[Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée deForcalquief, J . 361 induire ni en résulter en aucun cas, aucun changement ou innovation dans l’ordre accoutumé, de supériorité, infériorité ou égalité des bailliages, et par ceux de l’article 8 du règlement du 2 mars qui contient là même disposition, n’ont pas hésité de se conformer aux ordres du Roi. Elles ont député à Forcalquier sans entendre se préjudicier, et sous la protestation expresse de faire valoir tous leurs droits, et dans la plus ferme espérance que le Roi, monseigneur le garde des sceaux et les Etats généraux auraient égard à leurs justes réclamations. La ville de Digne possède dans son terroir un bienfait de la nature dont un nombre infini de particuliers de toutes les parties du royaume ont ressenti les salutaires effets : ce sont des eaux minérales qui attirent chaque année un nombre considérable de malades. Le Roi les a mises depuis quelque temps au nombre des eaux minérales et bains militaires, et il y aborde beaucoup d’officiers et de soldats dans les deux saisons. Ces bains, placés sur un torrent très-dangereux, sont inabordables à la moindre crue des eaux, et on a eu la douleur de voir des personnes noyées le long de ce torrent. La province fait ouvrir à grands frais depuis quelques années un chemin à mi-cote dans la montagne, mais cela ne remplit pas entièrement l’objet; ce n’est qu’une partie du chemin, il en reste encore une partie; il faudrait un pont sur larivière, sans cela la dépense faite devient inutile, et les mêmes inconvénients subsistent; tout le royaume est intéressé à ce que l’accès de ces bains soit sûr et facile, et on supplie le Roi et les Etats généraux de vouloir bien ordonner de faire faire incessamment les travaux nécessaires pour que les particuliers de tout état, les soldats qui sont forcés de venir chercher leur guérison dans ces eaux salutaires, puissent y aborder en tout temps et sans danger. La ville de Digne est située entre des torrents et des rivières qui dévastent le terroir et menacent même la ville d’une prochaine submersion ; la plus dangereuse et celle gui occasionne les plus grands ravages est la rivière de Bléonne. De tous les temps on y avait fait des réparations en osiers qui n’étaient ni solides ni durables et absorbaient la majeure partie du produit des fonds; depuis environ trente ans, on a fait des fortifications en rochers dont la dépense excède la valeur des fonds ; elles ne sont pas suffisantes pour garantir les biens-fonds et la ville des inondations de cette rivière; les propriétaires, épuisés et fatigués par les dépenses énormes faites jusqu’à présent, ne veulent plus en faire de nouvelles. Les administrateurs de la province, convaincus de la nécessité des réparations pour conserver la ville, ont mandé des ingénieurs sur les lieux; il a été dressé plusieurs devis qui eu indiquent les réparations à faire en fixant la valeur à 80,000 livres. Il n’est pas possible d’exécuter ces devis et de garantir cette ville du danger imminent auquel elle est continuellement exposée, si le Roi et les Etats généraux ne viennent à leur secours. Signé Pressai, L.-G. et Trabue. DOLÉANCES Du clergé de la sénéchaussée de Sisteron (1). RELIGION. Le clergé de la sénéchaussée de Sisteron a (1) Nous publions ce cahier d'après un manuscrit des Archives de l'Empire. unanimement délibéré de porter aux pieds du trône et à l’auguste assemblée de la nation ses humbles représentations sur les maux qui affligent l’Eglise et menacent de dissoudre l’Etat et la société. L’irréligion fait des progrès alarmants non-seulement dans les villes, mais encore dans les campagnes ; l’âge le plus tendre et les esprits les plus grossiers ne sont pas à l’abri de ses atteintes. Tous les principes de la morale sur lesquels repose le bonheur commun et particulier sont ébranlés, la dépravation des mœurs est à son comble; ce n’est pas assez que les devoirs delà religion soient oubliés, ils sont même méprisés ; les dimanches et fêtes ne sont presque plus sanctifiés, nul respect, nulle décence dans nos églises, ses ministres appréhendent même qu’elles ne devinssent bientôt désertes. Tous ces maux annoncent et préparent évidemment la ruine de la religion; ils doivent être attribués à celte foule de livres impies qui circulent si librement dans le royaume et répandent leur poison corrupteur dans tous les esprits. Nous espérons (et c’est le vœu le plus ardent, le plus sincère de nos cœurs) qu’un Roi dont le plus beau titre est celui de Roi Très-Chrétien, et que les représentants de la nation qui vont s’occuper de la félicité publique, prendront les moyens les plus sûrs et les plus efficaces pour maintenir la religion dans sa pureté et arrêter Je cours de tant de maux. Pour y remédier nous demandons le rétablissement de la discipline ecclésiastique et des synodes dans les diocèses et la suppression des abus suivants : PRÉVENTION. 1er Abus. La prévention assure des titulaires à tous les bénéfices par la crainte qu’elle donne au Collà-teur d’être prévenu. Nous réclamons une loi qui n'expose point la récompense des services, du mérite et de la vertu à devenir le prix d’une course plus ou moins rapide 2e Abus. On donne trop à la faveur et pas assez au mérite, dans le choix des pasteurs, soit du premier ordre, soit du second ordre. 3* Abus. La pluralité des bénéfices, surtout de ceux qui sont considérables. 4e Abus. Le dévouement trop servile, la faiblesse extrême, ne craignons pas de le dire, l’avilissement où l’on a voulu réduire les curés, en les privant de la plus considérable portion de leur autorité hiérarchique. 5* �46us. L’inégale et injuste répartition des biens de l’Eglise dont on a privé les ministres les plus utiles. 6e Abus. La scandaleuse pénurie, l’indécence des sacristies et de tout ce qui est nécessaire au service divin dans les paroisses de campagne. 7e Abus. j L’insuffisance des portions congrues, plus j grande insuffisance pour les curés décimateurs i qui ne jouissent que d’une partie de la congrue, 362 [Êtatl géfi. 17Ü9. C*hi*r».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalfuier.] plus grande encore pour les vicaires qui en réclament les deux tiers, 8* Abus. Insuffisance de ce que payent les décimateurs pour les menues dépenses que le service divin rend indispensables , connues en Provence, où il n’y a point de fabriques établies, sous le nom de clerc et matière. 9e A buç. Surcharge extrême pour les curés dans la répartition des charges diocésaines, connues sous le nom de décimes, Î0o i46us. L’injuste refus fait dans plusieurs diocèses, et notamment dans celui de Sisteron, d’un syndic nommé par les curés pour assister en leur nom au bureau diocésain, même refus pour les réguliers. Il* Abus. L’exclusion des curés des assemblées générales du clergé. 12e Abus. L’extinction des maisons religieuses, principalement de celles qui sont utiles. MONITOIRES. La multiplicité des monitoires occasionne des plaintes dans presque tous les diocèses; nous demandons leur abolition, excepté dans le cas de meurtre ou de crime d’Etat. collèges. Un établissement aussi utile qu’un collège serait à désirer dans une ville dont rarrondisse-ment est aussi considérable; c’est là où commence l’éducation des jeunes gens qui se disposent au sacerdoce; nous joignons à cet égard nos vœux à ceux de tous les citoyens. DIMES. Les dîmes, qui ont été longtemps le patrimoine le plus assuré des églises, sont devenues une cause continuelle de procès et la partie la plus intéressante de leurs revenus ; nous en faisons la triste expérience et nous proposons deux moyens pour obvier à ces inconvénients et pour détruire tout sujet de discussion entre les ministres et les fidèles. Le premier serait que les collecteurs de la dîme fussent assermentés en justice, les consuls des lieux dûment appelés. Le deuxième serait un abonnement en grain qui pourrait être converti en argent, après une évaluation à renouveler de dix en dix ans. DOTATION DES CHAPITRES. L’amélioration du sort des différents ministres de l’Eglise utiles et nécessaires sera certainement un des objets qui fixeront l’attention des Etats généraux. Dans les diocèses qui offrent de grandes ressources ce point essentiel rencontrera peu d’obstacle ; mais il est des églises si pauvres qu’elles n’offrent que les moyens les plus faibles de venir au secours des ministres qu’elles voudraient soulager. Toutes celles du ressort de la sénéchaussée de Sisteron sont dans cette triste position. On ne craint point d’avancer que la dernière augmentation des portions congrues a mis dans la plus grande détresse les menses capitulaires des chapitres de Sisteron et de Gap, qui ont leurs biens situés dans le ressort de cette sénéchaussée; qu’elle a détruit presque toutes lës prébendes particulières de ces deux chapitres, au point que Mgr l’évêque de Sisteron s'est vu obligé de rendre un décret qui suspend le service canonial dans son église cathédrale, et que Mgr l’évêque de Gap est à la veille d’en faire de même; cependant ces deux chapitres ne sont composés que de douze chanoines ou dignitaires et de dix bénéficiers ou semi-prébendés. Ainsi la majesté du service divin, la nécessité d’un culte public rendent toute réduction impossible. La réunion d’une abbaye et, en attendant, des secours provisoires sont absolument nécessaires pour prévenir la destruction de ces deux églises cathédrales. La classe des petits nombres de décimateurs qui existent encore dans ce ressort et dont les bénéfices ne sont point encore totalement éteints, mérite aussi la sollicitude du gouvernement. Ces décimateurs ont été réduits à la dernière indigence par l’augmentation progressive des portions congrues; la plus légère diminution de leurs revenus leur ôterait le moyen de subsister. Cependant la plupart de ces bénéficiers ont vieilli dans le ministère, les bénéfices qu’ils possèdent sont la récompense de leurs travaux et la seule ressource qui reste à leur âge et à leurs infirmités. Une opération digne de la sagesse des Etats généraux serait de se faire représenter les différents tableaux de situation des bénéfices existant encore dans ce ressort qui ont été envoyés à différentes époques à MM. les agents généraux du clergé, pour être convaincu de la vérité de ce qu’on avance. INDEMNITÉ. Lé droit de demi-lot exigé par les seigneurs occasionne nombre de procès entre ceux-ci et les titulaires des bénéfices ; on désirerait une loi qui obligeât lés seigneurs, comme dans les autres Erovinces, à prouver eux-mêmes que les immeules possédés par l’église dans l’étendue de leurs fiefs ne leur appartiennent qu’après l’inféodation dë la terre. PENSIONS DE RETRAITE. Le clergé de cette sénéchaussée réclame l’établissement d’un fond dans tous les diocèses, qui soit destiné à fournir des secours aux curés, vi-çàires et autres prêtres utiles que leur âge ou leurs infirmités mettent hors d’état de faire leur service. SUPPRESSION DU CASUEL. Les curés demandent la suppression du casuel dans les paroisses de la campagne ; la gloire de la religion, l’honneur du sacerdoce réclament cette suppression. DOTATION DES PRÊTRES MISSIONNAIRES. Les prêtres de la Mission, fondés dans cette ville, qui se rendent utiles dans tous les diocèses et partagent les sollicitudes ainsi que les travaux des pasteurs, nous ayant représenté que l’augmentation des portions congrues a considérablement diminué leurs revenus, nous réclamons des secours nécessaires pour leur existence. ADMISSION AUX ÉTATS PROVINCIAUX. Le clergé du second ordre demande d’être admis aux Etats de la province légalement constitués et dans une représentation convenable. [États gin. 1789. Cahier».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forealquiet. 30$ PATRONAGE. Le clergé désire que le droit de patronage appartenant aux non catholiques ne puisse être exercé que par un procureur fondé de leur part, catholique et régnicole. ADMISSION DES AGENTS GÉNÉRAUX. Les intérêts du clergé semblent le mettre dans le cas de réclamer avec justice l’admission de MM. les agents généraux à l’assemblée de la nation. MISÈRE DU PEUPLE. Enfin les ministres de la religion, autorisés par la bonté et la justice du Roi à porter leurs voix aux pieds du trône, et à les faire entendre dans l’auguste assemblée de la nation, peuvent-ils faire de cëtte faculté précieuse un plus digne usage que d’impjorer des soulagements pour la classe la plus indigente des habitants des campagnes confiés à leurs soins? Témoins de leur travaux pénibles, de leur misère, et surtout de la détresse où les tiennent le joug accablant des impositions, et une multiplicité de droits onéreux, les curés ont la douleur de voir encore leurs maux présents aggravés par les appréhensions de l’avenir. Ils voient en gémissant que la classe nourricière de l’Etat renferme plus de malheureux qu’aucune autre ; que les campagnes perdent tous les jours de leur population et de leur culture ; que les contestations qui s’y élèvent et dont la plupart devraient être jugées brièvement et définitivement sur lés lieux, si l’administration de la justice avait une forme plus heureuse, occasionnent des frais, des déplacements, des pertes de temps qui consomment la ruine de leurs habitants. Il n’y a que l’attention et les bienfaits du gouvernement qui puissent prévenir le comble de leur maux, et c’est pour répondre aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté que des pasteurs charitables viennent en déposer cette faible image dans son âme sensible et la mettre sous les yeux des représentants de la nation, prêter leur voix et servir d’interprète aux malheureux ; c’est le devoir le plus sacré de leur état. Fait et arrêté à l’assemblée du 2 avril 1789, tenue à Sisteron, dans une des salles de la Charité. Signé Ricaudy, commissaire-rédacteur; Bois, curé; Baudin, curé; Dalmas, curé; Laugier, curé, commissaire; Ripet, Soliou, Fabres, commissaires ; J. Teruche, Barlet et Roland, tous curés et commissaires-rédacteurs. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de la noblesse de Sisteron du 1er avril 1789 (1). L’ordre de la noblesse, comparaissant de la sénéchaussée de Sisteron, composé des membres soussignés, convoqués, réunis aux termes de convocation de Sa Majesté et règlements y joints, en date des 24 janvier et 2 mars de la présente année, et de l’ordonnance de M. le lieutenant générai de cette sénéchaussée, en date du 14 mars dernier, après s’être rendu cejourd’hui à huit heures du matin dans rassemblée générale des trois ordres de ladite sénéchaussée, fixée auxdits jour et heure par ladite ordonnance, avoir fait vérifier ses pouvoirs et prêté le serment requis, s’est retiré à la Chambre qui lui a été désignée à (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire . 1 l’effet d’y dresser ses plaintes et doléances et nommer les députés qui doivent la représenter à rassemblée générale qui sera tenue dans la ville de Eqrcalquier; ladite noblesse déclare que, conformément aux dispositions desdits règlements et ordonnances, sous la présidence de M. Burle d’Aujarde, le plus âgé d’entre eux, ils l’ont unanimement nommé pour leur président, et pour leur greffier, le sieur Jean-François Reybaud, de cette ville. Ce fait, ladite noblesse a unanimement déclaré que ce n’est que pour donner un témoignage de son amour et de son respect pour Sa Majesté, de son obéissance et de sa soumission à ses ordres, et parce qu’elle n’a rien de plus à cœur que de concourir aux vues de son souverain et de coopérer autant qu’il est en elle au bien public ; qu’elle soit soumise provisoirement à la formé d’après laquelle elle est assemblée, ladite forme étant inconstitutionnelle et contraire aux usages, privilèges et droits dudit ordre et du pays. Et préalablement à toute opération l'ordre & unanimement délibéré que tous ses membres, sans distinction de possédants fiefs et de non possédants fiefs, contribueront proportionnellement à toutes les charges royales et locales, sans-aucune exemption pécuniaire, ainsi et de la manière qufif en sera délibéré, soit dans les Etats généraux, soit dans ceux de cette province librement constitués et légalement convoqués, et dans lesquels le tiers-état sera admis en nombre égal aux deux prer miers ordres réunis. En conséquence de ce vœu, l’assemblée a prié* M. de Bonne et de Berard d’en donner connais* sance, tant à l’ordre du clergé qu’à celui du tiers-! état, d’en demander acte et sa rémission sur le: bureau. Lesquels députés revenus ont dit que leur commission avait été reçue avec applaudissement) par les deux chambres, et qu’il leur en avait été concédé acte, et attendu que l’ordre a été légale* ment certioré que le vœu du tiers-état était de rédiger ses doléances et de procéder à part à la nomination de ses députés, procédant de son côté à l’un et à l’autre objet, elle a unanimement nommé M. de Burle, lieutenant général, M* de Gournardre, officier du génie, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, M. Bonne, lieutenant de vaisseau, M. de Ventavon et M. Bé-rard de Saint-Denis pour rédiger ses doléances et motiver ses avis et instructions, lesquels ont dé-1 claré qu’ils allaient, y travailler sans interruption. Après quoi M. le président a renvoyé la séance à trois heures de relevée. Et advenue ladite heure, l’ordre ayant repris la séance, Messieurs de l’ordre du clergé ont envoyé une députation pour faire part du vœu qu’ils ont émis, parfaitement conforme à celui de la noblesse relaté ci-dessus, Messieurs de l’ordre du tiers-état ont également envoyé une députation pour témoigner audit ordre de la noblesse sa reconnaissance du vœu qu’il lui a communiqué ce matin. M. les commissaires de la noblesse pour rédiger les doléances, ayant fait part à Tordre que leur travail était Uni, l’ordre l’ayant mûrement examiné, l’a adopté dans tous ses chefs et délibéré qü’il serait transcrit dans ledit procès-verbal ainsi que s’ensuit, INSTRUCTIONS GÉNÉRALES POUR LES DÉPUTÉS DE LA NOBLESSE DE PROVENCE. Permission aux députés d’opiner par ordre ou