5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [6 juin 1791. | juré, aura commis le crime pour lequel il est poursuivi, avant l’âge de 16 ans accomplis, les jurés décideront, dans les formes ordinaires de leur délibération, la question suivante : Le coupable a-t-il commis le crime avec ou sans discernement? » M. Carat aîné. Cet article me paraît absolument impossible; car, ou la preuve résultera de l’instruction du procès, ou non. Si elle en résulte, cette hypothèse rentre dans les hypothèses générales où les jurés auraient à décider de la moralité de l’action, et si elle est excusable ou non. Y a-t-il dans l’action un défaut de discernement? Alors la preuve vous l’abandonnerez aux jurés. Et où rechercheront-ils la preuve du discernement? Dans l'âme du coupable reconnu : elle est fermée à leurs yeux. Quoi de plus arbitraire, quoi de moins raisonnable. le demande que cet article soit écarté par la question préalable. M. Legrand. Le préopinant oublie absolument que l’institution des jurés n’est autre chose qu’un tribunal de conscience ; le préopinant veut toujours oublier que les jurés jugent, non par la masse calculée des preuves, mais par leur conscience, si l’accusé est coupable ou non ; le préopinant veut toujours oublier que le juré peut dire que tel coupable est excusable. D’après cela, il y a parité de raison à ce que, dans le cas proposé par votre article, le juré décide si tel coupable peut être excusé par le défaut de discernement. M. L« Pelletier de Saiait-Fargeau, rapporteur. C’est de l’ensemble du fait, c’est de la manière dont l’enfant se défend, que les jurés peuvent véritablement répondreen conscience sur cette question : L’accusé a-t-il ou non commis son crime avec discernement? M. llaloiiet. Vous oubliez, Messieurs, que les jurés n’auront de renseignements, sur la moralilé de l’action, qu’au moment de l’interrogatoire. Ainsi, il dépendra de la volonté ou de l’asluce d’un jeune homme de 16 ans, de paraître dépourvu de discernement; et alors, pour peu que ses conseils l’aident à jouer le rôle d’un imbécile ou d’un homme dépourvu de discernement, les jurés seront obligés de déc!arer sur leur honneur. Si, cependant, 15 ans, 11 mois et 29 jours avant de paraître devant les juré-g il était, dans toute la force du terme, un très mauvais sujet, je ne conçois pas que vous proposiez de prononcer son absolution. Je n’entends pas le principe d’après lequel vous proposez un tel article; je demande pourquoi vous n’avez pas adopté, pour l’instruction du juré, l’enquête préalable sur la vie et mœurs de l’accusé; je conclus donc, comme M. Garat, à la question préalable sur l’article; et cependant, je trouverai très raisonnable de modifier les peines, en raison de la jeunesse de l’accusé. Votre article m’a paru très moral, j’en aime l’intention. M. Le Pelletier de Saint -Fargeau, rapporteur. Il me semble que le préopinant n’a pas saisi la rédaction de l’article. Certainement le cqmité aurait commis une grande faute, s’il avait dit que les jurés, d’après les réponses de l’enfant, pourront l’absoudre; mais il a dit ; Les jurés décideront, non pas seulement sur les réponses de lVnfant, mais sur le fait, mais sur la procédure, mais sur ce que diront les témoins, sur la manière dont le fait s’est passé, si l’enfant a du discernement oui ou non. Voici un fait dont malheureusement j’ai été juge. Un enfant âgé de 11 ans, tils d’un boucher, étant en querelle avec sa sœur, elle lui donna un soufflet : les deux enfants, dans ce raoment-là, étaient sur le bord d’un ruisseau à garder un troupeau. Le jeune homme de il ans dissimule, quitte sa sœur sans apparence de dépit. Il s’eu va à la boutique de son père, pr nd un couteau de boucher, revient trouver sa sœur et lui dit : « Regarde un poisson qui passe dans l’eau. » Dans l’instant où sa sœur se baisse, il lui enfonce dans la poitrine le couteau. Il retire le couteau, jette sa sœur la tête la première dans l’eau, avec le plus grand sang-froid, lave son couteau et s’en retourne tranquillement clans la maison de son père. Il est certain que quand bien même l’enfant aurait joué l’imbécillité la plus marquée, les témoins qui auraienl rendu compte aux jurés de ces circonstances atroces, n’auraient pas pu laisser de doute au juré sur cette triste certitude que l’enfant avait commis avec discernement un grand crime. C’est donc dans les circonstances du fait, mais non pas uniquement dans les réponses de l’enfant qu’il faut chercher si le crime a été commis avec discernement. M. llalouet. Vous avez un article général qui dit : « Les crimes qui doivent être excusés... » Ainsi celui que vous proposez est inutile. (Murmures.) J’insiste sur la question préalable. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’article 1er qui est ensuite nais aux voix et adopté.) M. Le Pelletier de Saint -Fargea il , rapporteur, donne lecture des articles suivants : Art. 2. « Si les jurés décident que le coupable a commis le crime sans discernement, il sera acquitté du crime; mais le tribunal criminel pourra, suivant les circonstances, ordonner que le coupable sera rendu à ses parents, ou qu’il sera conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d’années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l’époque à laquelle il aura atteint l’âge de 20 ans. » (Adopté.) Art. 3. « Si les jurés décident que le coupable a commis le crime avec discernement, il sera condamné; mais à raison de son âge, les peines suivantes seront commuées. « Si le coupable a encouru la peine de mort, il sera condamné à 20 années de détention dans une maison de correction. « S’il a encouru les peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention, il sera condamné à être enfermé dans la maison de correction pen !ant un nombre d’années égal à celui pour lequel il aurait encouru l’une desdites peines, à raison du crime qu’il a commis. » (Adopté.) L’article 4 est soumis à la discussion. M. Prieur. Ne croyez-vous pas qu’il serait d’one influence très morale, d’un exemple très frappant pour les enfants du même âge, que 6 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1791.) l’enfant criminel fût exposé sur la pla�e publique? Alors il n’y aura pas de père de famille qui n’y conduise sou enfant qui aura 12, 13 et 14 ans, et qui ne lui dise : « Vo s cct enfant qui a le même âge que toi, il s’est mal conduit, il a commis un crime : vois la honte qu’il subit. » Les enfants prendront un intérêt très pressant à cet individu qui est de leur âge, et je crois que sous ce point de vue il est très essentiel que l’exposition ait lieu à cause de l'exécution qui est le but moral de vos institutions. Je n’en fais pas une motion expresse, mais j’ai cru devoir vous présenter ces réflexions. M. Carat aîné. Je me réunis aux réflexions de M. Prieur; mais j’observe qu’on emploie une expression impropre. L’individu qui n’aura pas atteint 16 ans est qualifié sans cesse d’enfant. lin individu qui est entre 13 et 14 ans n’< st pas un enfant, c’est un jeune homme; c’est un citoyen qui peut tester. Rayez donc d’abord cette qualification d’enfant, ou géeéralisez-la moins. Par l’article précédent vous avez décidé, sans balancer, que le parricide même de 14 ans, avec discernement, ne subirait point la peine de mort. À gauche : Ah ! ali I M. Carat aîné. Oui, Messieurs, vous l’avez décrété pour un fratricide, et maintenant on veut pousser la tendresse humaine jusqu’à l’exempter d’une peine ignominieuse. Votre humanité, Messieurs, me paraît une batbarie atroce. Je demande queles enfants au-dessous de 16 ans, qui subiront la détention de 20 ans, soient exposés aux regards du public, eommesi la peine n’avait pas été commuée. M. Fe Pelletier de Saint-Fargcau, rapporteur. J’adopte l’amendement relatif à l’exposition. Je fais seulement une observation : je demande en quoi consistera l’expositiun du condamné. M. Fegrand. Vous l’exposerez comme ayant mérité la peine de mûri et en étant exclus à cause de son âge. M. Fe Pelletier de Sasnt-Fargeau, rapporteur. Voici la rédaction de l’article : Art. 4. <« Dans les cas portés en l’article précédent, le condamné ne subira pas l’expositiun aux regards du peuple, sinon lorsque la peine de mort aura été commuée en 20 années vie détention dans une maison de correction; auquel cas, l’exposition du condamné aura lieu pendant 6 heures dans les formes qui sont ci-dessus prescrites. » {Adopté.) Art. 5. « Nul ce pou ra être déporté s’il a 75 ans accomplis. » [Adopté.) Art. 6. « Dans les cas où la loi prononce l’une des peines de la chaîne, de ta réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention pour plus de 6 ans, ta durée de ta peine sera réduite à 5 ans si t’accusé trouvé coupable est âgé de 75 ans accomplis ou au-delà. {Adopté.) Art. 7. « Tout condamné à l’une desdites peines, qui aura atteint l’âge de 80 ans accomplis, sera mis eu liberté par jugement du tribunal criminel, rendu sur sa requête, s’il a subi au moins 5 années de sa peine. » {Adopté.) M. Fe Pelletier de Salnt-Fargean, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre relatif à V exécution des jugements contre un accusé contumace; il comprend les deux articles suivants : Art. 1er. « Lorsqu’un accusé aura été condamné à l’une des peines établies ci-dessus, il sera dresse-, sur la place publique de la ville où le juré d’accusation aura été convoqué, un poteau auquel on appliquera un écriteau indicatif des noms du condamné, de son domicile, de sa profession, du crime qu’il a commis et du jugement rendu contre lui. » M. Delavigue. Je demande que l’affiche soit faite sur le lieu du délit. M. Fe Pelletier de Saitit-Fargenu, rapporteur. L’affiche doit être faite dans le lieu de l’exécution. (L’article 1er est adopté.) Art. 2. « Cet écriteau restera exposé aux yeux du peuple pendant 12 heures, si la condamnation emporte la peine de mort; pendant 6 heures, si la condamnation emporte la peine de la chaîne, ou de la réclusion dans la maison de force; pendant 4 heures, si la condamnation emporte la peine de la gêne; pendant 2 heures, si la condamnation emporte la peine de la détention, de la dégradation civique ou du carcan. » {Adopté.) M. Fe Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, à la deuxième partie du Code pénal , concernant V application des peines aux différents crimes. Je demande à l’Assemblée toute son attention pour un objet d’une aussi haute importance, où la rédaction a de; conséquences aussi étendues, puisqu’unseulmot peut quelquefois coûter ou sauver la vie à un accusé. Gomme la rédaction de ces articles est, je le répète, de la pins grande impor�- tance, lorsqu’il y aura des objections faites, lors-qu’ily aura eu des amendements proposés et acceptés, comme je n’oserai pas prendre sur moi de rédiger sur-le-champ définitivement, je proposerai à l’Assemblée, lorsque l’article aura été contesté et que les changements auront été adoptés, de renvoyer toujours au lendemain la rédaction définitive, afin qu’on puisse avoir 24 heures pour peser les termes de cette rédaction. M. Sentetz. Je demande la parole sur l’ordre de la discussion. Avant d’ouvrir la discussion des titres qui vous sont présentés, j’observe qu’il est de très grands crimes dont le comité dans son projet ne fait nullement mention ; cependant les dispositions qui les concernent devraient servir de frontispice à cette partie du Code pénal. Je veux parler de certains crimes contre la religion, lesquels peuvent compromettre essentiellement l’ordre public. D’abord il me paraît que ce serait être très criminel qu de professer publiquement des principes contraires à l’existence de Dieu. Il n’est