827 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (8 novembre 1790.] généraux, je vaisvous montrer jusqu’à l’évidence qu’on a abusé du principe en confondant ou affectant de confondre l’inaliénabi lité absolue des domaines nationaux avec le principe reconnu de l’Assemblée que les domaines nationaux étaient inaliénables, à moins que la nation ne voulût faire le contraire. Vous avez légitimé les dépenses faites par le roi, vous avez mis au rang des dettes publiques les emprunts enregistrés, vous les avez regardés comme faits comme par le consentement de la nation.Pourquoi n’agiriez-vous pas, parles mêmes principes, relativement aux possesseurs des domaines publics? Si François Ier a pu ordonner une prescription de cent ans, ne pourriez-vous pas faire une loi équivalente ? Je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant, qui portera la tranquillité dans un grand nombre de familles : « Art. 13. Les domaines nationaux demeurent inaliénables sans le consentement de la nation. « 1° La prescription aura lieu pour l’avenir ; et elle doit avoir lieu pour le passé, en matière domaniale. En conséquence, tous les détenteurs qui justifieront avoir joui pendant cent ans, soit par eux, soit par leurs auteurs, jouiront du bénéfice de la prescription. « 2° Tous ceux qui jouissent par contrats, à charge de révision, ne pourrontse prévaloir d’aucune prescription ; « 3° L’Assemblée déclare confirmer, en tant que besoin, toutes les concessions enregistrées en parlement, et les regarde comme faites du consentement de la nation. » (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) L’article 13 est adopté sans changement. M. Enjubault lit l’article 14. Il est décrété en ces termes : Art. 14. « L’Assemblée nationale exempte de toute recherche, et confirme en tant que besoin : 1° les contrats d’échanges faits régulièrement dans la forme, et consommés, sans fraude, fiction ni lésion, avant la convocation de la présente session; 2° les ventes etaliénations pures et simples, «sans clause de rachat », même les inféodations, dons et concessions à titre gratuit, « sans clause de reversion, » pourvu que la date de ces aliénations à titre onéreux ou gratuit soit antérieure à l’ordonnance de février 1566. » M. l’abbé Maury. Je demande la permission d’interrompre la discussion pour rendre compte d’un fait qui m’est particulier : En traversant la rue Jacob pour me rendre à l’Assemblée, j’ai rencontré un colporteur qui criait, en me suivant : Grande colère de l’abbé Maury, qui a donné dans l’Assemblée nationale des coups de poing à un député corse. Je n’ai rien dit au premier cri ni au second ; mais au troisième, j’ai saisi le colporteur et l’ai conduit au district ; il y a dit, pour sa justification , qu’ il criait le titre littéral d’un imprimé qu’on lui avait vendu. J’ai demandé qu’on s’assurât de sa personne, et j’ai dit que j’allais rendre plainte contre les auteurs du libelle. Je n’ai qu’à me louer du zèle et de l’bonnêtelé de la garde nationale ; mais en sortant du district, j’ai trouvé trente à quarante personnes, de celles que l’on voit journellement à la porte de cette salle ; elles m’ont hué et menacé du geste. Je demande que l’Assemblée éprenne des mesures pour que ses membres ne soient pas ainsi exposés dans les rues et jusque dans l’avenue de cette auguste enceinte. Les colporteurs se permettent des cris qui sont de véritables cris de haro, qui tendent à appeler le peuple contre les victimes qu’on lui désigne ; je ne sais comment tout cela se serait passé si je n’avais pas opposé le?flegme qui convient à un de vos collègues. Je n’ai point mérité les inculpations de tous les libelles ; je n’ai mis le poing sous le nez de personne; je n’ai attaqué aucun député de la Corse ; je n'ai donc point mérité d’être calomnié, C’est un nouvel exemple des égarements dont le peuple commençait à se corriger; et je somme votre justice autant que votre sagesse, de prendre des mesures pour que de pareils inconvénients n’arrivent jamais. M. de Mirabeau. On ne peut, sans doute, que louer infiniment le calme que le préopinant prétend avoir op posé au tumulte dont il vient de nous faire le tableau ; peut-être pourrait-on saisir cette occasion pour l’inviter à le conserver plus souvent à latribune. Si chacunfaisaiticilarelation de ses faits personnels, et venait, pour des choses aussi puériles, interrompre vos importantes délibérations, il serait peut-être juste de demander ue la tranquillité, la vie même des membres e cette Assemblée fussent également assurées dans la tribune que dans les rues. Si l’on voulait remuer toutes les turpitudes qu’enfante l’esprit de parti, il ne serait pas difficile d’apporter des preuves de la vie d’un député menacé au sein de cette Assemblée. Quant à moi, qui méprise, presque à l’égal, les injures et les dénonciations individuelles ; quant à moi, qui pense qu’autant une dénonciation relative à la chose publique est un devoir sacré, autant la dénonciation d’un fait privé est indigne d’un homme qui a quelque idée juste de la dignité de ses fonctions, je vous promets sûreté : je vous la promets sur la garantie du zèle de la garde nationale, du respect des citoyens pour la loi et pour cette Assemblée dont elle émane... Il est bien étrange qu’on vienne vous occuper de huées, comme si la loi pouvait défendre les huées dans les rues, comme si celui qui en aété couvert, n’en devient pas plus méprisable lorsqu’il s’en plaint. J’ajoute une observation frappante : si le parti vulgairement désigné sous l’expression honorable de parti populaire , s’il est vrai qu’il y ait encore des partis dans cette Assemblée; si, dis-je, il faisait le bilan des affiches satiriques, des libelles dont on l’a entouré, il trouverait le peson de sa balance aussi chargé qu’un autre. L’Assemblée a-t-elle dénoncé les viletés dont on est venu l’investir jusque dans ses corridors? Eh bienl que chaque membre méprise pour son honneur ce que l’Assemblée a méprisé pour le sien. Eh! passons à l’ordre du jour. [On applaudit.) (L'Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour.) M. Enjubault, rapporteur , lit l’article 15, qui est adopté comme suit : Art. 15. « Tout domaine dont l’aliénation aura été révoquée ou annulée en vertu d’un décret spécial du Corps législatif, pourra être sur-le-champ mis en vente, avec les formalités prescrites pour l’aliénation des biens nationaux, à la charge par l’acquéreur d’indemniser le possesseur, et de verser le surplus du prix à la caisse de l'extraordinaire.