SÉANCE DU 27 VENDÉMIAIRE AN III (18 OCTOBRE 1794) - Nos 41-43 259 dont la cuisse a été emportée d’un boulet de canon, au service de la République, la somme de 300 L, imputable sur la pension à laquelle il a droit. Ce décret sera imprimé au bulletin de correspondance (83). 41 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [RAMEL au nom de] son comité des Finances sur la réclamation du citoyen Laureau, et le référé des corps administratifs, improuve et annulle les délibérations prises par la société populaire d’Autun, à l’occasion de l’emprunt forcé, notamment celle du 24 pluviôse, comme étant contraire aux principes et attentatoire aux fonctions déléguées aux corps administratifs; et décrète que le directoire du district d’Autun et le département de Saône-et-Loire, par voie de recours, s’il y a lieu, prononceront, d’après la disposition de la loi du 7 septembre 1793, sur la demande en réduction de taxe, formée par ledit citoyen Laureau, nonobstant l’expiration des délais échus. Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (84). 42 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de RAMEL, au nom] de ses comités d’instruction publique et des Finances, réunis; Considérant que le Théâtre des Arts étant placé sous la surveillance et sous la direction spéciale de la République, il est instant d’établir l’ordre et l’économie dans cette administration, décrète ce qui suit : Article premier. - L’année théâtrale sera comptée à l’avenir comme l’année civile. Art. IL - Les comités d’instruction publique et des Finances, réunis, feront un règlement sur le nombre, le traitement des artistes et préposés, leur discipline intérieure, l’administration et la comptabilité du Théâtre des Arts. Art. III. - Les artistes et préposés garantiront une recette de 688 000 L : s’il exis-toit un déficit à cet égard, il seroit pris au marc la livre sur leur traitement. Ce qui excédera en recette la somme ci-dessus fixée, sera divisée en deux parties ; (83) P.-V., XLVII, 244. C 321, pl. 1337, p. 16, minute de la main de Du Bois Du Bay, rapporteur. Bull., 27 vend. (suppl.). (84) P.-V., XLVII, 244-245. C 321, pl. 1337, p. 17, minute de la main de Ramel, rapporteur. Bull., 28 vend, (suppl.); J. Perlet, n" 757; M. U., XLIV, 457. la première sera versée au Trésor public; la seconde sera répartie sur les artistes et préposés, conformément au règlement qui sera fait par les comités réunis. Art. IV. - Les deux comités réunis présenteront un projet de décret sur les retraites des artistes et préposés. Art. V. - La commission d’instruction publique est autorisée à ordonnancer, sur les fonds mis à sa disposition, jusqu’à concurrence de 30000 L par mois pour les dépenses variables, et d’une somme de 100000 L une fois payée, pour être employée aux changemens à faire dans la salle, et au paiement des parties les plus pressées de l’arriéré. Art. VI. - Les deux comités présenteront incessamment leurs vues sur la liquidation des sommes dues aux propriétaires et créanciers de la nouvelle salle, et par l’ancienne administration du Théâtre des Arts. Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (85). 43 CHÉNIER, au nom du comité d’instruction publique, a fait le rapport suivant : (86) Citoyens représentans, Les arts et les sciences se réveillent à votre voix; les talens ne craignent plus la hache, et la réputation n’est plus un crime. Votre comité d’instruction publique veut se rendre digne des fonctions importantes dont vous l’avez investi : il redouble chaque jour d’efforts pour opérer promptement la restauration des lettres en France. Une commission sage, éclairée, laborieuse, amie de la philosophie, et par conséquent des hommes puisque la philosophie les rend meilleurs, a remplacé cette commission imbécille et conspiratrice qui, sous le joug sanglant de Robespierre, organisoit avec tant de soin l’ignorance et la barbarie. Il faudra bien encore épurer la commission temporaire des arts, et y porter comme en triomphe ces artistes célèbres et opprimés, qui n’avoient commis d’autre délit que d’avoir offensé, par des succès mérités, l’orgueil d’un rival bassement jaloux ; il faudra écarter cette foule de petits intrigans sans moyens, qui cultivoient les arts pour les avilir, qui luttoient contre le talent avec la calomnie, qui, sous le règne des triumvirs, obs-truoient les avenues du comité de Salut public, obtenoient sans peine des réquisitions qu’on re-(85) P.-V., XLVII, 245-246. C 321, pl. 1337, p. 18, minute de la main de Ramel, rapporteur. Bull., 28 vend, (suppl.); F. de la Républ., n° 28; J. Fr., n” 753; J. Paris, n“ 28; M. TJ., XLIV, 429-430; Mess. Soir, n” 791; Rép., n° 28. (86) Bull., 27 vend.; Moniteur, XXII, 282-283; Débats, n“ 756, 411-413; J. Mont., n' 6; Ann. Patr., n° 656; Ann. R.F., n“ 27; C. Eg., n" 791; Gazette Fr., n° 1021; J. Fr., n° 753; J. Paris, n” 28; J. Perlet, n 755; J. Univ., n 1788 ; M. U., XLIV, 438-440; Mess. Soir, n° 791; Rép., n° 30. 260 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE fusoit au vrai mérite, sollicitoient, mettoient en mouvement toutes les autorités constituées pour faire imprimer leurs brochures, pour faire graver leurs dessins et leur musique, pour faire chanter leurs vaudevilles, pour faire représenter leurs pièces de théâtre, et qui, vrais dila-pidateurs de la fortune du peuple, ne rougissoient pas d’élever, aux frais de la République étonnée, des monumens d’ignominie pour la littérature et les arts de la République. Tandis que le comité d’instruction, marchant avec vous, et fort de votre volonté, rappelle autour de la représentation nationale tous les arts, toutes les sciences, toutes les facultés intellectuelles ; tandis qu’il s’occupe sans relâche de donner aux hommes et aux institutions leur proportion naturelle et la liberté qui leur manque : déjà les fêtes publiques, plus sagement dirigées, moins chargées d’oripeaux civiques et de guenilles à prétention, échappent au despotisme des imaginations bizarrement stériles et du caprice en délire, et commencent à porter, je ne crains pas de le dire, un caractère conforme au génie du peuple, un caractère à la fois simple et grand. Dans la fête célébrée en l’honneur de J. -J. Rousseau, les détails étoient sans recherche, les emblèmes faciles à comprendre, les groupes habilement distribués et convenables au genre de la fête; les inscriptions n’étoient point défigurées par un langage barbare ou par le jargon du bel esprit; la musique n’étoit ni bruyante ni fastueuse ; les romances mélodieuses de Jean-Jacques; les livres qui repré-sentoient son génie ; ces Genevois qui ont vécu avec lui et dont les pères l’ont vu naître, ces cultivateurs, compagnons de ses derniers jours, confidens de ses dernières pensées ; ces enfans, ces mères de famille, qui, le livre d’Emile à la main, adressoient au grand homme leurs hommages reconnoissans ; ces trois Républiques confondant leurs drapeaux et se jurant alliance sur les pages sacrées du Contrat social; tout remplissoit l’âme d’une mélancolie religieuse, d’un sentiment délicieux et profond, digne du bon, du sensible Jean-Jacques, digne encore des Français républicains, réparant les fautes de leurs aïeux esclaves, et rendant hommage à la mémoire du libérateur du genre humain. La fête que vous avez décrétée pour l’évacuation du territoire de la République, et qui sera célébrée le 30 vendémiaire, doit être animée du même esprit général, mais offrir dans ses détails un caractère plus mâle et plus sévère. Le comité et la commission d’instruction publique ont voulu, cette fois encore, avancer de quelques pas vers le but que doivent un jour atteindre les fêtes nationales. Les sages réflexions présentées dans cette tribune ont fait sentir qu’il falloit renoncer à ces processions étemelles, qui consument une journée entière, qui fatiguent le peuple sans l’amuser, et qui ne peuvent avoir de motif raisonnable que lorsque l’objet de la fête est de porter au Panthéon la cendre triomphale d’un grand homme. On a senti également qu’il falloit, au moins pour l’instant, renoncer à ces représentations scéniques qui, ne pouvant occuper qu’une très petite portion du peuple, et qui, répétées abusivement sur tous les théâtres de France, n’ont fait que donner aux entrepreneurs de ces théâtres l’occasion de réclamer des indemnités dont la somme devient chaque jour plus effrayante. On a cm devoir enfin présenter aux yeux des Français quelques essais de cette gymnastique que perfectionneront le temps et le génie national. Des jeux militaires, exécutés dans le Champ de la Fédération, par cette colonie de Spartiates, par les jeunes élèves de l’École de Mars, au milieu des trophées de nos quatorze armées triomphantes, au milieu de nos braves soldats, si glorieusement mutilés pour la cause de la liberté; une musique fière et belliqueuse, animant des danses civiques ; des hymnes, préparant de nouvelles victoires en chantant les victoires passées ; le temple de l’Immortalité s’ouvrant devant le peuple, devant ses représentants, devant ses défenseurs, devant ces guerriers naissans, qui dans leurs jeux s’accoutument à vaincre ; le président de la Convention nationale, gravant pour l’histoire et pour les siècles sur la pyramide du temple de l’Immor-talité le nom des armées de la République, et l’énumération de leurs victoires : voilà les principales images qui ont paru dignes d’être présentées au peuple français triomphant des tyrans de l’Europe, et préparant par des conquêtes la paix qu’il doit un jour accorder au monde; le reste doit être abandonné au génie de ce peuple même, dont les pensées sont grandes parce qu’elles sont libres, et dont la présence aggrandit tous les arts, parce qu’il est près de la nature que tous les arts doivent imiter. Plan de la fête des Victoires, qui doit être célébrée le décadi 30 vendémiaire, Van troisième. Le matin de ce jour, à neuf heures précises, la force armée des sections de Paris se rassemblera au Champ de la Fédération avec drapeaux et flammes. Les blessés des diverses armées, et les militaires invalides, se rassembleront autour du rocher élevé au milieu du champ. La Convention nationale se réunira dans la maison de l’Ecole-Militaire. Aussitôt que la force armée de Paris, les blessés et les militaires invalides se seront assemblés, la Convention nationale se rendra sur le rocher élevé au milieu du champ, et qui offrira l’aspect d’une redoute. L’Institut national de musique précédera la Convention, et se placera sur le rocher à l’endroit qui lui sera indiqué. Le président placé, avec la Convention nationale, sur le sommet du rocher, prononcera un discours, après lequel on exécutera le Chant du départ, paroles du représentant Chénier, musique du citoyen Méhul. Les élèves du camp de Mars feront ensuite l’attaque simulée d’une forteresse, qu’ils emporteront d’assaut. Cette forteresse soumise, la Convention nationale descendra du rocher pour se rendre au temple de l’Immortalité, élevé SÉANCE DU 27 VENDÉMIAIRE AN III (18 OCTOBRE 1794) - N08 44-46 261 au milieu du champ entre le rocher et l’Ecole militaire. Les élèves du camp de Mars entourant les blessés des armées, et suivis du char de la victoire, formeront une marche triomphale qui se rendra au temple de l’Immortalité, après avoir fait le tour du Champ de la Fédération. Les trophées seront déposés au sein de la représentation nationale, et le président, au nom du peuple français, gravera sur la pyramide élevée au milieu du temple de l’Immortalité, les noms des armées de la République et l’énumération de leurs victoires. L’Institut national de musique exécutera un hymne, paroles du citoyen La-harpe, musique du citoyen Lesueur. Le soir du même jour on illuminera le petit monument élevé sur le bassin du Jardin national, en face du pavillon de l’Ùnité, et au milieu duquel sera élevée une urne funéraire consacrée aux mânes des guerriers morts en défendant la patrie. Une députation de la Convention nationale viendra, au nom de la nation entière, déposer sur cette urne une couronne de chêne. Des orchestres seront élevés sur les places du Panthéon, de la Bastille et dans le Jardin national, et la fête se terminera par des danses, témoignage de l’allégresse publique. La Convention nationale a décrété l’insertion au bulletin du rapport et du plan de la fête (87). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique sur la fête qui sera célébrée le décadi 30 vendémiaire, pour les victoires remportées par les armées de la République, adopte le plan proposé par son comité (88). 44 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de CRASSOUS au nom] de ses comités de Marine et des colonies, et de la Guerre, réunis, décrète : Article premier. - L’indemnité accordée par la loi du 7 mai 1793 (vieux style) aux militaires employés dans les armées de la république, dont les équipages de guerre (87) P.-V., XLVII, 246-248. Bull., 27 vend. ; Moniteur, XXII, 283; Débats, n° 756, 413-414; Ann. R.F., n° 28; F. de la Ré-publ., n” 31; J. Mont., n 7 ; J. Paris, n” 28; J. Univ., n° 1788; M. U., XLIV, 440; Rép., n" 30. (88) P.-V., XLVII, 248. C 321, pl. 1337, p. 19-20, minute de la main de Lozeau. Décret attribué à Chénier par C* II 21, p. 13. auront été pris par les ennemis, sera portée à un tiers en sus pour les troupes de terre et de mer dont les équipages auront été pris dans les colonies françaises. Art. II. - En ce cas, le délai fixé par la loi du ... germinal dernier, pour faire la réclamation, ne courra qu’à compter du retour des réclamans en France, légalement constaté. Art. III. - Les citoyens Laroque-Montel, chef de bataillon, Forestier, capitaine, et Viergile, lieutenant au premier bataillon du trente-unième régiment d’infanterie, qui ont perdu leurs équipages à Tobago, ont été faits prisonniers, et, après leur échange, ont été détenus en France, recevront l’indemnité de la perte de leurs équipages, ainsi qu’elle est fixée par le présent décret, nonobstant le délai qui s’est écoulé depuis la perte qu’ils ont faite (89). 45 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de CRASSOUS, au nom] de ses comités de Marine et des colonies, et de Législation, réunis, sur la pétition du citoyen François Decours Thoumazeau, demeurant ordinairement à la Martinique, aujourd’hui déporté de cette colonie par les Anglais, et prisonnier à Guemesey; Décrète que ce citoyen sera rayé de la liste des émigrés du département de Lot-et-Garonne, et que le séquestre apposé sur son bien, situé à Marmande, sera levé (90). 46 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition d’Antoine Simon, Nicolas Petit, Jacques-Marie Bellamy et Jacques Langlois, tendante à faire annul-ler un jugement du tribunal révolutionnaire, du 7 octobre 1793 (vieux style), qui les condamne à la peine de six années de gêne pour avoir sciemment, et dans des intentions contre-révolutionnaires, attesté et signé des certificats de résidence du nommé Lecarbonnier en la commune de Rouen [Seine-Inférieure] depuis neuf mois, quoiqu’il fût constant que cette résidence ne montoit pas à plus de trois mois à l’époque desdits certificats; Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. (89) P.-V., XLVII, 248-249. C 321, pl. 1337, p. 21, minute de la main de Crassous, rapporteur. F. de la Républ., n 28; M. U., XLIV, 456-457. (90) P.-V., XLVII, 249. C 321, pl. 1337, p. 22, minute de la main de Crassous, rapporteur. M. U., XLIV, 456.