Séance du 6 Messidor An H (Mardi 24 juin 1794) Présidence de LACOSTE La séance est ouverte par la lecture de la correspondance et des adresses et pétitions suivantes. 1 La société populaire de Valence, département de la Drôme félicite la Convention nationale d’avoir mis à l’ordre du jour la justice et la vertu, et l’invite à rester à son poste. Elle lui envoie 3 copies du procès-verbal de sa séance du 20 floréal, lequel contient une dénonciation faite contre l’un de ses membres, qui, après avoir reçu de son père toute la fortune dont il jouissoit, le traite avec une dureté et un mépris révoltans, et porte l’oubli des plus doux sentimens de la nature jusqu’à laisser manquer du nécessaire cet infortuné vieillard qu’U condamne même aux travaux les plus pénibles (1). [Extrait du p.-v. de la séance du 20 flor. II ] (2). La société considérant que l’oubli & le mépris de la piété filiale, de ce premier sentiment de la nature, qui porte l’homme à honorer & à secourir les auteurs de ses jours, doit être sévèrement réprimé dans une association populaire où toutes les vertus doivent être à l’ordre du jour; Que le respect dû à la vieillesse indigente a été de tout temps l’attribut des peuples justes & magnanimes; Considérant que, ainsi que la France donne chaque jour aux nations qui combattent contre sa liberté, l’exemple du courage & de la valeur, elle leur doit celui des vertus qui honorent l’humanité; Considérant que la société populaire de Valence doit s’empresser de prouver à la république entière son attachement aux principes sublimes de justice, de probité & de moralité que la convention nationale a solemnellement proclamés; Qu’elle se doit à elle -même de rejeter de son sein le membre impur qui a trop long temps souillé le sanctuaire de la liberté & des mœurs en fermant son cœur à la reconnoissance, à (1) P.V., XL, 113. Mon., XXI, 63; J. Perlet, n° 641; F.S.P. n° 355; J. Paris, n° 543. (2) Audit, nat., n° 640. l’humanité, & à toutes ces impressions sublimes dont la nature fait un devoir à tous ces enfans en méprisant un père accablé d’infirmité & de vieillesse, en ayant la bassesse de souffrir que celui dont il tient le jour & toute la fortune dont il étoit propriétaire, traîne en sa présence, dans l’abjection & le mépris, les restes débiles de sa malheureuse existence; Considérant qu’on ne peut être patriote, & conséquemment digne de siéger dans une société populaire, si l’on n’est bon fils, bon père & bon mari; Arrête à l’unanimité, 1°. qu’Argod, dit Lavio-lette, fils aîné, sera à l’instant expulsé du sein de la société; 2°. que le comité de la surveillance de l’exécution des loix, demeure chargé de poursuivre par-devant le tribunal qu’il appartiendra, la punition du genre de parricide dont ce füs ingrat s’est rendu coupable, & de faire prononcer, s’il y a lieu, la nullité de la donation faite par le père Argod; 3°. qu’extrait du procès-verbal de cette séance, sera adressé à la convention nationale & a ses différens comités; 4°. que 6 commissaires de la société se rendront à l’instant auprès de cet infortuné père, pour lui déclarer que la société, en le prenant sous sa protection, & lui offrant tous les secours dont il a besoin, ne fait que remplir un devoir bien cher à son cœur, celui d’honorer la vieillesse, & de la venger des outrages de la nature; 5°. que ces 6 commissaires inviteront ce malheureux père à se rendre, quintidi prochain, 3e décade du présent mois, à la séance générale de la société, pour y entendre, de la bouche de son président, l’expression des sentimens de la société. Le 1er article de cet arrêté a reçu à l’instant son exécution; le président a dit à ce fils ingrat : Va, malheureux, la société te rejette de son sein, ainsi que la mer vomit les matières impures qu’elle recèle. 4 censeurs, après s’être fait remettre sa carte d’entrée, l’ont conduit hors de la salle au milieu des applaudissemens les plus prolongés (1) . Le procès-verbal est terminé par un arrêté de la société en faveur du citoyen Rouvière, dont le fils est émigré malgré les avis et les efforts du père qu’elle assure s’être constamment montré l’ami de la révolution : elle joint une adresse où, après avoir exposé que Rouvière n’a pas dévié un instant des vrais prin-(1) Bin, 7 mess. Séance du 6 Messidor An H (Mardi 24 juin 1794) Présidence de LACOSTE La séance est ouverte par la lecture de la correspondance et des adresses et pétitions suivantes. 1 La société populaire de Valence, département de la Drôme félicite la Convention nationale d’avoir mis à l’ordre du jour la justice et la vertu, et l’invite à rester à son poste. Elle lui envoie 3 copies du procès-verbal de sa séance du 20 floréal, lequel contient une dénonciation faite contre l’un de ses membres, qui, après avoir reçu de son père toute la fortune dont il jouissoit, le traite avec une dureté et un mépris révoltans, et porte l’oubli des plus doux sentimens de la nature jusqu’à laisser manquer du nécessaire cet infortuné vieillard qu’U condamne même aux travaux les plus pénibles (1). [Extrait du p.-v. de la séance du 20 flor. II ] (2). La société considérant que l’oubli & le mépris de la piété filiale, de ce premier sentiment de la nature, qui porte l’homme à honorer & à secourir les auteurs de ses jours, doit être sévèrement réprimé dans une association populaire où toutes les vertus doivent être à l’ordre du jour; Que le respect dû à la vieillesse indigente a été de tout temps l’attribut des peuples justes & magnanimes; Considérant que, ainsi que la France donne chaque jour aux nations qui combattent contre sa liberté, l’exemple du courage & de la valeur, elle leur doit celui des vertus qui honorent l’humanité; Considérant que la société populaire de Valence doit s’empresser de prouver à la république entière son attachement aux principes sublimes de justice, de probité & de moralité que la convention nationale a solemnellement proclamés; Qu’elle se doit à elle -même de rejeter de son sein le membre impur qui a trop long temps souillé le sanctuaire de la liberté & des mœurs en fermant son cœur à la reconnoissance, à (1) P.V., XL, 113. Mon., XXI, 63; J. Perlet, n° 641; F.S.P. n° 355; J. Paris, n° 543. (2) Audit, nat., n° 640. l’humanité, & à toutes ces impressions sublimes dont la nature fait un devoir à tous ces enfans en méprisant un père accablé d’infirmité & de vieillesse, en ayant la bassesse de souffrir que celui dont il tient le jour & toute la fortune dont il étoit propriétaire, traîne en sa présence, dans l’abjection & le mépris, les restes débiles de sa malheureuse existence; Considérant qu’on ne peut être patriote, & conséquemment digne de siéger dans une société populaire, si l’on n’est bon fils, bon père & bon mari; Arrête à l’unanimité, 1°. qu’Argod, dit Lavio-lette, fils aîné, sera à l’instant expulsé du sein de la société; 2°. que le comité de la surveillance de l’exécution des loix, demeure chargé de poursuivre par-devant le tribunal qu’il appartiendra, la punition du genre de parricide dont ce füs ingrat s’est rendu coupable, & de faire prononcer, s’il y a lieu, la nullité de la donation faite par le père Argod; 3°. qu’extrait du procès-verbal de cette séance, sera adressé à la convention nationale & a ses différens comités; 4°. que 6 commissaires de la société se rendront à l’instant auprès de cet infortuné père, pour lui déclarer que la société, en le prenant sous sa protection, & lui offrant tous les secours dont il a besoin, ne fait que remplir un devoir bien cher à son cœur, celui d’honorer la vieillesse, & de la venger des outrages de la nature; 5°. que ces 6 commissaires inviteront ce malheureux père à se rendre, quintidi prochain, 3e décade du présent mois, à la séance générale de la société, pour y entendre, de la bouche de son président, l’expression des sentimens de la société. Le 1er article de cet arrêté a reçu à l’instant son exécution; le président a dit à ce fils ingrat : Va, malheureux, la société te rejette de son sein, ainsi que la mer vomit les matières impures qu’elle recèle. 4 censeurs, après s’être fait remettre sa carte d’entrée, l’ont conduit hors de la salle au milieu des applaudissemens les plus prolongés (1) . Le procès-verbal est terminé par un arrêté de la société en faveur du citoyen Rouvière, dont le fils est émigré malgré les avis et les efforts du père qu’elle assure s’être constamment montré l’ami de la révolution : elle joint une adresse où, après avoir exposé que Rouvière n’a pas dévié un instant des vrais prin-(1) Bin, 7 mess.