[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.1 511 clamer l'exécution dans un moment où elles sont si fort contrariées par l’événement du jour. Je ne rappellerai point ici tout ce qui a été dit à la tribune par ceux qui y ont parlé; je me bornerai à quelques observations sur les discours de MM. Barnave et de Mirabeau. Le premier, en annonçant qu’il venait solliciter l’Assemblée d’arrêter, par un exemple sévère, les provocations, s’est permis de me provoquer par l'injure la plus atroce, en qualifiant de bassesse le mot qui m'était échappé, et en disant que c'était une criminelle , une basse et infâme injure. 11 n’a même pas été rappelé à l’ordre. Le second a donné plus de latitude à la provocation ; il s’est permis de dire qu’il avait pour M. de Foucault le plus souverain mépris : pendant l’interruption tumultueuse qu’a occasionnée cette injure particulière, M. de Mirabeau l’a réparée en se tournant du côté droit et en lui adressantces douces paroles : Vous n’êtes qu'une vile canaille... Vous voulez du sang ? Eh bien ! on en répandra... Il a dit à M. l’abbé de Prade qui voulait l’apaiser :• Taisez-vous, vous êtes tous des scélérats ! Quand le calme a été rétabli, toute l’Assemblée a entendu que M. de Mirabeau a dit : « On veut « qu’il ne tienne qu’à nous d’ordonner le royaume, « quand nous ne pouvons pas ordonner dans « notre sein une poignée d’insolents conspira-« teurs.. . Que le peuple, qu’on calomnie, n'exerce « dans sa vengeance qu’une justice rigoureuse... « Que ce peuple s’était porté sur une maison de-« puis longtemps détestée. » M. de Mirabeau a seulement été rappelé à l’ordre pour l’injure particulière adressée à M. de Foucault. Pour faire cesser cette longue et trop aigre discussion, je profitai du premier instant où je crus pouvoir me faire entendre pour dire que : « Sincèrement affligé des débats occasionnés par « le propos indiscret qui m’était échappé, je dé-« clarai me soumettre à aller à la prison de l’Ab-M baye et à y rester tout le temps qu’il plairait à « l’Assemblée ; que je priais M. le président de « vouloir terminer cette discussion. » Le décret fut prononcé en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que M. Roy, « député du ci-devant bailliage d’Angoulême, se « rendra, dans le délai de vingt-quatre heures, « aux prisons de l’Abbaye et y demeurera pendant « trois jours. » Je me rendis sur-le-champ à cette prison et le lendemain matin, j’en donnai avis au président de l’Assemblée par une lettre dont voici la teneur : « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous « prévenir que je me rendis hier, en sortant de « la séance, à la prison de l’abbaye Saint-Ger-« main, comme je l’avais promisayant le décret. Je « sens trop combien il importe au bonheur delà « société de rétablir la subordination pour ne pas « donner l’exemple de la soumission la plus « prompte à l’autorité... Je suis, etc.» Voilàla vérité nue. Je ne crains plus quelemen-songe et la calomnie puissent l’obscurcir et, je me flatte que vous n’y trouverez, de ma part, qu’une juste indignation trop fortement exprimée. La sévérité du jugement a eu moins pour objet de punir le délit que les opinions, puisque des manquements encore plus graves ont trouvé, dans le même moment, une indulgence plénière. C’est une époque où malheureusement un sentiment contraire à celui de la majorité, éprouve la haine et la défaveur : mais, Messieurs, quand vous nous avez honorés de votre confiance, vous avez joint à votre mandat des instructions, vous nous avez fait promettre de nous y conformer, eu déférant néanmoins à la majorité des volontés exprimées par les autres bailliages ; au surplus, vous nous avez laissé la liberté d’opinion. Sur tous ces cas prévus, je sais quels furent mes engagements en acceptant votre mandat, et je n’ai jamais eu le dessein de m’y soustraire. Sur les cas non prévus, sur ces questions importantes et délicates qu’ont amenés les circonstances et les événements, n’y avait-il qu’une manière de voir ? Quant aux opinions que j’ai dû puiser dans mes faibles lumières et ma conscience, j’ai pour moi la certitude que si j’ai erré, c’est de bonne foi ; aussi n’ai-je jamais redouté ni la calomnie, ni les effets de la persécution. Je livre au temps et à l’expérience le soin de me fortifier; je désire tro� le rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique, pour m’occuper maintenant de Cette justification. Je suis, avec un respectueux dévouement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur, Roy. Paris, 17 novembre 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du jeudi 18 novembre 1790, au matin (1)* La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Lanjuinais, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il ne se produit aucune observation. M. Camus donne connaissance d’une lettre de M. le garde des sceaux, du 16 de ce mois, à laquelle sont jointes des expéditions en papier, de deux décrets sanctionnés par le roi, pour être déposées aux archives de l’Assemblée; le premier, du 11 décembre 1789, sur la constitution des municipalités: le second, du 12 -juillet dernier, sur la constitution civile du clergé. M. Ce Couteulx, rapporteur du comité des finances. Il est dû aux entrepreneurs de la clôture de Paris une somme de 4 millions, arriérée avant le 1er janvier 1790. La plupart de ces entrepre neurs ont contracté avec leurs créanciers des engagements sur cet arriéré; cependant il est important de continuer les travaux de cette clôture si la ville de Paris ne veut en perdre tout le fruit. Votre comité est loin d’approuver le luxe qu’a mis dans cette entreprise un ministredissipateur, mais il est indispensable de la terminer. D'abord oh a prétendu que la dépense ne s’élèverait qu’à 5 ou 6 millions; malgré les mesures d’économie prises par l’administration, elle monte beaucoup plus haut. Les réparations, nécessitées par la destruction et l’incendie de quelques barrières, coûtent 688,000 livres. Le ministre des finances, en mettant à l’arriéré 4 millions dus aux entrepreneurs, leur faisait payer par mois, par le Trésor public, 200,000 livres pour les dépenses courantes. Le directeur générai a pensé qu’on pourrait, pour la continuation de leurs travaux, leur (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . 5{2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.1 donner un acompte de 1,500,000 livres en effets payables à six mois de terme, qui sont dans le portefeuille du Trésor public. Ces avances, avec les sommes courantes, pourront leur faire continuer des travaux utiles et à la tranquillité publique et au soulagement des malheureux. Si nous ne prenions ces mesures, le Trésor public perdrait plus par le défaut de recette résultant du mauvais état des barrières qu’il ne pourrait ménager en refusant les avances. La seule difficulté qui a arrêté M. le directeur général est dans un de vos décrets qui porte qu’il sera sursis à tout remboursement des dettes arriérées jusqu’à leur liquidation. Le comité des finances a cru devoir vous proposer une exception sollicitée par les circonstances, et vous présente le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera payé aux entrepreneurs d<‘ la clôture de Paris, en effets du portefeuille du Trésor public, la somme de 1,500,000 livres, acompte de celles qui leur sont dues antérieurement à l’année 1790. » (Ce projet de décret est adopté.) M. de Champagny, député de Rhône-et-Loire. C’est avec douleur que je viens vous entretenir des désastres arrivés près de la ville de Roanne par le débordement de la Loire. Cette ville possède l’un des ports les plus considérables du département; la plupart de ses habitants vivent du produit de leur industrie. J’ai reçu encore ce matin une lettre de la municipalité, qui m’annonce les calamités les plus désastreuses. « Dans la nuit du 11 au 12, m’écrit-on, la Loire s’est élevée de vingt-trois pieds ; le débordement a emporté le nouveau pont et la petite chaussée qui servait pendant la construction. Les maisons ont été démolies, les habitations entraînées par le torrent, ainsi que beaucoup de personnes ; nous n’en connaissons pas encore le nombre. Toutes les marchandises du port et deux cent cinquante barils de vin ont été perdus. La partie de la ville qui a été submergée nous laisse sans défense contre les progrès que pourra faire l’inondation. Nous avons porté des secours aux malheureux, dont plus de deux cents ont été sauvés par le courage de plusieurs citoyens de la garde nationale. Soyez notre interprète et notre avocat auprès de l’Assemblée nationale, pour en obtenir les secours dont nous avons besoin. » M. le Président lit une lettre qu’il a reçue du directoire du district de Roanne, et qui contient les mêmes faits. M. 'Vernin, député du même département. Je viens d’apprendre que la ville de Moulins est submergée; les habitants se sont réfugiés dans les greniers; un grand nombre de maisons ont été détruites... M. de Champagny. Je n’ai, je crois, pas besoin d’insister pour engager l’Assemblée à donner au département de Rhôue-et-Loire les mêmes secours qu’elle a décrétés pour les autres départements. Je demande que vous autorisiez le directoire à prendre provisoirement dans les caisses de district une somme de 30,000 livres. M . Dailly . Je ne crois pas que vous deviez jamais autoriser les départements à puiser dans les caisses des deniers publics. La forme que vous devez adopter est d’ordonner à votre président de se retirer par devers le roi, à l’effet de le supplier de donner des ordres pour qu’il soit versé par le Trésor public, entre les mains du directoire du département de Rhône-et-Loire, une somme de 30,000 livres. (La proposition de M. Dailly est décrétée.) M. Camus. Les départements ne doivent pas plus puiser dans les caisses de district que dans celles qui recevront le produit des ventes des domaines nationaux, et je saisis cette occasion pour demander que vous chargiez votre comité des finances de vous rendre compte des mesures prises pour la formation de la caisse de l’extraordinaire, et pour le versement immédiat qui doit être fait dans cette caisse de toutes les sommes provenant de la vente des domaines nationaux. (Cette motion est décrétée.) M. Prugnon. Par votre décret du 16 octobre sur Remplacement des tribunaux, vous avez autorisé les corps administratifs, dans les lieux où les hôtels de ville et les palais de justice ne leur suffiraient pas pour tenir leurs séances, à acquérir des maisons domaniales ou particulières, à la charge par eux de vous rendre compte de ces acquisitions. Le département de la Vendée vient d’acquérir une maison particulière pour la tenue de ses séances, et l’on doit admirer sa modestie et son économie, puisque cette maison ne coûte que 18,000 livres. Sans doute, vous autoriserez cette acquisition. La question est de savoir si vous déchargerez le département des droits d’affranchissement et de centième denier.Votre comité, chargé de Remplacement des tribunaux, considérant que cette acquisition était faite pour l’utilité publique, vous propose de décréter cet affranchissement et d’autoriser le directoire à faire cette acquisition sur les fonds libres du département. M. d’André. Je ne vois aucun motif pour que la nation, qui a des dettes, fasse grâce aux départements. Si vous adoptez le décret qu’on vous propose, tous les districts, toutes les municipalités du royaume viendront vous demander leur affranchissement. Vous perdrez une branche de votre revenu; cette perte vous obligera à détourner pour les dépenses courantes une partie des assignats destinés au remboursement de votre dette. Quand on a des créanciers, on ne peut pas faire des remises à ses débiteurs. Je demande donc que-le département de la Vendée paye les droits qu’il vous doit. M. Camus. Je vois deux autres vices dans le décret qui vous est proposé : 1° lorsque vous avez des biens nationaux en vente, vous ne devez point autoriser les corps administratifs à acheter des biens particuliers ; 2° ce qu’on appelle les fonds libres des départements est le résultat de l’arriéré des impositions ; il appartient à la nation ; vous ne devez pas autoriser les départements à en disposer ; ils doivent seulement vous indiquer les ressources qu’ils peuvent avoir à leur usage. M. Bouron, député de Fontenay. Les maisons ecclésiastiques de notre ville sont des couvents d’une étendue telle qu’ils suffiraient pour loger trente départements. Le local ne convenait pas mieux que le prix. (Après une courte discussion, on ajourne, sur la motion de M. Regnaud, le projet de décret de M. Prugnon.) (La question de l’affranchissement des droits