246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.J [Assemblée nationale.j dition de l’indemnité due aux propriétaires et fixée par le règlement. « Art. 8. Les baux faits par le gouvernement aux inventeurs des mines qu’ils ont mises en exploitation, et aux entrepreneurs des premiers travaux, auront leur plein et entier effet. « Art. 9. Les assemblées administratives présenteront incessamment au Corps législatif les projets de règlement qui seront applicables à l’exploitation de leurs mines et convenables à leurs localités. » Plusieurs membres demandent l’impression du discours et du projet de décret de M. Hertault-Lamerville. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour sur cette motion. (L’Assemblée, consultée , décrète qu’elle ne passe pas à l’ordre du jour.) M. le Président. Je mets aux voix la demande d'impression. (L’Assemblée décrète l’impression du discours et du projet de décret.) M. de Lamline. Les mines font-elles partie de la propriété foncière ou appartiennent-elles à la nation en général? Cette question faite à une Assemblée jalouse de conserver à la propriété tous ses droits paraîtrait assez extraordinaire j si la décision du comité ne devait surprendre encore davantage. Sa discussion devient donc importante ; elle tient au droit des gens, bien plus encore qu’au droit des nations. La surveillance et l’inspection des mines sont dues par l’Etat à l’intérêt public; mais il doit en même temps aux citoyens en particulier la conservation de leurs droits individuels. Celte vigilance légitime ne peut jamais être une appropriation, un envahissement anticonstitutionnel des biens de celui qui avait acquis pour jouir. Le propriétaire use-t-il mai de sa propriété? une inspection sévère et juste doit le rappeler aux principes sages et aux méthodes utiles. Ses facultés pécuniaires ne lui permettent -elles pas d’entreprendre une exploitation coûteuse ? Dès lors, on ne peut subroger personne à ses droits que sous deux conditions. La première de ces conditions est que le propriétaire soit tenu de déclarer qu’il ne veut ou ne peut user de sa chose; la seconde, que L’Etat ne permette point la mise en possession d’un étranger, sans que ce dernier soit assujetti à une indemnité préalable. Le consentement du propriétaire du fonds, le dédommagement qu’il reçoit pour sa cession sont des preuves évidentes de son droit exclusif à la chose. Les mines n’appartiennent pas plus naturellement à l’Etat que touies les autres productions des champs. En vain leurs produits servent à l’usage général; les denrées, les combustibles (t tout ce que la terre nous offre, dans sa prodigalité, ne sont-ils pas à l’usage commun de tout ce qui respire, de tous les êtres répandus sur sa surface? Je sais que nul propriétaire n’est entièrement indépendant dans sa jouissance et que, par l’accord social, il doit compte à ses associés, c’est-à-dire à l’Etat, d’une gestion raisonnable ; mais, à son tour, te gouvernement ne peut point s’emparer de 1a. propriété individuelle. Il lui doit au contraire, et tout à la fois, conseil pour en bien user et sauvegarde contre l’usurpation d’autrui. C’est en partant de deux principes erronés que les amis des porteurs de privilèges voudraient, pour en autoriser les concessions abusives, faire déclarer les mines des propriétés publiques et exiler de leurs champs les hommes tranquilles qui les cultivent et qui, sans sollicitations, sans intrigues, n’ont ici que nons pour défenseurs. Non, je ne trahirai point leur juste cause, ma raison et mon cœur, avant mes cahiers, m’en avaient prescrit le devoir. Premièrement : « Ces biens, a-t-on dit, qui ne peuvent appartenir à un seul, appartiennent à tous et n’ont par conséquent de maître que la nation. » Ce raisonnement otfre d’abord, dans sa généralité, une fausseté évidente ;et, ensuite, nulle relation entre son principe et sa conséquence. 11 est une infinité de biens dans la nature qui appartiennent à tous et n’ont pas pour maître une nation. Les mines, d’ailleurs, et particulièrement les carrières de charbon, ne sont pas de ces biens vagues et communs qui deviennent le patrimoine de qui n’en a pas. Secondement : « La nation, a-t-on dit, par son droit de souveraineté, est maîtresse de toutes les parties de son sol qui sont indivises et qui n’ont point encore connu de propriétaire partn ulier. » Si la nation a la surveillance générale de toutes les parties de son sol, de toutes propriétés, la sienne ne peut être trop restreinte. Sa gloire et sa richesse véritable sont de multiplier les propriétaires dans son sein, sans multiplier ses possessions directes. Veiller aux jouis-ances d’un chacun, mais non s’en emparer; garantir et non acquérir ; être la souveraine économe de tous les biens, mais pour les faire sagement administrer au profit même du citoyen qui ne le pourrai!, pas ; protéger sa fortune contre l’usurpation d’autrui, et non en partager les dépouilles, tel est le contrat légitime de la nation avec les individus : tel est l’accord durable et solennelle entre la classe qui gouverne et celle qui est gouvernée; et ce lien social, déjà consacré par la justice et la nature, a été raffermi par votre déclaration des droits. Sans doute, les mines sont indivises, tant qu’elles ne sont point encore en exploitation. Le sont-elles? alors chaque propriétaire acquiert un droit proportionnel à sa propriété ou à l’indemnité qui la représente. N’en pouvait-on pas dire autant de tout champ étendu, avant son partage? Il était indivis; mais la nation n’en était pas propriétaire. La famille, la communauté qui y avaient droit, l’ont divisé; la nation est intéressée à ce qu’il soit mis en valeur; mais là se bornent et son devoir et sa légitime puissance. « Tout citoyen, ose répondre l’avidité particulière, n’a droit qu’à la superficie du fonds ; il ne peut recueillir sur cette surface que l'aliment qui lui convient et la subsistance de ses troupeaux. Tout ce qui se trouve dans l’intérieur ne doit point lui appartenir ; et le conseil ai si que les minisires, qui représentaient naguère toute la nation, ont dû s’en emparer pour l’utilité publique et en faire par conséquent la dot, la récompense et le prix des sollicitations heureuses.» Ce commentaire du principe qu’on vous propose, ce commentaire qui serait bon dans les codes de l’Asie, ne déshonorera pas le vôtre. Le véritable apanage d’un peuple libre est le maintien le plus étendu de toute propriété individuelle. « Les mines, vous dit-on, présentent un ensemble d’exploitation. Il faut suivre cet ensemble; et on ne peut opérer en partie...» Mais les corps administratifs seront préposés pour veiller à cet