] Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1790;] 555 Art. 1er. Les ordres religieux serorit-ils abolis ? y aura-t-il des exceptions? Art. 2. Quel sort fera-t-on aux religieux qui ; déclareront ne vouloir pas vivre dans des maisons, et sous nbabdt de leur tordre ? Art. 3. Quel sort fera-t-ora aux religieux qui déclareront vouloir vivre dans les maisons >et sous l’habiit de leur ordre ? Cette motion est vivement appuyée. M. le .Président, consulte l’Assemblée qui «accorde la priorité! à la rédaction de M. Treilliard. La motion est mise aux voix et adoptée. M. le Président fait une nouvelle lecture des trois articles et annonce que la discussion est -ouverte. M. Rœderer. Messieurs, vous avez chargé votre comité ecclésiastique de vous présenter nécessairement un plan de -constitution ecclésiastique. Ce plan ne voub est pas encore soumis; ceii>endant ce même comité ecclésiastique vous propose aujourd’hui de prononcer sur le sort des corps «et communautés religieuses. Je ne comprends pasmomment on vous demande de statuer sur des détails, après que vous avez décidé que d’abord vous embrasseriez l’ensemble. ‘Cette marche, contraire à vos décrets, l’est aussi à la saine logique; car, Messieurs, il n’y a qu’une seule question à examiner relativement aux moines ; -c’est de savoir si le culte public exige d’autres officiers que des évêques, des curés et des vicaires, *et s’il exige aussi des religieux. Je dis q-ne la question se réduit à ce point, parce que si l’on parle des intérêts de la culture que les moines ont fait prospérer, je dirai que nos insiitutions politiques feront désormais prospérer l’agriculture, en attirant tous les propriétaires dans les campagnes. L’ou me parle de l’intérêt des sciences que les moines ont cultivées ; mais notre constitution encourage ceux qui s’y livreront ;i l’avenir. Si on me parle des aumônes que les moines ont répandues, je dirai que l’as-sisrance des pauvres est une charge publique et qu’indubitabieinent nous chargerons des institutions politiques de la quête ; si l’on me parle de la vocation de certains hommes pour la vie sédentaire, solitaire, contemplative, je dirai que nos lois n’empêcheront personne 4’être ou dans sa chambre ou dans un désert; mais que la société ne doit pas davantage faire les frais d’un couvent pour les gens qui veulent penser sans agir et sans parler ; si l’on me parle enfin de l’éducation publique et des maisons de charité, je répondrai que ce nVst pas comme moines que quelques religieux se sont voués à l’éducation publique ou aux hospices de charité, mais comme citoyens; qu’ainsi on peut fort bien détruire en eux le caractère monacal et en même temps honorer et récompenser leurs services publics... Je reviens donc à ma proposition et je dis qu’il n’y a d’autre question à examiner relativement aux moines, que celle de savoir s’ils sont nécessaires au culte, ou s’ils ne le sont pas. Mais pour le savoir, il faut que le plan du comité soit. présenté, que les besoins du culte soient connus, que les fonctions du culte soient déterminées ; que les différents caractères sacerdotaux, celui de la. sécularité et celui 'de la régularité soient corn parés, pour que l’on j uge lequel de ces caractères convient le mieux au culte. Il faut évidemment passer par tous ces points, avant d’on venir à décider si l’on conservera ou ai l’Jan supprimera les moines. Que le comité propose donc d’abord son plan général, qu’il nous découvre les bases de l’édifice et iespace qu’il doit occuper avant de nous proposer d’en construire une partie; autrement nous risquerons de bâtir sur le sable et sans proportions. M. le due de LaRodbefoncasnld. Messieurs, vous ouvrirez la porte des icLoitres, parce que .de pareilles institutions ne conviennent pas à nn peuple libre. Los ordres religieux ont été utiles, il est vrai, à la religion, aux lettres» à l’agriculture; jelaisse aux ministres de la religion le Bain de vous prouver le premier de ces points. Quant au»; .lettres, les religieux ont rendu des services essentiels; mais ce n’est pas dans des. cloîtres quelles lettres peuvent aujourd’hui recevoir des progrès.. L’agriculture sera mieux servie par vos luis déjà publiées, par les entraves que vous enlèverez au commerce et par les lois que vous projetez de faire. Je conclus avec l’opinion publique, que vous devez prononcer l’abolitiun des ordres religieux en conservant aux individus qui les composent actuellement le droit d’y rester, ou celui d’en sortir avec un sort convenable. Je n’adopte pas non plus tout ce que le comité ecclésiastique et M. de Lacoste vous ont proposé sur certains ordres particuliers, relatifs à l’éducation publique. Je crois que l’esprit de corps est dangereux dans l’éducation de la jeunesse. M. Pafcbe Grégoire. Je commence par ma profession de foi. Te ne crois pas qu’on doive abolir en entier les établissements religieux. Le culte, les sciences et l’agriculture demandent que quelques-uns soient conservés. Ii n’y a pas assez de prêtres séculiers; 11 est nécessaire de se ménager des troupes auxiliaires. Les moines ne sont, dit-on, pas nécessaires à �agriculture; oui, mais ils lui sont otites. On sait 'combien les campagnes ont perdu à la suppression des jésuites. Je conviens, quanta l'éducation, qu’il n’est point indispensable de les charger encore d’y concourir; lorsqu’ils auront été élevés dans les principes de notre constitution, ils pourront être plus propres à ces sortes de fonctions que des citoyeus libres, que des prêtres séculiers. Relativement aux sciences, en voyant ce qu’ils ont été, on verra ce qu’ils peuvent être ; les afo bayes de Saint-Ger-main-des-Prés, de Sainte-Geneviève, rendenticha-que jour aux lettres des services importants ; elles sont remplies de savants distingués; on y continue en ce moment la Gallia christiana, etc. Sous tous ces rapports, il serait impofitiqne et dangereux de supprimer en-entier les établissements ecclésiastiques. M. Pétïon de Villeneuve. C’est un principe constant que tous les corps étant faits par la société, la société peut les détruire s'ils sont inutiles, s’ils sont nuisibles. Voyons si les religieux sont utiles, s’ils ne sont pas nuisibles. Autrefois les religieux priaient et travaillaient ; aujourd’hui ils ne travaillent plus;; ce sont des bras ravis à l’agriculture, des richesses enlevées à la société. Ainsi les moines sont nuisibles individuellement; ils sont dangereux comme corps. Si l’Espagne, autrefois si peuplée, est actuellement déserte et appauvrie, elle le doit entièrement à l’établissement des monastères. Si l’An- §76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1790.] gleterre est florissante, elle le doit en partie à fabolition des religieux. Si ces établissements sont utiles aux campagnes, c’est parce qu’ils consomment sur le lieu qui produit. Mais, d’après votre constitution, le citoyen, plus attaché aux propriétés territoriales, trouvera de l’avantage à habiter le sol qu’il possédera à la place des ordres religieux. U faut détruire entièrement ces ordres : en conserver quelques-uns, ce serait préparer la renaissance de tous. Quant à l’éducation, peut-on croire que vous conserverez aux maisons religieuses le soin précieux d’élever des citoyens? Rendez des hommes à la liberté, des citoyens à la société, des bras à l’agriculture et aux arts qui les redemandent; rendez à la circulation d’immenses propriétés qui restent dans une sta-nation funeste, et vous ferez un bien inestima-le à la nation. M. Melley d’Agler. Doit-on conserver les ordres religieux? Non. Et pourquoi? 1» parce que leur régime est continuellement en opposition avec les droits de l’homme; 2° parce que aucun avantage ne compense cette cruelle opposition. M. Cayla de La Garde, général des lazaristes, député de Paris (1). Messieurs, si dans la discussion de la matière soumise à vos délibérations, j’osais rappeler un trait assez singulier, je prendrais la liberté de vous faire observer que les procédés qu’on cherche à vous inspirer contre les ordres religieux, ressemblent assez à la manière des habitants de la Louisiane, qui abattent l’arbre pour en cueillir le fruit. Il eût suffi, sans doute, de retrancher le bois inutile, et d’enlever au frelon avide un fruit destiné à nourrir l’abeille active. On met la cognée à la racine de l’arbre, on lui enlève des rameaux pleins encore de suc et de vigueur, et il ne restera bientôt qu’un tronc stérile et dégradé. Ce parti est le plus expéditif, le plus efficace; mais est-il le plus sage, le plus digne de vous, le plus convenable à la chose publique? Pour atteindre ce but, on a prodigieusement exagéré les torts des religieux. Les fautes de quelques-uns sont devenues les fautes de tous; on n’a vu que des abus, du relâchement, de l'ambition. Il eût fallu, ce me semble, rapprocher le bien du mal, mettre les services à côté de l’inutilité prétendue. Ce contraste simple et naturel eût peut-être produit son effet. Je suis toutefois bien loin de vouloir accuser les intentions de l’auteur de la motion; mais je ne crains pas de dire qu’il a été séduit par une apparence de bien, et que son zèle pour ce qu’il croit être le salut de l’Etat l’a porté loin du but. Vous en serez convaincus, Messieurs, si vous daignez réfléchir aux maux qui en résulteraient pour l’Etat, et à l’idée défavorable que l’exécution d’un pareil projet donnerait de votre justice et de votre sagesse. L’honorable membre a d’abord cherché à exciter votre zèle en liant la destinée de l’Etat au temporel du clergé régulier surtout, et en vous montrant une régénération facile et nécessaire pour la fortune publique dans le décret du plan destructeur qu’il vous présente. Messieurs, on vous parle sans cesse de régénération et on ne vous propose que des systèmes op-(li Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. Cayla de la Garde. pressifs qui portent dans les corporations et parmi les individus la méfiance, la crainte et la désolation. On veut donc tout régénérer en dépouillant le clergé et en supprimant les religieux, et sans doute la régénération commencera par Paris. Mais j’avoue qu’à cet égard les mesures qu’on vous indique me paraissent bien peu justes. Paris a fait des pertes immenses par l’émigration de ses plus riches citoyens ; il est à la veille d’en faire de nouvelles par Ja retraite d’une multitude prodigieuse d’individus qui tiennent à la magistrature. Le combien ses maux vont-ils être aggravés par la suppression desmaisons religieuses, dont la consommation est si considérable et les aumônes si abondantes ? Paris ne serait donc peuplé que d’artistes découragés, de commerçants sans crédit, de propriétaires de maisons sans locataires. On veut régénérer les campagnes et les vivifier, et cependant on vous propose de leur enlever ces communautés vénérables et riches, d’où coulait sans cesse un fleuve d’abondance vers la cabane du pauvre, pour les livrer aux capitalistes, qui, placés loin de l’infortuné, n’entendent jamais ses cris, et ne pourvoieront pas à ses besoins. On a cru répondre à ce raisonnement pressant, en disant que les biens-fonds des religieux, ainsi que ceux du clergé, ne changeront pas de place et de sol ; mais ils changeront de mains, et ia main des capitalistes sera-t-elle aussi bienfaisante et aussi généreuse que celle des religieux ? On nous a annoncé qu’on placerait de préférence les communautés dans les campagnes. Espoir trompeur, le plan qui les organise les anéantit; ils sont donc perdus pour les campagnes, où ils seraient d’ailleurs dans l’impuissance de faire du bien, étant sans propriétés et sans administration. Que dirai-je du tort presque irréparable que va faire à une infinité de familles, surtout dans les provinces, la suppression des ordfes religieux? Que deviendra l’homme sans fortune, surchargé d’une nombreuse famille? Dans un autre ordre de choses, le cloître lui eût offert un débouché facile et honorable; le sanctuaire lui eût donné des espérances et des ressources ; tout va lui manquer, et il sera réduit à gémir d’une fécondité qui fait son tourment. Je le sais, Messieurs, on vous peint la France désormais heureuse et riche ; on vous montre la fortune planant sur ce vaste empire, y répandant de toutes parts ses trésors; mais ces tableaux ne sont bons que dans la tribune. On n’entre pas dans le commerce sans quelques fonds, on ne parvient pas aune place sans une éducation coûteuse, on ne devient pas artiste sans moyens. On ne peut se dissimuler sans doute les maux que présente cette perspective effrayante ; mais on cherche à en écarter l’impression, en vous montrant des secours immenses pour l’Etat dans les biens des religieux, et la fortune des particuliers naissant de l’abondance générale. Silama-tière n’était pas si sérieuse, on serait tenté de s’égayer en voyant les biens des réguliers présentés comme le remède à tous nos maux, la ressource à tous nos besoins, le gage assuré des créanciers, le moyen infaillible de liquider nos dettes, de bannir la mendicité. Ah 1 l’âge d’or va renaître et le bonheur public s’élèvera sur les ruines des corps monastiques. Mais si ce n’était là qumn beau rêve, n’auriez-vous pas regret d’avoir enlevé à une infinité de familles des moyens de subsistance sans aucun avantage réel pour l’Etat ? [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1790.) 577 L’auteur de la motion n’a pas cru sans doute devoir persuader en annonçant que les fonds morts du clergé régulier de Paris produiraient au moins ceni-einquante millions, et que les ressources qu’ils offraient dans les provinces étaient encore plus considérables. J’avoue, pour ma part, que je n’ai pas été convaincu, et je ne crois pas être le seul. Je souhaite que cette vente projetée fasse le salut de l’Etat ; mais sans chercher à augmenter les alarmes, il me sera permis de dire qu’elle doit souffrir beaucoup de difficultés dans un temps où toutes les fortunes sont ébranlées, où la confiance est perdue, le commerce anéanti ; dans un temps où l’inquiétude des esprits, l’incertitude des événements ne permettent pas un choix sur le lieu de son séjour, ni sur les objets qui doivent servir de base à sa fortune; dans un temps où il y a tant d’hôtels en vente ou sans locataires. Ceux qui connaissent les provinces savent bien qu’on y chercherait en vain des acquéreurs pour la plupart des couvents supprimés. Ceux que la disette des sujets y a laissés sans habitants ne présentent plus qu'un tas de ruines. D’ailleurs pour tirer quelque parti de ces maisons de communautés, il faut commencer par les abattre pour les rebâtir sur nouveau plan, et cette spéculation est peu flatteuse pour le plus grand nombre des acquéreurs. On peut donc avancer, ou que ces ventes ne réussiront pas, ou qu’elles rapporteront peu. Cependant la dépense relative aux religieux va augmenter prodigieusement; il faudra pensionner tous les religieux qui quitteront leurs couvents, et on ne peut leur donner guère moins de huit à neuf cents livres par tête. Ceux qui seront fidèles à leurs engagements ne seront pas sans doute moins bien traités. De plus, on se propose de pensionner les religieux mendiants, ainsi que toutes les religieuses. Quel surcroît énorme de dépense ! Les religieux mendiants ne coûtaient que très peu à l’Etat, et ils n’étaient pas aux frais du clergé. D’un autre côté les religieuses sont en général très pauvres, et on peut assurer qu’elles n’ont pas l’une dans l’autre deux cent-cinquante livres par tête; un travail assidu, un pensionnat et surtout une vie très frugale fournissaient à leurs besoins. En supprimant leurs communautés, il faudra leur donner une pension à peu près égale à celle des religieux. Ainsi les pensions pour les religieux ou religieuses se trouveront monter au moins à la somme de 60 millions, et, comment peut-on se flatter de trouver cette somme immense dans les monastères supprimés ? Ceux qui cherchent à nous rassurer parient au hasard ; ils n’ont à cet égard aucune donnée certaine, et leurs calculs n’ont d’autre but qu’une apparence trompeuse. En effet, on ne connaît ni les charges ni les dettes des communautés religieuses ; on ignore le montant de leurs revenus ; ce qu’ils perdront par la suppression des droits féodaux, par le remplacement des dîmes et le rachat des ventes, par l’assujettissement à toutes les impositions et encore par la dégradation des forêts depuis la Révolution. On s’expose donc au plus terrible mécompte pour la suppression des ordres religieux, et cette opération est dans le moment aussi imprudente qu’impolitique. Mais pourquoi ce bouleversement de choses et de principes ? n’est-il donc aucun moyen d’aller au secours de l’Etat, si l’on ne supprime les ordres religieux? il en est un simple et facile lre Série. T. XI. qui concilie tous les intérêts : ne supprimez aucun institut , mais réduisez-ies tous ; que les maisons où il n’y a pas vingt religieux soient vidées, et qu’ils soient tenus de se réunir à leurs confrères dans les couvents qu’on formera d’après un nombre convenu. Par ce seul moyen , vous avez à votre disposition un nombre très considérable de maisons religieuses, et si la vente en est possible, vous allez efficacement au secours de la chose publique. Cette suppression est donc sans motif et sans intérêt. J'ajoute qu’elle serait peu digne de cet esprit de justice qui dirige vos délibérations et des sentiments religieux qui vous animent. Les corps, comme les individus, ont des droits à la protection et à la justice de l’Assemblée ; chargée des intérêts de la nation, elle l’est aussi de ses engagements, et si elle doit procurer un avantage elle n’est pas moins tenue d’acquitter ses dettes. Vous avez décrété, Messieurs, que les propriétés seraient inviolables et sacrées, et sans doute vous n’avez pas distingué entre les objets de ces propriétés ; tout ce qui en présentait le caractère vous a paru également sacré ; c’est en partant de ce principe que je maintiens qu’il n’est pas au pouvoir de l’Assemblée de supprimer les ordres religieux actuellement existants. En effet, Messieurs, lorsque les ordres religieux ont pris naissance dans le royaume, ce n’est que par l’autorisation légale du souverain qu’ils s’y sont établis ; la solennité du vœu a été reconnue et approuvée, la faculté de vivre sous un certain régime, de posséder des maisons affectées à leur institut leur a été accordée par lettres-patentes dûment enregistrées , et ce nfest que d’après cette concession, reconnue et consacrée par une longue possession, que des citoyens se sont voués à ce genre de vie ; ce n’est que dans l’espoir et la certitude qu’il leur serait libre de vivre et de mourir dans cet état, sous la protection de la loi, et qu’ils y trouveraient les consolations et les secours qu’on leur promettait , qu’ils ont renoncé à leurs biens par un acte autorisé par la loi : ainsi, leur état est leur bien, leur trésor, leur propriété: c’est le souverain qui leur en a garanti la jouissance , on ne peut donc les en priver aujourd’hui sans injustice. Je vous le demande, Messieurs, si dans le moment où le religieux allait se consacrer à Dieu par la profession religieuse , on lui eût dit : La loi autorise votre démarche et elle l’approuve, vous êtes sous sa sauvegarde ; mais il viendra un temps où une révolution inattendue amènera de nouveaux principes, le souverain vous retirera sa protection, vous serez bannis de votre demeure paisible, et on vous traitera comme un homme inutile à l’Etat et étranger à la Constitution. Je vous le demande, Messieurs, est-il un seul religieux qui se fût engagé sous une condition aussi humiliante ? La profession des religieux a donc été fondée sur l’engagement pris par la société avec eux , et sur la garantie formelle qu’on leur a donnée, qu’on ne contrarierait pas à cet égard leurs goûts et qu’ils ne seraient pas troublés dans leur profession d’état; ce serait donc une violation formelle du contrat passé entre le souverain et les ordres religieux, ce serait un attentat à la propriété et vous avez juré de la respecter. Vous ne pouvez changer cet état de choses que du consentement des religieux, ou pour quel-37 578 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1790.] que délit caractérisé qui les rende indignes de la protection de la loi ; ce consentement n’existe pas si l’on en excepte quelques religieux mécontents ; le très grand nombre réclame contre le projet de suppression; les religieuses surtout, ont montré à cet égard une opposition, une fermeté qui les honorent à jamais aux yeux de la religion. Quant au délit caractérisé, seul capable de leur faire perdre leur propriété, on le chercherait en vain ; il est parmi les communautés d’hommes des ordres très réguliers, et l’on peut dire, en général, que la ferveur primitive habite encore dans les couvents de filles. Les abus, le relâchement qu’on peut reprocher à quelques ordres sont un grand mal sans doute, mais ce n’est pas là un délit qui puisse faire perdre des droits acquis et la protection du souverain. Tous êtes appelés, Messieurs, à réformer les abus et à porter dans tous les états une nouvelle vie; les ordres religieux seraient-ils les seuls exceptés ? N’auriez-vous pour eux que des arrêts de proscription et de mort? Jamais la circonstance ne fut plus heureuse pour rappeler à l’esprit primitif ceux des ordres monastiques qui s’en sont écartés. La liberté que vous accordez aux ordres religieux mécontents de se retirer, ramène l’ordre et le calme dans les communautés ; ceux qui résisteront à l’ordre que vous leur faites, seront à coup sûr, bons religieux, et ils se prêteront sans peine à tous les projets d’améliorations que vous leur présenterez. Ah ! il serait bien plus glorieux pour vous de régénérer des corps, qui ont été jadis la gloire de la religion, que de les punir par un anathème éternel , pour avoir cédé au torrent de la faiblesse humaine. J’entends dire qu’on ne prétend pas punir les religieux, que c’est, au contraire, par un sentiment d’humanité qu’on va au-devant de leurs désirs , et qu’en leur rendant la liberté on croit les rendre heureux ; permettez-moi de vous le dire , Messieurs, quand on veut rendre quelqu’un heureux , il faut que ce soit à sa manière et non à la nôtre , le bonheur est relatif ; on ne vous montre dans le cloître que de tristes victimes qui sont accablées de leurs chaînes et qui maudissent leurs engagements ; mais s’il n’en était pas ainsi , si l’offre que vous leur faites de la liberté est rejetée avec horreur , s’ils ne craignent rien tant que de perdre leur état , vous opposerez-vous au bonheur de ceux qui pensent ainsi? et c’est le très grand nombre. Ëh! quoi, cette liberté que vous laissez à tout citoyen, de prendre un genre de vie qui appelle les plaisirs et la mollesse , vous ne la laisseriez pas à des hommes qui cherchent la vertu et la sagesse , loin des pièges et des écueils! Je sais que, dans le plan de votre comité, on ne doit pas forcer les religieux qui veulent persévérer à reutrer dans le inonde; on leur ménage des maisons où ils pourront finir leurs jours dans la pratique des observances monastiques. Mais ce bienfait n’est qu’illusoire, et cette marque de protection ne tend, en effet, qu’à aggraver leur destinée. Par une suite de ce projet, on les arrache de ces maisons où un choix réfléchi les avait fixés , et qui leur étaient chères à tant de titres, où tout leur rappelait le bonheur de leur consécration et ranimait leur ferveur, où l’habitude, réunie à des goûts innocents , à des jouissances permises, à des relations intéressantes, leur procurait mille petits agréments ; on les arrache, dis-je, de ces maisons pour les porter dans des campagnes isolées , et peut-être dans des maisons peu commodes et malsaines, sans connaissances, sans amis, chargés en quelque sorte de la proscription de la loi et livrés au mépris et à l’ignominie. Et quel bonheur peuvent-ils trouver dans des maisons composées de sujets, tous maîtres de leur sort, libres de se retirer quand ils le jugeront convenable à leurs intérêts ou à leurs plaisirs et avec la certitude d’une extinction prochaine et totale? l’organisation de ces maisons en bannit nécessairement la subordination et l’ordre, la paix et l’innocence. Ce n’est pas là assurer aux religieux la protection que les lois leur avaient promise; c’est les placer dans l’alternative de couler des jours tristes dans la douleur et l’amertume, au sein de l’anarchie et du trouble, ou de rentrer dans le monde, dont le séjour contraste avec leurs devoirs, leurs habitudes et leurs goûts. Plus on réfléchit sur ce sujet, plus on est étonné que sous le règne de la liberté, et malgré 1’engagement solennel de respecter les propriétés, on ose vous proposer de devenir injustes envers les religieux, après avoir contrarié leurs goûts et enchaîné le penchant qui les porte vers la solitude. Pour vous cacher l’odieux de ce procédé, on vous peint l’institut religieux, non seulement comme un hors-d’œuvre dans la constitution, mais comme contraire aux droits de l’homme, aux devoirs du citoyen et à la prospérité de l’Etat. Je conviens que notre constitution n’est pas intimement liée avec l’institut religieux; elle peut s’en passer et lui refuser même une existence légale ; mais ce ne peut être que pour l’avenir. El le est liée par les engagements du souverain avec les ordres monastiques. Cependant qu’il me soit permis d’observer que l’institut religieux n’a rien d’incompatible avec notre constitution et que dans un État catholique il peut être autorisé sans préjudice de la chose publique. 11 contrarie, dit-on, les droits de l’homme; il fait disparaître cette heureuse égalité, cette liberté précieuse dont il n’est jamais permis de se départir. Je n’examinerai pas si l’égalité est un droit naturel de l’homme ; ce qu’il y a d’incontestable, c’est qu’elle ne peut exister dans une société bien organisée, et qu’elle y ferait un grand désordre. Il faut nécessairement un souverain et des sujets, des maîtres et des serviteurs, et par conséquent des supérieurs et des inférieurs. Cet ordre de choses inévitable dans toute société peut donc s’allier avec une dépendance volontaire, telle que celle des religieux, et surtout lorsque la religion la consacre et qu’elle enadoucittoutesles rigueurs. La perpétuité des engagements religieux n’a rien de révoltant. Ne voit-on pas tous les, jours des citoyens, pour se procurer un repos nécessaire, s’obliger, sous la foi même du serment, à obéir à des souverains qui ont bien des défauts, et à des lois très gênantes, et cela sans aucune exception de temps et de lieu? Pourquoi donc le religieux ne pourrait-il, pour fixer son inconstanceet prévenir des retours fâcheux, engager sa liberté, non à un homme, mais à l’Eternel, qui est le seul objet de son vœu ? Je ne dis plus qu’un mot là-dessus ; la religion [12 février 1790.] 579 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. autorise, conseille, récompense le vœu des vertus les plus sublimes et les plus difficiles; et sans doute elle ne peut rien conseiller de contraire aux droits essentiels de l’homme, aux engagements du citoyen. Mais, ajoute-t-on, un religieux ne peut être un citoyen, il est mort pour la société, elle n’a plus de droit sur lui, elle ne peut en exiger aucun service, en attendre aucun secours. J’avoue que dans un Etat où la religion est comptée pour rien, le religieux ne joue pas un rôle bien intéressant. Parmi-nous, le religieux a comme tous les ministres du culte, sa place marquée entre les citoyens et des fonctions qui intéressent la société ; que son ministère soit plus ou moins nécessaire, il est très utile et cela doit suffire. Dans un royaume catholique, les lots sont divisés entre les citoyens : les uns s’occupent de l’administration des affaires publiques, les autres se livrent à des études pénibles, aux spéculations du commerce, à la perfection des arts, aux travaux de l’agriculture; il en est quelques-uns qu’on affranchit de tous ces soins pour les charger des vœux et des hommages de la patrie, au Très-Haut, et pour offrir aux fidèles les ressources de leur ministère dans l’ordre de la religion. Voilà la tâche des religieux comme des autres ministres; il est vrai que le religieux ri’a pas tout-à-fait les mêmes rapports avec la société que les autres membres du clergé, il ne peut pas acquérir, mais qu’importe, s’il est sans désirs et sans besoins, il ne peut pas donner, c’est qu’il a donné et qu’il a enrichi sa famille pour se vouer aux plus rudes privations, line peut pas plaider pour son compte. Et Messieurs, regardez-vous donc comme un grand avantage de faire retentir les tribunaux des débats des ministres de la religion (1)? d’ailleurs le religieux est soumis aux lois, il porte avec ses frères le poids des charges publiques, il partage son bien avec les malheureux; que faut-il de plus pour mériter le nom de citoyen ? Je ne rappellerai pas ici les services intéressants rendus à la France par les anciens religieux; je ne parlerai pas non plusde ceuxquelui rendent encore les religieux de nos jours par les travaux de l’éducation, le soin des malades, la culture des sciences ; il ne tient qu’à vous, Messieurs, de les rendre encore plus utiles; de toutes parts ils s’offrent à vous, pour entrer dans vos vues et contribuer, sous vos auspices, au bonheur de notre commune patrie. Il est, je le sais, quelques ordres religieux, des deux sexes, que leur régime éloigne de tous ces soins tumultueux, et se livrent à une solitude entière, mais ils sont si intéressants dans l’ordre de la religion qu’on ne peut soutenir l’idée de leur destruction : quel spectacle, aux yeux de la foi, que la Trappe, Sept-fonds, les Chartreux, le Carmel, quel hommage rendu à l’ètre suprême dans ces sanctuaires! quel héroïsme de vertu on y pratique ! L’esprit du jour ne voit dans ces saintes demeures que les victimes de la superstition et du fanatisme, mais ceux qui ont fréquenté ces maisons vénérables y ont trouvé la raison la plus éclairée, la plus haute sagesse, et la paix et la joie qui en sont le doux fruit. Eh ! quoi, Messieurs, on souffre que des millions de citoyens végètent dans la société, sans état, sans profession, uniquement occupés de leurs plaisirs; (1) Au fond, cette sorte d’interdiction des fonctions civiles n’est pas une suite nécessaire de l’état religieux ; elle est l’ouvrage de nos lois. Le régime monastique a même longtemps existé sans la solennité des vœux. et on trouverait mauvais que, dans un Etat chrétien, deux ou trois mille personnes cherchent dans la solitude un repos devenu nécessaire à leurs âmes trop longtemps égarées ! Mais il est une considération plus importante sur cette matière qu’il est temps de développer. Dans la profession religieuse, il y a deux choses : le lien spirituel qui résulte du vœu, et les effets civils qui en sont la suite par la disposition des lois canoniques et civiles. Personne ne respecte plus que moi les droits, le pouvoir de la nation; mais vous me désavoueriez vous-mêmes, Messieurs, si j’allais vous attribuer une autorité qui ne peut vous appartenir. Maîtres de tout ce qui a trait au droit civil, vous pouvez accorder et refuser votre autorisation à de nouveaux instituts, ou même empêcher la perpétuité des anciens; mais l’obligation spirituelle du vœu échappe au Souverain; c’est sous les yeux de Dieu qu’elle est contractée; lui seul peut la rectifier ou en suspendre les effets par le ministère de son Eglise. Déclarez tant que vous voudrez les ordres religieux supprimés, l’obligation du vœu reste en son entier, et elle doit avoir son effet dans tous les cas où cela n’est pas impossible, ainsi que cela a lieu pour le vœu de chasteté. Laissez aux religieux la liberté de sortir, cette concession ne les affranchit pas de leurs engagements, cette faveur n’en est point une et ne leur donne aucun droit réel. Ils ne peuvent devenir libres que parune dispense donnée en connaissance de cause par l’autorité ecclésiastique. Voilà les vrais principes. Elle est donc bien irrégulière la marche qu’on vous trace. L’autorité qui a présidé à la formation et au régime des corps religieux, établie par Dieu, seul juge du bien spirituel de la profession, n’est ni appelée ni consultée; bien loin de prévenir les effets de l'inconstance et du dégoût chez le religieux, on tente la foi qu’il a jurée à Dieu par l’offre la plus séduisante, on provoque son infidélité par les ressources qu’on lui présente. C’est devant des officiers municipaux qu’on envoie les religieux mécontents, et par le seul effet de sa déclaration, il devient libre et rentre dans le monde; et ce n’est qu’après une apostasie solennelle et lorsqu’il est rendu au sièclequ’on le renvoie devant les supérieurs écclésiastiques pour faire autoriser son infidélité et son crime. Ce recours tardif est un outrage à la puissance spirituelle, et il n'est plus qu’une vaine formulent cette chaîne que l’amour des devoirs eût rendu si douce se changera en une chaîne de fer qui accablera ce mauvais religieux tous les jours de sa vie. Vous n’adopterez pas, Messieurs, un pareil projet; il compromettrait votre sagesse et votre justice. Non, il ne tombera pas sous vos coups cet arbre antique et majestueux, qui, planté depuis douze siècles sur le sol heureux de la France, a poussé de si profondes racines et étendu au loin ses rameaux ; non, elles ne seront pas anéanties par vos ordres ces institutions saintes, consacrées par la religion, autorisées de l’église universelle, protégées dans tous les empires catholiques et tolérées même dans la domination des Turcs. Non vous ne souffrirez pas que dans un royaume très chrétien il soit défendu à des citoyens de suivre les conseils évangéliques et de choisir un moyen de perfection qui peut leur être si utile sans nuire à la société. J’opine donc pour que le projet du comité ecclésiastique soit rejeté et qu’on se borne à réduire les corps religieux sans en supprimer l’institut. M. Barnave. Le préopinant a voulu parler en faveur des religieux ; je soutiens uûe thèse opposée 580 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1790 J à la sienne, et je parle aussi pour eux. Il ne s’est occupé que des chefs, de quelques maisons religieuses opulentes, qui, ayant fait vœu d’obéissance et de pauvreté, jouissent de toutes les douceurs de l’indépendance et de la richesse. Moi, je songerai aux individus. Le préopinant s’est livré à des calculs dans lesquels il a glissé beaucoup d’erreurs. Je ne m’arrêterai pas à cette nature de raisonnement. Il suffit que l’existence des moines soit incompatible avec les droits de l’homme, avec les besoins de la société, nuisible à la religion, et inutile à tous les autres objets auxquels on a voulu les consacrer.... (Les murmures d'une partie de la salle interrompent l’opinant.) Je crois n’avoir pas besoin de démontrer l’incompatibilité des ordres religieux avec les droits de l’homme : il est très certain qu’une profession qui prive des hommes des droits que vous avez reconnus est incompatible avec ces droits ..... (MM. l’abbé Maury, deJuigné, l’évêque de Nîmes, Dufraisse-Duchey, l’évêque d’Angoulême, etc., se livrent à des mouvements si impétueux que l’orateur ne peut continuer.) M. GoupHIeau. Si ces Messieurs ne veulent pas entendre la discussion, il faut délibérer. Un grand nombre de membres demandent à aller aux voix. — Le tumulte cesse. M. Barnave continue. Ma proposition est juste ; il suffit, pour le prouver, de rappeler ce premier article des droits de l’homme : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits... Les ordres religieux sont contraires à l’ordre public; soumis à des chefs indépendants, ils sont hors de la société, ils sont contraires à la société... Obligés à des devoirs que n’a pas prescrits la nature que la nature réprouve, ne sont-ils pas par la nature même conduits à les violer ? Le respect pour la religion n’est-il pas alors attaqué ? C’est un très grand mal politique. Quant à l’éducation politique, elle doit être faite par des hommes qui jouissent des droits du citoyen, qui les aiment pour les faire aimer ..... Tout homme qui ne peut subsister par son travail doit subsister par la société; ainsi les secours à donner aux pauvres, aux malades, sont des devoirs de la société ; des hommes étrangers à la société ne peuvent être chargés de remplir ces devoirs. Les ordres religieux sont donc incompatibles avec l’ordre social et le honneur public; vous devez les détruire sans restriction. M. de Lafare, évêque de Nancy (1). Messieurs, je ne m’arrêterai point à réfuter ici ce qui a été dit par le préopinant (M. Barnave). Les opinions religieuses qu’il professe peuvent excuser quelques assertions hardies qu’il s’est permises, mais qu’il n’a pas prouvées. U vous a présenté des déclamations vagues et des sophismes; je vais vous soumettre des calculs positifs : je les crois exacts, irréfragables. Si je me trompe, il sera facile de relever mes erreurs. La proposition sur laquelle la discussion a été fixée et qui consiste à savoir si les corps religieux doivent ou ne doivent pas être supprimés, atteint par ses conséquences tout le système religieux. La nécessité de mettre dans son véritable jour le danger d’exécuter la suppression proposée, me (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du dis-ceurs de M. de Lafare. force de tracer à vos yeux le tableau raccourci de la position actuelle du clergé : ce tableau exige des détails. Daignez, Messieurs, ne pas les suspendre; vous les jugerez dans leur ensemble, et j’ose croire que vous verrez bientôt combien ils sont nécessaires au développement des principes et à la maturité de votre décision : ils tendent à vous faire connaître s’il est convenable, s’il est utile pour la nation, de prononcer la suppression absolue des ordres religieux. Je suis bien loin de penser qu’on veuille porter aucune atteinte à la religion de nos pères ; mais il faut convenir que, si ce funeste projet eût été formé, il était difficile de travailler plus efficacement à son succès. Un monarque de ce siècle, justement célèbre (1), a consacré, dans ses ouvrages philosophiques, cette opinion trop certaine, que rien n’était plus capable d'affaiblir l'empire de la religion catholique que d’enlever aux églises leur patrimoine. Il aurait pu ajouter que de supprimer les ordres religieux. La marche, Messieurs, que vous avez suivie à l’égard du clergé n’était pas sans doute guidée par ce principe, mais le résultat n’est pas moins alarmant. Le rachat de la dîme a été décrété ; la rédaction postérieure de votre décret a porté son abô-lition. Bientôt a suivi la proposition de déclarer le patrimoine du clergé propriété nationale. Votre justice s’y refusait. On s’est borné à vous investir de la simple disposition des biens ecclésiastiques, d'après les instructions et sous la surveillance des provinces. Déjà le projet de la vente générale de tous les biens patrimoniaux des églises vous avait été présenté. Vous aviez paru le rejeter; mais, après avoir proscrit la lettre de ce projet, vous en avez adopté l’esprit par votre décret du 19 décembre; vous l’avez porté sans que les membres du clergé, inscrits pour la parole, eussent pu se faire entendre. Ici, Messieurs, la ruine des églises et du culte n’était que trop avancée. Jetez, pour un moment, vos regards en arrière, et faisant aujourd’hui ce qui devait être votre première opération, comparez la nécessité de la dépense du culte et des ministres avec la possibilité des ressources qui vous restent. Les plans les moins suspects d’exagération et de faveur pour le clergé demandent un fonds annuel de cent millions pour la dépense du culte. Ce fonds se trouvera-t-il, d’après le résultat de vos précédents décrets et des nouveaux qu’on vous propose? Cette connaissance devient indispensable, pour ne pas compromettre la disposition des biens ecclésiastiques que vous vous êtes réservée. Si la dîme restait abolie, il faudrait soustraire des revenus possibles du clergé. 70 , 000 , 000 liv. Pour la partie des droits féodaux supprimés sans indemnité 2,000,000 Pour la rente représentative de deux cents millions au moins de valeurs terrritoriales et improductives, qu’il faudra vendre pour compléter les quatre cents millions de propriétés ecclésiastiques que vous projetez de vendre ........... 10,000,000 Car vousne croirez pas qu’une (I) Frédéric II, roi de Prusse.