SÉANCE DU 30 BRUMAIRE AN III (20 NOVEMBRE 1794) - N“ 94-95 447 94 Sur la pétition des citoyens Louis Pierre et Pierre Levasseur, Marie Charlotte Vallée, Glorien, Bausse, Derebergue et Benoist, convertie en motion par un membre, la Convention nationale décrète qu’il est sursis provisoirement au jugement rendu contre Jean-Philippe Levasseur, notaire à Chantilly, par le tribunal criminel du département de l’Oise et renvoie la pétition au comité de Législation, pour faire son rapport dans trois jours (171). Des citoyens et des citoyennes sont admis à la barre. Ils lisent la pétition suivante : Citoyens représentants, vous voyez devant vous un père infortuné, une femme malheureuse, une famille désolée. Nous venons vous demander, au nom de la justice et de l’humanité, le sursis à l’exécution d’un jugement du tribunal criminel du département de l’Oise, qui condamne à vingt années de fers le nommé Levasseur, notaire public à Chantilly. Quoique âgé, j’ai servi la révolution dans ma commune, j’ai été appelé à la place de maire; j’ai été renouvelé dans cette place par une suite de la confiance que je ne devais qu’à mon patriotisme, que le grand âge ne pourra jamais affaiblir. Mon fils (le citoyen Levasseur), notaire à vingt ans, notaire de campagne, peut-être trop jeune pour un état dont il ne connaissait pas assez toute l’importance, s’est livré à la révolution dans tous ses détails. Cette régénération heureuse s’accordait à son âge, à ses vues politiques et à son amour pour la liberté. Je vous l’affirme, citoyens représentans, mon malheureux fils a tout sacrifié pour elle : appelé à toutes les places d’activité, il a été obligé à des déplacements réitérés et nuisibles à son état ; il a tout négligé pour servir sa commune, pour remplir les obligations qu’il avait contractées en acceptant des fonctions gratuites, auxquelles ses concitoyens l’appelaient. Son état a été négligé ; et c’est de ce fait qu’il est résulté des erreurs dans des actes, erreurs qui, caractérisées de faux, ne pouvaient préjudicier cependant à aucun citoyen, ni porter avantage à mon fils; erreurs qui, aux termes mêmes de la loi, de devaient être puniez que d’une amende, et cependant l’ont conduit à un jugement criminel qui le condamne à vingt années de fers. Citoyens représentants, au nom de l’humanité et de votre justice, accordez un sursis à l’exécution de ce jugement terrible, et ordonnez que votre comité de Législation vous présente un rapport sur cette procédure, qui est peut-être susceptible d’une scrupuleuse révision, et (171) P.-V., XLIX, 320. porterait sûrement cette affaire à un nouveau jugement. La Convention décrète qu’il sera sursis provisoirement au jugement rendu contre le citoyen Levasseur, notaire à Chantilly, par le tribunal criminel du département de l’Oise (172). 95 D’après la pétition des ouvriers d’armes des maisons de Jemmapes et du Bonnet - Rouge [Paris] et sur la proposition d’un membre, la Convention rend le décret ci-après : Sur la proposition d’un de ses membres, la Convention nationale décrète qu’il sera nommé une commission composée de six membres pris dans son sein, pour examiner les dépenses qu’ont occasionnés les établissemens d’armes portatives de Paris, et les ressources qu’ils ont procurées à la République (173). Après la lecture correspondance, le comité des Secours publics fait rendre plusieurs décrets. On introduit les pétitionnaires. Les ouvriers des maisons de Jemmapes et du Bonnet-Rouge sont admis par députation. L’orateur de la députation : Citoyens Représentans, Les ouvriers des ateliers de la maison de Jemmapes et de celle du Bonnet-Rouge, se présentent aujourd’hui à votre barre, pour vous faire leurs justes réclamations, relativement aux modiques payes qu’ils reçoivent, et qui les mettent dans l’impossibilité de pouvoir exister, ni faire exister leurs familles, et en même temps pour vous donner connoissance des abus qui régnent et qui se commettent pour leur paiement. Les exposans ont cependant été informés, qu’il avoit été représenté à la Convention nationale, que ces mêmes ouvriers gagnoient 8 L et 18 L par jour, tandis qu’ils sont porteurs de plusieurs listes qui constatent que la grande majorité d’entre eux ne gagnent que 4 L et 5 L par jour, et même les pères et mères de famille qui ont des trois et quatre enfans, ne gagnent pas plus que ceux qui n’en ont que deux. Les exposans sont en outre obligés de payer par mois deux gardes 8 L, à raison de 4 L, sans compter les surveillances et les vols de salpêtre qui leur arrivent fréquemment; ayant trois jours (174) par décade, où ils ne gagnent rien, (172) Moniteur, XXII, 547. F. de la Républ., n° 61 ; Gazette Fr., n° 1053. (173) P.-V., XLIX, 320. (174) Moniteur, XXII, 547 indique 2 jours.