[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1790.) 232 philantropique de M. l’abbé Maury... (On rit). M. l’abbé Maury se lève pour interrompre l’opinant. M. Charles de Lameth. Embarrassé du nombre des motions et des orateurs, je ne puis désigner celui dont il s’agit que par son nom. Il faut bien que je lui rappelle, avec Montesquieu, que la vertu même a besoin de limites ; qu’en voulant attaquer le luxe qui corrompt les moeurs, on ne peut oublier que nous ne cherchons point à constituer une nation nouvelle, mais à régénérer une nation dont le luxe fait la richesse, et pour laquelle le luxe est un besoin : une nation qui, comme les rois, est condamnée à la magnificence. J’observe, en passant, qu’il est plus aisé d’égarer le peuple que de le secourir ; que l’honneur de la popularité ne s’acquiert ni dans une, ni dans deux séances. J’observe que le préopinant se trompe souvent sur l’esprit des décrets de l’Assemblée, et je rappelle en peu de mots une erreur de cette nature, dont la circonstance actuelle renouvelle le souvenir, lin jour M. l’abbé Maury a réclamé avec force en faveur des domestiques ; il a dit qu’on les séparait des autres citoyens : il n’a pas voulu voir que l’Assemblée, en les privant d’être électeurs ou éligibles, a craint seulement l’influence dangereuse de celui qui commande sur ceux qui doivent obéir, et qu’elle a redouté ce que pourrait faire dans les élections un homme qui aurait vingt domestiques... Dans un moment où le peuple a besoin de repos, il ne faut point chercher à l’agiter... Renoncer à la faculté de secourir le peuple, c’est enlever un plaisir au cœur bienfaisant de M. l’abbé Maury. Ne pouvant donc faire croire sans danger au peuple que nous pouvons, si nous le voulons, le soulager des impôts qui l’obsèdent, cherchons un autre moyen. La motion de M. de la Salcette ne peut pas nous l’offrir, car elle iroduirait un changement trop fort pour des ïrélats qui ont 1 million, 800,000 livres, 500,000 ivres de rentes: nous voulons, s’il est possible, :’aire le bonheur de tous, en ne faisant le mal-leur de personne. On peut offrir à M. l’abbé Maury, et à tous les ecclésiastiques dont il est ’orgâne , une facilité pour remplir leurs vues bienfaisantes. Que le clergé, au lieu de payer pour sa contribution patriotique le quart de son revenu, en donne la moitié; ce second quart sera versé dans la caisse des départements, et employé directement à secourir les indigents. Mais il est impossible de supprimer les impôts sans les remplacer. On a prouvé que le remplacement proposé par M. l’abbé Maury était plus nuisible au peuple que l’impôt même. Notre recette est si faible que nous ne pouvons la diminuer sans nous résignera la banqueroute. 11 faut donc ou prendre le moyen que je propose, ou renoncer à tous les moyens. Le comité d’impositions me paraît inutile. 11 faut demander au comité des finances le plan dcmt il s’est occupé, et lui donner des adjoints, s’il en a besoin, pour l’aider dans son travail. M. Anson. J’étais au comité des finances pendant la discussion ; je ne peux donc y prendre part : je me borne à présenter des faits qu’il peut être utile de connaître en ce moment. Le comité des finances s’est occupé : 1° de la réduction générale des dépenses; 2e de rassembler les renseignements nécessaires pour le travail de l’imposition. On en avait par généralités ; la nouvelle j division du royaume les rend inutiles ; il faut à présent s’en procurer paroisse par paroisse. Le temps qu’emploiera indubitablement cette recherche fait regarder comme peu pressant l’établissement du comité d’impositions. Le comité sur l’arriéré de la dette paraît plus nécessaire. M. leduc delà Rochefoucauld. Un comité d’impositions sera sans doute utile; il examinera le tarif des impôts sur les denrées. C’est sur les consommations les plus nécessaires que portera la diminution la plus considérable, et cette diminution ne sera point une charge pour l’Etat. M. Turgot diminua les droits sur les poissons frais et salés, et le produit de l’impôt augmenta. Ainsi, il y a une grande probabilité que les vues bienfaisantes de M. l’abbé Maury seront remplies sans courir aussi sûrement à la banqueroute. Quant à la motion de M. l’abbé de La Salcette, elle doit être profondément discutée. Je pense qu’il ne faut délibérer que sur le comité d’impositions. On relit les différentes motions. M. l’abbé Maury veut se justifier, et dit qu’on a probablement mal saisi la motion qu’il a faite. Il dit qu’il a seulement énoncé le vœu que les commissaires s’occupassent delà suppression des impôts qui portent sur les comestibles communs. On demande l’ajournement et la question préalable sur la création du comité d'impositions. M. Rœderer soutient qu’il faut distinguer les faits et les principes de finances; que si l’ancien comité a dû s’occuper des faits, l’autre aura pour objet la législation de l’impôt. La mission du premier finit au moment où les éléments sont rassemblés... Il est impossible de demander l’ajournement ou la question préalable. L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer. On va aux voix par ordre sur les diverses motions. La motion de M. le marquis de Lancosne est adoptée dans les termes suivants : L’Assemblée nationale décrète : « Qu’il sera nommé un comité d’impositions composé de onze membres choisis dans l’Assemblée, auquel comité celui des finances remettra les instructions et matériaux qu’il a rassemblés sur les impositions actuelles. » La seconde motion, portant l’imposition sur le luxe, et l’établissement du comité de liquidation, est retirée par M. l'abbé Maury. Enfin, la motion sur les biens du clergé faite par M. l’abbé Golaud de la Salcette est ajournée. M. le vicomte de Moailles. Le comité militaire est prêt à rendre compte de son travail sur la constitution de l’armée, sur la paie des officiers, Ibas-officiers et soldats, et sur tous les objets qui ont rapport à celte partie. Je prie l’Assemblée de fixer un jour pour la lecture de ce document. L’Assemblée décide que le rapport sera entendu le premier, demain matin. M. le Président lève la séance et indique celle de demain pour neuf heures du matin.