[Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.] M. de Virieu. Je propose la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale déclare qu’elle lève la défense portée par les décrets, de s’en rapporter à la prudence du département de Paris. » M. d’Estourmel. Je demande la division de cette rédaction. (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! Un membre propose la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale décrète qu’il est libre à toutes personnes de sortir de Paris, comme il l’était avant le décret d’hier soir, relatif à cet objet. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. J’ai reçu une lettre de la société des amis de la Constitution d'Epernay , dont il va vous être donné lecture. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur, « Une nouvelle affligeante vient attrister nos âmes sans abattre noire courage : nous apprenons par deux courriers le départ subit du roi; nos citoyens s’arment et nous nous réunissons. « La patrie est en danger; ses ennemis vont redoubler leurs efforts : au nom de la liberté que vous avez conquise pour nous, n’abandonnez pas votre poste ; ne contiez pas à vos successeurs notre bonheur naissant, que la tranquillité ne soit parfaitement rétablie. « La société des amis de la Constitution séante à Epernay. » « Signé : GOBERT, président ; Goltier, Moelle, Chapron fils, secrétaires; Claude J. Blanc, J.- B. Mauclet, Val-LERY, DE LA CHAPELLE, HACHETTE fils et Radelat fils. « Epernay, le 21 juin, Il heures du soir, l’an II de la liberté » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. Voici une adresse des corps administratifs de Saint-Quentin; elle est adressée à Messieurs de l’Assemblée nationale. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette adresse qui est ainsi conçue : « Messieurs, « Un courrier nous a apporté hier à 8 heures du soir l'affligeante nouvelle du départ du roi, de la reine et de la famille royale. Quoiqu’il ne fût porteur que d’un écrit émané du président d’une des sections de Paris, et que la certitude de cette nouvelle pût être douteuse ; nous avons jugé qu’il importait de ne négliger aucune précaution. En un instant, la garde nationale a pris les armes. Les courriers ont été expédiés à tous les maîtres des postes voisins et aux municipalités des lieux avec invitation de prendre tous les moyens qui étaient en leur pouvoir, pour empêcher la sortie du roi. « Une heure après la réception de cette nouvelle, on a arrêté au dehors d’une des portes de notre ville une voiture à 6 chevaux, dans 445 laquelle se trouvait M. de Talleyrand-Périgord, son épouse, son oncle, ses deux enfants. Deux courriers les accompagnaient; cette voiture a été conduite au sein de notre ville, M. de Taileyrand s’est rendu devant nous, et examen fait de son passeport, nous avons vu qu’il était contresigné par M. de Montmorin et qu’il devait se rendre aux eaux deSpa. Surabondamment, M. de Talley-rand nous a assuré que son intention était de se rendre à cet endroit. « Sans autre considération que celle des circonstances critiques où nous nous trouvons, nous avons cru qu’il était prudent de ne pas permettre à M. de Taileyrand de continuer sa route, nous avons fortement protégé sa personne, et avec les précauiions que nous en prenons, sa sûreté ne sera nullement compromise. « M. de Taileyrand s’est représenté de nouveau aujourd’hui et nous a sollicité de lui accorder la liberté de continuer sa route; jusque-là les alarmes et les inquiétudes du peuple avaient beaucoup influé sur notre conduite; mais une raison tranchante est venuedéterminer nos délibérations d’une manière positive : un courrier expédié par le département de l’Aude, et chargé de dépêches, nous a donné connaissance du décret que vous venez de rendre, portant ordre exprès d’intercepter toute sortie du royaume. Le passeport deM.de Taileyrand et sa déclaration ne nous ayant pas permis de douter de son intention de sortir du royaume, nous avons aussitôt arrêté définitivement qu’il demeurerait dans cette ville jusqu’à ce qu’il en eût été autrement ordonné par l’Assemblée nationale. « Nous avons l’honneur de vous observer, Messieurs, que certains de la personne de M. de Taileyrand, de son épouse, de son oncle, de sa suite et de ses effets, nous avons considéré qu’il serait vexatoire de nous permettre la moindre recherche ou le moindre examen de ses papiers et de son numéraire; nous nous sommes engagés envers M. de Taileyrand de vous rendre un compte exact du fait qui lui est relatif, nous attendons vos ordres suprêmes qui régleront la conduite que nous avons à tenir à cet égard. « Un objet non moins intéressant que nous prenons la liberté de vous mettre 'levant les yeux, c’est l’insuffisance absolue où se trouve notre ville de repousser la moindre attaque. Notre garde nationale n’est pas entièrement armée; nous avons besoin, pour qu’elle le soit, de 1,000 fusils environ. Il reste dans nos magasins 2,000 livres de poudre que l’on emploie actuellement à faire des cartouches. La troupe de ligne, en résidence ici, est composée de 50 hommes suisses, de 25 chasseurs du régiment de Languedoc; point de canons, mais 7 à 800 boulets : voilà nos ressources, pour une ville qui, bien certainement, est une des plus importantes à défendre de celles du département de l’Aisne. Nous ajoutons que nos campagnes ne sont aucunement approvisionnées de fusils ni de poudre, et qu’elles sont par conséquent exposées à être ravagées par le premier brigand qui aura tout à la fois la cruauté et le talent de se former un parti. 4 à 5,000 fusils paraîtraient suffisants pour que la sûreté existât dans l’étendue de notre district. « Nous avons expédié ce matin un courrier à M. de Caulaincourt, commandant des troupes de ligne dans notre département; nous lui avons exposé l’impossibilité d’opposer une résistance efficace sans munitions nécessaires, et lui avons demandé de donner les ordres les plus prompts pour que nous puissions recevoir de la Fère la