388 (États gén. 1789. Cahiers.] duit des travaux des pères de famille, qu’ils ont gagné dans une semaine, est consommé dans un our, tandis que leurs femmes et leurs enfants anguissent dans une indigence générale ; les maîtres y sont mal servis, la terre manque des bras destinés usa culture, et les lieux de débauche y sont multipliéspar un vil intérêt, et deviennent les gouffres de quantité de ressources. Art. 21. Les formes de procéder dans nos paroisses renferment encore des abus vexatoires. Si un mariage est détruit par la mort, il s’agit d’assurer aux mineurs ce qui leur appartient de la communauté; mais, pour y parvenir, il faut souvent que le mobilier soit consommé en frais, et quelquefoisil n’est pas suffisant pour y répondre. Ne serait-il pas possible d’établir une loi favorable à cet égard, par exemple, d’autoriser le procureur fiscal, demeurant sur le lieu, ou les membres de la municipalité à dresser, sans frais, un procès-verbal de l’état d’une succession et d’en faire le dépôt chez un notaire, comme on peut faire d’un testament ? Les formes qui s’exercent dans les procès ne sont pas moins abusives; d’une question peu importante et facile à résoudre, on en fait une énorme procédure; il faut payer le papier comme s’il était rempli d’écriture; deux ou trois mots forment une ligne, afin de multiplier les rôles et de rendre la somme de frais considérable ; il est étonnant que des hommes qui se donnent le nom de défenseurs de la j ustice violent ses lois si ouvertement, au préjudice de leur partie. Art. 22. Une quantité prodigieuse de thiéra-chiens se répandent annuellement, avec des trou-- pes de chevaux, dans la province de Brie. Une partie assez considérable s’établit ordinairement dans les bois de cette paroisse ou aux environs, sous prétexte d’être utiles pour l’approvisionnement de la ville de Paris ; ces hommes errants, n’ayant point de domicile fixe, lâchent pendant la nuit leurs attelages de chevaux qui rongent les bois taillis et sortent très-souvent sur les terres chargées de leur récoltes, et y causent impunément des délits considérables ; ils se disent autorisés par M. le prévôt des marchands, dont ils ont trompé la religion. Il n’est pas possible que ce respectable magistrat ait souffert des personnages aussi à charge, s’il en connaissait l’horrible abus; il n’est pas possible qu’il voulût assujettir les cultivateurs à faire le sacrifice de leur repos, dans la saison la plus chère, pour garder leurs précieuses moissons du ravage de ces étrangers. Il serait bien intéressant d’établir une loi qui bannisse de tels brigandages. Art. 23. Il est encore de notre devoir de nous plaindre de la tyrannie qu’exerce ordinairement, sous le nom du Roi, la maîtrise des eaux et forêts. Leurs gardes, qui portent le nom de traversiez, sont des légions inutiles au bon ordre, couverts d’habits imposants que no devrait revêtir que l’homme de probité; ils n’agissent que pour leurs intérêts particuliers et cherchent à chaque instant à gêner l’exploitation et à vexer les particuliers, leur faisant des procès fondés sur des bagatelles : un arbre abattu sans leur coûteuse visite est un sujet pour leur procurer un moyen de faire une procédure ruineuse. Avec quel empressement ne devons-nous pas demander la réformation de ces vexateurs du tiers-état ! Art. 24. La nation assemblée s’occupera sans doute à chercher des moyens sûrs pour réprimer la mauvaise foi de ces bourreaux du commerce qui, se couvrant du voile de l’hypocrisie, se procurent des marchandises sans argent et qui, après avoir trompé la bonne foi des marchands, vont se ré-|Paris hors les murs.] fugier au Temple, où leur perfidie est à couvert, et d’où, après avoir déclaré une banqueroute frauduleuse, ils se procurent avec une adresse insidieuse des propriétés considérables avec le prix de leurs vols. Art. 25. Il est encore de l’intérêt général d’établir une loi relative aux moulins, et qu’en vertu de cette loi chaque particulier soit à couvert de cette mauvaise foi qui règne à cet égard. Il est outrageant pour la probité de voir journellement les abus qui se commettent envers les particuliers qui confient leurs grains avec confiance ; il serait donc utile qu’on établisse dans chaque paroisse un poids royal, où tous les grains qui seraient portés aux ' moulins fussent pesés avant leur départ et la farine à son retour. Art. 26. Enfin nous croyons que le vœu de la nation doit être qu’un seul et unique impôt soit établi sur tous les biens et propriétés du royaume sans exception, et que cet impôt soit suffisant pour répondre aux besoins de l’Etat; que tous les sujets du Roi qui ont des prérogatives attachées à leur naissance et à leur état fassent le sacrifice de leurs privilèges, mais que tous ensemble, partageant le poids des charges publiques, travaillent à l’envi au bonheur de tous. Tels sont les vœux que nous faisons pour la gloire et pour la prospérité de l’Etat, du Roi et de tous les citoyens. Fait et rédigé en l’assemblée susdite et convoquée tant au prône qu’à l’issue de la messe paroissiale par nous, syndic et greffier et autres membres de la municipalité, et en général des habitants de la paroisse de Bussy-Saint-Georges, le tout des articles ci-dessus consentis d’une voix unanime, et nous avons signé en présence d’un nombre considérable d’habitants qui ont déclaré ne savoir signer, les jour, mois et an susdits. Signé Jean Rebuffé; J. -B. Vacher; L. Moutier; G. Gellimu; François Fleur; Jean-Henri Guinart; B. Vacher; Nicolas Jobert, Morlet fils, Augustin Bellay; Gretté; Jacques François Rumigny; Drouet F. Vacher; Léchât, maître d’école ; Blanchard; Jacques Chauchet; Royer, et Pierre Dusard, greffier. Paraphé ne varietur et signé de nous, prévôt ; Auvray. CAHIER Des remontrances de la paroisse de Bussy-Saint-Martin et Antilly , hameau dudit Bussy ( 1). Le Roi rassemble en ce moment tous les ordres de son royaume pour remédier aux désordres qui régnent dans les différentes parties de l’administration. Il demande nos plaintes, nos secours, nos avis. Quant aux plaintes, nous en pourrions faire un très-grand nombre : 1° Sur la multiplicité des impôts ; 2° Sur la vexation des officiers chargés du recouvrement ; 3° Sur la tyrannie des intendants de province; 4° Sur l’effroyable quantité de gibier ; 5° Sur les gens de loi. Art. 1er. Sur la multiplicité des impôts. H n’est aucun habitant de la campagne qui n’ait à payer, tous les ans, la taille, le vingtième, la capitation, les aides, la gabelle, la corvée, la milice, espèce de taille non moins onéreuse que tout le reste, et tout cela est à prendre ou sur une chaumière, ou sur un morceau de terre, ou sur la journée d’un malheureux manouvrier. (1) Archives de V Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 389 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [Paris hors les murs.) Art. 2. Sur les vexations des officiers chargés du recouvrement. Un malheureux se trouve-t-il dans l’impossibilité de payer, soit par les pertes qu’il a essuyées, soit par les maladies, soit parce qu’il n’a pas récolté comme à l’ordinaire, il en payera davantage par les contraintes qu’on lui fera ; il verra arriver chez lui ces avides brigadiers qui ne vivent que de la graisse des pauvres ; ils saisiront ses meubles, ils vendront ses effets, ils le traîneront quelquefois même en prison, et ces gabeleurs, qui vont furetant partout, et ces commis aux aides, qui, descendant dans nos caves, nous font un procès d’avoir bu le vin de notre récolte et nous forcent impitoyablement à payer ce qu’ils appellent le trop bu. Art. 3. Sur la tyrannie des intendants. Si un intendant se comportait toujours selon les vues du monarque, il serait aussi respectable aux yeux des peuples que le monarque lui -même -, mais il n’est aucun habitant des campagnes qui ne tremble plus au nom d’intendant qu a celui du Roi, et cette crainte n’a sa source que dans les injustices qu’il commet tous les jours à leur égard, soit par les corvées qu’il ordonne, corvées qui ne sont d’aucune ou presque aucune utilité, corvées que des particuliers intéressés lui ont libéralement payées et pour lesquelles il a surpris la religion du" conseil ; nous ne parlons pas ici de la taille imposée à tort et à travers sur des déclarations faites et reçues à la hâte par des sous-commis de l’intendance ; nous ne craignons pas de le dire, l’institution des assemblées provinciales, pour succéder aux intendants et en exercer les fonctions, est un des établissements qui feront plus d’honneur au règne de Louis XVI et qui causeront plus de joie au peuple. Art. 4. Sur l’effroyable quantité de gibier. 11 n’est personne qui ne connaisse combien de tort peut causer le lapin. On prétend qu’un seul de ces animaux peut détruire à lui seul la récolte d’un arpent; que l’on juge après cela des ravages qu’il peut faire lorsqu’il est multiplié ! Nous ne parlons pas des lièvres, des perdrix : ils causent du dégât, mais ils en causent un peu moins ; mais le pigeon, qui mange d’abord la moitié de la semence lorsqu’on la répand sur la terre, et qui, aux approches de la moisson, vient encore dévorer une partie de la récolte. Art. 5. Sur les gens de loi. Nous entendons les procureurs qui ne manquent jamais de proliter de l’entêtement de quelques particuliers, pour s’engraisser aux dépens de ces malheureuses victimes de la chicane. Car enfin, un procureur est un homme qu’on doit supposer parfaitement instruit du droit; entre deux parties, l’une a tort et l'autre a la justice de son côté; pourquoi donc ces deux parties, dont l’une a tort et l’autre a raison, trouvent-elles chacune un procureur? Pourquoi ce procureur, cet homme parfaitement instruit du droit, se charge-t-il d’une cause qu’il connaît mauvaise, et quelle est son intention en s’en chargeant? Ne faut -il pas nécessairement ou qu’il ait envie de s’enrichir aux frais de son client, ou qu’il ait dessein de faire perdre la cause à celui qui l’a bonne ? Mais, dans ces deux cas, n’est-il pas un fripon ? Une succession vient à vaquer, c’est une bonne affaire : on pose les scellés, on les lève, on fait l’inventaire, on multiplie les vacations, il survient des oppositions, la justice s’empare de tout, on donne des mainlevées, on est près de toucher ; nouveaux incidents. Bref, quand toute la prétentaille est payée, il ne reste rien ou presque rien aux pauvres héritiers. En sçcond lieu, le Roi, en nous rassemblant autour de sa personne, demande des secours. Que n’est-il en notre pouvoir de lui en accorder ! S’il demandait notre sang, nos personnes, nous lui en ferions un sacrifice bien volontaire; mais lorsqu’il nous reste à peine de quoi subsister, que pourrions-nous lui sacrifier ? Lorsqu’un homme, propriétaire d’un arpent de terre et d’une misérable chaumière, paye tous les ans à l’Etat la taille, deux vingtièmes, la capitation, la corvée, la gabelle, les aides, la milice, qui devient aussi onéreuse que tout le reste par les abus qui l’accom-gnent et le temps qu’elle fait perdre aux jeunes gens, sans parler de la dîme qu’il est encore obligé de donner, les cens, les rentes quelquefois, etc. ; lorsqu’un cultivateur a satisfait à ces obligations, que pourrait-on après cela lui demander? Exiger quelque chose de lui serait une chose impossible et le moyen de le réduire au désespoir . En troisième lieu, en nous appelant autour de sa personne, Sa Majesté demande encore nos avis. Quelque bornées que soient nos lumières, nous allons cependant essayer d’en donner quelques-uns que l’on peut regarder comme nos demandes. Nous désirerions que, pour écarter de nos maisons cette foule importune de collecteurs, de brigadiers, de receveurs de vingtièmes, de commis aux aides, de gabeleurs, etc., qu’il y eût une imposition unique, une répartition générale ; que pour cela on mesurât l’étendue de notre terroir, qu’on vit de combien d’arpents il est composé, y compris les jardins, les parcs et généralement tout le terrain susceptible d’être cultivé, et qua-lors chacun fût imposé en proportion des biens et de la quantité de terre qu’il posséderait ; il en résulterait beaucoup d’avantages. D’abord la perception des deniers royaux serait plus simple ; chaque paroisse, connaissant la somme à laquelle elle est imposée, nommerait tous les ans un collecteur chargé d’en faire le recouvrement, lequel irait le verser directement au trésor royal, et on n’aurait plus besoin de fermiers généraux, de sous-fermiers, de receveurs, de contrôleurs, de commis, etc., dont les profits valent mieux que les gages. Ensuite tel seigneur qui n'a un parc de 300 arpents de terre uniquement que pour l’embellissement de son château et pour son plaisir, se voyant imposé pour ce même parc, se déciderait infailliblement à le défricher et à le semer en grains ; alors quelle abondance ne répandrait pas ce changement ! Nous ne craignons pas que l’on nous démente : s’il se fût opéré il y a dix ans, si on eût défriché le quart des parcs qui existent en France, nous n’éprouverions pas aujourd’hui l’affreuse disette que nous éprouvons, et le père de famille désolé ne refuserait pas à son fils la nourriture qu’il lui demande en pleurant. Or, l’imposition générale est le seul moyen de parvenir à cette abondance, le seul moyen d’augmenter les revenus de l’Etat, puisqu’il est d’ailleurs impossible de tirer aucun secours des malheureux habitants de la campagne qui, épuisés, endettés, se ressentiront encore dans dix ans des malheurs de la présente année. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Carnetin, près Lagny-sur - Marne, en exécution : 1° des lettres du Roi données à Versailles le 28 mars 1789, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume ; 2° des règlements y joints ; 3° et de l'ordonnance de M. le prévôt de Paris rendue en conséquence , le 4 avril présent mois , le tout im-