39 [ Assamblée nationale:} ARCHIVES PARLEMENTAIRES.* |17 septembre 1790.) (Le. projet de décret deM: Regnaud est ensuite mis aux ÿoîx et adopté.) M. le Président. La discussion sur la liquidation de la dette publique est reprise. M. Anson (1). Messieurs, vous avez décrété, avec raison, que les différents projets sur le mode de liquidation de la dette publique,’ qui pourraient vbus être présentés, seraient discutés avec la circonspection, l’étendue et la lenteur même qui conviennent à une délibération de cette importance. En appelant l’opinion publique à votre secours, vous avez assuré d’avance au parti, quel qu’il soit, que vous prendrez, la confiance due aux déterminations qui sont le fruit d’une sage maturité. Mais üe perdez pas de vue cependant, Messieurs, que les intérêts divers, qui se combattent, peuvent lutter contre la vérité; que c’est aux législateurs à fixer définitivement l’opinion incertaine des meilleurs citoyens, et qu’il n’est pas possible de différer pliis longtemps le jugement de cette grande question soumise à votre décision. Plusieurs opinants l’ont déjà traitée avec tant de profondeur, qu’il devient prudent d’écarter lès détails qui pourraient surcharger l’attention. Les uns ont exposé les avantages d’une nombreuse émission d’assignats-monnaie. Les autres otit cherché à en présenter tous les inconvénients. Un orateur très éloquent de cette Assemblée a plaidé pour eux avec sa véhémence ordinaire; un ministre, dont la longue expérience est imposante, les a peints des plus sombres couleurs. Il y a quelque désavantage à parler après eux ; mais aussi voüs serez moins exigeant : j’entrerai dans vos vues, en me bornant à être clair, afin d’être entendu de tous; et, en effet, il s’agit ici de l’intérêt de tous. Quelques réflexions, fruits d’une longue méditation, nous conduiront peut-être à une juste mesure, à l’un de ces partis sages qui peuvent tout concilier. RëCônnaissons d’abord quelques vérités incontestables: Une nation ne peut conserver sa considération et son crédit qu’en acquittant fidèlement ses engagements : elle doit payer avec exactitude, et à époque fixe, les intérêts de sa dette constituéè : elle doit acquitter; à terme fixé, lés remboursements des Capitaux exigibles : elle doit enfin pré-sèntër à séS créanciers une masse d’impositions équivalente à toute ses dépenses : sans ces différentes conditions réunies, aucune confiance ne peut exister : nous sommes chargés spécialement de placer la nation française dans cette heurense position. iNoüs avons fait uii grand pas à cet égard; en destinant les ddmaines nationaux à l’acquittement de la dette; mais ce n’est que le premier vehs une grande opération * c’est du mode de liquidation que vous choisirez, que dépend üiain-tenant le salut de l’Empire. Je ne m’étehdrai point aujourd’hui sur la question de savoir si Ja dette constituée doit entrer en concurrence avec la dette exigible,, pour être admise dans l’acquisition des domaihes nationaux; il me paraît tellement démontré que ces deux créanciers, de nature si différente, ne peuvent pas marcher ensemble, que je ne crois pas que les représentants de la nation aient même le droit de les confondre; En nous chargeant de la dette constituée, contractée avantnous par lés ministres, (i) Le discours de M. Anson est incomplet au Moniteur. sous le nom de nos rois, nous l’avons rpçonnue telle qu’elle est, c’est-à-dire non exigible,; occupons-nous donc uniquement de la dette exigible (les domaines nationaux peuvent à peine y suffire) et passons au développement des principes que j’ai posés. . Dans le système, qui admet des quittances de finance avec intérêt, et qui les prive de la circulation attribuée aux premiers assignats, il est certain qu’on ne pourrait leur accorder moius de cinq pour cent; c’est le taux actuel, c’est celui qui sèul peut remplacer la privation d’un remboursement* qu’il est honteux et injuste de ne pas faire. Qu’en arriverait-il? qu’au lieu de nous acquitter, nous nous endetterions; tout le monde le verra, bien, et tout le monde perdra, courage : en ,effet, là plupart des officiers que Tou va liquider ne coûtaient point à la nation cinq pour cent : huit le surplus sera une dette nouvelle : est-ce là s'acquitter? , , � Prendrez-vous le parti de diminuer l’intérêt? vous faites Une grande injustice et une espèce de faillite partielle : on ne peut loyalement diminuer l’intérêt légal, que de gré à gré et en offrant le remboursement. Une nation, juste ne doit jamais oublier cette grande vérité. Une quittance de finance n’est qu’une promesse de remboursement ; un assignat-monnaie est un remboursement effectif. Déciderez-vous entin que les créanciers des officiers liquidés et autres seront tenus de se coùtenter de vos quittances de finance? alors vous faites un acte d’autorité bien plus extraordinaire et bien plus injuste qu’en donnant un cours dë monnaie à un papier : dans ce dernier cas vous exercez un acte de ia souveraineté qui appartient à toute nation, celle de battre monnaie, en la rendant commune à tous : dans le premier, vous avantagez un créancier pour ruiner l’autre, et; en vérité, ceiâ n’est pas proposabie. Ne va-t-on pas jusqu’à vouloir payer avec une quittance de finance âads intérêt et sans cours ; Si nous ne nous étions pas promis de bannir de cette tribune le mot infâme , que cette opération rappelle, je dirais... ce que vous me dispensez de dire. On y ajoutera; dit-on, une prime ; c’est autré chose. Nous examinerons tout à l’heure l’usage que Pou peut faire de cette idée plus .raisonnable ; mais cette quittance avec prime n’est que négociable, et voilà une perte à craindre dans la négociation. Combien y a-t-il de ces malheureux propriétaires d’offices et de nos autres créanciers, qui attendëht avec anxiété votre détermination pour acquitter le-urs dettes? que deviendra la prime pour eux? Gette quittance avec prime, si elle est le seul mode de liquidation, offrira une nouvelle sdurce d’âgiotage ; toute quittance de finance qui ne sera que négociable; aura ce triste sort ; vous n’aurez fait que remplacer un effet discrédité par un autre; qui le sera également. Celui dans les mains duquel reposera avec inertie ee malheureux parchemin, et qui aura des engagements à acquitter, fera un sacrifice pour y satisfaire : un autre sacrifice suivra celui-là : alors le nombre dë ceux qui chercheront de l’argent, cet argent si rare, accumulera sur la place millions sur millions de valeurs négociables qui se heurteront, et qui n’ayant point le signe heureux, légat et fixe de la monnaie du souverain; feront monter l’intérêt de l’argent à ad prix excessif : car vbus savez, Messieurs, . que quand un capitaliste trouve à la Bourse des effets à 30 ou 40 0/0 de përte, le malheureux propriétaire� 40 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. le manufacturier ne trouve plus à emprunter à un taux raisonnable les fonds qui lui sont nécessaires. Permettez-moi de croire, avec la plus ferme assurance, qu’au milieu des biens nationaux, de ces terres fertiles qui sont à notre disposition, nous ne tomberons pas dans cet état de dépression que je viens de dépeindre, d’après ma plus intime conviction. Tournons nos regards vers le tableau plus consolant, que nous offre le système contraire aux quittances de finance exclusives, qui sont à mes yeux des immeubles bien redoutables : et d’abord avant d’entrer dans l’examen des effets que pourra produire une nouvelle émission d 'assignats-monnaie, convenons qu’il ne peut être question de leur attacher des intérêts. Tous les principes sont bien reconnus à cet égard ; une monnaie territoriale ne doit pas plus porter intérêt qu’une monnaie métallique : telle a toujours été ma manière de penser ; elle est consignée dans mon opinion imprimée du 4 décembre 1789 ; j’y distinguais dès lors cette monnaie territoriale, des billets d’Etat portant intérêt ; j’y indiquais l’hypothèque spéciale sur des fonds dont la vente serait prochaine, comme la solide et inaltérable matière de cette nouvelle monnaie ; j’y offrais même déjà l’idée d’employer la caisse de l’extraordinaire à éteindre successivement les assignats-monnaie, dont on n’osa pas alors ordonner l’émission, parce que l’opinion n’était point encore assez formée à cet égard ; c’est par une suite des mêmes ménagements, pour l’opinion naissante, que le comité des finances vous proposa d’attacher un intérêt aux premiers assignats. J’insistai fortement pour qu’ils ne fussent au moins que de 3 0/0, malgré l’avis des députés du commerce, qui en voulaient cinq ; vous l’avez ainsi décrété, mais il faut renoncer maintenant à ce palliatif, aussi coûteux qu’inutile. Il faudra même, après la première année révolue, ôter aux précédents assignats leur intérêt de 3 0/0 : enfin, nous devons voir plus en grand le mode de notre liquidation. Je suis toujours étonné d’entendre dire qu’un assignat-monnaie, sans intérêt, substitué aux effets au porteur, ne diminuera point l’agiotage. Chacun entend' donc ce mot à sa manière; car, assurément, on n’a pas besoin d’un agent de change pour négocier un papier qui a valeur de monnaie : il peut bien y avoir quelque variation dans le prix de l’assignat, lorsqu’il s’agit d’une vente volontaire ; mais cela provient de la nature même du contrat de vente, et non de celle de l’assignat : lorsqu’on parle de l’agiotage qui eut lieu du temps de Law, on perd de vue qu’il commença lorsque cetucossais fit donner valeur de monnaie aux actions de sa banque, bien différentes de ses billets : alors des bénéfices éventuels firent concevoir . des espérances, engendrèrent des spéculations folles, et de là la terrible décadence qui suivit cette étrange opération. En vérité, je me reproche à moi-même de vous en entretenir, lorsqu’il s'agit d’une monnaie si différente, dont on ne conteste plus la solidité. Je ne m’étendrai point sur les avantages multipliés qui peuvent résulter du grand et courageux parti de payer la dette exigible en assignats-monnaie : ceux-mêmes qui les combattent en conviennent ; aucune opinion ne varie à cet égard ; on n’est divisé, ce me semble, que sur les inconvénients plus ou moins graves, plus ou moins multipliés qui étoufferaient ces brillantes qualités. Pour simplifier donc, et abréger infinement ma discussion, je me contenterai de rappeler, en peu (17 septembre 1790.] de mots, que, suivant les propres expressions de M. Necker, auquel elles échappent au milieu de ses objections, cette opération est vasteet simple; qu’elle favoriserait la vente des biens nationaux; quelle débarrasserait du poids immense des intérêts de la dette exigible, et que la foule se presserait autour d’eux, pour les porter à leur valeur tout entière. Messieurs, il faut de bien graves inconvénients pour balancer de si grands avantages; et si ces avantages' ne se réunissent pas dans une autre opération, qu’il serait dangereux de l’entreprendre 1 car, si ces biens ne sont pas vendus cher et promptement, qu’avons-nous fait en les mettant à notre disposition ? Que faisons-nous dans ce moment à l’époque de l’année où nous sommes, si nous ne savons pas même comment nous vendrons, et avec quoi les acheteurs nous payeront! C’est ici le lieu de faire l’application des principes que j’ai posés en commençant ; qu’une nation doit se faire une loi irréfragable de payer ses engagements à termes fixes, afin de faciliter toutes les opérations subséquentes : comment vous flatteriez-vous de recevoir les impositions de 1791, si vous n’acquittez pas au mois de janvier prochain les rentes et autres engagements qui seront alors échus? Comment aussi vous flatteriez-vous de voir se succéder rapidement les acquisitions des domaines nationaux, si vous ne répandez pas en numéraire tout ce que vous devez? Il faut payer pour vendre , comme l’a très bien dit un membre de cette Assemblée. Comment voulez-vous que les consommateurs fassent vivre les manufacturiers, si vous ne payez pas à ces consommateurs ce qui forme leur revenu? C’est donc au gouvernementà donnerl’impulsion, il l’a fait au mois d’avril dernier par l’émission des 400 millions d’assignats; il doit continuer, sous peine de voir ses premiers efforts inutiles. Ce n’est pas en nous répétant sans cesse, et souvent avec une joie perfide, que nous n’avons, que nous n’aurons point d’argent, qu’on remédie aux maux de l’Etat: c’est en rassemblant ses ressources, en substituant enfin le numéraire territorial qui ne peut s’enfouir, au numéraire métallique, qui se cache. A-t-on, surtout, à opposer quelque chose de bien solide à cet avantage si grand, si précieux pour le peuple, dont le sort nous est confié, d’imposer en 1791 et années suivantes, 100 millions de moins dans un système que dans un autre? Quelque chose que l’on oppose à cela, je crois et je pense que lorsque la nation saura que la nouvelle émission de papier lui épargne une surcharge aussi considérable, elle bénira les assignats qui lui procureront ce bienfait. J’entre maintenant dans l’examen des inconvénients qui peuvent résulter d’une nouvelle émission d’assignats; et, en convenant de quelques-uns de ces inconvénients, parce que dans tout système il y en aura toujours, je tâcherai de démontrer qu’on exagère les dangers, et qu’il est possible de faire cette grande opération sans injustice et sans convulsion. Tous ceux qui ont parlé jusqu’ici contre elle, accompagnent leurs arguments et fortifient leur cause de cet effroi qu’inspirent, au premier coup d’œil, 2 milliards d’assignats, qui, répandus au même instant dans la circulation, comme un torrent destructeur, doublent tous les prix en doublant le numéraire ; c’est toujours contre ces 2 milliards réunis que l’on dirige les attaques. Mais, Messieurs, comment ne voit-on pas qu’il est impossible, même physiquement, que ces 4i [Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.] 2 milliards paraissent tout à la fois? Qui ne sait que la longueur de la fabrication est même un des inconvénients inséparables d’un papier-monnaie prudemment composé ? Que l’on avoue donc au moins que cet inconvénient, qui est réel, contribue à diminuer le danger d’une grande émission; qu’on ne présente pas continuellement 2 milliards au lieu d’un aux esprits timides et aux préjugés si faciles à émouvoir en cette matière. Les opérations d’une liquidation d’oflices nombreux sont encore une cause de retard pour l’émission ; il faut bien plus de temps qu’on ne l’imagine pour vérifier des titres et constater la propriété, opérer les compensations, recevoir les oppositions, etc. Enfin, lorsque les biens vont être en vente ; lorsque les enchères seront ouvertes dans 550 districts; lorsque les adjudications feront rentrer successivement les assignats qui seront donnés en payement, précisément au moment où ils commenceront à se multiplier, ces trois causes se réuniront pour tenir les assignats dans la proportion naturelle aux besoins de la circulation, et pour rassurer les bons esprits sur cette prétendue exubérance, qui n’est à mes yeux qu’une chimère et une fausse supposition. D’un autre côté, s’il est vrai, comme je le pense, qu’il ne soit pas sorti autant de numéraire de France qu’on se l’imagine, je crois cependant qu’il en est sorti assez pour que l’on puisse évaluer à moins de 2 milliards, celui qui existe dans le royaume, et que je crois très insuffisant. De ces 2 milliards, par une faute du gouvernement, un tiers est en or, et l’on sait combien l’or circule peu en comparaison de l’argent, même dans des temps de prospérité; peut-être un tiers du surplus, ou un quart, est-il enfoui par la crainte, la cupidité ou la malveillance. Si un milliard seulement est employé aux besoins usuels indispensables, et qu’il soit vrai, comme je pense, qu’on ne verra guère plus d’un milliard ou 1,200 millions d’assignats répandus à la fois, leur émission ne ferait donc que rendre à la circulation ce qu’elle a perdu par les troubles qui ont agité la France: s’il y avait un excédent, dans mon opinion je m’en féliciterais ; et dans l’opinion contraire, ce serait tout au plus dans cette légère proportion que le prix des denrées pourrait être augmenté. J’ai entendu dire qu’une émission subite de 2 milliards d’écus en France serait moins funeste que celle de 2 milliards d’assignats, parce que ces écus, se répandantdanstoute l’Europe, feraient partout hausser les prix ; ce que ne peuvent faire des assignats qui ne sortiront pas du royaume. Je n’examinerai point dans ce moment, s’il est incontestable que nus assignats ne seront jamais reçus par nos voisins ; je vous ferai seulement remarquer que lorsque l’on nous menace de voir bientôt s’écouler le numéraire métallique chez nos voisins, il faut donc convenir aussi que, dans ce cas, le numéraire, surabondant alors chez eux, fera aussi augmenter les prix de leurs denrées ; ainsi, l’observation n’est pas fort importante. Ce qui me paraît t’être davantage, c’est que, dans plusieurs des précédentes opinions contraires aux assignats, tantôt on nous menace devoir ces terribles assignats chasser ou faire resserrer les écus, et qu’au même instant, dans une objection subséquente, on nous menace aussi du doublement des prix. Il est commode de raisonner ainsi et de se faire une arme à deux tranchants ; mais ces deux tranchants étant aux deux extrémités de l’arme, ils ne peuvent frapper deux coups à la fois : il faut opter de l’un ou de l’autre fait; car ils ne peuvent pas exister ensemble; il ne peut y avoir à la fois surabondance et disette d’argent; il ne faut pas ainsi cumuler, par des sophismes, deux raisonnements contradictoires; car on pourrait dire aussi : ou, les écus disparaissant, le nouveau numéraire est indispensable, et les prix de doublent point; ou, si ces prix augmentent, le numéraire territorial ne chassera donc pas le numéraire métallique. Vous voyez, Messieurs, combien il faut être en garde contre des calculs de théorie. La raison, la sagesse trouvent aisément la vérité dans la route qui sépare les deux extrêmes; et il y a tout lieu de croire que, ni la sortie du numéraire, ni le haussement du prix des denrées, ne seront tels qu’on veut nous le persuader. Qu’on ne craigne point surtout le renchérissement du blé; car son prix ne dépend que de son abondance, plus ou moins grande, et du nombre des consommateurs : or, les assignats n’y changent rien. Lorsque l’on ouvre des enchères pour une quantité d’immeubles égale au nouveau numéraire, celui-ci ne peut pas être regardé comme luttant contre l’ancien; l’un et l’autre ont un nouvel aliment daus la facilité d’acquérir deux milliards de capitaux de plus. L’assignat a, outre cela, l’avantage précieux de servir d’abord à la circulation; et ensuite, si l’excès du numéraire se fait sentir, de venir prendre place dans les enchères, et s’y anéantir sans retour. Je sais que, quand deux signes représentatifs des valeurs se trouvent en concurrence, il s’établit entre eux une différence ; je sais que cette différence entre la monnaie d’argent et l'assignat de deux ou trois cents livres, peut ajouter quelque chose à la différence des prix; mais il ne faut pas juger l’avenir par le présent; il ne faut pas croire que lorsque l’ordre sera parfaitement rétabli dans vos finances ; iorsque les impositions seront fixées en proportion des charges et sur des bases raisonnables ; lorsqu’enfin vous aurez pris un parti sur la liquidation même que nous traitons dans ce moment, la détresse sera la même. Aussitôt que vous aurez remis les rentes au courant; lorsque vous aurez remboursé les capitaux exigibles à la fin de l’année (et ces deux mesures sont très importantes) ; lor-que vous aurez assuré par les assignats mêmes, le remboursement très prompt de ce qui n’était que successivement exigible ; lorsque vous aurez enfin nettoyé la place de toutes les sources de l’agiotage, et fait par conséquent baisser l’intérêt de l’argent , il ne faut pas, dis-je, croire que toutes ces améliorations accumulées soient sans effet; et il me semble que l’on peut, sans se flatter, présager d’heureux changements dans toutes les parties. Dans le moment actuel, une chose qui paraît peu importante au premier aspect, contribue à rendre les payements en assignats difficiles; c’est leur coupure ; elle a été malheureusement commandée impérieusement par celle des billets de la caisse d’escompte : l’échange indispensable de ces billets en assignats ne serait pas praticable, s’ils n’étaient pas calqués pour la somme les uns sur les autres. Mats il sera très essentiel, lorsqu’on fabriquera de nouveaux assignats, de les couper de manière qu’il y en ait de deux cent cinquante, de cent cinquante et de cent vingt-cinq livres. Ges assignats nouveaux, aiusi coupés, circulant avec les 4g [AsSeihbléë faâtibtîàle.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.J anciens, offriront, dans tous les payements, des appoints ét des échanges faciles. Les appbints eil argent sertint moins forts ; ils seront presque toujours au-dessous de vingt-binq livres. AldrS l’argent étant moins nébessaire pbür les appoints des grandes caisses, le numéraire ne sera recherché que pour les besoins usuels des cbmëstihles et des salaires, et son prix diminuera visiblement. Je ne parle point ici des petits assignats, ce dbit être l’objet d’une discussion particulière ; et j’espère aussi, Messieurs, qu’on s’occupera incessamment de la question plus importante encore, ét qui en est inséparable, de savoir s’il est juste, raisbHnable el prudent de sévir contre ceux qui appbrteht de l’argent ah marché, comme on y apporte du blé, lequel est assurément une denrée aussi nécessaire. Ne distingue-t-on pas, même dans l’opinion populaire, un marchand de blé qui apporte loyalement son grain dans la plaee publique, de celui qui l’accapare et l’entassé? On bénit le marchand ; on maudit l’accapareur. Je n’examine pas si l’on confond, ou non, trop souvent l’un avec l’aütre; mais je dis, en suivant cette cbmparaison qui est à la portée de tous : ne pourhait-dri pas, avec Un pas de plus vers la lumière, distinguer le marchand d’argent qui le vendrait publiquement et loyalement au taux de la place, de celui qui l’accaparerait pour en faire un commerce usüruire ? Déjà ün membre de cette Assemblée vous a prdposédes vues très sages sur cet bbjet, que le comité des finances a pris en considération. Quand l’argent est le seul signe représentatif, il ne peut faire l’objet d’uli commerce; mais quand il y en a deux, le commerce s’établit malgré tout le monde, parce qu’il ëst fondé sur la nature des choses. A Amsterdam; on cote les piastres et les écus à la Bourse, comme les. auheS effets ; publicité et Concurrence dans cette négociation comme dans les autres, vous verrez bedaître l’aboridance. Jë Üë m’étehds pas davantage dans ce moment sur cë grand moyen, qui fonde à moi mës espérances, ët qüi deviendra par la suite; si je ne me trompe, le gage de notre tranquillité. Je vous observerai seulement que toutes les questions secondaires de cette nature ne doivent être examinées qu’après votre première décision sur le modë de liquidation ; et cette observation est digne d’attention. Car, Messieurs, dans ce moment Où je vois s’agiter tous les intérêts pour ou contre l’amour-propre ; même s’animer sur ia question principale ; lorsque je Vois l’opinion se promener d’uh système à l’autre, suivant l’adresse ou l’élo-iience des opinants et dés écrivatbs, il serait angereux d’asseoir son opinion sur les questions secondaires : elles se décideront beaucoup mieux par la suite, après votre décret sur la question de savoir si les nouveaux titres seront üne monnaie ou non. Alors toutes les opinions étant fixées, tous les intérêts étant obligés de se soumettre, les talents; les lumières, Ta tnour-propre lui-même, car je ne le perds pas de vue, se réuniront pour vous offrir les moyens de diminuer ou dë faire disparaître les inconvénients inséparables d’une opération vaste et hardie, mais nécessaire, mais la seule qui change vraiment notre position, la seule digne d’un grand peuple qui se régénère. Oh objecte l’augmentatiCh du prix des salaires, pal* conséquent l’exportation de notre numéraire réel par la balance dii commerce, et par l’altération des chahges à notre désavantage. Exami-nens Cette objëction; J’ose Voüs dire, Messieurs; qu’on vous tromperait fort, si l’on parvenait à vous persuader que nous avons à Craindre que cëttë balance puisâë jamais être contre iiohs et à l’avantage des autres nations, Considérées Collectivement; Sans dtitite; dans des temps malheuteux, au moment d’une révolution, où tout un peuple, occupé de sa liberté, néglige son industrie, l’on voit diminuer ses salaires, et l’avantage est moins grand pour nous ; mais la balance penche toujours de notre côté, et bientôt elle reprendra avec Usure ses avantages ; la baisse du change est précisément l’antidote du renchérissement, et je vais le prouver. On pourrait faire ün livre sut* des questions de cette importance, et je n’ai que le temps de les parcourir : il m’a semblé qu’ün exemple très simple el à la portée de tout le monde, pourrait résoudre la question en peu de mots. Gomme le résultat de cet exemple m’a frappé par sa simplicité, peut-être vous frappera-t-il aussi; peut-être vous tranquiilisera-t-il complètement sur des conséquences, qui ne sont pas si dangereuses que l’on veut vous le persuader. Une aune d’étoffe, qui se vend à uh Anglais 3 livres toürnbis, lorsque le change est ati pair; est payée par cet Anglais avec 28 deniers sterling de sa monnaie ; par la baisse du change à notre désavantage, cet Anglais peut payer cës mêmes 3 livres tournois avec 26 deniers sterling. Il souscrira donc très facilement à payer cette même étoffe quelque chose de plus, puisqüecé nouveau prix ne représente pour lui due les 28 deniers sterling qu’il donnait auparavant, et cependant l’augmentation payera en France le renchérissement de la main-d’œuvre au fabricant français: Vods voyez qüe notre commerce d’éxpdftation ne peut souffrir d’üne nouvelle émission d’assignats; eri supposant même qu’ils fassent baisser ridthe change; et qüe Ja balance de notre cdmrtierCe rie sera point dérangée, comme on le dit: je saià bien qii’on pourra me rétorquer l’argument porir le commerce d’importation ; mais qu’en résultérà-t-il ? Que l’on lachètera moins de marchandise� étrangères, et tant mieux pour nos fabriques; il faut tendre à nous passer de tout ce tjüi n’est pis matière première; et nous concerter même poiit* y parvenir. Ne vous laissez donc pas séduire par des terreurs que la réflexion peut aisément détruire, et ne perdez point de vue, j’ose le dire, qüe si le commerce est digne de toute votrë prdtëctiod; il ne faut pas croire non plus que l’intérêt particulier du négociant, qui veut faire une grande fortune, soit toujours lè même que l’intérêt national. Nos grandes fabriques, ce sdnt les ateliëCS de la culture; tout ce qui peut contribuera faire augmenter la valeur de nos productions territoriales forme le véritable intérêt d’une nation, qui est surtout destinée à être agricole. Je ne m’étendrai pas sur ces süppdsitidns gratuites de Voir tomber les assignats au pdint dé perdre jusqu'à 50 0/0 ; du a même dit 100 0/0. Ce sont de cës ligures oratoires qui ne font plus d’impression depuis que l’opinion publique a placé l’assigrtat dans un ràüg tout différent qu’un papier sans hypothèque spéciale :on ne doute plus de sa solidité; il ne faut donc pas lüi présager le sort qu’éprouverait un papier fragile: La seule perte qu’il puisse éprouver, est, comme je l’ai dit, la différence qui existe entre une monnàie commode pour les détails, ët une pièce de huit ou douze louis, qui ne peut servir aux mêmes usages. Urlè preuve bien évidente que c’est là là seule Cause 4e ia différence, ë’est que les petits [Àéfe'mblëë ilàtiohalé.] ÀïlGtHTÉS fcAtÜJËMEÏiTMÛÈîS: [17 septetabré 1790.J 43 assignats sont plus recherchés que les gros : soîit-ils plüâ solides ? Non ; mais ils sont plüs commodes: Uti voÿdgëiir paye les louis qu’il emporte; un marchand paye quelquefois le billon dont il a besoin poür rendre à l’acheteur en détail, qui n’a que des pièces d’argent. Que l’on ne vienne ddüc plus tibus dire que lorsque les enchères des biens nationaux seront ouvertes, l’assignat perdra plus eücorO qu’il ne perd aujourd’hui ; car On dirait ühe chose vraiment déraisonnable. Dans ce moment; où aucune issue n’est encore ouverte à leur écdüieraétit, la monnaie peut gagner sur eux au delà de la proportion ordinaire, comme la petite monnaie sur une grosse pièce de métal; mais ils ne perdent pas effectivement. Non, Messieurs; ils ne perdènt pas même dans les marchés volontaires et dans lès acquisitions. Je voüs le demande à vous, propriétaires de terres à vendre, qui cherchez des acquéreurs, à vous propriétaires de maisons, dont le prix était déjà tombé avant la première émission des assignats, ne Voüs croi-riéz-vOuS pas heureux de vendre promptement et d’être payés èh assignats ? fit vous, commerçants ou autres, qui cherchez à négocier votre jJàpier, sont-ce les lettres de bhange qui sont recherchées pour des assignats, ou ceux-ci pour des lettrés dé change? N’a pas des assignats qui veut, dit lè peuple, et il a raison. Ne craignez donc pas qu’une émission qui né sera que progressive, devienne désastreuse; nous né sommés pas ëncore àu moment où les assignats rouleront à grands flots dans les ventes des biens domaniaux; mais ce moment approche; alors ils prendront lëür niveau. S’il était possible qu’une trop grande abondance se fit sentir, qu’ils fussent, je lé supposé pour Un motaent, donnés à 10 0/0 de pferte, alors ne seraient-ils pas recherchés par ceux qui voudraient gagner ce dixième sur le prix d’une vente dans laquelle ils seraient reçus pour leur valeur entière? La caisse de l’è&traordinaire n’est-elle pas là pour les engloutir ? On nous parle continuellement du sort de ceux qui né devant rien, et recevant un rémboursehient de leurs débiteurs, seront fort embarrassés de leurs assignats. Mais d’abord, si ces débiteurs les avaient payés en argent, qu’en âüraient-ils fait? L’auraieni-ils gardé saris 'le placer? Dans ce bas, ils auraient perdu l’intérêt de leur argent; ainsi ils n’ëprdUvent aucune perte en garddnt ces assignats. D’ailleurs, quand on traite cette question èn administrateur, on ne doit jamais regarder favorablement ceux qui enterrent leur argent, surtout dans lés circonstances présentes; A Dieu hé plaisè qüe je révoque en doute le droit sacré de la propriété, et que je� puisse croire du moment que i’on puisse blâmer un possesseur d’ar-geüt qui fait Cë qu’il veut de ce genre de propriété, Ccimriie de tout autre; mais jè dis que les législateurs ne doivent pbiiit favoriser cette manière il’hser de sa propriété, et de paralyser ses capitaux; jé dis que tonte Operation qui tend à ia Combattre est bonne et juste. Mais* me réplique-t-on, voüs n’ouvrez à celui qu’on rembourse aucun autre débouché que celui ue l’acquisitiou d’une terre, et il n’a pas le goût de cette espèce de propriété, Vous le gênez injustement. Non; car il y a des propriétaires de contrats sur le gouvernement qui seront fort aises de lest échàngercontiedesassi-güats, pour acquérir des terres. Mais il n’aimo pas les contrats; à ia bonde héUre : êh bien ! il y a des fonds de commerce à vendre, il y a des manufactures à Soutenir, il y a des arts à encourager, dès maiSons à acheter, tarit d’autres placements à faire. Il n’aimé pas tout cela ; je pourrais lui dire : N’âehetez rien, et restez avec de botis assignats, dont la base reposé sur Un champ immüâ-ble; mais bientôt je lui offrirai un débouché très favorable. OcCüpons-noüS d’abdfd , Messieurs, de ÜOs-créanciers directs, car énfin c’est à ëüxqüë ttbüs avons affaire; ce sont eux qui nous ont fourni en espèces les fonds, que nous sommes obliges dé leur rendre èn monnaie équivalente; c’est pour eux surtout quë nous devons chercher Üti mode de liquidation, qui concilie lëiirS bësoiüs àvec l’embarras de nos finances. Jé dois à. cette oeba-sion prévenir une objection que j’entends faire tous les jours, et qui n’est nullement fondée : on dit que là plus grande partie de cës créanciers que l’on plaint tant, ne sont pâS les créanciers originaires ; qu’ils ont acheté à pertë, et qu’ils poür-raientbien, sans injustice, être soumis à tjuelqbeS sacrifices. Faites attention; je vous prié; qu’il n’est pas question ici de la dette constituée; noüs parlons de la dette exigible montant à 1,900 millions. De quoi est-elle composée ? Elle l’ëst, pour les deux tiers, d’offices; de cautionnements; des dîmes inféodées, de la dette de l’ancien clergé; des annuités de la ca!sse d’escompte et des notaires; de tout l’arriéré; ces différentes espèbbs dé finances ont été sûrement fohrniësën entier pdf les propriétaires actuels lors dés acqüisitioHs ou des remplacements ; sur lés 1,900 millions, 600 tout au plus ont des billets au pdftëUr pour origine; et une très grande partie peut se trouver entré lés mainS des premiers porteùrs; Mais la position des nouveaux acquéreurs e.-t-ellé plus défavoràble ? Non; Messieurs : car il fie faut pas croirè qüë le possesseur actuel sdit précisément celui qui a acquis dans les rnométits de la plus grande baisse des effets; les Spéculatèdfsj qui les achètent alors, ont bien soin de les revendre dans le bioment de la haussé. Quant adx agioteurs, ils ne sont pas si honnêtes; ils ne sont point propriétaires des effets; ils prêtent à 10 et 12 0/0 sur le gage ou dépôt de ces ëffëts ; c’est à vos malheureux créanciers qù’ilS prêtent airtsi; en sorte que, pendant loüt I ■ temps bù vous suspendez vos remboursements, vOs créanciers sbrtt dans la cruelle alternative, pour acquitte!* leurs engagements, ou de vendre le capital à perte, o'u de l’engager à un intérêt énorme. Voilà les maux dans lesquels vous lesj reploligez, Si vous les remboursez en effets seulement négociables; il n’ÿ a guère de raison pour qu’un parchemin neuf perde beaucoup rhoitts qu’üd vieux. Il est temps * Messieurs , de vous développer mes vues sur le mode de liquidation qui me parait concilier fout à la fois la justice duè adx créanciers de l’État, et les ménagements q U 'exige notre position, sans nous livrer à une émission trop nombreuse d’assignats, qui paraît effrayer ceux mêmes qui reconnaissent leur utilité; Jé rappelle ici le principe incontestable qu’il faut absolument rembourser eu ëspècèâ, ce que l’on a reçu en espèces, ou bien s’arranger avec son créancier; je rappelle qu’ü n’ést pas possible de réduire l’lutérêi, si ce n’est Üe gré à gré ; jé rappelle qu’eh attachant à des quittancés de finance un intérêt de 5 0/0, vous ifiez contre votre objet principal, celui d’accélérer les ventes : je rappelle enfin le besoin réel que nous àvohs d’un numéraire territorial, au défaut du numéraire métallique qui se cache. Je pense donc que tout se réunit pouf laisse!* lë choix ail biéaücief , quel qü’ii soit; de la dette 44 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [17 septembre 1790.] exigible, entre des assignats-monnaie sans intérêt , et des obligations nationales portant, non pas un intérêt, mais une prime raisonnable. Ici la prime, même modique, u’est point une injustice ; parce qu’il y a auprès l’alternative de l’assignat. On recevrait les uns et les autres concurremment avec l’argent dans les ventes. Je ne puis être de l’avis de ceux qui voudraient que l’argent ne fût pas reçu dans les ventes : il me semble que cette opinion n’est appuyée d’aucun motif convaincant. D’abord c’est une idée assez extraordinaire d’exclure des enchères une monnaie, qui concourt avec les assignats, et même obtient quelque avantage sur eux dans tous les autres marchés de la société. Je ne sais pas si l’on aurait le droit de prononcer cette exclusion, et je n’en vois nullement l’utilité. Tous les écus qui arriveront dans les caisses des districts ou dans celles de l’extraordinaire ne seront pas, il faut en convenir, difficiles à échanger contre des assignats, et peut-être le cas arnvera-t-il rarement. Aussi j’abandonne absolument cette idée qui pourait entraîner avec elle l’inconvénient particulier de donner beaucoup d’humeur à l’habitant des campagnes, qui, dans les premières ventes surtout, peut avoir de l’argent à offrir, et non pas des assignats, encore moins des obligations nationales. An reste, on pourrait peut-être accorder à l’assignat le droit de provoquer l’enchère, mais au moment du payement la préférence me paraît illusoire. Je préfère la dénomination d'obligation nationale à celle de quittance de finance , décriée sous l’ancien régime, et qui présente l’idée d’une valeur moins active.Les nouvelles dénominations ne sont pas tout à coup indifférentes. Je fixe la prime à 3 1 /2 0/0 parce que c’est la proportion du revenu des biens-fonds. Le choix laissé au créancier entre ces deux titres de nature si différente me paraît fondée sur la justice, et répond à presque toutes les objections des adversaires des assignats; car leur émission ne sera plus aussi considérable, et les créanciers seront plus heureux. Ne perdons pas de vue, Messieurs, qu’il s’agit ici d’un assemblée, de famille, si j’ose m’exprimer ainsi, où se trouvent réunis tous les créanciers et tous les débiteurs ; avec cet avantage, que la souveraineté qu’exercent leurs représentants au nom de cette immense famille , dans laquelle cette souveraineté réside , lui donne l’heureuse facilité de pouvoir aider les plus malheureux avec un numéraire territorial , aussi solide que la monnaie métallique, et qui doit bientôt disparaître par la vente d’une grande quantité d’immeubles , qui en sont le gage inaltérable et visible. Comment serait-il possible de se priver raisonnablement d’une ressource aussi précieuse? Le créancier qui sera pressé de se liquider demandera des assignats, et celui qui préférera un effet accompagné d’une prime, sera admis à opter pour ce mode de liquidation. Il est bien important que les 3 1/2 0/0 soient en forme de prime, au lieu d’un intérêt annuel : 1° afin de soutenir la célérité des ventes, ce qui est très essentiel. Un intérêt engage à garder l’obligation; une prime, qui n’a son effet qu’au moment de la vente, déterminera à acheter; 2° afin d’avoir la certitude qu’en 1791 et années suivantes, vous aurez moins à imposer que dans tout autre plan. Ce soulagement est de la plus grande importance dans un moment où vous changez le mode de toutes les impositions. Or, c’est ce qu’opère la prime qui ne se payera qu’en déduction du prix de l’acquisition du domaine national: cette prime non seulement ne sera point onéreuse dans ce moment-ci, mais ne coûtera rien à la nation, parce qu’elle fera acheter un peu plus cher. Je suppose que la moitié seulement des créanciers opte pour les quittances de finance; vous auriez 950 millions de nouveaux assignats à émettre dans le public: je vais vous offrir bientôt un moyen de leur donner un nouvel écoulement, indépendamment de celui des ventes continuelles. L’émission des assignats, n’étant que successive, comme je vous lyai observé déjà; les ventes que cette opération rendra nécessairement plus rapides, éteindront non seulement des assignats à mesure qu’il en paraîtra de nouveaux, mais des obligations nationales avec leur prime. Voici maintenant ce que je propose pour tranquilliser de plus en plus sur la multiplication des assignats , et pour l’avantage de ceux qui n’auraient pas déplacement à faire sur-le-champ, après avoir été remboursés en assignats. Je crois parfaitement juste et raisonnable qu’il soit libre en tout temps aux porteurs d’assignats de venir les échanger contre des obligations nationales. Dans ce cas, les assignats seront brûlés, comme quand ils serontreçus en payement dans les ventes. Cette alternative continuelle, laissée aux créanciers remboursés et à tous autres, doit donner une grande impulsion au crédit public, et inspirer la plus entière confiance dans la loyauté de la nation, comme dans les assignats. ’Ôn ne pourra jamais venir échanger des obligations contre des assignats : 1° parce qu’un assignat entré à la caisse de l’extraordinaire, ne doit plus en sortir ; 2° parce qu’une obligation nationale n’aura jamais été reçue que de gré à gré. Mais, Messieurs, je ne borne pas là l’opération; pour la rendre complète, il y a une dernière issue à donner aux assignats dans une époque plus éloignée; cette dernière mesure répondra à bien des objections, et remédiera, autant qu’il est possible, aux inconvénients inséparables de tout ouvrage humain. On nous objecte que les biens ecclésiastiques ne suffiront peut-être pas pour asseoir la base de la totalité des assignats et des obligations nationales. Je réponds d’abord que, si vpus vous décidez par la suite à vendre les bois des anciennes communautés ecclésiastiques, dont vous avez suspendu l’aliénation, l’objection tombera à mes yeux. Je réponds, en second lieu, qu’après avoir été justes envers vos créanciers directs, vous l’êtes vis-à-vis de ceux mêmes qui n’ont d’autre rapport, avec le Trésor public que leur qualité de citoyens, et cette qualité vaut bien la peine qu’on s’en occupe. En effet, il ne faut pas oublier que pendant tout le temps des ventes, ils ont la liberté d’échanger les assignats contre les obligations nationales, soit de gré à gré par la négociation, soit à la caisse de l’extraordinaire. Mais aussitôt que les ventes seront consommées, il sera très aisé d’ouvrir un emprunt à 4 0/0 où les assignats seront reçus et aussitôt éteints. Si malheureusement, Messieurs, vous prenez le parti de ne donner que des quittances de finance négociables en payement à vos créanciers, vous n’avez rien fait pour eux, vous n’avez rien fait pour la diminution de la dette publique, vous [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790-1 45 convertissez lin papier stérile en un parchemin tout aussi stérile, vous ne soulagez point le peuple d’une grande masse d’impositions; vous manquez la plus belle occasion de vous acquitter d’une manière éclatante, prompte, juste et généreuse. Avant de conclure, j’insiste particulièrement pour que les premiers assignats, qui seront fabriqués sans délai, soient employés à pourvoir à quelques besoins du Trésor public, qui pourront se manifester d’après l’avis de l’administrateur des finances, que nous ne pouvons pas négliger. Comme l’échange des billets de la caisse d’escompte va lentement, et que l’on a de l’avance sur les billets à échanger, par le nombre plus considérable d’assignats déjà fabriqués, il est possible d’indiquer une mesure prompte à cet égard. J’insiste, en second lieu, pour que l’on ouvre, au mois de janvier prochain, le payement des deux semestres des rentes de 1790 et celui des pensions. C’est un objet de 84 millions pour les rentes, en ne comptant pour l’arriéré qu’un semestre, et peut-être douze millions pour ce qui sera dû des pensions. Il faut aussi qu’à cette époque on acquitte, avec la plus grande exactitude, les cent huit millions de la dette exigible, qui échoient au mois de janvier 1791. Il faut entin compter sur quelques liquidations d’offices consommées alors, et sur une portion des cautionnements la plus instante à rembourser. Tout cela prouve de plus en plus la nécessité d’une fabrication actuelle et prompte de six ou huit cents millions d’assignats, et d’une quantité proportionnée d’obligations nationales. Vous voyez, Messieurs, combien il est instant que vous preniez une détermination. Je dois, avant de finir, répondre à une objection qui m’a été faite, qui peut avoir été faite à d’autres, et qui pourrait perpétuer une erreur. On reproche à l’Assemblée nationale les premiers quatre cents millions d’assignats, en ce sens qu’ils ont, dit-on, consommé autant d’immeubles sans éteindre des capitaux. On ne fait donc pas attention que ce sont des capitaux, au contraire, que les quatre cents millions décrétés remboursent tous les jours. Car cent soixante-dix millions éteignent la créance delà caisse d’escompte, qui formait un capital ; cent trente millions éteignent les anticipations, qui formaient un capital, et portaient intérêt à 6 0/0. Enfin, l’arriéré des rentes dues sur 1789, qui se payent couramment, montaient à cent millions ou environ ; c’est encore un capital éteint; car tout arriéré, quand une nation est jusle, finit par former un capital portant intérêt. Si donc, dans les derniers mots de l’année présente, une portion des nouveaux assignats remplace des revenus non encore recouvrés, c’est une loi à subir, et une loi impérieuse, celle de la nécessité ; mais ces revenus n’étant que retardés, on peut regarder une quantité équivalente de nouveaux assignats comme représentée par les arrérages des impôts directs qui rentreront successivement sur l’exercice 1790. Il y a plus ; vous avez pour éteindre séparément ces assignats les deux derniers termes de la contribution patriotique, qui n’auront point de destination, dès que l’impôt de 1791 sera pleinement établi. Je me résume : tout plan de liquidation qui ne porte pas sur une émission d’assignats ne peut être regardé comme une véritable libération ; ce n’est qu’un changement de titres, aussi favorable à l’agiotage et aussi funeste aux créanciers qu’écrasant pour le peuple, parla surchage d’impôts qu’il occasionnera. Dès qu’il est reconnu de tout le monde que les assignats sont une monnaie très solide, et qu’en douter dans cette tribune, c’est, comme l’a dit ré-cemmentun écrivain profond, un crime de lèse-na-tion : dès qu’une portion du numéraire métallique ne circule pas, et que ce qui circulera d’assignats en concurrence avec lui ne fera que remplir ce vide : dès que l’excédent lui-même ne ferait que donner un encouragement de plus aux entreprises de culture et de fabrication : puisqu’enfin, en donnant une option aussi juste que prudente à nos créanciers directs, nous pouvons éviter lesinconvé-nients et l’effroi qui peuvent résulter d’une quantité trop grande d’assignats-monnaie, pourquoi hésiterions-nous encore ? N’écoutons point avec trop de facilité ces réclamations intéressées de plusieurs villes, de plusieurs départements même, ni celles de quelques banquiers qui voient avec peine s’échapper leurs immenses bénéfices, ni même celles d’un certain nombre de commerçants qui perdent quelquefois de vue, et peut-être sans s’en apercevoir, l’intérêt général du commerce et des manufactures, pour s’occuper de celui du négociant et du manufacturier; les commerçants, Messieurs, vont être les financiers des provinces ; nous pouvons, sans les combler de richesses, encourager très efficacement le commerce et les arts. Ils seront bien dédommagés du prix d’achat nécessaire au payement des salaires par le bénéfice résultant de la multiplication des ouvrages occasionnés par l’accroissement du numéraire. Hâtez-vous, Messieurs, de décréter enfin une nouvelle émission d’assignats, car bientôt il ne sera plus temps de le faire. PROJET DE DÉCRET. 1° La dette exigible sera remboursée en assignats-monnaie, ou en obligations nationales, au choix du créancier. 2° Les assignats-monnaie ne porteront point intérêt. 3° L’intérêt accordé aux premiers 400 millions d’assignats - monnaie cessera à compter du 15 avril 1791. 4° A cette époque, le trésorier de la caisse de l’extraordinaire, en payant les intérêts de l’année échue, retranchera de l’assignat tous les coupons qui y étaient annexés. 5° Les obligations nationales ne porteront point intérêt ; mais il leur sera attribué une prime de 3 1/2 0/0 par an. 6° Cette prime ne sera payée qu’au moment où l’obligation nationale sera donnée en payement d’une acquisition de domaines nationaux, et formera déduction sur le prix de l’adjudication. 7“ Les assignats-monnaie, et les obligations nationales seront reçues pour comptant dans le prix des ventes des domaines nationaux, concurremment avec l’argent monnayé. 8° Il sera libre à tout porteur d’assignats de les échanger à volonté contre des obligations nationales à la caisse de l’extraordinaire pendant tout le temps des ventes. 9° S’il arrivait qu’après les ventes consommées, il subsistât encore des assignats ou des obligations nationales, elles seront reçues les unes et les autres pour comptant dans un emprunt à 4 0/0, qui sera ouvert par la suite : ils seront alors brûlés comme l’auront été successivement