[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mats 1790.] 107 tin ecclésiastique, un magistrat ; de sorte qu’on a cru trouver dans cet assemblage la reproduction de là distinction des trois ordres. Depuis l’époquë de la nomination contre laquelle je m’élève, les libellés se sont répandus plus que jamais; on à été jusqu’à vouloir persuader que l’Assemblée nationale allait être transférée à Boissons, pour y commencer la banqueroute. (On entend quelques murmures d’improbation-.) J’aUrdis désiré que là nomination deS commissaires eût été concertée avec l’Assemblée nationale* et, en dernière analyse, avec les députés de chaque département; — Je demande que tous les décrets sur l’organisation des municipalités soient sanctionnés , réunis en un seul corps* et envoyés ainsi dans chaque muni* cipalité* afin qu’ils puissent y recevoir leur Véritable interprétation. il. RewbelL Une chose sûre, et de laquelle vous ne pouvez pas vous écarter* c’est que vous avez décrété que le pouvoir exécutif sera chargé de veiller à l’exécution de vos lois; Il fallait bien, d’après ce décret, que le pouvoir exécutif nommât des commissaires pour veiller à l’organisation des municipalités. Il paraît à présent que la commission donnée excède le pouvoir que vous avez entendu laisser vous*mêmes aux Commissaires* relativement aux discussions qui peuvent s’élever dans les élections. Je propose donc un nouvel amendement aü projet de décret qui vous a été présenté par yotre Comité de constitution; ce serait d’ajoutèr que la Commission et l’instruction ne doivent pas s’étendre aux difficultés majeures qui peuvent exister dans le choix des officiers municipaux. M; d’Aiidré. Les difficultés qu’on vous présente peuvent aisément se résoudre. Il est une vérité Constante : c’est que l’ouvrage de la constitution ne sera véritablement solide que lorsque les assemblées administratives seront organisées ; il est donc essentiel que les assemblées de district et dë dépâftément soient bientôt formées. ■ Je ne connais pas de moyen plus puissant pour accélérer cette organisation qtte la nomination dès commissaires par lé pouvoir exécutif, à moins que l’Assemblée ne les nommât elle* môme, et c’est ce qu’elle ne peut ni ne doit faire, parce qu’elle réunirait alors le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Certes, ce n’est là ni l’in* tention de mes commettants ni la nôtre. On se plaint que cette nomination est mai faite : je réponds qu’en Bretagne on est très content des commissaires ; que dans ma province on ne l’est pas moins, et que la Bretagne et la Provence ne sont pas seules satisfaites. Je réponds que les députés à l’Assemblée nationale ont eu toute l’influence possible dans le choix de ces commissaires, et que si quelques-uns n’en ont pas eu, c’est leur faute, et non celle du pouvoir exécutif, qui, datis tout ceci, a parfaitement fait son devoir. Qu'on ne vienne donc pas nous effrayer par des rapports toujours peu fondés, et qui heureusement ne le sont souvent pas du tout. — Ce ne sont pas des craintes qu’il faut donner à nous et aux peuples; c’est l’espérance de la paix, et nous la concevrons quand nous le voudrons. — Il est très certain que les commissaires ne doivent pas juger définitivement les contestations qui pourront s’élever dans l’élection des municipalités, et l’amendement proposé par M. Rewbel me semble devoir détruire la crainte qu’on pourrait concevoir à ce sujet. J’ajoute que le jugement des commissaires ne devra jamais être que provisoire. Jè conclus à ce que le projet de décret présenté par le comité de constitution soit adopté avec l’amendement de M. Rewbel L M. V«idel demande l’impression de la liste des commissaires nommés. Quelques autres amendements sont proposés 5 deux sont adoptés par le comité, les autres rejetés par la question préalable; Le décret est adopté comme il suit : L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture dé la commission et de l’instruetion données par le roi aux commissaires nommés par Sa Majesté pour la formation des assemblées primaires et administratives* et sur le rapport à elle fait Dar son comité de constitution* décrète : « l6 Que les pouvoirs des commissaires chargés par le roi de surveiller et de diriger, pour cette première fois seulement, conformément au décret du 8 janvier dernier, la formation des administrations de département et de district, expireront le jour de la clôture du dernier pfocès-terbal d’élection des citoyens qui composeront lesdites administrations; 2° Que tes commissaires, devant déeidér provisoirement les difficultés qui surviendront dans le cours de la formation des assemblées primaires et administratives, renverront à l’Assemblée nationale les difficultés majeures qui pourraient survenir, et dont la décision ne pourrait être dirigée ni par le texte ni paMès conséquences nécessaires des décrets de l’Assemblée nationale ; « 3° Que le comité de constitution ayant été autorisé à donner son avis sur plusieurs difficultés relatives à la formation des municipalités, et à renvoyer aux assemblées de département les difficulté}* qui tiennent à des connaissances lo-cales*jae seront ces assemblées qui prononceront sur toutes les questions survenues à cet égard, ou qui pourront survenir : les commissaires du roi ne pourront en connaître bous aucun prétexte ; « ¥ Que les commissaires, avant de commencer leurs fonctions, prêteront le serment civique devant la municipalité du lieu oü se tiendra l’assemblée des électeurs de département. * L’ordre du jour appelle la discussion sur la nouvelle organisation dé V ordre judiciaire. M. dê Vïefvllle des Ess Art s. Messieurs, l’Assemblée nationale ayant décrété que le pou voir judiciaire Sera constitué* e’est donc sous Ce rapport que je dois examiner le projet présenté par le comité de constitution. Je me propose d’établir qu’il est impraticable dans Fétàt àctuèl dès finances* injuste dans ses effets* dangereux dans ses conséquences. — Impraticable dans l’état actuel des finances. Il est imposibie d’opérer en ce moment le remboursement des charges de judicaturé : ce iie sera pàS sans de grandes difficultés qu’on par* viendra à cOhCiller ce qu’on doit aüx propriétés particulières avec la rëséfve qü’ott doit aux besoins de l'Etat. Bti effet, l’ Assemblée nationale if’anêantifa pas une propriété prêdièüsé, Sans avoir ass tiré aux propriétaires me jus te st préalable indemnité. Les offices de jtiâicàttire* déclarés inamovibles, sont une propriété véritable. L’ar* ticle 7 du décret fendu le 10 août est ainsi Coup : « La Vénalité des offices dé jUdiCatorC et dè mu* nicipalitè est supprimée dès cet instant ; là justice sera rendue gratuitement, et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d’exercer leurs fonctions, et d’en recevoir les émoluments, 408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29. mars 1790.] jusqu’à ce qu’il ait été pourvu, par l’Assemblée, aux moyens de leur procurer leur remboursement. » U est donc nécessaire de déterminer d’abord le mode, le taux et les époques du remboursement. Or, si vous voulez méditer l’état des finances, vous verrez qu’il est impossible d’exécuter ce remboursement; il coûterait800 millions; car ce n’est pas sur le pied de la première finance, mais, suivant M. Bergasse, sur le pied de la dernière acquisition, que ces remboursements doivent être faits... (On interrompt l’opinant en observant qu’il s’écarte de l'ordre du jour.) M. Voldel. L’Assemblée ayant déclaré une nouvelle organisation de l’ordre judiciaire, il faut organiser cet ordre ; sans doute, le remboursement des offices doit avoir lieu ; mais le mode de ce remboursement est une question purement de finance. M. l’abbé Maury. Qu’on vous propose, soit de conserver les magistrats qui occupent les tribunaux, soit de les rembourser de telle ou telle manière, on ne cesse pas d’être dans l’ordre du jour. M. Eanjuinais. Le plan de M. de Yiefville des Essarts est imprimé. Dans la première partie, il s’écarie de vos décrets ; dans la seconde, il s’y renferme. L’opinant pourrait se borner à lire cette seconde partie. M. de Viefville des Essarts. Vous avez deux décrets qui tiennent à cet objet ; celui du 11 août et celui par lequel voüs avez tout récemment ordonné la reconstitution du pouvoir judiciaire ; ces deux décrets ne sont-ils pas contradictoires ? M. Lanjainais. Cette question a déjà été soulevée au sujet de la vénalité des offices municipaux; l’Assemblée a alors décidé qu’il serait ordonné à son comité des finances de s’occuper des moyens de remboursement. (L’Assemblée délibère, et engage M. de Viefville des Essarts à passer à la seconde partie de son discours.) M. de Viefville des Essarts. 11 faut modifier les institutions judiciaires actuelles , prendre les précautions nécessaires pour rapprocher les justiciables de la justice, et s’assurer de juges intègres; cela est raisonnable et nécessaire; mais qu’on supprime brusquement des corps antiques de magistrature.... (Il s’élève de très grands murmures. On se plaint encore que l'orateur s'écarte du décret.) Je n’insiste pas sur ces deux parties.; je vais passer à la troisième. On propose des tribunaux de districts, des tribunaux de départements et une cour supérieure; mais qu’on dise donc quelle sera l’utilité d’un tribunal de département? S’il est égal en sagesse avec la cour supérieure, il sera inutile ; si l’un est moins sage que l’autre, il sera vicieux. L’établissement des juges de paix, ainsi qu’il est conçu, aurait de grands dangers ; il donnerait trop à l’éloquence et à l’adresse des plaideurs. Le juge ne pourrait, sans inconvénient, être chargé de rédiger les dires des parties. Le comité demande qu’on ne reçoive nulle action au tribunal du district, si elle n’a d’abord été soumise au juge de paix. Cette disposition occasionnerait des retards fâcheux dans les poursuites d’un créancier contre son débiteur. On veut ensuite laisser à chacun la liberté de défendre sa cause, et l’on conserve en même temps les formes qui proscrivent cette liberté. D’après ces formes, f assistance des avocats et des procureurs est nécessaire ; il y a donc une contradiction évidente dans cette proposition. Moins il y a de formes entre la loi et le juge, plus l'homme est esclave, plus la propriété est en danger. On ne doit pas sans doute abuser des formes ; mais il en faut, mais elles doivent être respectées ; mais on doit surtout conserver cet ancien adage : La forme emporte le fond. Si l’on admet sans distinction tous les citoyens à plaider leur cause, leurs injures, leurs cris, leurs injustices profaneront le sanctuaire de la loi. Deux plaideurs se donneront-ils la connaissance des actes ? Ne chercheront-ils pas à se surprendre réciproquement ; aiusi, non seulement on ne doit pas permettre à chacun de défendre sa cause par écrit, mais encore de la défendre à l’audience; ou bien, l’on supprimerait par le fait les offices ministériels, puisque leurs fonctions cesseraient d’être nécessaires ; alors il faudrait bien leur donner une indemnité sur leurs offices. — Je pense qu’on doit restreindre les fonctions de juge de paix à l’attribution des causes sommaires dont l’instruction se fait sans écriture, aux tutelles, curatelles et inventaires. Il n’est pas nécessaire d’en avoir dans tous les cantons: plus il y a déjugés, moins ils valent. Je ne vois nulle utilité à établir plus de deux degrés de juridictions, et je pense qu’on doit conserver les juges royaux... Au surplus, je crois qu’il n’y a pas à délibérer sur l’organisation du pouvoir judiciaire, tant que le taux du remboursement ne sera pas fixé. M. Duport, député de Paris. M. Duport monte à la tribune et commence la lecture d’un long mémoire. — Cette lecture ne pouvant être terminée au cours de cette séance, l’Assemblée ordonne que le travail de l’orateur sera imprimé et que, néanmoins, la lecture en sera achevée demain. — Voyez ci-dessous, les pièces annexées à la séance de ce iour : 1° Principes et plan sur l’établissement de V ordre judiciaire, par M. Duport; 2* Moyens d’exécution pour les jurés au criminel et au civil , par le même ; 3° Plan d’exécution des jurés au civil , par le même. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 29 mars 1790. Principes et plan sur l'établissement de l'ordre judiciaire, parM. Duport, député de Paris (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) AVERTISSEMENT. On a beaucoup écrit sur les lois, fort peu sur une bonne organisation à donner à l’administration de la justice; quelques vues éparses sur ce sujet dans un petit nombre d’écrits, n’ont jamais été (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du tra vail de M. Duport.