi, que vous n’hésiteriez pas à adopter le décret suivant (88). Sur le rapport d’un membre du comité de Législation, la Convention décrète : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition du citoyen Valton, tendante à réclamer une pension qui lui a été constituée par l’émigré Saint-Moris : Considérant que cette pension a pour cause 25 ans de services rendus par le pétitionnaire à un parent du même Saint-Moris, dont celui-ci étoit héritier ; confirme l’acte de constitution de cette pension créée au profit du citoyen Valton le 21 juillet 1780, quoique cet acte n’ait pas été insinué conformément aux anciennes lois; ordonne, en conséquence, que les arrérages échus lui en seront payés sur-le-champ. Le présent décret ne sera point imprimé (89). 61 OUDOT : Vous avez déjà décidé que les commissaires et entrepreneurs de roulage n’étaient point assujettis à faire de déclaration ni d’affiche des marchandises qui sont déposées momentanément chez eux, et qui n’y sont que pour être envoyées à leur destination. Vous avez décidé cette question, le 5 fructidor, sur la pétition de François Edeline, en cassant un jugement qui condamne ce particulier à la peine de fers. Il y a cependant des autorités constituées qui semblent vouloir étendre encore les dispositions de la loi du 12 germinal aux rouliers et aux entrepreneurs de messageries. Le 6 prairial dernier il y a eu un procès-verbal de saisie fait, par les commissaires aux accaparements de la section des Amis-de-la-Pa-trie, chez le citoyen Bricard fils, commission-(88) Moniteur, XXII, 112. (89) P. V., XLVI, 166-167. C 320, pl. 1328, p. 27, minute de la main de Oudot, rapporteur. Moniteur, XXII, 113; Débats, n° 738, 104. 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE naire pour le roulage, sous prétexte de défaut de déclaration et d’affiche. Ce citoyen se pourvoit à la Convention pour faire prononcer la cassation de cette saisie. Nous avons pensé que, dans l’ordre hiérarchique, c’était au directeur du juré d’accusation à casser un semblable procès-verbal. Nous avons donc cru qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur cette pétition. Cependant, pour qu’à l’avenir on ne saisisse point les marchandises qui sont expédiées, et qu’on n’entrave pas ainsi le commerce, nous avons cru qu’il fallait déclarer, par un article précis, que les citoyens qui font le roulage ne sont pas compris, pour les marchandises qu’ils ont en transit, dans la loi du 12 germinal, parmi ceux qui sont assujettis à la déclaration et à l’affiche. Voici le projet de décret (90). Le même rapporteur [OUDOT] propose et la Convention décrète : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la lettre de la commission du Commerce et approvisionnemens de la République, relative à la pétition d’Antoine-François Bricard, entrepreneur et commissionnaire de roulage, qui se plaint de ce que le commissaire aux accapare-mens de la section des Amis-de-la Patrie a fait une saisie de différentes marchandises adressées chez lui pour les faire parvenir à leur destination, sous prétexte qu’il n’en avoit point fait de déclaration, conformément à la loi du 12 germinal; Considérant que les entrepreneurs de messagerie, les commissionnaires qui font le roulage ne sont point assujétis à la déclaration ni à l’affiche prescrites par la loi du 12 germinal, pour les marchandises qu'ils expédient, mais qu'il est nécessaire de ne laisser aucun doute sur ce point; Considérant, d’ailleurs, que dans l’ordre hiérarchique des pouvoirs, c’est au directeur du juré d’accusation à casser une saisie qui auroit été faite sans être fondée sur une disposition précise de la loi, décrète : Article premier. - Il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition d'Antoine-François Bricard. Art. II. - Les commissionnaires et entrepreneurs du roulage ne sont point compris dans la loi du 12 germinal, parmi ceux qui sont assujétis à faire la déclaration et l'affiche des marchandises déposées chez eux en transit (91). (90) Moniteur, XXII, 112; Débats, n° 738, 104-105. (91) P.-V., XLVI, 167-168. C 320, pl. 1328, p. 28, minute de la main de Oudot, rapporteur. Moniteur, XXII, 112; Débats, ti 738, 105; J. Fr., n“ 735; M. U., XLIV, 139. 62 Un secrétaire donne lecture d’une lettre du représentant du peuple Sautereau, relative au général Tuncq; il instruit la Convention que les corps constitués l’ont fait sortir de Rouen, sous prétexte qu’étant destitué, il n’est qu’à 18 lieues de Paris. Sur la motion d’un membre, la Convention décrète le renvoi de la lettre aux comités de Salut public et de Sûreté générale pour examiner les motifs de destitution, et l’insertion au bulletin (92). On donne lecture d’une lettre du représentant du peuple, à Rouen, qui annonce que le général Tuncq, mis en liberté après une longue détention, s’était, aux termes de la loi qui ordonne aux officiers destitués de se retirer à vingt lieues de Paris, réfugié avec sa femme et ses enfants dans la chaumière de sa mère. Une modique rente de 400 livres, que possède cette mère, était la seule ressource de toute cette famille. Tuncq vient d’être obligé de quitter cette retraite, parce que la municipalité lui a prouvé qu’elle n’était distante de Paris que de dix-huit lieues et demie. Ce brave militaire, qui a rendu de si grands services dans la Vendée, est maintenant en proie à tous les besoins, sans asile et sans ressources (93). THIBAULT : J’ai vu Tuncq; il n’est pas un républicain dont le cœur ne fut vivement ému, s’il voyoit à quelle extrémité cet officier est réduit : on le chasse de partout, et cela sur les plus futiles prétextes; il n’a été destitué dans le temps, que parce qu’on vouloit mettre Rossignol à sa place; on l’a dénoncé ici, mais on n’a jamais produit contre lui les preuves qu’on avoit annoncées ; je demande que le comité de Salut public examine la conduite de ce général, et ensuite, si ce comité pense qu’il puisse encore servir la République, qu’il lui soit donné de l’emploi (94). 63 Un membre donne des renseignemens sur la guerre de la Vendée, et désigne Carrier comme ayant permis des atrocités. Carrier monte à la tribune, et, après avoir donné des explications pour repousser les inculpations, il annonce qu’il a son rapport prêt, qu’il va livrer à l’impression, à moins que l’assemblée ne désire l’entendre à l’instant. Il ajoute qu'on y verra qu’il est à l’abri de reproches. (92) P.-V., XLVI, 168. (93) Moniteur, XXII, 113. (94) Débats, n° 738, 106. Résumé dans Ann. R. F., n° 9; Ann. Patr., n° 637 ; C. Eg., n° 772; F. de la Républ., n” 9; Gazette Fr., n° 1002, 1003; J. Fr., n" 734; J. Paris, n° 9; J. Per-let, n” 736; Mess. Soir, n 772; M. U., XLIV, 123; Rép., n° 9.