[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1791.) 343 mises à exécution qu’après l’institution du juré ; or, le juré ne sera mis en activité que le 1er janvier, c’est-à-dire dans 3 mois. Il est cependant 3 objets qui paraissent devoir être exceptés de prorogation ; ce sont l’abolition de la marque qui est une flétrissure éternelle, l’abolition de tout supplice autre que la mort simple, la voie de la cassation accordée au condamné. Il est intéressant que ces dispositions soient mises en vigueur dès à présent; je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Dès à présent, la peine de mort ne sera plus que la simple privation de la vie. Art. 2. « La marque est abolie de ce jour. Art. 3. « L’accusé aura 3 jours pour faire sa déclaration qu’il entend se pourvoir en cassation; pendant ce temps, l’exécution sera suspendue. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Démeunter, au nom, du comité de jurisprudence criminelle. Messieurs, pour parfaire le Gode pénal, 3 articles me paraissent nécessaires; voici le premier : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Si des conseils ou directoires de district ou de département donnent suite à des actes annulés, soit par l’administration de département, soit par le roi, celui qui aura présidé la délibération ainsi que le procureur général syndic, ou le procureur syndic qui en aura requis ou ordonné l’exécution, encourront la peine de la dégradation civique. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Il faut établir maintenant la même disposition à l’égard des officiers municipaux; mais nous sommes obligés de mettre dans l’article ; « celui qui aura présidé l’assemblée », parce qu’il est possible que ce ne soit pas le maire; nous devons aussi infliger la même peine au procureur de la commune qui aura ordonné l’exécution. Voici, en conséquence, l’article 2 : Art. 2. « La même peine sera prononcée contre celui qui aura présidé une assemblée d’officiers municipaux, et contre le procureur de la commune qui aura donné suite à des actes déclarés nuis. (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici enfin l’article 3 : « Si une assemblée électorale se permet de prendre dps délibérations attentatoires à la liberté publique ou à l’autorité des pouvoirs constitués, ceux qui auront présidé la délibération ou fait les fonctions de secrétaire seront punis de la peine de la dégradation civique, sans préjudice des peines moins graves qui ont été ou qui pourront être établies contre toutes les autres délibérations prises sur des objets étrangers à l’élection. » M. Chabroud. Je crois qu’il sera très difficile au juré de dire si une délibération prise par des électeurs est attentatoire aux pouvoirs constitués. Je crois qu’il y a une nuance ici qui constitue dans tous les cas la gravité du délit et qu’il n’y a pas moyen d’excuser dans aucune circonstance les électeurs qui prennent des délibérations. Jamais, sous aucun prétexte, ils ne doivent prendre de délibération; c’est la Constitution qui l’a voulu; et par cela seul qu’ils prennent des délibérations, ils contreviennent à la Constitution. Je demande donc que la loi n’aille pas distinguer des cas qui pourraient être infinis, lorsqu’elle trouve un point fixe sur lequel elle peut s’arrêter, et que la peine proposée soit applicable à tous les cas de délibération. M. Defermon. Je ne puis pas être de l’avis du préopinant, quoique je me rappelle qu’il y a un décret qui dit que les corps électoraux ne peuvent pas délibérer; car il y a en même temps un décret qui dit que les corps électoraux sont juges des qualités des membres qui viennent à l’assemblée électorale. Si vous n’excluez pas cette espèce de délibération, je suis de votre avis pour le reste. M. Démennier, rapporteur. Ce que vient de dire M. Defermon est clairement un objet de délibération qui tient à l’élection : sur ce point-là il n’y a pas de difficulté; de même que les assemblées électorales ont en outre le droit de délibérer sur ce qui tient à leur police intérieure. Si l’Assemblée veut adopter l'observation de M. Chabroud ( Marques d'assentiment ), voici alors l’article 3 tel qu’il serait rédigé : Art. 3. « Si une assemblée électorale se permet de prendre des délibérations sur des objets étrangers aux élections ou à sa police intérieure, ceux qui auront présidé la délibération, ou fait fonctions de secrétaires, seront punis de la même peine. » (Adopté.) M. Camus, au nom des comités d'aliénation et des pensions , fait un rapport concernant les biens dépendant des fondations faites en faveur d'ordres, de corps et de corporations qui n'existent plus dans la Constitution française. Il propose à cet égard le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités d’aliénation et des pensions, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les biens dépendant des fondations faites en faveur d’ordres, de corps et de corpo rations qui n’existent plus dans la Constitution française, soit que lesdites fondations eussent pour objet lesdits ordres, corps ou corporations en commun, ou les individus qui pourraient en faire partie, considérés comme membres desdits ordres, corps et corporations, font partie des biens nationaux, et sont, comme tels, à la disposition de la nation. « Art. 2. Les biens dépendant desdites fondations seront en conséquence administrés et vendus comme les autres biens nationaux, nonobstant toutes clauses, même de révision, qui seraient portées aux actes de fondation. « Art. 3. L’Assemblée réserve à la législature de statuer, s’il y a lieu, sur les demandes particulières qui pourraient être faites d’après les clauses exprimées dans les actes de fondation, soit sur le revenu desdits biens, soit sur le prix qui proviendra de leur vente. « Art. 4. Et néanmoins les individus qui joui- 344 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1791. J raient de quelque partie desdites fondations, uniquement à titre de secours, pour subvenir à leurs besoins, continueront d’en jouir personnellement aux termes desdites fondations. Les fondations faites dans les paroisses seront au surplus exécutées en conformité des précédents décrets. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly). Il y avait, dans l’ancien ordre de choses, de ces gens infatués de ce qu’ils appelaient la haute noblesse et qui avaient fait des fondations en faveur de cette haute noblesse. Dans ces contrats, il y avait une clause de réversion. Quand vous avez rendu votre décret, ces individus-là sont venus réclamer; et il est évident qu’il n’existait pas de loi contre eux, et que si, suivant ce qui aurait dû être fait, ils avaient réclamé devant les tribunaux contre la nation, la loi était absolument pour eux et on aurait jugé pour eux. Qu’arrive-t-il? Ils ont réclamé devant le Corps législatif et on a porté cela à votre comité. Votre comité ne fait pas le rapport de leurs pétitions particulières; et certes je ne le blâme pas, parce que vous avez des objets d’intérêt général; mais il vous apporte une loi qui met absolument dans l’impossibilité de prononcer en leur faveur. Ainsi, sans vous faire juger leurs titres, on leur répond par une loi qui les condamne sans qu’ils soient entendus. J’appelle à la bonne foi, à la justice de l’Àssemblée.je crois qu’une tel le manière d’opérer n’est ni juste ni équitable de la part de ceux qui ont tout à la fois l’intérêt de la nation à juger et le droit de juger ou du moins qui se l’arrogent. Je dis qu’il n’existe pas de loi et que le projet qu’on vous propose est un acte de la puissance qui dépouille la faiblesse. M. Camus, rapporteur. Le préopinant ne paraît occupé que d’une aîfaire, au lieu que les comités réunis ont pris intérêt à toutes les affaires. Ils ont vu un assez grand nombre de fondations, par exemple, par le parlement de Dijon, une fondation d’un hôtel faite en faveur du doyen du parlement de Dijon, pour par lui l’habiter. Lorsqu’il a été question de mettre à exécution vos décrets sur les biens nationaux, on a voulu faire régir comme biens nationaux son hôtel. Alors les fondateurs sont venus dire : mais nous prétendons que l’on ne touche pas à cet hôtel; et qu’arrive-t-il ? G’est que cet hôtel périt, c’est que les biens de campagne ne peuvent se vendre. Il y a ensuite les fondations faites par M. Cochet de Saint-Vallier, sur lesquelles vous avez déjà prononcé, car vous avez ordonné que par provision ceux qui jouissaient de pensions alimentaires dessus continueraient d’en jouir, et sur le surplus qu’il y aurait un séquestre entre les mains du département de Paris. Il se trouve des parents de M. de Saint-Vallier, qui prétendent que leur auteur a dit, dans son acte de fondation : si la fondation ne s’exécute pas de Ja manière que j’ai réglée, mes parents la prendront. Sur tout cela, nous ne préjugeons rien, car vous n’avez pas fait disparaître les individus nobles qui étaient dans le royaume ; vous avez seulement dit qu’il n’y aurait plus de noblesse ; et nous, nous disons : tout ce qui a été donné dans des vues de bien public se trouve dans la main et à la disposition de la nation. M. Démeunier. Le projet de décret qu’on vous propose est très bon au fond; mais je pense qu’il ne réserve pas d’une manière assez positive le droit de prouver devant les tribunaux que l’acte de fondation dit quelque chose en faveur des particuliers qui réclament. On peut adopter le projet de décret, en réservant aux citoyens le droit de faire valoir devant les tribunaux leurs prétentions. M. Canjuinais. En adoptant l’amendement, nous donnerions aux juges les pouvoirs administratifs. Il faut qu’il y ait une loi qui serve de règle aux juges. M. Camus, rapporteur. Voici, d’après l’amen dement de M. Démeunier, comment je propose de rédiger l’article 3. « L’Assemblée réserve à la législature d’établir les règles d’après lesquelles il sera statué sur les demandes particulières qui pourraient être formées en conséquence des clauses écrites dans les actes de fondation. » ( Marques d'assentiment.) M. Bouche. On vient de nous parler de M. Cochet de Saint-Valiier. Ce particulier donna 100,000 écus à la ci-devant Provence, produisant 15,000 livres de rente, à perpétuité, à condition, esl-il dit dans l’acte, que ces 15,000 livres seront annuellement distribuées en mariages et autres établissement désignés audit acte. Il est dit dans l’acte que, si cette somme pouvait ri’être pas distribuée à l’avenir aux nobles qui y sont désignés, alors ses descendants reprendraient les 100,000 écus. Il est arrivé qu’il n’y a plus aujourd’hui de noblesse. Les héritiers de M. de Saint-Vallier se présentent et demandent les 100,000 écus comme à eux appartenant : on leur répond qu’il n’y a plus qu'un ordre. Il faut, messieurs, une loi précise, qui leur indique comment ils s’y prendront pour attaquer, qui ils attaqueront, et par-devant qui ils se pourvoiront. M. Camus, rapporteur. Et voilà pourquoi je propose de renvoyer à la législature. (La discussion est fermée.) M. Camus, rapporteur. Voici, Messieurs, avec la modification introduite dans l’article 3 par suite de l’amendement de M. Démeunier, la rédaction définitive du projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités d’aliénation et des pensions, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les biens dépendant des fondations en faveur d’ordres, de corps et de corporations qui n’existent plus dans la Constitution française, soit que lesdites fondations eussent pour objet lesdits ordres, corps ou corporations en commun, ou les individus qui pourraient en faire partie, considérés comme membres desdits ordres, corps et corporations, font partie des biens nationaux, et sont, comme tels, à la disposition de la nation. Art. 2. « Les biens dépendant desdites fondations seront en conséquence administrés et vendus comme les autres biens nationaux, nonobstant toutes clauses, même de réversion, qui seraient portées aux actes de fondation.