[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ® frimaire an 11 165 contre les traîtres amis de l’étranger. Le peuple ne veut pas que celui qui n’a pas reçu de la na¬ ture une grande force d’énergie, mais qui sert la patrie de tous ses moyens, quelque faibles qu’ils soient, non, le peuple ne veut pas qu’il tremble. Un tyran, après avoir terrassé la ligue, disait à un des chefs qu’il avait vaincus, en le faisant tuer : « Je ne veux pas d’autre vengeance de vous. » Le temps n’est pas venu où le peuple pourra se montrer clément. Le temps de l’in¬ flexibilité et des vengeances nationales n’est point passé; il faut un nerf puissant, un nerf terrible au peuple. Ce nerf est le sien propre, puisque d’un souffle il peut créer et détruire ses magistrats, ses représentants. Nous ne som¬ mes, sous le rapport politique, qu’une Commis¬ sion nationale que le peuple encourage par ses laudissements. e peuple, après avoir fondé la République, veut que nous essayions tous les moyens qui pourront donner plus de force et d’action au gouvernement républicain. Que chacun de nous médite donc tous les jours ces grands objets. Il faut que le comité de Salut public se dégage de beaucoup de détails, pour se livrer tout entier à ces importantes méditations. Donnons enfin des résultats au peuple. Depuis longtemps, c’est le peuple qui fait toutes les grandes choses. Certes, il est beau que les représentants s’humilient devant la puissance souveraine. Mais il ferait beau qu’ils s’asso¬ ciassent à sa gloire, qu’ils prévinssent, et diri¬ geassent ses mouvements immortels. Je demande que le comité de Salut public, réuni à celui de Sûreté générale, fasse un prompt rapport sur la conspiration dénoncée et sur les moyens de donner une action grande et forte au gouvernement provisoire. Fayau. je ne m’oppose pas au renvoi; mais je fais observer à Danton qu’il a laissé échapper des expressions qui ne me paraissent pas propres. Il a dit que le peuple est souverain; c’est une vérité éternelle. Mais il a parlé de clémence; il a voulu établir entre les ennemis de la patrie une distinction dangereuse en ce moment. Quant à moi, je pense que quiconque n’a rien fait pour la liberté, ou n’a pas fait pour elle tout ce qu’il pouvait faire, doit être compté au nombre de ses ennemis. Danton. Je demande à relever un fait. Il est faux que j’aie dit qu’il fallait que le peuple se portât à l’indulgence; j’ai dit au contraire que le temps de l’inflexibilité et des vengeances natio¬ nales n’était point passé. Je veux que la terreur soit à l’ordre du jour; je veux des peines plus fortes, des châtiments plus effrayants contre les ennemis de la liberté; mais je veux qu’ils ne por¬ tent que sur eux seuls. Fayan. Danton a dit encore que nous faisons un essai du gouvernement républicain. Je suis bien loin de partager cette opinion. N’est-ce pas donner à penser qu’un autre gouvernement peut convenir au peuple? Non, nous n’aurons pas juré en vain la République ou la mort; nous aurons toujours la République. Danton. Je ne conçois pas qu’on puisse ainsi dénaturer mes idées. Il est encore faux que j’aie parlé d’un essai du gouvernement républicain. Et moi aussi je suis républicain, républicain impérissable. La Constitution est décrétée, et acceptée. Je n’ai parlé que du gouvernement provisoire; j’ai voulu tourner l’attention de mes collègues vers les lois de détail nécessaires pour parvenir à l’exécution de cette constitution républicaine. La proposition de Danton est décrétée au milieu des applaudissements. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité des secours pu¬ blics [Roger-Ducos, rapporteur (1)], sur les observations faites par le ministre de l’intérieur, relatives à l’exécution de la loi des 22 février et 14 août 1793 (vieux style), concernant les indemnités à accorder aux citoyens qui ont éprouvé ou qui éprouveront des pertes par l’inva¬ sion de l’ennemi, décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’article 3, omis dans la dernière rédaction de la loi du 27 février et 14 août, sera rétabli en ces termes : « Le conseil exécutif enverra sans délai dans « chaque département où l’ennemi a pénétré, « deux commissaires pris dans les départements « de l’intérieur, à l’effet de dresser procès-verbal « des dégâts qui y ont été commis, et constater « la perte que chaque citoyen aura faite. » Art. 2. « Les indemnités déterminées par des procès-verbaux dressés en conformité des précédentes lois, et antérieurement à la promulgation de celle des 27 février et 14 août, seront acquittées; mais les pertes ou dommages, à quelque époque qu’ils aient été effectués, qui n’auraient pas été constatés avant cette promulgation, le seront d’après le mode prescrit par la dernière loi des 27 février et 14 août. Art. 3. « La Convention nationale, expliquant l’ar¬ ticle 10 de la même loi, décrète que l’indemnité accordée aux fermiers pour les frais d’exploita¬ tion et de semences, ne pourra, en aucun cas, excéder l’évaluation du revenu net de l’héritage affermé, tel qu’il est porté dans les matrices des rôles, sans que les prix des baux puissent entrer en considération, ni dans l’intérêt des fermiers, ni dans celui des propriétaires. Art. 4. « La valeur des maisons des villes, des fa¬ briques, manufactures et moulins, sera égale¬ ment déterminée ainsi qu’il est prescrit par les articles 11 et 12 de la même loi, et d’après les (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales , carton C 282, dossier 787. 166 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j bases établies par celle du 23 novembre 1790, relative à la contribution foncière-Art. 5. « Le maximum des meubles meublants, dont on pourra être indemnisé, demeure fixé au double du revenu net, sans que néanmoins il puisse excéder une somme de 2,000 livres, les bestiaux et les instruments aratoires exceptés (1). » Suit le texte du rapport de Roger-Ducos, diaprés le document imprimé (2). Rapport et projet de décret sur les obser¬ vations FAITES PAR LE MINISTRE DE L’INTɬ RIEUR RELATIVES A L’EXÉCUTION DE LA LOI DES 27 FÉVRIER ET 14 AOUT 1793 (VIEUX STYLE), CONCERNANT LES INDEMNITÉS A ACCORDER AUX CITOYENS QUI ONT ÉPROUVÉ OU QUI ÉPROUVERONT DES PERTES PAR L’iN-VASION DE L’ENNEMI; PRÉSENTÉS AU NOM DU COMITÉ DES SECOURS PUBLICS PAR LE citoyen <1 Roger'! Ducos, député par le DÉPARTEMENT DES LANDES A LA CONVEN¬ TION nationale. ( Imprimés par ordre de la Convention nationale.) Citoyens, vous avez déclaré au nom de la République, qu’elle indemnisera tous les ci¬ toyens des pertes qu’ils ont éprouvées ou qu’ils éprouveront par l’invasion de l’ennemi sur le territoire français, ou par les démolitions ou coupes qu’exigerait notre défense commune. En proclamant cet engagement national, vous avez montré à tous les peuples la différence des guerres du despotisme avec celles d’un peuple qui se gouverne. Dans celles du despotisme, la gloire et les avantages ne se rapportent qu’aux tyrans ; les ravages et les malheurs en sont tout entiers pour le peuple; au contraire dans les guerres du peuple, la gloire et les avantages deviennent communs à chaque membre de la société; les malheurs en sont réparés à tous ceux qui les ont soufferts. Cependant ce grand acte de loyauté, de la part d’une nation qui fonde son gouvernement sur l’éternelle sagesse, sur la justice, ne devait point porter sur l’arbitraire, ne devait surtout s’exercer qu’en faveur du citoyen fidèle, qui, par son dévouement et son courage, mérite que la patrie vienne à son secours; car celui qui trahit son pays n’en mérite que l’animadversion ; en conséquence, vous décrétâtes, les 27 février et 14 août 1793 (vieux style), un mode juste et régulateur d’après lequel ces sortes de pertes seraient constatées et l’indemnité répartie. Mais, avant cette loi, et dans l’intervalle qui s’écoula jusqu’à ce qu’elle fût terminée, les besoins pressants auxquels l’implacable guerre de nos ennemis avait réduit une partie des ci¬ toyens de nos frontières, vous avaient déter¬ minés à mettre plusieurs sommes à la disposition du ministre de l’intérieur; vous prescrivîtes en (1) Proces-verbaux de la Convention, t. 26, p. 172. (2) Bibliothèque nationale s 11 pages in-8° Le38, n°, 581.; Archives de la�Chambre député ‘�Assemblée nationale, t. 16, p. 21.“ même temps des mesures partielles de réparti¬ tion que les circonstances critiques vous firent adopter pour venir plutôt au secours des ci¬ toyens en souffrance; enfin, l’impossibilité de reporter plus loin votre règlement définitif, à raison des variations qu’ont dû éprouver les fonds dévastés vous décida à décréter, le 19 juillet, que les secours seraient distribués d’après les procès-verbaux dressés antérieure¬ ment à la promulgation, de ce règlement, c’est-à-dire tels que vous aviez précédemment décrété que les pertes seraient constatées. Il est survenu des doutes au ministre de l’in¬ térieur sur l’exécution de ces lois, notamment sur celles des 27 février et 14 août; il vous les a soumis. Vous avez chargé votre comité des secours publics de les méditer, de vous en rendre compte: je viens m’en acquitter en son nom. 1° Le ministre remarque que l’article LV de la loi des 27 février et 14 août porte que chaque district nommera un commissaire qui s’ad¬ joindra à ceux du conseil exécutif, pour procéder tous ensemble aux opérations relatives à son ter¬ ritoire; il ajoute que cet article en suppose un précédent qui aurait enjoint au conseil exécutif de nommer des commissaires; que néanmoins l’article supposé ne se trouve pas dans la loi. 2° Il demande si le mode d’évaluation que la loi prescrit pour les indemnités doit seulement servir pour les dommages effectués depuis le 14 août, ou s’il doit s’appliquer à ceux qui ont eu lieu avant cette époque, même en 1792, lors de l’invasion des ennemis dans les départe¬ ments de la Meuse, de la Moselle, des Ardennes et du Nord. 3° Il ne lui paraît pas que la loi soit aussi claire pour procéder à l’évaluation de la perte éprouvée par le fermier, qu’elle l’est dans l’in¬ térêt du propriétaire; il demande des explica¬ tions sur l’article 10. 4° L’article 11 indiquant la contribution fon¬ cière pour base de la fixation des indemnités à accorder pour les maisons des villes, le mi¬ nistre observe que si la contribution foncière donne aisément le produit annuel de la maison, elle n’en donne pas la valeur, d’où il infère une nouvelle difficulté pour l’exécution de la loi. Il applique la même observation sur l’ar¬ ticle 12, relativement aux fabriques, manufac¬ tures et moulins. Tels sont les doutes proposés par le ministre. Voici les résultats des réflexions de votre comité. A l’égard de l’ article qui ne se trouve pas dans la loi, et qui est supposé enjoindre au conseil exé¬ cutif de nommer des commissaires pour procéder avec ceux des districts à l’évaluation des pertes ou indemnités, le ministre est fondé dans son observation; cependant, il a paru au comité que ce n’est là qu’une omission dans la réim¬ pression des articles qui ont été décrétés à plu¬ sieurs époques, et qu’il est essentiel que la con¬ vention nationale rétablisse. Le 27 février, il fut décrété neuf articles, dont le troisième était ainsi conçu: «Le conseil exécutif enverra sans délai, dans chaque département où l’ennemi a pénétré, deux commissaires pris dans les départements de |1’ intérieur, à. l’effet de dresser procès-verbal des dégâts qui y ont été commis, et constater la perte�que chaque citoyen a faite ». Cet article manque en effet dans la dernière rédaction de la loi qui eut lieu le 14 août; et il