489 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] voyez dans celte capitale, de l’union qui nous est chère : sous l'empire des lois, la raison s’agrandit. Si l'homme esclave a tous les vices, l'homme libre a toutes les vertus. « Déjà nous savons qu’il n’est qu’un principe pour la morale : celui que dicte la nature. 11 n’a fallu, Messieurs, qu’une étincelle de ce feu sacré pour embraser tous les cœurs français : ce feu que vous avez dérobé aux tyrans fera le bonheur des humains. « Chacun maintenant connaît ses droits, et les hommes sont frères. N’attribuez pas, Messieurs, à une cause surnaturelle l’ordre que vous admirez dans un moment orageux : nos cœurs sont dégagés des liens de la servitude; nous pouvons nous aimer sans crainte. C’est avons, Messieurs, que nous devons ce miracle. « Vous avez rejeté le principe immoral que vous offrait dernièrement un homme corrompu dans la cour des rois, « qu’il faut avoir égard, en faisant des lois, aux habitudes d’une grande nation » ; comme si le législateur éclairé devait composer avec une génération pour transmettre à celle qui lui succède une partie de ses erreurs! comme s’il eût été dangereux pour la patrie de rapprocher les hommes, de leur donner à tous les mêmes sentiments ! « Vos vues étaient plus grandes, Messieurs; vous avez fait des lois pour tous les temps, pour tous les lieux, puisque la nature n’a pas fait les hommes sur deux modèles. Les grandes idées immortaliseront la nation française ; elle vous devra toujours sa gloire et son bonheur. « Trois fois, Messieurs, nous avons vu votre courage s’accroître dans les dangers, et trois fois Votre Majesté a étonné la terre. Avec tant de vertus, avec tant de moyens, nous sommes invincibles. Que les petits partis, qui n’ont que leur orgueil pour guide viennent donc comparer leurs moyens avec les nôtres ; qu’ils osent mesurer les proportions de l’édilice superbe que vous élevez à la gloire de ce siècle ; qu’ils y placent leurs cariatides enchaînées: ils verront si elles sont faites pour des bases aussi vastes. « Mais, Messieurs, l’événement scandaleux qui nous amène devant vous, pour prononcer un serment qui fut toujours écrit dans notre cœur, peut encore fournir à l’Europe un exemple qui n’étonnera pas, par l’habitude où vous êtes de vous élever au-dessus des idées ordinaires : celui de tous les pouvoirs politiques réunis dans vos mains sans en abuser. S’il nous était permis d’exprimer ici un vœu, nous dirions : tenez encore quelque temps le timon des affaires ; veillez seuls sur toutes les parties de cet Empire; que les corps administratifs ne se meuvent qu’à votre voix, la marche de vos travaux en sera moins embarrassée : mais que cette suspension civique cesse à l’achèvement de la Constitution ; vous aurez tout fait pour votre gloire et pour la tranquillité de cet Empire. « Les citoyens de la section de Bondy jurent d’être fidèles à la loi, et soumis à vos décrets. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une adresse des citoyens du second canton de Gannat , département de l'Ailier, ainsi conçue : Messieurs, « Les hommages que vous avez reçus au commencement de vos travaux glorieux ont pu être regardés parl’envie, ou par le dépit, comme des flatteries inspirées par des motifs secrets d’intérêt particulier; mais celui que nous reconnaissons en ce moment vous devoir sera à l’abri d’une pareille calomnie: pur comme nos cœurs, simple comme notre langage, ce n'est pas de l'encens que nous venons vous offrir, c’est la vérité, c’est le sentiment qui nous presse ; nous ne cherchons pas à attirer vos regards sur nous, mais nos cœurs reconnaissants éprouvent le besoin de vous payer le tribut qui vous est dû. « Oui, Messieurs, quoi qu’en puissent dire vos détracleurs, nous vous appellerons toujours les sauveurs de la France; nous n’oublierons jamais les noms de ceux à qui nous devons la liberté et l’égalité; c’est au moment où nous nommons des électeurs pour vous remplacer, que nous aimons à nous rappeler tout le bien que vous avez fait, que nous devons nous ressouvenir de ce que nous étions et de ce que nous sommes. « Par vous, nos droits naturels et légitimes, trop longtemps oubliés, ont été reconnus et consacrés ; vous avez reconnu la source des différents pouvoirs, et vous les avez sagement séparés ; vous nous avez délivrés de la tyrannie du régime féodal ; vous nous avez affranchis des dîmes; vous avez détruit l’impôt odieux de la gabelle ; vous nous avez soustraits à l’inquisition des aides; vous nous avez débarrassés des barrières intérieures. « Grâce à vous, nous sommes tous égaux aux yeux de la loi ; grâce à vous, nous aurons une justice plus prompte, plus commode et moins coûteuse, et, ce qui est bien plus précieux encore, vous avez trouvé le moyen de tarir la source des procès, et de faire habiter la paix parmi nous. Désormais la punition des crimes sera assurée, et l’innocence sera protégée contre la méchanceté et contre l’erreur ; des administrations paternelles et bienfaisantes ont succédé partout aux intendants, dont la mémoire nous sera longtemps odieuse. « Les prêtres qui desservaient les autels, engraissés de notre substance, semblaient, par leur luxe, insulter à notre misère; leurs richesses, mal réparties entre eux, avaient donné aux uns l’esprit de domination, aux autres l’esprit de servitude : vous les avez rappelés tous à cette précieuse égalité, qui mène bientôt après elle la charité et l’humilité, si recommandées aux chrétiens. Nous regrettions journellement les biens immenses que la crédulité de nos pères avait accumulés dans leurs mains : vous les avez fait servir aux besoins de l’Etat; et aujourd’hui nous payerons avec joie des salaires bien mérités par de dignes pasteurs, dont nous recevrons des services. « C’est en nous procurant tous ces avantages, que vous nous avez donné une patrie, que vous avez assuré notre amour au monarque qui règne sur nous par la loi, et que des ministres déprédateurs avaient défiguré à nos yeux. Nous le craignions autrefois, parce que c’était en son nom que se commettaient toutes les injustices : nous l’aimons aujourd’hui, parce que nous voyons qu’il n’a d’autre intérêt que noire bonheur; et ce sentiment était pour nous un besoin. « Des lois iniques nous avaient rendus injustes, et nous ne cherchions qu’à les éluder; aujourd’hui, Messieurs, que nous voyons qu’elles sont faites par nous et pour nous, nous leur obéirons avec plaisir. Ainsi vous nous avez rendus meilleurs en nous rendant plus heureux. 490 [Assemblée nationale.] « Voilà, sans cloute, le grand art des législateurs ; voilà le but que vous avez atteint. « Recevez donc, Messieurs, les témoignages de notre admiration et de notre reconnaissance, dans un moment où ils ne peuvent pas être suspects, puisque bientôt vous serez dépouillés du caractère auguste dont vous vous êtes montrés si dignes : recevez, dans ce dernier moment, le serment que nous renouvelons de vivre libres ou de mourir, et de verser notre sang pour la défense de la Constitution que vous nous avez donnée, si de mauvais citoyens voulaient y porter atteinte. « Puissent vos successeurs marcher fidèlement sur vos traces, et ne s’en écarter jamais ! Puissent-ils ne jamais oublier qu’ils n’auraieut pas notre aveu, s’ils entreprenaient de détruire votre ouvrage : puissent-ils vous valoir! Voilà le vœu de nos cœurs. « Fait à Gannat, par les citoyens des 10 paroisses réunies en assemblée primaire le 19 juia 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une adresse des citoyens de la ville de Saint-Denis, ainsi conçue : « Messieurs, « Les citoyens de la ville de Saint-Denis, soussignés, fortement attachés à la Constitution qu’ils ont fait serment de maintenir de tout leur pouvoir, considérant que, dans les circonstances présentes, le Français qui a pris la devise : Vivre libre ou mourir , ne peut mieux faire que de se rallier auprès de la loi, qui seule peut empêcher l’esclavage dont le menacent les ennemis de la patrie, que l’Assemblée nationale, depuis l’instant où elle a appris l’enlèvement du roi et de la famille royale, ne cesse de s’occuper, avec une ardeur digne de la nation qu’elle représente, des moyens de remédier aux malheurs qui pourraient être les suites de cet enlèvement, supplient l’Assemblée nationale de recevoir le serment qu’ils lui font et renouvellent d’obéir à tous les décrets qui sont émanés et qui émaneront d’elle, tant qu’elle croira nécessaire au bonheur public de continuer ses augusies fonctions ; déclarent, les soussignés, que regardant l’Assemblée nationale constituante comme le centre de toutes les autorités, ils ne cesseront de lui obéir, et de faire tout ce qui dépendra d’eux pour le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique, et pour déconcerter les projets des ennemis du peuple français. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une délibération de l'assemblée générale de la section de l'Isle, ainsi conçue : Le 23 juin 1791. « L’Assemblée générale de la section de l’Isle, légalement convoquée, sur la pétition de plus de 50 citoyens actifs, a jugé que dans la circonstance actuelle, il était de son devoir de déclarer qu’elle s’empressera toujours d’exécuter, avec la plus parfaite soumission, tous les décrets de l’Assemblée nationale constituante, quoique non acceptés ni sanctionnés par le roi; et a nommé MM. Vincendon, Mouehel, Doré et Déguaigné (24 juin 1791.) pour porter la présente déclaration à l’Assemblée nationale. « Pour extrait : « Signé ; GREVEL, secrétaire greffier. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette délibération dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une délibération de l'as-semblée générale de la section de la Halle aux blés, ainsi conçue : « Mercredi, 22 juin 1791, 8 heures du soir. « La section de la Halle aux blés, pénétrée d’un sentiment pénible, mais qui ne saurait la décourager, a vu, non seulement la nécessité de redoubler de zèle et de vigilance pour la chose publique, mais encore de témoigner de nouveau à l’Assemblée nationale, que son attachement à la Constitution, son respect pour ses décrets, et son inaltérable dévouement à tout ce qui peut coopérer au maintien de l’ordre, seront toujours sacrés pour tous les citoyens qui la composent, et qu’elle renouvelle le serment d’être ti tèle à la nation, à la loi, et à tout ce qui pourra émaner du pouvoir constituant. <* L’Assemblée a nommé, pour porter le présent arrêté, MM. Latapy, Avice, l’abbé Duvernay et Royer. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette délibération dans le procès-verbal.) M. le Président. Voici une lettre de M. d’Af-fry , que je reçois : « Monsieur le Président, « Gomme il est indispensable que mes aides de camp puissent porter mes ordres avec sûreté, je vous prie d’accorder à M. Berthier le cadet un passeport de l’Assemblée nationale, qui le mette à même de passer librement et de porter, sans obstacl*1, aux troupes de ligne, les ordres qu’il est chargé de leur transmettre. Je suis, etc... Signé : d’Affry. (L’Assemblée ordonne que le passeport demandé sera délivré.) M. le Président. Voici une lettre de vos commissaires, MM. Pétion , Latour-Maubourg et Bar-nave : « Dormans, le 24 juin 1791, 3 heures 1/4 du matin. « Monsieur le Président, « Nous avons joint le roi à peu de distance d’Epernay; il était dans une voiture avec la reine, le dauphin, Madame Royale, Madame Elisabeth et Madame de Tourzel; 'trois domesti-tiques étaient sur le siège, deux femmes suivaient dans un cabriolet. Un peuple immense et en armes était sur la route. Nous nous sommes approchés de la personne du roi; nous lui avons fait part de notre mission, et nous lui avons donné lecture du décret de l’Assemblée nationale; nous en avons également fait lecture aux braves citoyens qui lui servaient do cortège. Nous avons' institué M. Dumas leur commandant, et nous nous sommes rendus en bon ordre à Dormans, où nous passons la nuit. Demain nous nous rendrons à Meaux, et après demain à Paris. Ce qui ralentit notre marche, c’est l’af-ARGHIVES PARLEMENTAIRES.