ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] [États gén. 1789. Cahiers.] les moyens capables de faciliter l’acquittement des charges, enfin l’assujettissement uniforme des membres des trois ordres, soit aux mêmes impôts, soit aux même peines en cas de délit, sont autant de raisons de tranquillité et d’espoir pour les habitants de la campagne, si malheureux dans ces derniers temps ; aussi la communauté d’Orsay exposera avec toute confiance ses doléances et le tableau de sa pénible situation. Cette paroisse, dont le nombre de feux n’est pas de deux cents et qui n’est presque composée que de simples journaliers, qui n’a ni bois, ni parcours,. ni autre bien commun, se trouve cependant sujette à 10,000 livres d’impositions annuelles. La capitainerie de Saint-Germain s’y étend, et le lapin notamment y cause un grand dégât ; les routes de chasse qui y sont souvent faites le sont pour l’ordinaire sans aucuns soins; en conséquence, les égouts qui y sont pratiqués, en réunissant les eaux en masse ou en torrents lesquels tombent sur des prairies précieuses, les rendent dorénavant inutiles par l’amoncellement du sable et des pierres dont ils les couvrent. En même temps que la communauté d’Orsay sollicite la réparation de ce préjudice, elle demande qu’il ne soit à l’avenir ouvert aucune route de chasse dans son étendue, non plus que placer aucun atelier de carrier pour l’extraction des grés qui y abondent sans que les propriétaires des terrains aient été préalablement dédommagés à dire d’experts de la perte qu’ils éprouveront. C’est avec les mêmes raisons de justice que les habitants d’Orsay réclament contre l’abus, que le sieur Defer projette d’y faire incessamment, d’un arrêt du conseil du 3 novembre 1787, par lequel il s’est non-seulement fait autoriser, sans que ni eux ni aucunes des communautés voisines aient été entendues, à disposer par un prétendu canal des eaux de la rivière d’Yvette, laquelle fait tourner les seuls moulins qui alimentent le pays et vivifient des prairies, principal produit du canton, mais même il s’est créé sur la longueur de plusieurs lieues un établissement continu de 84 pieds, au grand préjudice des propriétaires dont le terrain sera coupé et intercepté dans toute cette longueur, et la culture étrangement gênée. Un troisième sujet de plainte de la part des habitants d’Orsay consiste en ce qu’il n’y réside ni un prévôt ni un procureur fiscal pour l’exercice de la justice, en sorte que, tout secours manquant du coté de la police, les habitants sont à la merci de tous les fournisseurs. Il y a à Orsay, il est vrai, une brigade de maréchaussée ; mais outre que son service habituel est celui des chasses du Roi, le pays ne reçoit pas de la présence des cavaliers l’avantage qu’il semblerait pouvoir s’en promettre pour la conservation des bois, d’autant que les cavaliers s’y refusent sous prétexte que, n’ayant pas prêté de serment en la maîtrise, leurs rapports seraient nuis et sans force. Le curé d’Orsay, dont les revenus sont modiques, n’a pas un vicaire proprement dit, encore qu’il desserve quatorze écarts, la plupart éloignés ; mais il serait facile de lui procurer cet avantage et même des secours aux pauvres malades qui sont en grand nombre dans un lieu tout environné de bois et de grés, si l’on attachait aux cures les dîmes entières, au lieu que la majeure partie appartient au prieur et à une communauté de religieux. C’est un quatrième objet de réclamation de la part des habitants de la paroisse d’Orsay. 781 Cinquièmement, l’assemblée demande que les pigeons soient renfermés pendant le mois d’août, temps de la moisson, que le sel soit libre et les aides supprimées. Sixièmement que les habitants d’Orsay soient déchargés des droits de corvée et de forage, que le seigneur exige d’eux et dont ils déclarent ignorer les fondements. Septièmement et en dernier lieu, qu’ils soient aussi déchargés de la taille et des autres impositions auxquelles le tiers-état a seul été sujet jusqu’à présent, sauf à eux à supporter par contribution avec les personnes des deux premiers ordres et au prorata de leurs biens et impositions qui auraient dorénavant lieu. Signé Fi alon ; Boitte; Borel; Montaugier; Billard; Blorain; Fontasse; Barly ; Ligueau; Breton; Bertot; Dubreuil ; Sauvage; Guille ; Gilet; Li-gneau ; Neneu. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances que les habitants et communauté d’Ozoir-la, -Ferrière entendent faire à Sa Majesté et présenter au sujet de ce qui peut intéresser la prospérité du royaume, celle de tous les sujets de Sa Majesté et particulièrement le bonheur desdits habitants (1). Ledit cahier, rédigé par lesdits habitants dans leur assemblée tenue cejourd’hui 14 avril 1789, pour obéir aux ordres de Sa Majesté portés par ses lettres données à Versailles le 24 janvier dernier, pour la convocation des Etats généraux de ce royaume et salisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu’au règlement particulier fait par Sa Majesté le 28 mars dernier pour l’exécution desdites lettres de convocation dans la prévôté et vicomté de Paris, lesdits deux règlements annexés auxdites lettres de convocation pour ladite prévôté et vicomté de Paris dudit jour 28 mars dernier. Les habitants d’Ozoir-la-Ferrière supplient qu’il leur soit accordé : Art. Jer. Que tous les impôts subsistants soient abolis et convertis en deux impôts simples, l’un réel, l’autre personnel, et qu’ils soient établis uniformément sans distinction d’ordres et d’états pour toute l’étendue du royaume, sans aucun abonnement ni privilèges. En conséquence, que les immeubles nobles ou roturiers appartenant aux ecclésiastiques, même les bois futaies, étangs, etc., soient imposés dans la paroisse de leur situation au même taux et en raison de leur valeur. Qu’à l’égard des facultés mobilières elles soient imposées également dans le lieu du domicile de fait ou de droit ; que les impôts soient répartis par l’assemblée provinciale dont ils demandent la confirmation, si mieux n’aiment-les Etats généraux accorder à chaque province ses Etats particuliers. Art. 2. Que les gabelles soient supprimées et que le commerce du sel et du tabac soit absolument libre. Art. 3. Que les impôts des aides et tous les accessoires oppresseurs qui y sont joints soient pareillement supprimés. Art. 4. Que les traites et douanes de l’intérieur (1) Nous publions ce cahier d'après un manuscrit des Archives de V Empire. 782 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] du royaume soient supprimées et reculées aux frontières, en sorte que tout puisse circuler librement dans l’intérieur du royaume sans distinction de pays conquis, redîmes réputées étrangères et autres exceptions ; que les droits de contrôle, d’insinuation et autres perceptions de ce genre soient supprimées, sauf à conserver le contrôle et l’insinuation comme simples formalités; que les offices de jurés-priseurs et de crieurs, et que les 4 deniers du prix des ventes mobilières soient supprimés comme très-onéreux et occasionnant des longueurs et des vexations. Art. 5. Que l’exportation des grains soit défendue, sauf aux Etats généraux ou provinciaux à admettre l’exception seulement en cas de trop grande abondance. Art. 6. Que les Etats généraux soient sollicités de venir avant tout au secours des peuples, dont la détresse est extrême et demande les soins les plus étendus et les plus urgents. Observant que la paroisse d’Ozoir-la-Ferrière a sous sa main, dans son territoire, le long des routes, des ormes et autres arbres sur le jretour appartenant au Roi et abandonnés à la discrétion des entrepreneurs des ponts' et chaussées; ces arbres pourraient être vendus par la paroisse, à la charge de les remplacer; cette vente fournirait des fonds suffisants pour secourir à l’instant les pauvres de la paroisse ; beaucoup d’autres communautés pourraient avoir la même ressource. Art. 7. On supplie les Etats de prendre des mesures pour opérer l’abolition des dîmes ecclésiastiques, et dès ce moment de régler que les dîmes qui sont perçues à la dix-septième gerbe ne le soient qu’à la vingt-cinquième. Art. 8. On demande pour la paroisse d’Ozoir, comme pour toutes les paroisses rurales, l’établissement et la fondation d’un vicaire, et de lui accorder 8(30 à 900 livres, à la charge du gros dé-cimateur si les dîmes sont conservées, et ce, suivant les lois. Art. 9. La suppression de toutes les maîtrises des eaux et forêts, leurs fonctions pouvant être attribuéees aux juges des lieux. Art. 10. Que la chasse soit déclarée libre pour tous les citoyens dans le temps convenable et déterminé; mais si des considérations trop puissantes s’y opposaient absolument, les Etats sont suppliés d’établir les meilleures lois pour par-veuir sans inconvénient à la destruction du gibier surabondant et nuisible. Art. 11 La destruction des colombiers ; s’ils ne sont pas jugés nuisibles, les habitants demandent que les pigeons soient renfermés pendant les semences et les récoltes, sinon le particulier lésé par eux autorisé à les détruire sur son champ. Art. 12. L’abolition de la corvée tant en nature qu’en argent. Art. 13. La réformation de toutes les routes de chasse qui ne sont pas dans les bois, ces routes nuisant à l’agriculture et ne servant qu’à morceler les terres cultivables et à fermer les chemins par les barrières qu’elles occasionnent. Art. 14. On supplie les Etats généraux de pourvoir à l’établissement de caisses d’assurances agricoles pour assurer le produit total des récoltes de la manière la plus avantageuse; un pareil établissement aurait évité l’année dernière de grandes pertes à la paroisse d’üzoir comme à bien d’autres, pertes occasionnées par la grêle du mois de juillet dernier, qui a ruiné un grand nombre de cultivateurs. Art. 15. Que les poids et mesures soient uniformes dans le royaume. Art. 16. La destruction de tous les monopoles et privilèges exclusifs. Art. 17. La suppression de la milice, si mieux n’aiment les Etats généraux en changer totalement le régime, lequel sera confié aux municipalités; elles choisiront les jeunes gens de bonne volonté, et à leur défaut elles fourniront à leurs frais un soldat, sauf ensuite à ces communautés a répartir la somme qu’il en aura coûté sur les jeunes gens qui se trouveraient sujets au tirage. Art. 18. Si, à Rassemblée générale, on demande la suppression des ordres religieux pour en appliquer les biens au soulagement de l’Etat ou à d’autres objets d’utilité publique, il est recommandé aux députés d’Qzoir de seconder de tous leurs pouvoirs cette motion en demandant qu’il soit pris les plus grandes précautions pour que ces biens soient employés de la manière la plus avantageuse. Art. 19. Enfin la réforme des lois de manière que la justice soit rendue d’une manière plus prompte et moins dispendieuse. Fait et rédigé, lu, relu et arrêté en ladite assemblée, lesdits jour et an. Signé Jean Pierre Jaurien; Botinot; Burke; Barbien; Chobart; Burleu; Sanson ; Patureau; Truchy; Jusselin; Provence; Üdam ; Dandresse; Persevaux; Dufour; Louchard; Brunet; Bobiant; Lesueur; Meyniot; Fournier; Preux; Gourtry; Golombet; Sollm; Parvy; Cuvilliers; Golmet de Santerre. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances des habitants du bailliage de Palaiseau (1). Aujourd’hui mercredi 15 avril 1789, en l’assemblée convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée, tenue en la grand’salle du château de Palaiseau, en présence de M. François Berys, ancien avocat au parlement, bailli de Palaiseau, en exécution des lettres de convocation des Etats généraux données à Versailles le 21 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. le lieutenant civil du châtelet de Paris, en date du 4 de ce mois ; Les habitants du bourg et paroisse dudit Palaiseau ont rédigé le présent cahier, contenant leurs plaintes, doléances et remontrances, pour être porté à l’assemblée du tiers-étaL de la prévôté et vicomté de Paris, par les cinq députés qui seront à cet effet nommés, ainsi qu’il suit : Art. 1er. Le premier soin comme le premier devoir des Etats généraux est de supplier le Roi d’agréer, de la part de la nation, une adresse de remercîments conçue en termes qui peignent à Sa Majesté toute la vénération dont la nation est pénétrée pour sa personne sacrée, et toute la reconnaissance qu’elle conservera à toujours pour le bienfait qu’elle reçoit aujourd’hui d’elle, dans le rétablissement des Etats généraux, et les sacrifices que Sa Majesté a faits au bien public d’une autorité sans bornes. Art. 2. Il sera déterminé par les Etats généraux-que la France est une monarchie héréditaire de mâle en mâle, l’ordre de la primogéniture et la représentation de l’aîné mâle gardés, les femelles à toujours exclues, ainsi que leurs représentants ; que la puissance législative appartient àia nation assemblée en Etats généraux, conjointement avec le Roi ; qu’en cas de minorité du Roi, à la nation seule assemblée en Etats généraux appartient de (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.