164 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES i 2 nivôse an II ( 22 décembre 1193 Ce n’est même pas telle science qu’il importe de donner aux jeunes gens ; mais c’est la méthode qui simplifie les opérations et ménage le temps, c’est cette aptitude qui rend propre à tout, c’est le goût des arts et des sciences qu’il faut ins¬ pirer, c’est le désir de connaître, de s’instruire, c’est cet amour du travail qui s’irrite et s’en¬ flamme, et triomphe de tous les obstacles. C’est cette application infatigable à poursuivre la vérité; car si la liberté est placée au sommet d’une montagne il faut gravir, la vérité est cachée au fond d’un puits, qu’il ne faut pas moins de courage pour sonder la profondeur. C’est ce coup d’œil qui perce à travers les traits du visage composé d’un fourbe et ht dans le cœur humain; en un mot cette habitude de la réflexion, si nécessaire dans tous les instants de 1 a vie, habitude qui se contracte par l’exercice, et la triture des affaires et de l’étude. Enfin cette disposition qui fait son profit de tout, tel¬ lement que chaque objet porte à l’esprit un tribut d’idée utile au cœur, au sentiment. Si vous ne formez dans tous les départements des écoles qui, rapprochées et comme sous les mains des jeunes Français, les invitent et leur fassent une sorte de violence pour apprendre, plusieurs départements seront privés des moyens d’instruction absolument indispen¬ sable. Les habitants des diverses parties de la République se livreront aux sciences et aux arts les plus appropriés au climat qu’ils habitent. Dès lors je ne vois plus cette uniformité, ce grand caractère de généralité que vous portez dans toutes vos lois. Je ne vois plus cette har¬ monie désirable dans cette intéressante partie, cette unité de sentiments qui doivent animer tous les Français, régler leurs mœurs et diriger la conduite de l’habitant du midi et de l’habi¬ tant du nord. Ici Fourcroy et Bouquier croient voir une corporation, des espèces, de canonicats, de brevets d'immortalité. Pourquoi donc se défier du légis¬ lateur et croire qu’il ne préservera pas l’instruc¬ tion publique des vices de ces créations mons¬ trueuses. Des instituteurs nommés par le peuple et réélus à des époques déterminées, n’àyant aucune correspondance entre eux, ne sont pas redoutables pour la liberté. N 'auront -ils pas intérêt à travailler à mériter la confiance de leurs concitoyens1? La loi ne leur indiquera-t-elle pas la matière de leurs leçons, et ces leçons ne seront-elles pas données sous les yeux du public et jugées par l’opinion? Chaque instituteur, sur¬ veillé par tous les citoyens, ne sera-t-il pas sous la surveillance spéciale et directe du comité d’instruction publique du Corps législatif qui, renouvelé comme lui chaque année, ne peut rappeler les gothiques universités et les aristo¬ cratiques académies? L’enseignement doit être libre, dites-vous. Eh ! mais ne l’est-il pas de la part des élèves? Votre fils n’a-t-il pas la liberté de choisir entre tel ou tel instituteur, d’opter entre l’institu¬ teur de tel ou tel département, de suivre son goût pour telle ou telle science? Citoyens législateurs, vous le savez, les deux extrêmes se touchent, et les mêmes effets ont été souvent le produit des causes en apparence opposées. On vous a fait voir dans l'établisse¬ ment des lycées, des académies, l'aristocratie de l’ambition et l’on a eu raison. Mais croyez que si vous ne formez pas des établissements d’instruction autres que les écoles primaires, des charlatans, souvent seuls dans un dépar¬ tement, indépendants des autorités, mettront les citoyens désireux d’apprendre, à contribu¬ tion. Ils feront payer cher à l’élève sans-culotte le privilège de leur savoir. Et cette aristocratie d’un nouveau genre exercera une influence véri¬ tablement dangereuse... Je demande qu’il y ait dans chaque département, suivant le rap¬ port de la population et le besoin des localités, des instituts publics, où la jeunesse française recevra des leçons de législation et de morale publique ; que les instituteurs soient salariés par la nation; que les séances soient publiques; que les leçons soient les mêmes et données d’après les mêmes livres élémentaires; que les écoles n’aient aucun rapport entre elles, et qu’elles soient sous la direction spéciale et directe du comité d’instruction publique des Corps législatifs. Un rapporteur [Barère (1)] propose, au nom du comité de Salut public, divers projets de dé¬ cret qui sont adoptés de la manière qui suit : « La Convention nationale, atrès avoir entendu le rapport du comité de Salut public, décrète : Art. 1er. « Les habitants des communes où il a éclaté des mouvements séditieux seront tenus de dépo¬ ser, dans trois jours, à compter de la publica¬ tion du prisent décret dans le « Bulletin », leurs armes dans leurs municipalités respectives. Art. 2. « Les municipalités seront tenues de les faire transporter, dans le mî me délai, au chef-lieu de district. Art. 3. « Ces armes seront distribuées suivant les ins-truc fions qui seront envoyées par le comité de Salut public. Art. 4. « L’ordre de déposer les armes dans les com¬ mîmes où il a éclaté des mouvements séditieux, ne pourra être exécuté qu’en vertu d’un décret de la Convention qui exprimera nominativement la commune (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Barère. On fabrique sans cesse des armes, et cependant une partie de la première réquisi¬ tion n’en a pas; c’est parce qu’il en a été beau-(I) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 47. (3) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 379, col, 2]. D’autre part, le Journal des Débals et des Décrets (nivôse an II, n» 460, p. 25) rend compte du rapport de Barère dans les termes suivants : a Barère. On fabrique tous les jours des armes, et