734 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1791.) M. DémëiiAiet*, rapporteur. Il n’eBt pas sûr qu’on puisse placer cette disposition dans l’acte constitutionnel; c’est une chose purement réglementaire. (L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Goupil.) M. Démeunier, rapporteur. Je vais lire la disposition que nous présentons avec les amendements de MM. d’André et Goupil qui ont élé adoptés : « Les membres de la famille du roi, appelés à la succession éventuelle aü trône, ne porteront pue leur nom dé baptême suivi de la dénomina-. tiou de prince français ».... M. Castelianet. Il ne faut pas dire t « nom de baptême », mais « nom patronymique »* M. Démeunier, rapporteur. Le nom patronymique est le nom de famille; on n’a jamais dé igné ainsi le ttotn de baptême. Aü reste, on peut mettre que lés membres de la famille du roi porteront le bom qui leur aura été donné dans l’acte de leur nàissahce. (Oui! oui!) M. Lanjtiinals, Vous laissez ainsi la plus grande latitude dé leür donner dans l’acte dé leur naissance tel nom qu’On voudra; aussi, je de-ihande que le nom patronymique sübsiste. (Non! non !) M. Démeunier, rapporteur. Voici la disposition modifiée : « Les membres de la famille du roi, appelés à la succession éventuelle au trône, ne porteront que le nom qui leur aura été donné dans l’acte civil qui constate leur naissance; c«* nom sera suivi de la dénomination de prince français. « Les actes par lesquels seront légalement constatés leurs naissances, mariages et décès, seront présentés au Corps législatif, qui en ordonnera Je dépôt dans les archives. » (Cette proposition est adoptée.) M. Camus. J’ai proposé de décréter que la dénomination de prince ne pourra attribuer aux membres de la famille royale aucun privilège ni les empêcher d’être soumis aux lois communes à tous les citoyens. M. Démeunier, rapporteur. Les comités adoptent en entier l’amendement dé M. Camus; mais la moitié de cet amendement se trouve fondue dans celui de M. d’André. L’autre partie consiste à dire que les princes français ne jouiront” d’aucun privilège ; eh bien, vous a veZ dit dans l’acte constitutionnel qu’il n’y aurait plus de privilège ni d’exception, en aücune manière, pour aucun iudividü dans l’Empire français. M. Laajuinais. Cela ne s’appliquait pas âüx princes. M. Démeunier, rapporteur. Je déclare de nouveau que les comités adoptent l’amendement. M. Camus. Mon amendement consiste à exprimer d’une manière positive que les princes sont soumis à toutes les lois communes à tous les citoyens. M. Démeunier, rapporteur. Nous demandons le renvoi aux comités pour rédaction. (Ce renvoi est décrété.) M. Démeunier, rapporteur. Par l’ordre du travail, nous arrivons à l’article relatif aux décrets en matière de contribution exempts de sanction. Voici la disposition que nous vous proposons: Décrets en matière de contribution exempts de sanction. « Les décrets du Gorps législatif, concernant l'établissement, la prorogation et la perception des contributions publiques, porteront ie nom et l’intitulé de lois, et seront promulgués et exécutés sans être sujets à la sanction. Lé Corps législatif ne pourra insérer dans ses décrets aucune disposition étrangère à leur objet. » M. BouehoMe. Je propose un simple amendement; c’est qu’aux mots : « la prorogation et la perception », on ajoute ceux-ci : « la suspension et la suppression », qui sont les seules armes qui nous restent entre les maitts pour nous garantir dü despotisme. M. PIsoil du Galànd. Je ûe Crois pas que les décrets sur l'établissement des Contributions doivent être exempts de sanction ; mais je pense que cette exemption doit porter sur ceux qui Sont relatifs à la fixation des dépenses publiques, au nombred’hommesetde vaisseaux, des armées; enfin àu licenciement des troupes, torsqu’après avoir été portées au pied de guerre, elles seront ramenées au pied de paix. Je demande la question préalable sur l’article du comité. M. Briois-Beaumet*. Il n’y a point de lois qui tiennent de plus près à la liberté publique, à l’intérêt privé des citoyens que les lois fiscales, il est donc important que ces lois soient faites de la manière qui doit les rendre meill ures, plus utiles et plus conformes à la liberté. Lorsque Vous avez établi dans ta manière de faire lés lois une sortè de concours par la sanction rOyàle, vous avez sans doute pensé que ce serait un moyen de les rendre meilleures; si Cela est vrai, pourquoi la sanction ne s’appliquerait-elle pas à cet Ordre de lois qui concerne rétablissement des impositions? En ta refusant, vous avez craint que, dans le cas où le roi voudrait attaquer et détruire la Constitution, il n’eût un moyen trop puissant pour la faire crouler : je conviens dé cette difficulté; mais il me semble qu’il y aurait un moyen de concilier les principes et les inconvénients. Je vous prie d’examiner quelles seraient les conséquences d’un pouvoir illimité dans le Corps législatif de faire les lois sur les impositions sans Obstacle, sans surveillance; combien il serait dangereux que le Corps législatif pût, par exemple, établir, sans sanction, un impôt qui nécessiterait pour sa perception l’infraction des lois constitutionnelles de l’Etat ! Il s’agit donc de trouver un moyen pour que des lois qui intéressent notre liberté acquièrent toute la perfection dont elles sont susceptibles, et pour qu’eh aucun temps, la machine du gouvernement ne puisse jamais être arrêtée par un refus de sanction ; je propose, pour atteindre ce double but, que l’initiative des lois fiscales soit remise au pouvoir exécutif par qui vous pouvez connaître et vos besoins et vos ressources de même que la proposition du budget vient toujours de sa part d’après vos déci ets et alors il serait trop absurde que lé pouvoir exécutif refusât sa sanction à une loi dont il aurait été le promoteur, SI la proposi- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1791.] tion qui sera faite ne convient pas au Corps législatif, il la rejettera, et en adoptera une autre pour laquelle la sanction ne sera pas nécessaire. C’est ainsi que vous concilierez tout ce que vous devez à l’intérêt public; rien ne pourra alors arrêter la marche du gouvernement; les impôts seront toujours décrétés sans délai, et vous vous ferez assurer qu’ils seront dans la meilleure forme possible, puisqu’ils seront le résultat du concours des deux pouvoirs que vous avez institués, des deux pouvoirs dépositaires de la félicité publique. Je demande que l’arlicle soit renvoyé aux comités pour être rédigé en ce sens. M. de La Rochefoucauld. L’article qui vous est soumis a été profondément discuté dans les comités de Constitution, de révision et des contributions publiques réunis. Lorsqu’ils ont formé cet article, les comités avaient déjà l’assentiment préalable de l’Assemblée à la doctrine sur laquelle il est fondé, puisque tous les décrets que vous avez rendus en matière de contributions n’ont point été portés à la sanction, mais qu’ils ont été, comme décrets constitutionnels, présentés seulement à l’acceptation. Nous avons donc discuté la question; nous avons pesé les avantages et les inconvénients du parti qui pouvait être proposé et c’est après nous être convaincus que la disposition qui vous est soumise contenait une sauvegarde de l’intérêt du peuple que nous l’avons adoptée I A l'extrême gauche : Aux voix ! aux voix! l’article ! M. Duport. Sur cet article, les comités ont été effectivement assemblés, et la vérité est que le comité de l’imposition a fait la majorité pour l’article. Un membre : Le fait est inexact; nous étions 15 et vous étiez 8. A l'extrême qauche : Aux voix! aux voix ! l’article! M. Rewbell. La principale des choses pour lesquelles le Corps législatif est institué, c’est la répartition de l’impôt et cependant on veut donner cela aux ministres. M. Duport. Messieurs, j’ai dit que... A l'extrême gauche : Aux voix ! aux voix _! M. Duport. On a bien accordé trois jours à la discussion sur le mot << prince ». (Murmures à l'extrême gauche.)... Monsieur le Président, faites dune faire silence à ces Messieurs, afin que je puisse leur dire ce que je pense. A l'extrême gauche : Aux voix ! aux voix ! M. Rriois-Reàumetï. Si ces Messieurs ne veulent pas délibérer, qu’ils s’en aillent. M. le Président (s’ adressant à l'extrême gauche). Messieurs, c’est la seconde fois de la journée que vous voulez faire la loi ; vous ne la ferez pas plus cette fois que la première. ( Applaudissements au centre ; murmures à l’extrême gauche.) M. Prieur. Voulez-vous bien nous mettre d’accord ? M. le Président. M. Duport â commencé ëoü. opinion ; il la finira. A l’extrême gauche : Consultez l’Assemblée, Monsieur le Président. M. de Sillery. Vous n’avëz pas le droit de rappeler à l’ordre, Monsieur le Président ; c*est vous qui devez y être rappelé. (Applaudissements à l'extrême gauche.) M. le Président. Monsieur de Sillery, vous n’avez pas la parole. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). M. le président n’a pas le droit d’accorder la parolq à quelqu’un malgré l’Assemblée, je le sais ; mais ün petit nombre d’individus n’ottt pas le droit non plus d’empêcher les membres de l’AssetiQblée d’énoncer leur opinion, et quand M. Sillery se permet d’interrompre... (Murmures à l'extrême gauche.) je dis que c’est un très grand abus que celui par lequel on se permet d’interrompre à tout moment les opinants pour les empêcher de parler. M. le Président. Je Vais consulter l’Assemblée pour savoir si elle veut entendre M. Duport. (L’Assemblée, consultée, décrète qüe M. Duport sera entendu.) M. Duport. J’ai dit, Messieurs, que la majorité du comité de révision était d’un avis différent du décret qui vous est soumis ; et l’expérience de la délibération vous le prouve. Maintenant, je dis que ce décret, à la différence de presque tous ceux que vous avez délibérés, est un article entièrement neuf, sur lequel rien n’a été, ni jugé, ni préjugé encore par l’Assemblée nationale. Voici divers motifs qui peuvent engager, indépendamment de l’importance de la matière* à examiner avec attention les divers objets qüe porte ce décret. M. de Beaumetz vous a fait observer que dans votre gouvernement vous avez cru nécessaire, non pas d’accorder, à ün des deux pouvoirs, aü pouvoir législatif, sur toutes les autres matières, sur la confection de la loi, une confiance indéfinie et illimitée, mais vous avez cru qu’il fallait; le resserrer par l’action d’un autre pouvoir qui mît le peuple à même de connaître la manière dont il est représenté, et d’obtenir aussi sur les lois et sur les autres objets une volonté plus directe de ce même peuple. Je sais que dès ce moment on peut faire une objection; c’est que l’impôt doit être établi chaque année : on en conclut avec raison qu’il n’est pas possible d’appliquer à l’impôt la forme des autres lois, en ce que l’action du pouvoir exécutif qui suspend la loi laisse les choses dans l’état où elles étaient auparavant, jusqu’à ce que la volonté nationale ait pu s’exprimer pour qué la loi soit faite, au lieu que relativement à l’impôt, il est nécessaire que la loi soit établie tous les ans. Je conviens de cette différence, puisque, sans cela il n’y aurait point d’article à proposer; mais la question est celle-ci : doit-on laisser à un Corps législatif, qui n’est susceptible, ni en masse, ni par ses membres, d’aucune espèce de responsabilité, pas même moralement, puisqu’il disparaît à chaque législature, doit-on laisser sans aucun frein le Corps législatif imposer et répartir les impôts sur la nation? Voilà la vraie et 736 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.] unique question. Ce ne peut pas être parce qu’il est évident qu’un comité, qu’un membre de l'Assemblée pourrait proposer une Joi qui serait destructive de l’agriculture et du commerce, et par conséquent ruiner là nation. Je dis qu’un comité qui va bientôt se dissoudre pourrait proposer la plus mauvaise loi sans crainte d’être inquiété, puisqu’il ne reste aucun pouvoir supérieur au Corps législatif qui puisse le contrôler, qu’on me passe ce terme, ou du moins avertir la nation que l’impôt qu’on lui propose n'est pas bon. Je dis, ensuite, qu’il est évident que les lois de l’impôt ne sont pas seulement le consentement des sommes demandées ; si l’on pouvait réduire à cela la fonction du pouvoir législatif, je ne verrais point de difficulté à ce que sans sanction il établit l’impôt qui est nécessaire pour la dépense publique ; mais, dans la manière dont cet impôt est établi, dans ses formes, il peut renfermer une infinité de choses législatives, et bien plus importantes que toutes les lois. Par exemple, vous avez proscrit les visites domiciliaires dans les impositions : eh bien, un Corps législatif qui établirait une imposition dont le résubat serait qu’il y eût des visites domiciliaires pourrait, sans aucun contrôle, sans sanction de la part du pouvoir exécutif, établir cette imposition ; or, je demande si une pareille loi ne renverserait pas votre Constitution? On doit joindre souvent aux impôts indirects des peines, des prohibitions; or, il n’y a rien certainement de plus législatif que l’établissement des peines contre les citoyens et la manière dont elles seront appliquées : cela me paraît vous conduire à détruire entièrement votre Constitution ; car enfin le Corps législatif n’est pas le seul représentant du peuple; il n’a pas le droit défaire les lois qu’il voudrait; mais la Constitution lui a donné un contrôle nécessaire, le pouvoir exécutif, afin que la nation puisse toujours conserver la véritable souveraineté, qui serait aliénée indéfiniment si elle était confiée à un seul corps. Ces observations ont paru fort importantes à plusieurs membres des comités. Il y en a d’autres moins importantes qui ont été la cause de leur opposition au décret; c?est la rédaction qui dit que l’établissement des contributions, les décrets qui les concernent porteront le nom et le titre de loi, et seront promulgués sans être sujets à la sanction. Il a paru à un grand nombre de membres des comités qu’on ne pouvait pas, dans uq pays dont le gouvernement consi-te dans la division des pouvoirs, dans le contrôle et la sanction nécessaire du pouvoir exécutif établir une loi portant l’intitulé « loi », qui soit exécutée directement sur les citoyens, sans qu’elle soit sujette à la sanction. Nous avons pensé qu’il y avait un cas prévu par la Constitution; c’est lorsque deux législatures ont persisté dans les mêmes termes du décret; mais alors nous avons cru que la sanction s’était jointe en vertu de la Constitution même. Quant au remède, c’est-à-dire au moyen de parer à ces inconvénients, M. Beaumetz a présenté le véritable moyen; c’est que le roi propose le mode de l’im ôt. » Ce moyen, d’ailleurs, n’est pas contraire à vos décrets : certainement, il était nécessaire qu’il existât une armee, et assurémentle dangerqu’il n’existe pas d’armée est aussi grand que celui qu’il n’existe point d’impôts; cependant, Messieurs, vous n’avez pas hésité à décréter que ce que le pouvoir législatif aurait à décider sur la formation de l’armée ne le serait que sur la proposition du roi : eh bien, relativement à l’impôt, il devrait en être de même. Mais il est encore facile de trouver un moyen d’échapper au danger de cette proportion en étab issant que l’impôt, dans sa marche et dans son mode de perception, sera proposé par le pouvoir exécutif, pour y être statué par le Corps législatif : on pourrait ajouter que le Corps législatif, à defaut de la proposition du roi, pourrait alors établir l’impôt et ses différents modes, et que dans ce cas-là les impôts ne seraient pas soumis à la sanction. Par ce moyen, les deux puissances législatrice et exécutrice concourront également à l’établissement de l’impôt; et je maintiens que pour qu’il y ait un mode de perception qui puisse lier les citoyens, il ne faut pas que ce soit un des deux pouvoirs qui seul l’établisse. Je demande donc que ces diverses dispositions, dont plusieurs semblent être accordées par le comité des contributions, soient prises dans la plus grande considération, et que si l’Assemblée détermine que le vote du Corps législatif sera fait sans proposition elle décrète au moins que toutes les dispositions relatives à la perception ne puissent jamais être établies sans sanction. M. Dupont (< de Nemours). Je demande le renvoi de la suiie de la discussion à demain attendu qu’il s’agit de la liberté et de la propriété nationales, dans leurs points les plus importants. M. de La Rochefoucauld. J’y consens. (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion à la séance de demain.) M. le Président lève la séance àtroisheures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du samedi 27 août 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre de M. Baudon, artiste, présent à la barre : « Monsieur le Président, « Plein de respect et d’admiration pour les travaux de l’Assemblée nationale, désirant me rendre utile dans l’art que je professe, j’ai entrepris de graver en grand les portraits de J. -J. Rousseau, Voltaire et Mirabeau. Je saisis avec empressement l’époque glorieuse de l’achèvement de la Constitution, à laquelle ces hommes célèbres ont coopéré par leurs ouvrages, pour offrir à l’Assemblée les premiers résultats démon entreprise, et contracter l’engagement de déposer, quand les gravures seront terminées, 83 exemplaires de chaque portrait, pour être distribués entre les départements. « Si je suis assez heureux pour mériter, par mes faibles talents, les suffrages des représentants de la nation et qu’ils daignent agréer l’hommage (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.